Évaluation des entreprises d'insertion par le travail indépendant

Remis le :

Auteur(s) : Erik Rance ; Christine Branchu

Auteur(s) moral(aux) : Inspection générale des affaires sociales

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Le rapport établit une évaluation de l'expérimentation introduite par la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Celle-ci vise à permettre à des personnes sans emploi, rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières, d'exercer une activité professionnelle, en bénéficiant d'un service de mise en relation avec des clients et d'un accompagnement socioprofessionnel, réalisés par une entreprise d'insertion par le travail indépendant.

Les entreprises d'insertion par le travail indépendant (EITI), relevant de l'insertion par l'activité économique, perçoivent de l'Etat une aide au poste. Au premier trimestre 2023, la Direction générale de l'emploi et de la formation professionnelles recensait 56 EITI et la plate-forme de l'inclusion 1 468 emplois à temps plein (ETP).

L'insertion par le travail indépendant peut être une solution adaptée à des publics éloignés de l'emploi qui ont connu des expériences difficiles dans le salariat, ou à des publics qui, pour diverses raisons (santé, garde d'enfants…), estiment qu'un contrat de travail salarié est incompatible avec leur besoin de flexibilité horaire. Cependant, la mission d'inspection note que l'objectif même de l'expérimentation n'a pas clairement été précisé : il n'a notamment pas été spécifié si le but était que l'activité créée permette au bénéficiaire de retirer un chiffre d'affaires suffisant pour couvrir les coûts d'exploitation et retirer un bénéfice lui permettant de vivre ou seulement d'en retirer un revenu accessoire.

En outre, le statut de travailleur indépendant sous le régime de la microentreprise, qui est celui de la quasi-totalité des personnes accompagnées par les EITI, comporte un degré de protection sociale moindre par rapport au statut de salarié et des risques de dépendance économique exclusive vis-à-vis de l'apporteur d'affaires, c'est-à-dire l'EITI, voire des risques de requalification en salariat.

Aussi, le rapport propose de soumettre les conventions liant les EITI à l'Etat à un cahier des charges. Celui-ci doit inclure des garanties de partenariat en amont avec les spécialistes de la création d'entreprise, capables d'évaluer la pertinence du projet d'entreprise ainsi que l'insertion de l'EITI dans un écosystème suffisamment étayé pour assurer la continuité de l'accompagnement en cas d'échec du projet.

Ce cahier des charges devrait prévoir un objectif clairement défini d'autonomisation du travailleur indépendant, tant en termes de compétences que de développement de sa propre clientèle, à la sortie du parcours en EITI ainsi que les modalités et la qualité des moyens d'accompagnement mis en œuvre. Les indicateurs de sorties en emplois doivent être adaptés au travail indépendant et complétés par des indicateurs fiables sur la levée des freins sociaux comme cela était proposé pour l'ensemble des structures d'IAE par le précédent rapport de l'Inspection générale des affaires sociales.


S'agissant du financement de l'expérimentation, les modalités de versement de l'aide au poste de 6 287 € pour 1 505 heures travaillées par travailleur indépendant sont inadaptées au travail indépendant pour lequel, contrairement au salariat, le volume horaire n'est pas une variable pertinente et le fort niveau de subventionnement des EITI (à 85 %) ne garantit pas leur pérennité.

La mission propose de forfaitiser l'aide au poste pour tenir compte des coûts d'accompagnement les premiers mois, puis d'introduire progressivement une part variable, déclenchée si une évolution du chiffre d'affaires global des travailleurs indépendants suivis par l'EITI est constatée sur plusieurs mois et attribuée sur des critères tenant compte du degré d'éloignement de l'emploi, de la qualité de l'accompagnement d'insertion professionnelle et sociale et de formation.

Pour s'assurer à terme d'une solidité suffisante du modèle économique de chaque EITI, ces dernières doivent nouer des partenariats afin de diversifier les modes de financement pour parvenir à un rééquilibrage progressif entre contributions publiques et recettes propres.

