Texte intégral
UNE FRANCE ACTIVE
Le plein emploi d'ici la fin de la décennie, tel est l'objectif que j'ai fixé, tel est l'objectif que nous pouvons atteindre. Jusqu'en 1997, la résignation s'était installée. Depuis 1997, nous avons conduit une action volontariste, notamment à travers les 35 heures et les emplois jeunes. Nous avons fait de la lutte contre le chômage notre priorité absolue. Nous avons montré que la société française n'était pas condamnée au chômage de masse ; que notre économie pouvait connaître une croissance durablement supérieure à celle de ses grands partenaires ; que la France pouvait créer massivement des emplois - depuis 1997, notre pays compte 1800 000 emplois de plus et 900 000 chômeurs de moins. Ainsi, nous avons commencé à reconquérir l'espérance.
Cependant, il reste plus de 2 000 000 de chômeurs en France et un trop grand nombre de nos concitoyens connaît encore la précarité. Le combat n'est donc pas encore gagné - loin de là. Il le sera à force de persévérance, d'imagination et de volonté : nous devons, à nouveau, faire reculer le chômage de 900 000 en cinq ans.
Favoriser une croissance forte et créatrice d'emplois
Nous continuerons à mettre en oeuvre une stratégie active pour la croissance économique. L'économie mondiale connaît depuis le printemps 2001 un très fort ralentissement. La reprise peut et doit être rapide. Une croissance moyenne au moins égale à 3 % par an est notre objectif pour la législature.
La politique budgétaire, tout en mettant l'accent sur la maîtrise des dépenses et la réduction des déficits, favorisera les dépenses de sécurité et de justice ainsi que les dépenses d'avenir : éducation, formation, recherche, société de l'information, environnement. Nous poursuivrons des baisses d'impôts favorisant l'emploi, la justice sociale et les revenus d'activité.
L'émergence, le développement et la diffusion des technologies de l'information et de la communication dans l'ensemble du système productif va modifier profondément les équilibres économiques dans le monde. En changeant notre façon de produire, de consommer et aussi notre développement urbain, elles portent en germe une nouvelle révolution industrielle.
Nous avons, depuis 1997, fait entrer la France dans la société de l'information. La maîtrise de ces nouvelles technologies pour tous doit relever d'un véritable service public. Nous le développerons en mettant l'accent sur l'équipement des jeunes, en association avec les collectivités locales, avec l'objectif d'un ordinateur relié à l'Internet pour cinq élèves dans chaque école primaire, d'un ordinateur par famille pour les collégiens et les lycéens, d'un portable par étudiant.
Parallèlement, nous adapterons aussi notre droit, pour assurer une bonne régulation de l'Internet, pour protéger la vie privée et éviter les excès de la marchandisation.
Le secteur public et la politique industrielle contribuent à cette stratégie de croissance et de compétitivité. Deux priorités nous guideront dans ce domaine. Nous devrons consolider et promouvoir les principes du service public dans le cadre de l'intégration européenne. Il faudra aussi que nos entreprises publiques nouent des alliances pour assurer leur développement international. C'est là l'intérêt national: les objectifs de politique industrielle guideront nos décisions. Nous rechercherons naturellement le consensus des salariés sur les évolutions souhaitables.
Nous poursuivrons une action déterminée en faveur de l'innovation et de la création d'entreprise, moteurs de la croissance et de l'emploi, notamment pour la création d'un brevet communautaire.
Pour les très petites entreprises, celles de moins de cinq salariés, et en particulier pour les artisans et commerçants, nous instaurerons un chèque emploi-salarié qui, à la manière du chèque emploi-service, déchargera l'employeur des démarches administratives.
Créer un gouvernement économique de l'Europe
C'est sous notre impulsion que l'Europe a affirmé au sommet de Lisbonne, en 2000, sa volonté de retrouver le plein emploi et de maintenir un objectif de croissance d'au moins 3 %. Croissance, emploi et développement du modèle social européen restent nos priorités. Maintenant que le passage à l'euro est réalisé et réussi, nous devons nous doter d'un véritable gouvernement économique de la zone euro, agissant en contrepoint de la politique monétaire menée par la Banque Centrale Européenne (BCE), qui devra favoriser les objectifs de croissance et d'emploi.
A cet effet:
- La coordination des politiques économiques doit être considérablement accrue, pour pouvoir réagir avec efficacité aux chocs extérieurs. Je propose, pour l'impôt sur les sociétés, que les assiettes soient harmonisées et qu'un taux minimum soit fixé. Ce serait la première étape vers un impôt européen.
Je propose, par ailleurs, pour pouvoir harmoniser la fiscalité en Europe, que les décisions fiscales susceptibles d'affecter le marché intérieur soient prises à la majorité qualifiée et non plus à l'unanimité. Il doit en être de même pour ce qui concerne l'harmonisation sociale.
- Le rôle de "l'eurogroupe", composé des ministres de l'Economie et des Finances, qui pilote la politique économique de la zone euro, doit être consacré, notamment à travers un président élu par ses pairs.
Ainsi, se nouera enfin, comme cela existe aux Etats-Unis, un véritable dialogue entre une banque centrale indépendante et l'instance politique légitime que nous appelons gouvernement économique européen.
Développer la formation tout au long de la vie
Nous le savons bien: le progrès des techniques, la compétition entre les entreprises, la mobilité des personnes bouleversent la vie professionnelle. Les métiers se transforment aussi. Chacun doit pouvoir participer à ces changements et valoriser son talent en faisant évoluer ses qualifications. Je veux donner à tous la garantie personnelle de pouvoir le faire tout au long de leur vie active.
Mettre en place les moyens de cette formation tout au long de la vie, c'est construire un nouveau droit social, une nouvelle sécurité collective pour les salariés. C'est pourquoi la formation tout au long de la vie sera l'un des objectifs majeurs du quinquennat.
Pour y parvenir, je propose deux orientations: donner à chacun les ressources financières de cette formation et mettre en place les moyens pour accueillir tous ceux qui voudront en bénéficier.
Pour mettre en oeuvre ce nouveau droit, je propose que chaque salarié soit doté d'un compte-formation. Comme un compte-épargne, il comportera des droits à la formation qui pourront être utilisés tout au long d'une carrière professionnelle, y compris en cas de chômage.
Ce compte doit financer à la fois un revenu pendant la formation et le coût de cette formation. Ce grand projet devra associer les partenaires sociaux, l'Etat et les régions.
J'inviterai donc le Gouvernement à inscrire cette question dans le dialogue avec les partenaires sociaux que je lui demanderai d'engager dans le cadre d'une Conférence économique et sociale nationale et qu'il prolongera ensuite avec les régions.
Pour mettre en place les moyens d'accueil de tous ceux qui souhaitent bénéficier de ce nouveau droit, je propose de faire travailler en cohérence l'ensemble des outils d'enseignement professionnel dont dispose notre pays. Il s'agit de rendre plus efficaces tous les moyens disponibles, à tous les niveaux de qualifications et dans toutes les formes d'apprentissage.
Améliorer le système d'aides à l'emploi
Nous mettrons en place un nouveau contrat de retour à l'emploi, combinant la formation, l'emploi et l'accompagnement. Ce contrat de travail unifié sera mis en oeuvre dans le secteur non marchand, mais également dans l'économie marchande. Il se substituera aux dispositifs existants, à l'exception des emplois jeunes dont la pérennité sera assurée. Il s'étendra à des personnes qui n'en bénéficient pas actuellement.
Il répondra en particulier aux difficultés des chômeurs de plus de 50 ans et à tous ceux qui restent exclus du marché du travail au terme d'un parcours d'insertion: 200 000 contrats de retour au travail leur seront affectés.
Il me paraît indispensable que nous changions nos attitudes collectives à l'égard des plus de 50 ans, notamment en mettant fin aux discriminations à l'encontre des travailleurs âgés et à leur mise à l'écart précoce par les employeurs. Pour cela, je demanderai au Gouvernement de préparer un plan pour l'emploi des plus de 50 ans.
Parallèlement, nous continuerons à promouvoir une société du travail. Il n'est pas normal qu'un homme ou une femme vivant du RMI et qui retrouve un emploi ne connaisse pas une augmentation significative de son pouvoir d'achat. C'est pour cela que nous avons créé la prime pour l'emploi. Nous allons amplifier cet effort tant pour des raisons de justice sociale que pour encourager le retour à l'emploi.
Enfin, je propose d'ouvrir avec les partenaires sociaux une négociation, afin de définir les moyens de lutter contre la précarité et de favoriser l'emploi de qualité.
UNE FRANCE SURE
La lutte contre l'insécurité est, pour moi, une exigence primordiale. La sécurité est un droit. Les piliers d'une politique globale ont été mis en place au cours de la dernière législature : conseil de sécurité intérieure ; contrats locaux de sécurité ; police de proximité ; centres d'éducation renforcée ; centres de placement immédiat ; maisons de la justice et du droit ; augmentation des moyens de la justice et des forces de l'ordre. Personne ne conteste aujourd'hui la pertinence de ces réformes.
Malgré cela, les résultats ne sont pas encore à la hauteur des difficultés rencontrées par beaucoup de nos concitoyens et du problème de société qui nous est collectivement posé. C'est pourquoi je veux faire franchir une nouvelle étape à la politique de sécurité. Traiter ce problème suppose sérieux, volonté et esprit de responsabilité. Dans ce domaine, plus que dans tout autre, les Français se méfient des solutions "miracle" et craignent les promesses non tenues. Ils récusent aussi l'attitude de ceux qui exploitent l'émotion et la peur. Pour ma part, je veux tenir un discours de vérité et prendre des engagements précis et cohérents. Tel est le sens du Contrat national de sécurité que je vous propose.
Passer avec les Français un Pacte national de sécurité
Mon objectif est de mieux assurer la sécurité pour tous et partout, parce que la sécurité est un bien essentiel pour chacun et un des piliers de la cohésion sociale. Je refuse l'impunité : tout délit doit trouver sa sanction. Pour ce faire, je vous propose de passer un Contrat national de sécurité dont les moyens seront dégagés, sur cinq ans, par une loi de programme.
