Une arme chimique est un produit chimique toxique pouvant entraîner la mort, des blessures, une incapacité ou une irritation sensorielle. Cette arme est déployée par un système de lancement tel qu'un obus d'artillerie, une roquette ou un missile balistique. Les armes chimiques sont considérées comme des armes de destruction massive par le droit international.
Les principales formes d'armes chimiques sont les agents neurotoxiques, les agents vésicatoires, les agents suffocants et les agents sanguins. Ces agents sont classés en fonction de leur effet sur le corps humain.
- Agents neurotoxiques. Considérés comme les plus mortels des différentes catégories d'armes chimiques, ils peuvent être inhalés ou absorbés par la peau. Les agents neurotoxiques inhibent les capacités respiratoires et cardiovasculaires de l'organisme en provoquant de graves lésions du système nerveux central. Ils ont pour effet de tétaniser tous les muscles, y compris les poumons ou les muscles qui les contrôlent, ce qui entraîne une mort par asphyxie. Leur taux de létalité est très élevé. Les agents neurotoxiques les plus courants sont le sarin, le soman et le VX.
- Agents vésicants. Ils peuvent se présenter sous forme de gaz, d'aérosol ou de liquide et provoquer de graves brûlures et cloques sur la peau. Ils peuvent également entraîner des complications au niveau du système respiratoire en cas d'inhalation et du tube digestif en cas d'ingestion. Les formes courantes d'agents vésicants comprennent la moutarde au soufre, la moutarde à l'azote, la lewisite et l'oximine de phosgène.
- Agents suffocants. Toxines chimiques, elles attaquent directement le système respiratoire lorsqu'elles sont inhalées et provoquent une insuffisance respiratoire. Les formes courantes d'agents suffocants comprennent le phosgène, le chlore et la chloropicrine.
- Agents sanguins. Ils interfèrent avec la capacité du corps à utiliser et à transférer l'oxygène dans la circulation sanguine. Les formes courantes d'agents sanguins comprennent le chlorure d'hydrogène et le chlorure de cyanogène.
Les agents anti-émeutes, comme les gaz lacrymogènes, sont considérés comme des armes chimiques s'ils sont utilisés comme méthode de guerre. Les États peuvent légitimement posséder des agents anti-émeutes et les utiliser à des fins de maintien de l'ordre sur leur territoire, mais les États membres de la Convention sur les armes chimiques doivent déclarer le type d'agents anti-émeutes qu'ils possèdent.
Les armes chimiques ont été utilisées à grande échelle lors de la Première Guerre mondiale. Lors de la bataille d'Ypres, le 22 avril 1915 en Belgique, a eu lieu la première attaque chimique à grande échelle, au chlore gazeux. Au total, l’arme chimique a entraîné la mort de plus de 100 000 personnes et un million de victimes entre 1914 et 1918.
L’utilisation généralisée d’armes chimiques au cours de la Première Guerre mondiale a incité la communauté internationale à déployer des efforts pour limiter l’utilisation et la production d’agents chimiques qui empêchent les combattants et les civils de respirer. À cause de leur nature indiscriminée, les armes chimiques tuent ou blessent sans distinction.
La simplicité de production des armes chimiques (comparativement aux autres armes de destruction massive) explique aussi que la communauté internationale ait cherché à s’en prémunir en 1993 au moyen d’une convention spécifique.
Mais la production d'agents chimiques spécifiquement conçus pour servir d'armes s'est ensuite poursuivie jusqu'à récemment, par exemple :
- l’Irak a eu recours à des armes chimiques dans sa guerre contre l’Iran dans les années 1980, ainsi que contre sa population kurde à Halabja ;
- l’attaque au gaz sarin dans le métro de Tokyo en 1995 a montré que des mouvements ou groupes non étatiques recourant au terrorisme étaient susceptibles d’employer des armes chimiques à l’encontre des populations civiles ;
- l’utilisation répétée d’armes chimiques en Syrie, notamment à partir de 2013, a marqué une rupture dans le régime de non-prolifération chimique avec des débats dans les instances internationales dédiées ;
- des armes chimiques ont été utilisées en 2017 en Malaisie avec l’assassinat de Kim Jong-Nam, le demi-frère du dirigeant nord-coréen Kim Jong-un et en 2018 au Royaume-Uni avec la tentative d’assassinat de Sergei Skripal mais aussi en 2020 en Russie avec la tentative d’assassinat d’Alexei Navalny ;
- l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC) a annoncé le 18 novembre 2024 avoir découvert du gaz lacrymogène antiémeute CS utilisée par la Russie en Ukraine dans des échantillons fournis par l’Ukraine, ce qui contrevient à sa Convention sur l’utilisation d’armes chimiques.
Journée du souvenir dédiée à toutes les victimes de la guerre chimique le 30 novembre
Il y a dix ans en 2015, les Nations unies ont décidé qu'une Journée du souvenir serait désormais observée.
