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La loi de programmation militaire (LPM) pour les années 2014 à 2019 prévoyait des objectifs de déflation des effectifs du ministère de la défense pour l'ensemble de cette période de programmation. A la suite des attentats du mois de janvier 2015, le président de la République a annoncé une profonde révision de ces objectifs afin de permettre un renforcement significatif de la protection du territoire national (Opération « Sentinelle »). La première partie du rapport propose un bilan des dispositions de la LPM sur les effectifs, incluant les réflexions et discussions relatives à la révision des cibles de déflation. Si l'objectif premier de cette révision était de renforcer les effectifs des forces requises pour la protection du territoire national, la mission estime que celle-ci a aussi pour objet de pallier certaines difficultés liées au plan de déflation jugé ambitieux des effectifs du ministère de la défense arrêté en 2013. Dans une seconde partie, la mission revient sur les effets de la décision de la Cour européenne des droits de l'homme qui, dans deux arrêts, a reconnu que la liberté d'association garantie par la Convention de Rome s'étend aux militaires. Au terme de leurs travaux, les rapporteurs appellent, dans un premier temps au moins, à la prudence afin de ne pas déstabiliser le fonctionnement des forces armées « par une réforme trop brutale » et compte tenu de l'incertitude autour du futur paysage associatif des personnels militaires.
INTRODUCTION
PREMIÈRE PARTIE : LA « MANŒUVRE RH »
I. UN AJUSTEMENT DE LA « MANŒUVRE RH » PLANIFIÉE EN 2013 S’EST RAPIDEMENT AVÉRÉ INDISPENSABLE
A. LA LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE 2014-2019 PRÉVOYAIT UNE « MANŒUVRE DES RESSOURCES HUMAINES » AMBITIEUSE
1. Un remodelage profond des effectifs du ministère de la Défense
a. La juxtaposition de deux plans de déflation des effectifs du ministère de la Défense
i. La poursuite des déflations planifiées en 2008 et 2009, portant sur 10 175 postes
ii. Un plan de déflation supplémentaire, portant sur 23 500 emplois
b. Des objectifs complémentaires de « dépyramidage », de « rééquilibrage des effectifs entre civils et militaires » et de maîtrise des dépenses de personnel
i. Un objectif chiffré de « dépyramidage » des effectifs
ii. Une volonté de « rééquilibrage des effectifs entre civils et militaires »
iii. Un impératif de maîtrise des dépenses de personnel
2. Des leviers nouveaux pour permettre aux gestionnaires des ressources humaines d’atteindre les objectifs fixés
a. Un levier organisationnel : la « nouvelle gouvernance des ressources humaines » du ministère de la Défense et la mobilisation des services compétents pour la reconversion des personnels
b. Des leviers financiers : les aides au départ des personnels militaires et civils
B. LA MISE EN ŒUVRE DE LA « MANŒUVRE DES RESSOURCES HUMAINES » S’EST HEURTÉE À DES DIFFICULTÉS DIRIMANTES, PAS TOUTES PRÉVISIBLES
1. Le renforcement de la protection du territoire national après les attentats de janvier 2015, avec l’opération Sentinelle
a. Un déploiement remarquablement rapide de nos forces sur le territoire national
i. L’opération Sentinelle
ii. La mise en œuvre du plan Cuirasse
b. Un déploiement impossible à « tenir dans la durée » sans effectifs supplémentaires, principalement pour l’armée de terre
i. L’« équation RH » très tendue de l’armée de terre
ii. Des difficultés qui pèsent aussi sur les autres armées
2. L’objectif de déflation s’est avéré incompatible avec le maintien des capacités opérationnelles fixées par le Livre blanc
a. Au lieu de découler d’un schéma d’organisation fondé sur des analyses fonctionnelles approfondies, l’objectif de déflation a été érigé en « clé de voûte » de la « manœuvre RH »
i. Une méthode qui ne correspond pas aux techniques habituelles de gestion des ressources humaines
ii. Un « pilotage par les effectifs » qui ne garantit pas la cohérence de l’outil militaire
b. Dès lors, l’objectif de déflation n’aurait pu être tenu qu’au prix de déflations « aveugles » : pertes de compétences et suppressions de capacités opérationnelles
i. Dès le début de la programmation, le taux d’emploi des forces est déjà très élevé et le fonctionnement de certains services de soutien connaît déjà des tensions
ii. Les réorganisations fonctionnelles ne suffisent plus à dégager des marges de manœuvre pour les déflations
iii. Le « pilotage par les effectifs » risque de conduire à des effets d’aubaine dans l’attribution des aides au départ ainsi qu’à des pertes de compétences critiques
iv. L’impact des plans annuels de déflation sur le moral des armées n’est pas à négliger
II. LA RÉVISION ANNONCÉE DES CIBLES DE DÉFLATION EST NÉCESSAIRE MAIS PAS SUFFISANTE POUR GARANTIR UNE « MANŒUVRE RH » ÉQUILIBRÉE
A. DEUX OBJECTIFS DISTINCTS : ÉVITER DES DÉFLATIONS EXCESSIVES DANS L’ENSEMBLE DU MINISTÈRE ET DONNER AUX ARMÉES LES MOYENS D’ASSURER DANS LA DURÉE LA PROTECTION DU TERRITOIRE NATIONAL
1. La révision des cibles de déflation doit permettre de stabiliser les effectifs du ministère de la Défense