Ce Contrat national de sécurité permettra de donner à la justice et aux forces de police et de gendarmerie les moyens nécessaires. Il fixera l'évolution des effectifs et des équipements consacrés à la politique de sécurité. Parallèlement, il définira des objectifs précis pour renforcer encore l'efficacité des forces de l'ordre et faire reculer la délinquance.
Pour conduire cette politique, un ministère chargé de la Sécurité publique assurera la coordination opérationnelle, sous l'autorité des préfets, de la police et de la gendarmerie, qui conserveront leurs statuts distincts. Je serai attentif à l'amélioration des moyens de travail et aux perspectives de carrière de l'ensemble des personnels concourant à l'ordre public.
Je veux aussi améliorer l'efficacité de la justice au quotidien, en accroissant ses moyens afin de permettre une plus grande rapidité des décisions ; une meilleure application des peines ; en renforçant le dialogue entre magistrats et responsables de la sécurité publique, et en formant mieux les magistrats à la diversité de leur tâche (gestion, administration). Pour ce faire, il faudra développer la médiation. C'est pourquoi je propose la création de postes de juge de proximité, qui seraient confiés à de jeunes retraités de l'éducation, de la police, de la justice, de l'armée, des entreprises.
En particulier, la délinquance des mineurs doit trouver une réponse effective et rapide, sans faiblesse ni exclusion. Bien sûr, l'insécurité en France n'est pas le seul fait des mineurs, loin de là. Je refuse de stigmatiser la jeunesse de notre pays qui, dans son immense majorité, étudie, travaille, réfléchit, participe à la vie de la cité. Ce que je veux traiter, ce sont les évolutions préoccupantes venant du comportement délictueux d'un petit nombre de mineurs.
Pour ce faire, nous procéderons aux modifications législatives nécessaires, y compris à celles de l'ordonnance de 1945 relative aux mineurs. Celle-ci pose des principes sages : sanctions adaptées, tribunaux spécialisés. Mais ce texte, d'ailleurs modifié à de nombreuses reprises depuis son adoption, ne doit pas être considéré comme tabou. Il devra être adapté, pour tenir compte d'un contexte social profondément modifié et dans l'intérêt même de ces jeunes en grande difficulté d'insertion sociale, auxquels il faut réapprendre le sens de la vie en société. A cet effet, les procédures de comparution immédiate seront étendues. Pour prévenir la récidive, il faudra également développer l'accueil des mineurs dans des structures fermées. La capacité d'initiative des collectivités locales sera sollicitée pour diversifier les dispositifs d'accueil, accélérer leur réalisation et les gérer.
Mais je n'oublie pas que les solutions d'éloignement sont toujours des solutions provisoires. Dans tous les cas, s'agissant de mineurs, il faut préparer leur retour dans la famille, au travail ou à l'école.
La sécurité, c'est aussi la protection contre le terrorisme, contre la grande délinquance et la cybercriminalité.
Il faut également renforcer la lutte contre la criminalité au niveau européen, notamment grâce à la création d'une véritable police criminelle intégrée et opérationnelle, dont EUROPOL constituerait le noyau. Je propose à nos partenaires d'avancer résolument vers la création d'une police européenne de l'air et des frontières extérieures de l'Union, pour mieux maîtriser l'immigration et lutter contre les filières d'immigration illégales. La sécurité des Européens passe aussi par la mise en place d'un véritable espace judiciaire européen et par le développement d'EUROJUST. Cela devrait, pour moi, conduire à terme à la création d'un parquet européen.
L'attention portée aux victimes restera une priorité, notamment en développant l'aide juridictionnelle.
Faire de la sécurité l'affaire de tous
Aux côtés de l'Etat, dont c'est la responsabilité première, je souhaite que chacun prenne sa part de l'effort pour vaincre l'insécurité : élus, agents publics, acteurs économiques et sociaux, parents, citoyens, associations.
Un Haut Conseil pour la sécurité sera mis en place, réunissant tous les partenaires de la sécurité afin de suivre la mise en oeuvre du Contrat national de sécurité.
Pour permettre à l'ensemble des acteurs de partager les mêmes chiffres, il disposera d'un Observatoire national de la délinquance.
Au plan local, le maire doit jouer un rôle central dans la politique de sécurité de sa commune. Il anime le Contrat local de sécurité et il est associé à la définition des objectifs des forces de sécurité. Les structures existantes seront adaptées pour renforcer son rôle. La population sera tenue régulièrement informée des résultats obtenus, à travers une Commission locale de la sécurité publique.
La lutte contre la violence à l'école, qui a déjà porté ses fruits, sera encore accentuée par un meilleur signalement des faits, par une plus grande réactivité des éducateurs et, dans les établissements où les problèmes se posent, par une plus forte association des chefs d'établissement, des enseignants, des représentants de parents, des services sociaux et de sécurité. Une cellule sociale de suivi des enfants et adolescents difficiles sera créée dans les communes où cela apparaîtra nécessaire, pour prévenir, si possible à l'âge le plus précoce, les dérives comportementales conduisant à la violence. Un dispositif national de prévention de la violence chez les jeunes sera mis en place. Il sera partie intégrante du Pacte de confiance avec la jeunesse que je propose par ailleurs aux jeunes.
Enfin, le Gouvernement portera une attention particulière, dans le cadre d'une réforme pénitentiaire, aux conditions de détention, qui sont encore trop souvent indignes et finalement inefficaces.
UNE FRANCE JUSTE
Je dis oui à l'économie de marché, je refuse la société de marché. Car, dans le même temps où il crée des richesses, le marché produit de nombreuses inégalités. Les forces conservatrices prétendent que ces inégalités seraient le prix à payer pour la croissance ou l'innovation. Cette idée ne correspond pas aux valeurs auxquelles je crois : la lutte pour l'égalité fait partie de l'identité du socialisme, de la gauche et, au-delà, de l'identité de la France. Cette idée ne correspond pas non plus aux réalités : les pays européens qui réussissent le mieux dans la nouvelle économie de l'information sont ceux où les inégalités sont les plus faibles.
Dans les cinq prochaines années, je souhaite faire de la lutte contre les inégalités une priorité. Je ne veux bien évidemment pas aller vers une France bâtie sur le même moule, qui ne saurait pas récompenser ses talents. Mais je veux une France qui soit tout simplement plus juste. Une France dans laquelle les chances de chacun, qu'il soit une femme ou un homme, qu'il habite en milieu urbain ou en zone rurale, qu'il soit ouvrier ou exerce une profession libérale, soient mieux garanties.
Réduire les inégalités de revenus
Cela suppose une réforme de notre fiscalité et une action résolue contre l'exclusion.
Il faut, d'abord et avant tout, alléger encore la fiscalité sur les bas revenus. Outre l'extension de la Prime pour l'emploi, je souhaite une réduction de moitié de la taxe d'habitation.
Cette réforme se fera en étroite concertation avec les communes et les départements. Mais, quel que soit le dispositif mis en place pour assurer l'autonomie des collectivités locales, à laquelle je suis attaché, cette réforme devra aboutir : la taxe d'habitation est l'impôt le plus archaïque et le plus injuste.
Il faut, ensuite, continuer de rééquilibrer la fiscalité en faveur des revenus du travail. Les revenus du travail, et plus largement de l'activité, restent en France sensiblement plus taxés que ceux issus de la rente. Il faut poursuivre le mouvement entrepris au cours de la dernière législature en réduisant l'ampleur des dispositifs qui permettent à certains types de revenus d'échapper à l'impôt, et en tendant à un meilleur équilibre entre taxation des revenus du travail et de l'épargne par l'augmentation du prélèvement libératoire sur les intérêts et de l'imposition des plus-values. En contrepartie, je prends l'engagement que le supplément d'impôt sur le revenu ainsi dégagé sera, euro pour euro, affecté à une baisse immédiate des taux de l'impôt sur le revenu. Je demanderai au Gouvernement de réfléchir à une réforme d'ensemble de l'imposition du revenu permettant notamment d'en alléger le poids. Nous restons le dernier Etat européen à ne pas prélever à la source l'impôt sur le revenu et à obliger les contribuables à remplir des déclarations encore trop compliquées. De la même manière, notre impôt sur le revenu est mal adapté aux accidents de la vie professionnelle (chômage, baisse de revenu) ou familiale (changement de statut, séparation), et peut pénaliser le travail des femmes.
Je ne me résouds pas à ce que la pauvreté persiste dans notre pays. Nous devrons poursuivre et amplifier l'action résolue contre l'exclusion conduite au cours de la dernière législature. Je sais que beaucoup trop de Français ressentent encore le manque de logements, la difficulté d'y accéder, le besoin d'en améliorer la qualité.
C'est pourquoi je souhaite que, dans les cinq ans qui viennent, nous parvenions à ce qu'il n'y ait plus de sans domicile fixe. C'est possible. Mais les administrations publiques n'ont pas la capacité de traiter, seules, la situation des personnes en déshérence. C'est pourquoi je propose, afin d'éradiquer la grande pauvreté pendant la mandature, de conduire cette mission en faisant appel aux ONG (organisations non gouvernementales), qui seront dotées des moyens financiers nécessaires. J'ai la conviction que la France dispose d'un réseau associatif dense et expérimenté, capable de mener à bien cette tâche.
Je veux aussi que l'habitat insalubre soit supprimé et la qualité des logements nettement améliorée, pour une charge plus abordable. Je demanderai au Gouvernement d'étudier la possibilité de mettre en place, à l'instar de la Couverture maladie universelle, une couverture logement facilitant l'accès et le maintien des locataires dans le logement, et garantissant mieux aux propriétaires la couverture de leurs frais et le revenu des loyers.
Garantir les retraites par répartition
Sécuriser nos régimes de retraite par répartition est un de mes engagements majeurs. Chacun peut désormais s'accorder sur le diagnostic: l'espérance de vie a augmenté fortement et doit croître encore. Ce que l'on appelle le "problème" des retraites est donc, d'abord, une bonne nouvelle. Maintenir le niveau des retraites doit demeurer notre objectif. Cela est possible en faisant plusieurs choix collectifs:
- En favorisant le retour à l'emploi des travailleurs de plus de 50 ans, pour rendre cohérente notre politique de l'emploi et notre politique des retraites.