Les deux principaux textes qui s'appliquent aux armes chimiques sont le protocole de Genève de 1925 et la Convention sur l’interdiction des armes chimiques (CIAC) en 1993 :
- le premier fournit le cadre juridique international initial pour le contrôle de l’utilisation des armes chimiques ;
- le second établit des normes internationales qui interdisent la mise au point, la production, l’acquisition, le stockage, l’utilisation, le transfert ou la conservation d’armes chimiques pour tous les États parties à la Convention.
Le protocole de Genève de 1925
Dès la fin de la Première guerre mondiale, la communauté internationale a compris le danger des armes biologiques et a élaboré le protocole de Genève de 1925. Ce texte concerne "la prohibition d’emploi à la guerre de gaz asphyxiants, toxiques ou similaires et de moyens bactériologiques".
Le protocole de 1925 relève plus du droit humanitaire et du droit de la guerre que du droit du désarmement. Il ne prévoit pas l’interdiction des armes chimiques et biologiques mais impose l’interdiction de leur emploi à la guerre.
La Convention a été ouverte à la signature lors d’une cérémonie qui a eu lieu à Paris le 13 janvier 1993. Quatre ans plus tard, le 29 avril 1997, elle entrait en vigueur.
La France est également partie à la Convention sur l'interdiction de la mise au point, de la fabrication et du stockage des armes biologiques et à toxines (CIABT) depuis 1984.
La Convention est un traité international de désarmement. "Son existence est le résultat d’efforts internationaux qui remontent au XVIIe siècle, lorsque la France et l’Allemagne ont interdit l’emploi de balles empoisonnées", selon les Nations unies. Pour la première fois, en 1993, les États ont accepté de ne jamais, en aucune circonstance, mettre au point, fabriquer, acquérir, stocker, transférer ou utiliser des armes chimiques tout en acceptant de détruire de manière vérifiable leurs arsenaux chimiques :
- il s’agit du premier traité négocié dans un cadre multilatéral ;
- il interdit toute une catégorie d’armes de destruction massive ;
- il exige l'adhésion universelle et demande que les États membres déclarent toutes les armes chimiques et tous les sites d'armes chimiques, y compris les sites de recherche, de développement et d'essai ;
- il exige que tous les États détenteurs détruisent leurs stocks en toute sécurité ;
- il prévoit un régime de vérification et d'inspection sur place des engagements pris dans le cadre de la Convention et placé sous l'égide d'une institution indépendante, à savoir l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC) située à La Haye, aux Pays-Bas.
L'OIAC en chiffres
193 États se sont engagés à respecter la Convention sur l'interdiction des armes chimiques. Selon l'OIAC, 98% de la population mondiale vit sous la protection de la Convention. 100% des stocks d'armes chimiques déclarés par les États détenteurs ont été détruits de manière vérifiable estime l'OIAC.
La Convention sur les armes chimiques se compose d’un préambule, de 24 articles et de trois annexes : annexe sur les produits chimiques, annexe sur la vérification et annexe sur la confidentialité.
Les États parties doivent présenter des déclarations relatives à leurs armes chimiques, Ces déclarations servent de base à l’OIAC pour planifier des inspections et vérifier les destructions.
Les déclarations doivent inclure la quantité globale de chaque produit chimique déclaré, l’emplacement et l’inventaire de toutes les installations de stockage d’armes chimiques, ainsi que la forme des armes (agent chimique, munition...).
Chaque État partie peut déterminer comment il détruit ses armes chimiques mais les méthodes à forte incidence écologique (déversement en mer, enfouissement ou combustion à ciel ouvert) sont interdites.
Les technologies pour détruire les armes chimiques se divisent en deux groupes principaux :
- les technologies de destruction à haute température, comme la pyrolyse au plasma, l’incinération et les chambres d’explosion, associées à un système de traitement des effluents gazeux ;
- les technologies de destruction à basse température, telles que la neutralisation ou l’hydrolyse suivie de traitements secondaires des sous-produits obtenus (effluents, masse réactionnelle, hydrolysat...) comme le bitumage (encapsulation), la biodégradation ou la combustion en eau supercritique, avant élimination définitive conformément aux dispositions réglementaires nationales.
Des défis restent à relever
- Les violations les plus flagrantes et les plus systématiques de la Convention se sont produites ces dernières années en Syrie souligne l'Organisation des Nations unies.
- La contamination possible de la terre et des eaux du fait de la détérioration des armes chimiques qui ont été déversées en mer avant 1985 ou enfouies avant 1977. Bien que la Convention ne s’applique pas à ces munitions, cette préoccupation environnementale peut imposer de récupérer et d’éliminer ces munitions obsolètes.
- La dégradation et le vieillissement des agents chimiques et des munitions entreposés depuis plus d’un demi-siècle rendent la manipulation et le transport de la zone de stockage jusqu’à l’installation de destruction très dangereux.