SYNTHESE  
RECOMMANDATIONS DE LA MISSION  

1 L'EXPERIMENTATION DES EITI EST MONTEE EN CHARGE RAPIDEMENT

1.1 L'EXPERIMENTATION A ETE CREEE PAR LA LOI DU 5 SEPTEMBRE 2018 
1.1.1 Le dispositif s'inscrit dans un contexte de développement de l'autoentrepreneuriat qui comporte des avantages et des risques 
1.1.2 Les EITI perçoivent des aides publiques 
1.1.3 Faute de lignes directrices nationales, les directions départementales de l'emploi, du travail et des solidarités utilisent des critères divers pour apprécier les projets d'EITI 
1.1.4 Le secteur des EITI a connu une certaine dynamique depuis trois ans, même si, à l'instar du reste de l'IAE, le recrutement reste en-deçà des objectifs fixés

1.2 LE DISPOSITIF EXPERIMENTAL A ETE MIS EN PLACE SANS PROTOCOLE D'EVALUATION ET AVEC DES OBJECTIFS IMPRECIS 
1.2.1 Les objectifs étaient imprécis 
1.2.2 Aucun protocole d'évaluation n'a été prévu 

1.3 LES MODELES DE FONCTIONNEMENT DES EITI SONT TRES DIVERS 
1.3.1 L'offre des EITI est très concentrée tant sur le plan organisationnel que territorial
1.3.2 Les modèles économiques d'EITI sont très variés 

2 LES RESULTATS DE L'EXPERIMENTATION SONT, A CE STADE, TRES DIFFICILES A EVALUER 

2.1 SI LES TRAVAILLEURS INDEPENDANTS REPONDENT AUX CRITERES DE L'IAE, ILS DISPOSENT D'UN NIVEAU DE DIPLOME SENSIBLEMENT PLUS ELEVE QUE LES SALARIES DE L'IAE 
2.1.1 Les publics en EITI répondent aux critères de l'IAE 
2.1.2 Les conseils départementaux et, dans une moindre mesure, Pôle Emploi sont moins représentés dans la prescription des parcours en EITI que pour l'ensemble des parcours en IAE .Erreur ! Signet non défini

2.2 MALGRE UN FINANCEMENT PAR LES CONCOURS PUBLICS A HAUTEUR DE 85 %, L'EQUILIBRE FINANCIER DES EITI N'EST PAS TOUJOURS ASSURE  
2.2.1 Les EITI sont financées à hauteur de 85 % par des concours publics  
2.2.2 La situation financière des EITI est contrastée 

2.3 FAUTE DE RECUL ET DE DONNEES, IL N'EST PAS POSSIBLE, A CE STADE, DE DRESSER UN REEL BILAN 
2.3.1 Les données sur les sorties sont trop récentes et insuffisantes pour juger de la qualité des parcours 
2.3.2 Les indicateurs de retour à l'emploi ne permettent pas d'évaluer l'ensemble des actions des EITI comme pour l'ensemble des SIAE 

2.4 COMPOSANTE ESSENTIELLE DE L'INSERTION PAR L'ACTIVITE ECONOMIQUE, LA FORMATION PROFESSIONNELLE EST QUASIMENT ABSENTE DU PARCOURS EN EITI 

2.5 LES TEMOIGNAGES DE TRAVAILLEURS INDEPENDANTS DES EITI RECUEILLIS PAR LA MISSION ILLUSTRENT UNE MECONNAISSANCE DU FONCTIONNEMENT DE L'INSERTION PAR L'ACTIVITE ECONOMIQUE ET UNE PERCEPTION TENUE DE L'ACCOMPAGNEMENT PRODIGUE  

3 LES EITI ARTICULENT INSUFFISAMMENT LEURS ACTIONS AVEC LES AUTRES ACTEURS DE L'ACCOMPAGNENT A LA CREATION ET AU DEVELOPPEMENT D'ENTREPRISES 

3.1 LES ACTEURS DU PROGRAMME D'INCLUSION PAR LE TRAVAIL INDEPENDANT (PITI) NE SONT PAS SUBSTITUABLES AUX EITI FAUTE D'ACCOMPAGNEMENT SOCIAUX PROFESSIONNELS MAIS PEUVENT FOURNIR UN APPUI AUX EITI 