- En donnant à chacun, dans le cadre du droit à la retraite à 60 ans, la liberté du choix de l'âge de la cessation d'activité, qui peut être progressive. Ceux qui ont commencé à travailler tôt et exercent les métiers les plus pénibles doivent, notamment, pouvoir partir plus tôt à la retraite.
- En mettant en oeuvre un équilibre équitable entre les régimes de retraites des salariés privés et ceux des fonctionnaires. Le cas de chaque entreprise publique sera traité, en fonction de ses spécificités, par le dialogue interne.
- En développant l'épargne salariale, comme nous avons commencé à le faire, sous le contrôle des partenaires sociaux.
- En continuant d'accroître la dotation du fonds de réserve des retraites.
- Je demanderai au Gouvernement de mener très rapidement une négociation entre toutes les parties concernées. Une fois les décisions arrêtées, le Conseil d'orientation des retraites, que j'ai créé, suivra par la suite les principales variables démographiques et économiques pour proposer les ajustements nécessaires.
Combattre les inégalités de pouvoir
L'entreprise moderne n'appartient pas à ses seuls actionnaires. Ceux-ci apportent leur capital, ce qui leur donne des droits. Mais les salariés apportent leur travail et leurs compétences, ce qui doit leur donner aussi un droit de regard sur le fonctionnement et les décisions de l'entreprise. Il faut équilibrer le pouvoir dans l'entreprise. Ainsi, je suis favorable à ce que les salariés soient représentés dans les conseils de surveillance.
L'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes doit être assurée. Or, à formation égale, les femmes occupent moins de responsabilité et les écarts salariaux, hors de la fonction publique, restent considérables dès l'entrée dans la vie active. L'égalité professionnelle passe d'abord par la formation: la mixité doit s'imposer dans toutes les filières de préparation à la vie professionnelle. Elle passe aussi par la lutte contre les emplois précaires.
Je propose que la représentation des salariés dans les conseils de surveillance et l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes fassent partie des thèmes du dialogue entre le Gouvernement et les partenaires sociaux que j'ai évoqué.
Renforcer la cohésion territoriale
Il s'agit de l'un des défis les plus importants : la cohésion nationale est aussi une cohésion territoriale. Je n'oppose pas villes et campagnes. Je veux traiter les problèmes que rencontrent les zones urbaines comme les zones rurales.
Dans les villes, nous devons amplifier le renouvellement urbain. Il faut accélérer l'effort entrepris, avec un grand programme de rénovation des cités HLM comprenant la démolition et la reconstruction sur dix ans de 300 000 logements HLM, la résorption des coupures urbaines qui défigurent les villes et l'amélioration des transports en commun pour faciliter la mobilité de tous dans la ville. Nous devons, par ailleurs, veiller à la "mixité urbaine" et notamment à la bonne application de la loi prévoyant la réalisation de 20 % de logements sociaux dans toutes les communes urbanisées.
Dans les zones rurales, il faut inventer de nouveaux modes de revitalisation de l'espace rural tout en veillant à préserver une présence efficace des services publics. Nous devons également mener une action volontaire afin que l'ensemble du territoire soit raccordé à l'Internet à haut débit d'ici à 2005.
Pour les agriculteurs, nous poursuivrons la mise en oeuvre du contrat qui leur a été proposé par la loi d'orientation agricole. Je veux une agriculture dynamique, favorisant des produits sûrs et de qualité. L'objectif de rééquilibrage des aides vers la moyenne et la petite agriculture familiale sera poursuivi, tout comme l'effort de simplification des procédures administratives.
Les contrats territoriaux d'exploitation seront amplifiés et simplifiés. L'installation des jeunes fera l'objet d'un effort particulier, en s'appuyant sur un dispositif de soutien et de formation nationalisé et adapté aux différentes situations.
Enfin, dans les Outre-mer, nous devons placer l'objectif de continuité territoriale, et donc l'égalité d'accès à l'Hexagone et à l'Europe, au coeur de notre projet, notamment en ce qui concerne les transports. Nous devons également soutenir massivement le déploiement des nouvelles technologies de l'information ainsi que l'accès aux responsabilités dans les services publics, par un programme de formation et de préparation aux concours.
Conforter notre système de santé
Nous avons le meilleur système de santé du monde. Mais il est aujourd'hui, je le sais, traversé de tensions et d'inquiétudes quant à sa pérennité, confronté à de multiples défis : le vieillissement de la population, la prise en charge de l'innovation thérapeutique, les risques d'une médecine à deux vitesses, le changement des pratiques professionnelles, les nouveaux droits des patients Il faut s'appuyer sur les acquis majeurs du système français, fondé sur la qualité des soins et le libre choix pour l'accès à l'hôpital public, aux cliniques privées et à la médecine libérale. Cela veut dire pour moi :
- Investir au service de l'amélioration de la santé des Français : pour rénover les hôpitaux, pour renforcer l'effort de recherche et offrir de nouveaux médicaments.
- Combler notre retard en matière de prévention. Cela implique notamment d'étendre la politique de dépistage systématique des maladies, à commencer par les cancers, et de cibler la prévention sur les principales causes de décès prématuré : tabac, accidents de la route, alcool, suicide...
- Garantir l'égalité d'accès aux soins pour tous nos concitoyens et sur tout le territoire. Pour ce faire, nous devrons améliorer le niveau de remboursement des soins dentaires, de l'optique et des prothèses. Il faudra réduire les inégalités géographiques, en offrant une meilleure prise en charge des malades et en coordonnant l'intervention des différents professionnels de santé.
- Promouvoir un nouveau contrat social entre les caisses et les professionnels, qui impliquera de nouvelles articulations entre l'hôpital et la médecine de ville, par le développement de réseaux.
- Moderniser le système de santé par une meilleure participation de chacun de ses acteurs.
L'Etat ne doit pas chercher à imposer par la contrainte les évolutions nécessaires. Il faut faire participer tous les acteurs au changement nécessaire : professionnels, patients, caisses d'assurance maladie, industrie pharmaceutique. Il revient à l'Etat de créer les conditions de ce nouveau contrat social :
o en recentrant son rôle sur la définition des priorités de santé ;
o en conservant l'objectif d'une maîtrise négociée des dépenses de santé ;
o en instaurant, au niveau national, les conditions de négociations pluriannuelles sur les moyens nécessaires pour répondre aux besoins et à l'évolution des techniques entre les acteurs gestionnaires du système de santé ;
o en organisant, au niveau régional, un pilotage unifié de l'offre de soins par la création d'agences régionales de santé (ARS) réunissant l'Etat et l'Assurance maladie et dont les compétences embrasseraient l'hôpital, le médico-social et les soins de ville.
Agir face aux handicaps
Notre pays compte aujourd'hui plus de trois millions et demi de personnes handicapées, à des degrés divers.
La politique menée depuis 1997 a été ambitieuse. Il s'agit, pour demain, de favoriser une insertion des personnes handicapées, mettant en oeuvre cinq principes :
- Accentuer l'intégration dans la vie scolaire ordinaire dès le plus jeune âge et dans le milieu du travail, ordinaire et protégé.
- Rendre la vie en société plus accessible dans tous les domaines : le domicile, la culture, les loisirs, les sports, les spectacles, le travail..
- Améliorer l'accompagnement, en augmentant l'accès aux services d'auxiliaires de vie et aux aides techniques.
- Développer la recherche et la prise en charge des handicaps rares ou complexes.
- Mettre en place des aides plus personnalisées pour mettre fin à des disparités et des injustices de traitement selon les causes du handicap.
Mieux vieillir
Poursuivant les progrès réalisés, notamment avec la mise en place de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), nous devons veiller à ce que tous les moyens soient donnés pour que l'allongement de la vie se fasse dans les meilleures conditions. Je propose :
- D'améliorer la qualité des services d'aide et d'accompagnement des personnes âgées, en développant particulièrement des structures à taille humaine.
- De lutter résolument contre la solitude des personnes âgées.
- De soutenir les multiples initiatives imaginées par les retraités (pour les actions d'alphabétisation, la protection de l'environnement, la coopération, etc...) afin de ne pas laisser inutilisé un fabuleux capital d'expérience et de générosité.
- D'assurer une meilleure représentation des retraités dans la vie sociale.
Aller vers un espace social européen
Je propose que soient créées les conditions d'un dialogue social avec les syndicats à l'échelle européenne. Le but doit être d'édifier un véritable droit social européen, fixant des normes communes ambitieuses, notamment en matière d'information et de participation des salariés dans la vie des entreprises, de droit des licenciements, de lutte contre le travail précaire et de politique salariale. En particulier, je propose la mise en place d'un contrat de travail européen définissant des garanties minimales. Notre perspective doit être celle d'un traité social européen, consacrant les droits sociaux qui sont au coeur de notre modèle de société.
De même, je propose de développer l'Europe de la santé, notamment en lançant un ambitieux programme de recherche, pour faire des progrès décisifs, en commun, dans la lutte contre le cancer, contre la maladie d'Alzheimer ou encore pour mieux tirer les conséquences de la connaissance du génome humain.
Les Européens ont aussi besoin, pour garantir l'égalité des citoyens, la solidarité entre eux, la cohésion territoriale et l'intérêt général, de services publics forts et efficaces. Je proposerai ainsi à nos partenaires l'adoption d'une directive européenne, qui fixera un cadre juridique permettant de consolider, sous la responsabilité des Etats, le rôle des services publics en Europe.
UNE FRANCE MODERNE
La vocation du Président de la République est de préparer la France au monde de demain. Notre pays doit résolument s'inscrire dans la modernité, mais dans une modernité maîtrisée.
Elle ne doit pas être une contrainte qui s'impose à nous.
Elle doit être une exigence qui assure la défense de nos valeurs. Depuis cinq ans, notre pays a renoué avec le progrès. Il y a maintenant davantage de raisons d'espérer que demain sera meilleur qu'hier.