a. Une réaction rapide après les attentats de janvier 2015
b. Un scénario « haut » qui conduirait à stabiliser les effectifs du ministère de la Défense
2. Deux mouvements parallèles et distincts : la poursuite de la réforme pour l’ensemble du ministère de la Défense et le renforcement des capacités opérationnelles nécessaires à la protection du territoire
a. La réduction des cibles de déflation ne met pas un terme à l’effort d’optimisation du ministère de la Défense : la « manœuvre RH » continue, sur des bases aménagées
b. Une manœuvre à part entière : l’accroissement du format de la force opérationnelle terrestre nécessaire au maintien d’un haut niveau de protection du territoire
i. S’agissant des personnels à recruter pour des missions de renseignement
ii. S’agissant des personnels à recruter pour la mission Sentinelle et le « plan Cuirasse »
B. RÉVISER LES CIBLES DE DÉFLATION NE SUFFIT PAS À GARANTIR LA COHÉRENCE ET L’ÉQUILIBRE DE LA « MANŒUVRE RH », QUI RESTE CONFRONTÉE À DIFFÉRENTS DÉFIS
1. Adosser la « manœuvre RH » à des analyses fonctionnelles partagées, pour éviter à la fois l’application homothétique des déflations et les tensions entre armées, directions et services
a. La répartition des premières « moindres déflations »
b. La répartition des « moindres déflations » à venir
2. Poursuivre les efforts visant à passer d’une gestion par statut et par grade à une véritable gestion prévisionnelle des emplois et des compétences
a. L’intérêt d’une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences
b. Des outils de gestion prévisionnelle des effectifs, des emplois et des compétences (GPEEC) en cours de déploiement au sein du ministère de la Défense
3. Promouvoir un nouveau modèle de carrière pour les officiers, en organisant très en amont une reconversion dans le secteur civil
a. Un nouveau mode de gestion des carrières, au cœur d’un nouveau « modèle RH » du ministère de la Défense
i. La reconversion des officiers des forces constitue un défi
ii. Une reconversion se préparant très en amont
b. Une inflexion encore inégalement partagée des pratiques de gestion
4. Veiller à ce que les marges de manœuvre dégagées par la révision des cibles de déflation soient effectivement consacrées au renforcement de nos capacités opérationnelles
SECONDE PARTIE : LE DROIT D’ASSOCIATION DES MILITAIRES
I. LA FRANCE N’A PAS D’AUTRE CHOIX QUE DE CONFORMER SON DROIT À LA JURISPRUDENCE EUROPÉENNE RECONNAISSANT AUX MILITAIRES LE DROIT DE CONSTITUER ET D’ADHÉRER À DES GROUPEMENTS PROFESSIONNELS
A. LA COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME A RECONNU QUE LA LIBERTÉ D’ASSOCIATION GARANTIE PAR LA CONVENTION DE ROME S’ÉTEND AUX MILITAIRES
1. Conformément à la tradition française de « cantonnement juridique » des militaires, le code de la défense leur interdit aujourd’hui de constituer des groupements professionnels ou d’y adhérer
a. Une interdiction qui s’inscrit dans un ensemble de droits et de sujétions spéciales, découlant de la spécificité de l’état militaire
b. Une interdiction compensée par la mise en place d’un cadre institutionnel de concertation
i. La possibilité d’un dialogue individuel
ii. La possibilité d’un dialogue collectif, qui s’appuie sur trois piliers
2. Par deux arrêts en date du 2 octobre 2014, la Cour européenne des droits de l’homme a considéré que cette interdiction était incompatible avec le principe de la liberté d’association
a. Les arrêts de la Cour impliquent non seulement d’autoriser les groupements professionnels de militaires, mais aussi de respecter les éléments essentiels de la « liberté syndicale »
b. Les arrêts de la Cour laissent néanmoins à la France la possibilité d’aménager les modalités d’exercice de la « liberté syndicale » en tenant compte de la spécificité des armées
B. LE GOUVERNEMENT A FAIT LE CHOIX D’ACQUIESCER AUX ARRÊTS DE LA COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME
1. Une étude approfondie menée pour le compte du Gouvernement par le président Bernard Pêcheur
a. Les « motifs sérieux » que la France pourrait invoquer à l’appui d’une demande de renvoi
b. Les chances de succès d’une telle demande étaient toutefois « faibles, voire nulles »
2. La contribution apportée au débat public par la commission de la Défense nationale et des forces armées
a. L’audition de professeurs de droit spécialistes de la matière a permis à la commission de confronter les arguments en faveur d’une demande de renvoi et ceux qui plaidaient pour un acquiescement aux arrêts
i. Des opinions divergentes quant à l’opportunité d’une demande de renvoi devant la Grande Chambre de la Cour
ii. L’absence d’obligation de créer des syndicats militaires
b. La commission a tenu à suivre les travaux du président Bernard Pêcheur
II. LES INCERTITUDES SUR CE QUE SERA LA VIE ASSOCIATIVE MILITAIRE, AVEC LES RISQUES QUI S’Y ATTACHENT DANS UN CONTEXTE DE « MANŒUVRE RH » COMPLEXE, PLAIDENT EN FAVEUR D’UNE APPROCHE PRUDENTE
A. IL EST TRÈS DIFFICILE D’ANTICIPER CE QUE SERA LE PAYSAGE ASSOCIATIF DES MILITAIRES
1. L’adhésion aux futures associations nationales professionnelles de militaires sera-t-elle massive, ou plus marginale ?