3.2 LES COOPERATIVES D'ACTIVITE ET D'EMPLOI (CAE) SUPPOSENT UNE AUTONOMIE SUPERIEURE A CELLE DES PERSONNES ACCOMPAGNEES DES EITI MAIS PEUVENT ETRE UNE SOLUTION DE RELAI A LA SORTIE DU PARCOURS EN EITI 

3.3 D'AUTRES HYPOTHESES, QUE LA MISSION N'A PAS RETENUES, ONT ETE EVOQUEES PAR DES INTERLOCUTEURS DE LA MISSION  
3.3.1 Les associations d'activité réduite n'ont pas été relancées 
3.3.2 Une évolution vers le quasi-salariat demeure une simple hypothèse à ce stade 

4 LA MISSION RECOMMANDE DE PROROGER L'EXPERIMENTATION POUR DEUX ANS EN L'ENCADRANT ET FIXANT, EN AMONT, UN CADRE D'EVALUATION 

4.1 L'EXPERIMENTATION D'ENTREPRISES D'INSERTION PAR LE TRAVAIL INDEPENDANT CORRESPOND A UN BESOIN RECONNU PAR L'ENSEMBLE DES ACTEURS POUR UNE POPULATION PARTICULIERE ELOIGNEE DE L'EMPLOI MAIS IL CONVIENT DE MIEUX PRECISER LES OBJECTIFS ET LE PUBLIC VISE 

4.2 UN NOUVEAU MODELE DE CONVENTION DES EITI DOIT ETRE APPLIQUE DES 2023 

4.3 IL EST NECESSAIRE D'INTRODUIRE UNE OBLIGATION D'INDIVIDUALISATION DE LA STRUCTURE EITI QUAND ELLE EST ADOSSEE A UNE AUTRE STRUCTURE 

4.4 LES FREINS A LA FORMATION DOIVENT ETRE RAPIDEMENT LEVES 

4.5 IL CONVIENT DE REDEFINIR L'AIDE AU POSTE 
4.5.1 Il est nécessaire de faire évoluer les modalités de versement de l'aide au poste 
4.5.2 Il existe un large accord pour estimer nécessaire une évolution du calcul de l'aide au poste
4.5.3 Il est nécessaire de faire évoluer l'aide au poste dans le cadre d'une réflexion globale sur le financement de l'insertion par l'activité économique 

4.6 LA PROROGATION DE L'EXPERIMENTATION DOIT ETRE PRECEDEE D'UNE CONCERTATION APPROFONDIE AVEC L'ENSEMBLE DES ACTEURS 

LISTE DES ANNEXES 
ANNEXE 1 : PRESENTATION ANONYMISEE ET SYNTHETISEE DE PARCOURS DE TI EN EITI 
ANNEXE 2 : REFLEXIONS SUR L'INCLUSION PAR LE TRAVAIL INDEPENDANT : CONSTATS ET PROPOSITIONS DU COLLECTIF EITI- AVRIL 2023 
ANNEXE 3 : CONTRIBUTION DE LA FEDERATION DES ENTREPRISES D'INSERTION AU RAPPORT IGAS MARS 2023  
ANNEXE 4 : LES COOPERATIVES D'ACTIVITES ET D'EMPLOIS
ANNEXE 5 : LE DEVELOPPEMENT DE LA MICRO-ENTREPRISE 
1 L'EXPERIMENTATION S'INSCRIT DANS LE CADRE D'UN FORT DEVELOPPEMENT DE L'AUTOENTREPRENEURIAT 
2 LA MICRO- ENTREPRISE COMPORTE DES ASPECTS POSITIFS POUR LE PUBLIC DE L'IAE 
3 MAIS L'AUTO-ENTREPRENARIAT COMPORTE DES RISQUES DE PRECARITE ET DE SALARIAT DEGUISE 
LE STATUT COMPORTE DES RISQUES DE PRECARITE 

LISTE DES PERSONNES RENCONTREES
SIGLES UTILISES 
LETTRE DE MISSION 

  • Type de document : Rapport d'inspection
  • Pagination : 97 pages
  • Édité par : Inspection générale des affaires sociales