Ce progrès retrouvé doit être un progrès partagé. Ce que nous voulons tous, c'est être sûrs que la vie familiale puisse trouver des appuis solides, que les jeunes entrent dans leur vie d'adulte avec assurance, que l'éducation et la culture favorisent l'égalité des chances, que les révolutions technologiques profitent à tous, que nous puissions jouir d'un environnement sain et agréable, enfin que nous bénéficions de services publics efficaces.
Conforter la famille
Les familles se diversifient. Mais elles demeurent pour les Français le premier lieu d'éducation et de solidarité où se nouent les relations affectives. J'ai travaillé depuis 1997 pour que les familles soient mieux reconnues et aidées. Je veux amplifier cette politique :
- Par la création, au-delà du congé de maternité, d'un congé parental, afin de promouvoir l'égalité parentale et domestique, gage d'égalité professionnelle et de bien-être.
- Par la mise en place d'un chèque enfance, négocié avec les partenaires sociaux, pour payer les prestations d'accueil d'enfants en dehors du temps scolaire.
- Par la création d'internats familiaux de proximité, pour épauler le rôle éducatif des parents.
- Par l'adaptation du droit pour permettre l'égalité entre les deux parents, pour poursuivre le renforcement des moyens juridiques dédiés à la protection du droit des enfants, pour réaliser la réforme du divorce, pour donner la possibilité à chaque enfant de connaître ses origines, pour améliorer la loi sur le PACS en supprimant par étape le délai de trois ans requis pour l'imposition commune.
Je n'accepte pas, enfin, la violence exercée contre les femmes, notamment dans la sphère familiale : mieux connue, elle doit être mieux combattue.
Il est donc nécessaire de renforcer les médiations familiales. Je propose aussi que le juge civil puisse, dans les situations d'urgence, interdire l'accès du domicile au conjoint violent.
Conclure un pacte de confiance avec la jeunesse
La jeunesse doit être l'âge de la liberté de choix. J'ai la volonté de mettre en oeuvre un véritable pacte de confiance avec la jeunesse. A côté des investissements indispensables, concernant particulièrement l'éducation, je fais cinq propositions nouvelles :
- La mise en place d'un contrat d'autonomie pour les jeunes de 18 à 25 ans. Toutes celles et ceux qui s'engagent dans une démarche de formation et d'insertion professionnelle bénéficieront d'un suivi individualisé, l'allocation se substituant en tout ou en partie aux actuelles aides fiscales, familiales, sociales.
- La possibilité pour les jeunes de bénéficier d'un service civique volontaire : chaque jeune doit se voir proposer d'accomplir un projet, de consacrer six à neuf mois de sa vie à un engagement social ou humanitaire, en France, en Europe ou dans les pays en développement. Ce service pourra conduire à la validation d'unités de valeurs pour les étudiants, être inclu dans les acquis professionnels, compter dans le calcul des annuités de retraite.
- L'institution d'une Conférence nationale de la jeunesse, où siégeront les organisations représentatives des jeunes, les partenaires sociaux, les mouvements familiaux, les administrations.
- La confiance dans la jeunesse demande également la reconnaissance des modes de vie et des cultures des jeunes. Il m'apparaît important de développer les lieux de création, de répétition, de diffusion pour les actions culturelles.
- Enfin, nous devrons mieux encore favoriser l'implication des jeunes dans les responsabilités associatives. Les associations constituent en effet une richesse qu'il faut préserver et développer : elles portent des valeurs, comme le bénévolat, qui sont trop mal intégrées dans nos indicateurs économiques et sociaux ; elles doivent être mieux reconnues par un statut de l'association européenne.
Investir dans l'éducation et la culture
L'éducation et la culture sont des clés pour l'avenir. Ce sont les gouvernements de gauche qui, depuis vingt ans, ont donné une priorité budgétaire à l'éducation et à la culture. Je continuerai d'y veiller.
Je propose d'avancer dans plusieurs directions nouvelles :
- En répondant mieux à la mission d'égalité des chances et de promotion de l'excellence de notre éducation nationale. Grâce à la gauche, le nombre de bacheliers et d'étudiants a doublé en 20 ans. Il faut maintenant se fixer les trois objectifs suivants :
100 % de jeunes sortant du système scolaire avec une qualification ;
80 % d'une génération parvenant au niveau Bac ;
50 % d'une génération titulaire d'un diplôme d'enseignement supérieur.
Une plus grande égalité territoriale est un objectif essentiel. Un traitement spécifique doit être accordé aux écoles, aux collèges et aux lycées des zones en difficulté, urbaines et rurales, pour permettre une prise en charge effective et méthodique des élèves qui connaissent des difficultés.
En élargissant les possibilités d'expérimentation, pour que chacun trouve des voies de réussite, dans le cadre d'objectifs nationaux fixés et régulièrement évalués. Sur cette base, une politique active de généralisation des bonnes pratiques venues du terrain sera menée.
En développant un enseignement d'éducation civique, qui fasse comprendre et vivre les valeurs de la République et la laïcité.
En intégrant davantage l'éducation dans les autres activités culturelles, sportives, civiques, par des actions communes avec les collectivités locales et les associations.
En menant résolument une politique d'aménagement culturel du territoire pour qu'aucun Français ne soit éloigné d'une bibliothèque, d'un cinéma, d'un théâtre, etc.
En créant un fonds de soutien à la production de programmes culturels de qualité (fiction, animation, documentaire, musique) à destination de la jeunesse.
En poursuivant la protection et la mise en valeur de notre patrimoine culturel.
En préservant un système audiovisuel public fort, assumant pleinement ses missions ; en permettant à tous les Français d'accéder au moindre coût à une grande variété de programmes par le développement de la télévision numérique terrestre ; en oeuvrant à la création d'une véritable chaîne européenne sur le modèle réussi d'Arte.
En favorisant une plus grande ouverture internationale à tous les niveaux, de l'école primaire à l'université ; en privilégiant l'apprentissage pour chaque jeune de deux langues vivantes ; en offrant un séjour à l'étranger, de trois mois aux lycéens et de six mois aux étudiants.
En travaillant à la mise en place effective d'un espace européen de l'éducation et de la culture, favorisant la mobilité des étudiants, des enseignants et des chercheurs, assurant la reconnaissance mutuelle des diplômes et faisant de la culture, en plus et au-delà des politiques nationales, une politique européenne commune, fondée sur le développement de mécanismes de soutien à la création cinématographique, audiovisuelle et informatique.
Reconnaître la priorité du développement durable
Je travaillerai à conjuguer la protection de l'environnement et les progrès de la science. L'Etat a un rôle majeur à jouer pour établir les sécurités nécessaires. Mais, à côté des règles, il faut favoriser la responsabilité dans l'ensemble de la société en utilisant l'action éducative, l'approche contractuelle, les incitations fiscales... La valeur de l'environnement doit être pleinement reconnue. Cela doit nous amener à ouvrir de grands débats face à l'opinion, sur l'agriculture que nous voulons, sur le principe de précaution, sur les innovations technologiques nées de la génétique et notamment les OGM. Pour défendre ou rétablir l'équilibre entre l'homme et la nature, je propose :
- La création d'une agence européenne de l'environnement, en partenariat avec les associations de défense de l'environnement. C'est à ce niveau que pourra être mis utilement en place une écotaxe.
- Une priorité à la lutte contre l'effet de serre, demandant une maîtrise de la consommation énergétique dans l'habitat, les transports - tout particulièrement dans les villes - et privilégiant les sources d'énergie non polluantes.
- La définition d'un schéma national de développement du transport combiné du ferroutage et du cabotage, et un plan européen d'organisation du fret en Europe avec, notamment, un système "d'autoroutes ferroviaires".
- La mise en oeuvre de politiques nationales ambitieuses pour la qualité de l'eau, pour une alimentation sûre et équilibrée, pour la protection des espaces et des milieux naturels.
- La limitation et la maîtrise des risques industriels, la sécurisation de la politique des déchets nucléaires et chimiques. Une meilleure transparence de la filière nucléaire sera poursuivie.
- L'institution d'un ministère de l'Environnement et des Ressources naturelles, doté de moyens accrus et de responsabilités étendues.
Déployer l'innovation et la recherche
L'innovation et la recherche sont un enjeu décisif dans la compétition mondiale. L'effort national de recherche et de développement doit être accru. Pour le concrétiser, plusieurs mesures doivent être prises :
- L'accroissement de l'autonomie des universités et des organismes de recherche, pour une meilleure utilisation de leurs moyens.
- La définition d'objectifs entre l'Etat, associé aux conseils régionaux, et les universités et organismes de recherche.
- Le développement de centres et réseaux d'excellence européens. L'amélioration des carrières scientifiques, pour donner des perspectives aux jeunes chercheurs dans les prochaines années, qui verront un fort renouvellement des équipes.
- Un programme important de recherche-développement, notamment dans les biotechnologies et les énergies renouvelables.
Défendre et moderniser les services publics
Relever les défis de l'avenir demande un Etat garant du principe d'égalité, présent, efficace, proche, mobile, qui sache nouer des partenariats.
Plus le monde est ouvert, plus la régulation par la puissance publique est nécessaire. Pour cela, il faut une volonté forte et des approches diversifiées reposant sur l'expérimentation. Dans cet esprit, j'entends particulièrement :
- Mener à bien une seconde étape de la décentralisation, qui clarifiera les relations avec l'Etat en transférant de nouvelles compétences, notamment en faveur des régions. Nous rechercherons une meilleure articulation entre les conseils généraux et les structures intercommunales. Celles-ci seront demain dotées de compétences étendues, et leurs organes de décision seront élus en 2007 au suffrage universel, en même temps que les conseils municipaux. Un pacte de solidarité, assurant une plus grande justice entre les collectivités locales et garantissant leurs ressources, sera signé entre celles-ci et l'Etat.