a. Personne ne perçoit de véritable appétence pour les associations nationales professionnelles de militaires
b. Néanmoins, si l’outil existe, il est probable que certains s’en serviront
2. Quelle sera la posture des futures associations professionnelles nationales de militaires vis-à-vis de l’institution militaire ?
a. Certains requérants aux affaires jugées le 2 octobre 2014 par la Cour européenne des droits de l’homme plaident en faveur d’une action associative de dialogue sur les aspects généraux des intérêts matériels et moraux des armées
i. Une ambition : la défense de la place du militaire dans notre société
ii. Un risque : la politisation
b. D’autres requérants envisagent de développer des activités de soutien aux militaires dans leurs contentieux individuels avec l’institution
B. LES RAPPORTEURS PLAIDENT EN FAVEUR D’UNE APPROCHE PRUDENTE, AU BESOIN PROGRESSIVE, DANS LA RECONNAISSANCE ET LA MISE EN ŒUVRE DE LA LIBERTÉ D’ASSOCIATION PROFESSIONNELLE DES MILITAIRES
1. Conserver, au prix de quelques adaptations, le dispositif actuel de concertation
a. Le système actuel de concertation donne satisfaction aux personnels comme à la hiérarchie militaire
b. Pour éviter un système de double représentation des personnels, avec les risques de conflits de légitimité que cela comporte, l’intégration des associations nationales professionnelles de militaires représentatives au sein de ce système de concertation est judicieuse
i. Une intégration de droit au système de concertation : le dispositif de représentativité envisagé
ii. Une intégration de fait au système de concertation : l’émergence prévisible de candidats des associations nationales professionnelles de militaires dans les dispositifs électifs existants
2. Des associations, oui ; mais pas de « syndicalisme » au sens classique
a. L’exigence constitutionnelle de libre disposition des forces armées fait obstacle à ce que le droit syndical commun soit étendu aux militaires
i. Limiter l’objet des associations à la condition militaire, pour éviter tout empiétement sur les pouvoirs de l’État en matière d’organisation et d’emploi des forces
ii. Interdire, par des règles strictes, la constitution d’associations catégorielles qui saperaient l’unité de l’outil militaire
iii. Rappeler avec force les spécificités du statut militaire : disponibilité, devoir de réserve, obligation de neutralité, interdiction de faire grève
iv. Ne pas confondre « dialogue social » et « cogestion » des armées
b. Prendre d’emblée des mesures permettant aux futures associations nationales professionnelles de militaires de rester, en droit comme en fait, indépendantes des syndicats civils
i. Donner à ces associations des moyens matériels suffisants pour exister par elles-mêmes
ii. Ne pas chercher à les marginaliser dans le dialogue social au sein des forces armées
3. La prudence plaide en faveur d’associations nationales professionnelles de militaires réservées aux seuls militaires en activité et réservistes, mais pas aux retraités
a. Les propositions du président Bernard Pêcheur : interdire aux retraités d’adhérer aux associations nationales professionnelles de militaires, et exclure les retraités du CSFM
b. La vive opposition des associations de militaires en retraite
c. La position plus conciliante des responsables des associations de militaires existant à ce jour
d. Une solution équilibrée : faire toute leur place aux militaires retraités, c’est-à-dire les intégrer au CSFM, mais pas dans des associations dédiées à la condition militaire actuelle
4. Garantir la bonne information du Parlement sur les questions liées à la condition militaire
EXAMEN EN COMMISSION
ANNEXES
ANNEXE 1 : LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURS
ANNEXE 2 : LISTE DES DÉPLACEMENTS DES RAPPORTEURS
- Type de document : Rapport parlementaire
- Pagination : 144 pages
- Édité par : Assemblée nationale
- Collection : Documents d'information de l'Assemblée nationale
- Numéro dans la série : 2745