- Poursuivre les mesures de déconcentration, dans la fonction publique d'Etat, en fixant des contrats d'objectifs aux préfets dans les régions et les départements. Je fais confiance aux fonctionnaires. Je souhaite qu'ils soient davantage responsabilisés dans leur travail quotidien : individuellement, par une gestion des ressources humaines plus personnalisée ; collectivement, par une mobilisation des services autour d'une logique de projet.
- Soutenir des organisations d'usagers des services publics capables de relayer efficacement leurs attentes. Il faudra aider de telles associations à se créer, puis à se développer, en leur donnant les moyens juridiques et financiers nécessaires.
Favoriser la négociation collective
Notre pays fait face à des grands enjeux : garantir les régimes de retraites par répartition, développer la formation tout au long de la vie, améliorer la gestion de notre système de santé. Trois champs doivent être particulièrement ouverts à la concertation et au dialogue.
La démocratie sociale, en laissant plus de place à la négociation et au contrat. Cela implique que la légitimité des accords professionnels repose sur une adhésion majoritaire. Dans cette perspective, la représentativité des syndicats doit être réellement fondée sur le vote des salariés. Des modalités spécifiques de dialogue social doivent être définies dans les petites entreprises. Un accord interprofessionnel majoritaire devrait, parallèlement, pouvoir être transcrit par le législateur, pour autant qu'il ne remette pas en question les principes fondamentaux du droit.
La gestion des organismes sociaux, en clarifiant les règles du jeu par la concertation. Le rôle de l'Etat et les responsabilités des partenaires sociaux ne doivent pas être les mêmes selon les régimes sociaux : vieillesse, maladie, famille, chômage, accidents du travail.
La négociation collective dans les fonctions publiques.
Dans les entreprises, une obligation de négocier existe depuis 1982. Sans affaiblir le statut de la fonction publique, une telle obligation doit aussi concerner les services de l'Etat, y compris au niveau déconcentré, les hôpitaux et les collectivités territoriales.
UNE FRANCE FORTE
Je veux une France dont les idées, les valeurs et la culture rayonnent - notamment au travers des Français de l'étranger -, une France qui oeuvre à la préservation du pluralisme mondial, une France qui promeut une plus grande régulation internationale. La France travaillera, après le succès de l'euro, à ce que l'Europe élargie devienne une puissance économique, sociale et culturelle, tournée vers le développement et la paix, agissant pour la restauration des équilibres écologiques de la planète.
La France est un pays qui, profondément attaché à son identité, conserve une vision universelle du monde, un pays qui continue à vouloir jouer un rôle dans la vie de la planète et qui s'en donne les moyens.
Je veux, si vous m'élisez à la Présidence de la République, porter cette vision. Je le ferai sans repli national, qui serait pour nous périlleux, mais aussi sans dilution dans cette globalisation où les dérives du libéralisme et l'uniformisation de la culture et des pensées menacent.
C'est ainsi que je concevrai le rôle de la France, à partir de son identité, mais une identité qu'elle offre aux autres pour la confrontation, le débat et le partage.
Faire de la France un acteur du pluralisme mondial
Le monde est trop complexe et trop divers pour qu'une seule puissance puisse prétendre résoudre ses problèmes à la seule lumière de ses intérêts nationaux. C'est pourquoi, et davantage encore après le 11 septembre, l'intérêt collectif exige que les Etats-Unis soient ouverts aux autres, en respectant des règles, en partageant l'esprit de dialogue, en se réinscrivant dans les grandes problématiques des organisations internationales qui ont à traiter des grandes questions de la planète.
Car nous ne pouvons pas laisser aller le monde tel qu'il va, avec sa violence ouverte ou latente, ses injustices effroyables. Ce monde, nous devons l'infléchir, le redresser, l'organiser, le rendre moins injuste. C'est là une des missions de la France ; c'est là un des rôles essentiels d'un Président de la République actif. Cela pose aussi la question de la capacité de la France à entraîner ses partenaires européens.
Au Proche-Orient, la France et l'Europe joueront un rôle de médiation en faveur de la paix, pour la reconnaissance du droit du peuple palestinien à un Etat viable et la garantie à Israël du droit de vivre dans la sécurité.
Réussir l'élargissement de l'Europe
L'unification de l'Europe constitue l'aboutissement d'une perspective historique. Sa réussite ne répond pas seulement à un devoir de solidarité. Elle est aussi un projet politique.
Dans cet élargissement imminent, nous devrons légitimement défendre nos intérêts, mais nous devrons aussi accueillir les pays candidats avec l'esprit ouvert et veiller avec eux à ce que cet élargissement sans précédent de l'Union européenne n'aboutisse pas à la dilution du modèle européen.
C'est pourquoi je resterai attentif, avec nos autres partenaires, à ce que les pays candidats montrent leur capacité à reprendre réellement ce qu'on appelle "l'acquis communautaire", c'est-à-dire les engagements collectifs qui sont le fondement de notre Union. Je veillerai à ce que les mesures de transition qui seront accordées à ces pays - en particulier dans le domaine agricole - les aident dans cette voie, sans créer de préjudice pour les Etats membres actuels, et sans mettre en danger les finances publiques de l'Europe.
Vouloir l'Europe politique
Si vous m'élisez à la Présidence de la République, j'attacherai la plus grande importance au débat sur l'avenir de l'Union, lancé en décembre 2000 à Nice, et qui sera mené au sein de la "Convention européenne". Mon objectif : contribuer à construire une Europe politique. Je veux une Europe unie, dotée d'institutions fortes pour mener des politiques communes ambitieuses, qui permettent d'affirmer le modèle de civilisation européen et la constance de la présence européenne dans le monde, dans le respect des identités nationales.
Cela passe par l'adoption d'une Constitution européenne, dont la Charte européenne des droits fondamentaux, adoptée à Nice à la fin de l'an 2000, serait la première partie. Cette démarche constitutionnelle doit, pour moi, exprimer un acte politique fondamental : l'affirmation d'un projet commun, la volonté de fonder une véritable fédération d'Etats-Nations, expression d'aujourd'hui pour les Etats-Unis d'Europe jadis rêvés par Victor Hugo.
Pour aller dans cette voie, les compétences respectives de l'Union et des Etats doivent être clarifiées. Les traités, devenus indéchiffrables, doivent être simplifiés. Les moyens d'aller de l'avant doivent être donnés aux pays qui le souhaitent. Les Parlements nationaux doivent être mieux associés à la construction européenne.
Je m'opposerai à la renationalisation des politiques communes, qui traduisent les liens de solidarité entre Européens, par exemple dans le domaine agricole ou de l'aide aux régions en retard de développement. Bien sûr, la politique agricole commune (PAC) doit s'adapter aux nouvelles réalités, et notamment aux attentes fondamentales des citoyens : il ne s'agit pas de produire plus, mais de produire mieux.
Dès lors, il est légitime de vouloir réformer la PAC, dans le respect du cadre financier tracé à Berlin pour la période 2000-2006, en rééquilibrant les aides en faveur du développement rural, en appuyant l'amélioration de la qualité des produits et de l'environnement. Mais changement et adaptation ne signifient pas démantèlement. Nous devrons continuer à disposer d'instruments communautaires, permettant de piloter et non de subir les évolutions des marchés agricoles.
Les élections au Parlement européen devront s'affirmer comme le temps fort de la vie démocratique européenne. A cet effet, je reprendrai le projet de réforme du scrutin européen, qui n'a pu aboutir en 1998, afin de faire jouer la règle actuelle de la représentation proportionnelle dans de grandes circonscriptions régionales, rapprochant ainsi l'élu des citoyens. Le Parlement européen étant ainsi rendu plus représentatif, je proposerai que la désignation du Président de la Commission européenne s'effectue parmi les membres de la majorité politique victorieuse aux élections européennes.
Le Conseil des ministres de l'Union, qui est l'institution européenne où sont représentés les Etats membres, doit aussi être renforcé. Je proposerai notamment à nos partenaires un Conseil permanent de ministres chargés des affaires européennes, directement rattachés à leur Premier ministre. Ils joueront un rôle de coordination du travail européen, dans leur Gouvernement et à l'échelle de l'Union.
Mais l'Europe doit aussi être plus à l'écoute des attentes de ses citoyens. C'est pourquoi je préconise que, symboliquement, chaque Européen puisse disposer d'une carte d'identité européenne, avec une face commune et une face nationale.
Assurer notre défense
La France doit être en mesure de peser réellement lorsque les intérêts straté-giques de notre pays et ceux de l'Europe peuvent être directement concernés.
L'Europe doit être mieux à même de faire entendre sa voix, grâce à une politique étrangère commune. La France oeuvrera à ce qu'elle soit de plus en plus cohérente et forte. Pour assurer sa sécurité, mais aussi pour contribuer au maintien de la paix dans le monde, l'Europe a aussi besoin d'une défense commune. Les fondations en ont été jetées, notamment lors de la Présidence française de l'Union européenne, au second semestre de l'an 2000, avec la création en cours d'une force européenne de réaction rapide. Il faut maintenant que l'Europe se dote d'une doctrine globale d'intervention et d'emploi de cette force, pour conduire des opérations militaires autonomes pour la défense de la paix. Nous devons continuer à investir dans les équipements européens et à développer de grands programmes d'armement communs.
Au plan national, l'outil de dissuasion, indispensable dans le contexte stratégique actuel, continuera d'être modernisé. S'agissant de l'outil conventionnel, il conviendra d'accentuer l'effort engagé pour favoriser les capacités de renseignement et de commandement, et améliorer la puissance de feu, la précision et la projection de force à longue distance, qui assurent la maîtrise de la violence lorsque nous nous engageons dans les crises graves.
La professionnalisation de nos armées doit être consolidée. La revalorisation de la condition militaire sera poursuivie. La rénovation des droits et obligations des militaires sera entreprise. Le rôle de la réserve, qui offre un complément indispensable de l'armée professionnelle et donne un rôle direct au citoyen volontaire dans la défense de notre pays, sera développé.
Ces orientations seront confirmées et précisées, au niveau national, à l'occasion du débat au Parlement sur la loi de programmation militaire, votée dès le début de la législature. Elles devront l'être au niveau communautaire avec l'élaboration d'un Livre blanc sur la défense de l'Union européenne, pour développer une politique convergente sur les objectifs et les moyens de l'Europe de la défense.
Je m'assurerai de l'efficacité de l'outil de défense, au service de nos choix politiques, et veillerai à la solidité du lien de confiance entre la collectivité nationale et nos armées.
Maîtriser la mondialisation
La mondialisation est ambivalente. Elle crée des richesses mais nous savons que, si elle n'est pas maîtrisée, elle creuse gravement les inégalités entre pays du Nord et du Sud et fragilise les équilibres naturels de la planète. C'est pourquoi, contre les forces qui poussent à la dérégulation, la France devra nouer les alliances nécessaires, notamment au travers de l'Union européenne, pour faire prévaloir une plus grande régulation internationale et la diversité culturelle.
L'action de notre pays doit viser, en particulier, à la recherche de financements complémentaires en faveur de ce qu'on appelle les "biens publics mondiaux" : la santé, la protection de l'environnement, le développement durable ou encore le droit à la culture. Il faut poursuivre l'étude que la Commission européenne a entamée, à la demande de mon Gouvernement, sur la mise en place d'une taxe internationale sur les flux financiers à court terme.
La lutte contre le blanchiment des capitaux doit par ailleurs changer d'échelle : il nous faut mieux lutter, au niveau de l'Union, contre les diverses formes de paradis fiscaux. Mais ce combat doit aussi être mené à l'échelle du monde. C'est pourquoi je souhaite que l'Europe propose aux pays en développement une meilleure association aux réflexions internationales sur les normes de sécurité contre le blanchiment. Il faut enfin chercher à renforcer la transparence du système financier international, notamment en supprimant l'anonymat de certains virements internationaux et en combattant les excès du secret bancaire.
Par ailleurs, nous avons besoin d'une instance qui puisse légitimement arbitrer entre des règles multilatérales concurrentes. Le G7/G8, qui rassemble les pays les plus riches du monde, et dont notre pays fait partie, ne peut jouer ce rôle. C'est pourquoi j'ai la volonté que soit approfondie l'idée d'un "Conseil de sécurité économique et social", ouvert aux pays en développement et lié à l'Organisation des Nations Unies.
Je souhaite aussi que la France promeuve activement la création d'une autorité mondiale de l'environnement, sous l'égide du Programme des Nations unies pour l'environnement, qu'il conviendra de transformer progressivement.
Refuser le sous-développement et la dégradation de la planète
Promouvoir un développement équitable et durable sur l'ensemble de la planète, soutenir les économies et démocraties émergentes est l'une des missions essentielles de notre pays, en liaison avec ses partenaires européens. Un effort des pays industrialisés en faveur du développement, à hauteur de 0,7 % de leur produit intérieur brut, doit rester notre objectif. Mais pour l'atteindre, il faudra mettre en oeuvre des outils rénovés et mieux adaptés aux besoins.
Je souhaite aussi une allocation exceptionnelle de "droits de tirage spéciaux" par le Fonds monétaire international, afin d'augmenter les réserves de change des pays les plus fragiles.
Je proposerai également à nos partenaires européens de réfléchir à une grande initiative européenne pour le développement des pays de la Méditerranée, à travers un emprunt permettant de financer l'équipement des pays méditerranéens dans de nombreux secteurs de base (éducation, santé, transports, énergie) et, plus largement, d'annuler la dette des pays en développement.
Une autre priorité de l'aide publique internationale, que notre pays doit activement porter, concerne la lutte mondiale contre le sida. Notre pays doit militer avec force pour l'essor d'un fonds multilatéral permettant de combattre les maladies qui touchent les pays les plus pauvres : sida, paludisme, tuberculose
Enfin, la France doit lancer une initiative sur l'un des sujets essentiels de ces prochaines décennies : l'eau. Il nous faut arriver à une Charte Internationale sur l'eau, pour que le droit universel d'accès à ce bien soit reconnu et organisé.
LA DEMOCRATIE AUTREMENT
La France aspire à une vie publique plus simple et plus directe. Elle aspire à des pouvoirs mieux partagés, plus proches et plus efficaces. Ces exigences nouvelles expriment une demande accrue de citoyenneté et une plus grande maturité démocratique. Dans toutes les propositions que je viens de vous présenter, il y a une même volonté d'approfondissement et de modernisation de notre démocratie. Dans la conception de la Présidence de la République. Dans le renforcement du rôle des partenaires sociaux. Dans l'accroissement des responsabilités des pouvoirs locaux. Dans la marche vers une Europe plus politique. Cette même volonté m'anime en ce qui concerne les institutions de notre pays. Je ne suis pas favorable à ce qu'elles soient bouleversées. Mais je souhaite qu'elles soient profondément réformées. Les engagements que nous avons tenus - réforme de la justice, limitation du cumul des mandats, renforcement de la décentralisation, instauration de la parité, adoption du quinquennat - dessinent l'avenir. Je vous propose aujourd'hui de nouvelles avancées démocratiques, pour rendre le Parlement plus efficace, la justice plus indépendante et la citoyenneté plus active.
Revaloriser le parlement
Nous avons respecté pendant cinq ans le rôle du Parlement :en faisant chaque semaine, avec les séances des questions d'actualité, de vrais rendez-vous politiques; en permettant aux commissions d'enquête et aux missions d'information parlementaires de jouer tout leur rôle ; en n'ayant jamais recours à l'article 49.3 de la Constitution. Mais il faut aller au-delà.
Pour permettre une meilleure respiration de notre vie démocratique, pour avoir des élus nationaux qui se consacrent pleinement à leur tâche de législateur, nous devons poursuivre dans la limitation du cumul des mandats, en franchissant une nouvelle étape vers le mandat unique pour les parlementaires. Cette évolution devra s'accompagner de la mise en place d'un statut de l'élu.
Je considère comme fondamental que soient rendues possibles les conditions d'un meilleur contrôle et d'une plus forte évaluation par le Parlement de la mise en oeuvre et de l'application des lois votées.
Je proposerai aussi d'introduire une part de scrutin proportionnel dans l'élection des députés.
Dans ma conception de la démocratie parlementaire, un Président actif doit travailler en cohérence avec son gouvernement et avec la majorité qui le soutient, mais aussi nouer le dialogue avec l'opposition, qui doit être respectée et écoutée.
Concrétiser l'indépendance de la justice
De la même façon qu'il faut renouveler les rapports entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif, il faut mettre un terme à la suspicion qui pèse sur les relations entre le pouvoir politique et la justice. Il faudra reprendre l'initiative et inscrire dans la loi ce qui a été la pratique de mon Gouvernement, c'est-à-dire l'impossibilité pour le pouvoir politique d'intervenir dans les affaires individuelles.
Parallèlement, les carrières des magistrats devront être mises à l'abri de toute intervention politique. Je propose aussi que la justice, devenue plus indépendante, soit rendue plus responsable, notamment par le droit donné aux justiciables de saisir des commissions de réclamation. Enfin, il conviendra que le Président de la République puisse répondre, devant les juridictions de droit commun, comme tout citoyen, pour des actes antérieurs à son élection ou sans lien avec l'exercice de son mandat. Cela se fera, bien sûr, dans des conditions compatibles avec le respect de sa fonction.
Développer la citoyenneté
Pour favoriser l'intégration, je proposerai le droit de vote des étrangers, régulièrement installés sur notre sol depuis cinq ans, aux élections locales.
Pour faciliter une meilleure participation des citoyens aux décisions qui les concernent, je proposerai que soient développés les référendums locaux et régionaux, à titre consultatif et selon des modalités définies par l'Etat.
Pour permettre une plus grande clarté de notre vie démocratique et une réactivité plus grande de cette dernière aux évolutions de la société, je proposerai l'harmonisation de la durée de tous les mandats, nationaux et locaux, à cinq ans.
Pour pouvoir conduire à bien ces réformes et répondre à ces exigences, chacun devra prendre ses responsabilités. Dans l'année qui suivra les élections présidentielle et législatives, je soumettrai aux Françaises et aux Français, après un débat au Parlement, un ensemble de propositions qu'il leur appartiendra de trancher par voie de référendum.
A plus long terme, deux autres grands chantiers devront être ouverts et donner lieu à une concertation large et approfondie.
Le premier concerne le Sénat. Au-delà du mode d'élection des sénateurs et de la durée des mandats, la question de l'évolution des pouvoirs, notamment constitutionnels, du rôle et de la fonction de la Haute Assemblée doit être posée.
De la même façon, les éléments d'une réforme du Conseil constitutionnel doivent être débattus, qu'il s'agisse du mode de désignation de ses membres - aujourd'hui trop politique - ou de l'élargissement de sa saisine à tous les justiciables.
(Source http://www.lioneljospin.net, le 27 mars 2002)
Le plein emploi d'ici la fin de la décennie, tel est l'objectif que j'ai fixé, tel est l'objectif que nous pouvons atteindre. Jusqu'en 1997, la résignation s'était installée. Depuis 1997, nous avons conduit une action volontariste, notamment à travers les 35 heures et les emplois jeunes. Nous avons fait de la lutte contre le chômage notre priorité absolue. Nous avons montré que la société française n'était pas condamnée au chômage de masse ; que notre économie pouvait connaître une croissance durablement supérieure à celle de ses grands partenaires ; que la France pouvait créer massivement des emplois - depuis 1997, notre pays compte 1800 000 emplois de plus et 900 000 chômeurs de moins. Ainsi, nous avons commencé à reconquérir l'espérance.
Cependant, il reste plus de 2 000 000 de chômeurs en France et un trop grand nombre de nos concitoyens connaît encore la précarité. Le combat n'est donc pas encore gagné - loin de là. Il le sera à force de persévérance, d'imagination et de volonté : nous devons, à nouveau, faire reculer le chômage de 900 000 en cinq ans.
Favoriser une croissance forte et créatrice d'emplois
Nous continuerons à mettre en oeuvre une stratégie active pour la croissance économique. L'économie mondiale connaît depuis le printemps 2001 un très fort ralentissement. La reprise peut et doit être rapide. Une croissance moyenne au moins égale à 3 % par an est notre objectif pour la législature.
La politique budgétaire, tout en mettant l'accent sur la maîtrise des dépenses et la réduction des déficits, favorisera les dépenses de sécurité et de justice ainsi que les dépenses d'avenir : éducation, formation, recherche, société de l'information, environnement. Nous poursuivrons des baisses d'impôts favorisant l'emploi, la justice sociale et les revenus d'activité.
L'émergence, le développement et la diffusion des technologies de l'information et de la communication dans l'ensemble du système productif va modifier profondément les équilibres économiques dans le monde. En changeant notre façon de produire, de consommer et aussi notre développement urbain, elles portent en germe une nouvelle révolution industrielle.
Nous avons, depuis 1997, fait entrer la France dans la société de l'information. La maîtrise de ces nouvelles technologies pour tous doit relever d'un véritable service public. Nous le développerons en mettant l'accent sur l'équipement des jeunes, en association avec les collectivités locales, avec l'objectif d'un ordinateur relié à l'Internet pour cinq élèves dans chaque école primaire, d'un ordinateur par famille pour les collégiens et les lycéens, d'un portable par étudiant.
Parallèlement, nous adapterons aussi notre droit, pour assurer une bonne régulation de l'Internet, pour protéger la vie privée et éviter les excès de la marchandisation.
Le secteur public et la politique industrielle contribuent à cette stratégie de croissance et de compétitivité. Deux priorités nous guideront dans ce domaine. Nous devrons consolider et promouvoir les principes du service public dans le cadre de l'intégration européenne. Il faudra aussi que nos entreprises publiques nouent des alliances pour assurer leur développement international. C'est là l'intérêt national: les objectifs de politique industrielle guideront nos décisions. Nous rechercherons naturellement le consensus des salariés sur les évolutions souhaitables.
Nous poursuivrons une action déterminée en faveur de l'innovation et de la création d'entreprise, moteurs de la croissance et de l'emploi, notamment pour la création d'un brevet communautaire.
Pour les très petites entreprises, celles de moins de cinq salariés, et en particulier pour les artisans et commerçants, nous instaurerons un chèque emploi-salarié qui, à la manière du chèque emploi-service, déchargera l'employeur des démarches administratives.
Créer un gouvernement économique de l'Europe
C'est sous notre impulsion que l'Europe a affirmé au sommet de Lisbonne, en 2000, sa volonté de retrouver le plein emploi et de maintenir un objectif de croissance d'au moins 3 %. Croissance, emploi et développement du modèle social européen restent nos priorités. Maintenant que le passage à l'euro est réalisé et réussi, nous devons nous doter d'un véritable gouvernement économique de la zone euro, agissant en contrepoint de la politique monétaire menée par la Banque Centrale Européenne (BCE), qui devra favoriser les objectifs de croissance et d'emploi.
A cet effet:
- La coordination des politiques économiques doit être considérablement accrue, pour pouvoir réagir avec efficacité aux chocs extérieurs. Je propose, pour l'impôt sur les sociétés, que les assiettes soient harmonisées et qu'un taux minimum soit fixé. Ce serait la première étape vers un impôt européen.
Je propose, par ailleurs, pour pouvoir harmoniser la fiscalité en Europe, que les décisions fiscales susceptibles d'affecter le marché intérieur soient prises à la majorité qualifiée et non plus à l'unanimité. Il doit en être de même pour ce qui concerne l'harmonisation sociale.
- Le rôle de "l'eurogroupe", composé des ministres de l'Economie et des Finances, qui pilote la politique économique de la zone euro, doit être consacré, notamment à travers un président élu par ses pairs.
Ainsi, se nouera enfin, comme cela existe aux Etats-Unis, un véritable dialogue entre une banque centrale indépendante et l'instance politique légitime que nous appelons gouvernement économique européen.
Développer la formation tout au long de la vie
Nous le savons bien: le progrès des techniques, la compétition entre les entreprises, la mobilité des personnes bouleversent la vie professionnelle. Les métiers se transforment aussi. Chacun doit pouvoir participer à ces changements et valoriser son talent en faisant évoluer ses qualifications. Je veux donner à tous la garantie personnelle de pouvoir le faire tout au long de leur vie active.
Mettre en place les moyens de cette formation tout au long de la vie, c'est construire un nouveau droit social, une nouvelle sécurité collective pour les salariés. C'est pourquoi la formation tout au long de la vie sera l'un des objectifs majeurs du quinquennat.
Pour y parvenir, je propose deux orientations: donner à chacun les ressources financières de cette formation et mettre en place les moyens pour accueillir tous ceux qui voudront en bénéficier.
Pour mettre en oeuvre ce nouveau droit, je propose que chaque salarié soit doté d'un compte-formation. Comme un compte-épargne, il comportera des droits à la formation qui pourront être utilisés tout au long d'une carrière professionnelle, y compris en cas de chômage.
Ce compte doit financer à la fois un revenu pendant la formation et le coût de cette formation. Ce grand projet devra associer les partenaires sociaux, l'Etat et les régions.
J'inviterai donc le Gouvernement à inscrire cette question dans le dialogue avec les partenaires sociaux que je lui demanderai d'engager dans le cadre d'une Conférence économique et sociale nationale et qu'il prolongera ensuite avec les régions.
Pour mettre en place les moyens d'accueil de tous ceux qui souhaitent bénéficier de ce nouveau droit, je propose de faire travailler en cohérence l'ensemble des outils d'enseignement professionnel dont dispose notre pays. Il s'agit de rendre plus efficaces tous les moyens disponibles, à tous les niveaux de qualifications et dans toutes les formes d'apprentissage.
Améliorer le système d'aides à l'emploi
Nous mettrons en place un nouveau contrat de retour à l'emploi, combinant la formation, l'emploi et l'accompagnement. Ce contrat de travail unifié sera mis en oeuvre dans le secteur non marchand, mais également dans l'économie marchande. Il se substituera aux dispositifs existants, à l'exception des emplois jeunes dont la pérennité sera assurée. Il s'étendra à des personnes qui n'en bénéficient pas actuellement.
Il répondra en particulier aux difficultés des chômeurs de plus de 50 ans et à tous ceux qui restent exclus du marché du travail au terme d'un parcours d'insertion: 200 000 contrats de retour au travail leur seront affectés.
Il me paraît indispensable que nous changions nos attitudes collectives à l'égard des plus de 50 ans, notamment en mettant fin aux discriminations à l'encontre des travailleurs âgés et à leur mise à l'écart précoce par les employeurs. Pour cela, je demanderai au Gouvernement de préparer un plan pour l'emploi des plus de 50 ans.
Parallèlement, nous continuerons à promouvoir une société du travail. Il n'est pas normal qu'un homme ou une femme vivant du RMI et qui retrouve un emploi ne connaisse pas une augmentation significative de son pouvoir d'achat. C'est pour cela que nous avons créé la prime pour l'emploi. Nous allons amplifier cet effort tant pour des raisons de justice sociale que pour encourager le retour à l'emploi.
Enfin, je propose d'ouvrir avec les partenaires sociaux une négociation, afin de définir les moyens de lutter contre la précarité et de favoriser l'emploi de qualité.
UNE FRANCE SURE
La lutte contre l'insécurité est, pour moi, une exigence primordiale. La sécurité est un droit. Les piliers d'une politique globale ont été mis en place au cours de la dernière législature : conseil de sécurité intérieure ; contrats locaux de sécurité ; police de proximité ; centres d'éducation renforcée ; centres de placement immédiat ; maisons de la justice et du droit ; augmentation des moyens de la justice et des forces de l'ordre. Personne ne conteste aujourd'hui la pertinence de ces réformes.
Malgré cela, les résultats ne sont pas encore à la hauteur des difficultés rencontrées par beaucoup de nos concitoyens et du problème de société qui nous est collectivement posé. C'est pourquoi je veux faire franchir une nouvelle étape à la politique de sécurité. Traiter ce problème suppose sérieux, volonté et esprit de responsabilité. Dans ce domaine, plus que dans tout autre, les Français se méfient des solutions "miracle" et craignent les promesses non tenues. Ils récusent aussi l'attitude de ceux qui exploitent l'émotion et la peur. Pour ma part, je veux tenir un discours de vérité et prendre des engagements précis et cohérents. Tel est le sens du Contrat national de sécurité que je vous propose.
Passer avec les Français un Pacte national de sécurité
Mon objectif est de mieux assurer la sécurité pour tous et partout, parce que la sécurité est un bien essentiel pour chacun et un des piliers de la cohésion sociale. Je refuse l'impunité : tout délit doit trouver sa sanction. Pour ce faire, je vous propose de passer un Contrat national de sécurité dont les moyens seront dégagés, sur cinq ans, par une loi de programme.
Ce Contrat national de sécurité permettra de donner à la justice et aux forces de police et de gendarmerie les moyens nécessaires. Il fixera l'évolution des effectifs et des équipements consacrés à la politique de sécurité. Parallèlement, il définira des objectifs précis pour renforcer encore l'efficacité des forces de l'ordre et faire reculer la délinquance.
Pour conduire cette politique, un ministère chargé de la Sécurité publique assurera la coordination opérationnelle, sous l'autorité des préfets, de la police et de la gendarmerie, qui conserveront leurs statuts distincts. Je serai attentif à l'amélioration des moyens de travail et aux perspectives de carrière de l'ensemble des personnels concourant à l'ordre public.
Je veux aussi améliorer l'efficacité de la justice au quotidien, en accroissant ses moyens afin de permettre une plus grande rapidité des décisions ; une meilleure application des peines ; en renforçant le dialogue entre magistrats et responsables de la sécurité publique, et en formant mieux les magistrats à la diversité de leur tâche (gestion, administration). Pour ce faire, il faudra développer la médiation. C'est pourquoi je propose la création de postes de juge de proximité, qui seraient confiés à de jeunes retraités de l'éducation, de la police, de la justice, de l'armée, des entreprises.
En particulier, la délinquance des mineurs doit trouver une réponse effective et rapide, sans faiblesse ni exclusion. Bien sûr, l'insécurité en France n'est pas le seul fait des mineurs, loin de là. Je refuse de stigmatiser la jeunesse de notre pays qui, dans son immense majorité, étudie, travaille, réfléchit, participe à la vie de la cité. Ce que je veux traiter, ce sont les évolutions préoccupantes venant du comportement délictueux d'un petit nombre de mineurs.
Pour ce faire, nous procéderons aux modifications législatives nécessaires, y compris à celles de l'ordonnance de 1945 relative aux mineurs. Celle-ci pose des principes sages : sanctions adaptées, tribunaux spécialisés. Mais ce texte, d'ailleurs modifié à de nombreuses reprises depuis son adoption, ne doit pas être considéré comme tabou. Il devra être adapté, pour tenir compte d'un contexte social profondément modifié et dans l'intérêt même de ces jeunes en grande difficulté d'insertion sociale, auxquels il faut réapprendre le sens de la vie en société. A cet effet, les procédures de comparution immédiate seront étendues. Pour prévenir la récidive, il faudra également développer l'accueil des mineurs dans des structures fermées. La capacité d'initiative des collectivités locales sera sollicitée pour diversifier les dispositifs d'accueil, accélérer leur réalisation et les gérer.
Mais je n'oublie pas que les solutions d'éloignement sont toujours des solutions provisoires. Dans tous les cas, s'agissant de mineurs, il faut préparer leur retour dans la famille, au travail ou à l'école.
La sécurité, c'est aussi la protection contre le terrorisme, contre la grande délinquance et la cybercriminalité.
Il faut également renforcer la lutte contre la criminalité au niveau européen, notamment grâce à la création d'une véritable police criminelle intégrée et opérationnelle, dont EUROPOL constituerait le noyau. Je propose à nos partenaires d'avancer résolument vers la création d'une police européenne de l'air et des frontières extérieures de l'Union, pour mieux maîtriser l'immigration et lutter contre les filières d'immigration illégales. La sécurité des Européens passe aussi par la mise en place d'un véritable espace judiciaire européen et par le développement d'EUROJUST. Cela devrait, pour moi, conduire à terme à la création d'un parquet européen.
L'attention portée aux victimes restera une priorité, notamment en développant l'aide juridictionnelle.
Faire de la sécurité l'affaire de tous
Aux côtés de l'Etat, dont c'est la responsabilité première, je souhaite que chacun prenne sa part de l'effort pour vaincre l'insécurité : élus, agents publics, acteurs économiques et sociaux, parents, citoyens, associations.
Un Haut Conseil pour la sécurité sera mis en place, réunissant tous les partenaires de la sécurité afin de suivre la mise en oeuvre du Contrat national de sécurité.
Pour permettre à l'ensemble des acteurs de partager les mêmes chiffres, il disposera d'un Observatoire national de la délinquance.
Au plan local, le maire doit jouer un rôle central dans la politique de sécurité de sa commune. Il anime le Contrat local de sécurité et il est associé à la définition des objectifs des forces de sécurité. Les structures existantes seront adaptées pour renforcer son rôle. La population sera tenue régulièrement informée des résultats obtenus, à travers une Commission locale de la sécurité publique.
La lutte contre la violence à l'école, qui a déjà porté ses fruits, sera encore accentuée par un meilleur signalement des faits, par une plus grande réactivité des éducateurs et, dans les établissements où les problèmes se posent, par une plus forte association des chefs d'établissement, des enseignants, des représentants de parents, des services sociaux et de sécurité. Une cellule sociale de suivi des enfants et adolescents difficiles sera créée dans les communes où cela apparaîtra nécessaire, pour prévenir, si possible à l'âge le plus précoce, les dérives comportementales conduisant à la violence. Un dispositif national de prévention de la violence chez les jeunes sera mis en place. Il sera partie intégrante du Pacte de confiance avec la jeunesse que je propose par ailleurs aux jeunes.
Enfin, le Gouvernement portera une attention particulière, dans le cadre d'une réforme pénitentiaire, aux conditions de détention, qui sont encore trop souvent indignes et finalement inefficaces.
UNE FRANCE JUSTE
Je dis oui à l'économie de marché, je refuse la société de marché. Car, dans le même temps où il crée des richesses, le marché produit de nombreuses inégalités. Les forces conservatrices prétendent que ces inégalités seraient le prix à payer pour la croissance ou l'innovation. Cette idée ne correspond pas aux valeurs auxquelles je crois : la lutte pour l'égalité fait partie de l'identité du socialisme, de la gauche et, au-delà, de l'identité de la France. Cette idée ne correspond pas non plus aux réalités : les pays européens qui réussissent le mieux dans la nouvelle économie de l'information sont ceux où les inégalités sont les plus faibles.
Dans les cinq prochaines années, je souhaite faire de la lutte contre les inégalités une priorité. Je ne veux bien évidemment pas aller vers une France bâtie sur le même moule, qui ne saurait pas récompenser ses talents. Mais je veux une France qui soit tout simplement plus juste. Une France dans laquelle les chances de chacun, qu'il soit une femme ou un homme, qu'il habite en milieu urbain ou en zone rurale, qu'il soit ouvrier ou exerce une profession libérale, soient mieux garanties.
Réduire les inégalités de revenus
Cela suppose une réforme de notre fiscalité et une action résolue contre l'exclusion.
Il faut, d'abord et avant tout, alléger encore la fiscalité sur les bas revenus. Outre l'extension de la Prime pour l'emploi, je souhaite une réduction de moitié de la taxe d'habitation.
Cette réforme se fera en étroite concertation avec les communes et les départements. Mais, quel que soit le dispositif mis en place pour assurer l'autonomie des collectivités locales, à laquelle je suis attaché, cette réforme devra aboutir : la taxe d'habitation est l'impôt le plus archaïque et le plus injuste.
Il faut, ensuite, continuer de rééquilibrer la fiscalité en faveur des revenus du travail. Les revenus du travail, et plus largement de l'activité, restent en France sensiblement plus taxés que ceux issus de la rente. Il faut poursuivre le mouvement entrepris au cours de la dernière législature en réduisant l'ampleur des dispositifs qui permettent à certains types de revenus d'échapper à l'impôt, et en tendant à un meilleur équilibre entre taxation des revenus du travail et de l'épargne par l'augmentation du prélèvement libératoire sur les intérêts et de l'imposition des plus-values. En contrepartie, je prends l'engagement que le supplément d'impôt sur le revenu ainsi dégagé sera, euro pour euro, affecté à une baisse immédiate des taux de l'impôt sur le revenu. Je demanderai au Gouvernement de réfléchir à une réforme d'ensemble de l'imposition du revenu permettant notamment d'en alléger le poids. Nous restons le dernier Etat européen à ne pas prélever à la source l'impôt sur le revenu et à obliger les contribuables à remplir des déclarations encore trop compliquées. De la même manière, notre impôt sur le revenu est mal adapté aux accidents de la vie professionnelle (chômage, baisse de revenu) ou familiale (changement de statut, séparation), et peut pénaliser le travail des femmes.
Je ne me résouds pas à ce que la pauvreté persiste dans notre pays. Nous devrons poursuivre et amplifier l'action résolue contre l'exclusion conduite au cours de la dernière législature. Je sais que beaucoup trop de Français ressentent encore le manque de logements, la difficulté d'y accéder, le besoin d'en améliorer la qualité.
C'est pourquoi je souhaite que, dans les cinq ans qui viennent, nous parvenions à ce qu'il n'y ait plus de sans domicile fixe. C'est possible. Mais les administrations publiques n'ont pas la capacité de traiter, seules, la situation des personnes en déshérence. C'est pourquoi je propose, afin d'éradiquer la grande pauvreté pendant la mandature, de conduire cette mission en faisant appel aux ONG (organisations non gouvernementales), qui seront dotées des moyens financiers nécessaires. J'ai la conviction que la France dispose d'un réseau associatif dense et expérimenté, capable de mener à bien cette tâche.
Je veux aussi que l'habitat insalubre soit supprimé et la qualité des logements nettement améliorée, pour une charge plus abordable. Je demanderai au Gouvernement d'étudier la possibilité de mettre en place, à l'instar de la Couverture maladie universelle, une couverture logement facilitant l'accès et le maintien des locataires dans le logement, et garantissant mieux aux propriétaires la couverture de leurs frais et le revenu des loyers.
Garantir les retraites par répartition
Sécuriser nos régimes de retraite par répartition est un de mes engagements majeurs. Chacun peut désormais s'accorder sur le diagnostic: l'espérance de vie a augmenté fortement et doit croître encore. Ce que l'on appelle le "problème" des retraites est donc, d'abord, une bonne nouvelle. Maintenir le niveau des retraites doit demeurer notre objectif. Cela est possible en faisant plusieurs choix collectifs:
- En favorisant le retour à l'emploi des travailleurs de plus de 50 ans, pour rendre cohérente notre politique de l'emploi et notre politique des retraites.
- En donnant à chacun, dans le cadre du droit à la retraite à 60 ans, la liberté du choix de l'âge de la cessation d'activité, qui peut être progressive. Ceux qui ont commencé à travailler tôt et exercent les métiers les plus pénibles doivent, notamment, pouvoir partir plus tôt à la retraite.
- En mettant en oeuvre un équilibre équitable entre les régimes de retraites des salariés privés et ceux des fonctionnaires. Le cas de chaque entreprise publique sera traité, en fonction de ses spécificités, par le dialogue interne.
- En développant l'épargne salariale, comme nous avons commencé à le faire, sous le contrôle des partenaires sociaux.
- En continuant d'accroître la dotation du fonds de réserve des retraites.
- Je demanderai au Gouvernement de mener très rapidement une négociation entre toutes les parties concernées. Une fois les décisions arrêtées, le Conseil d'orientation des retraites, que j'ai créé, suivra par la suite les principales variables démographiques et économiques pour proposer les ajustements nécessaires.
Combattre les inégalités de pouvoir
L'entreprise moderne n'appartient pas à ses seuls actionnaires. Ceux-ci apportent leur capital, ce qui leur donne des droits. Mais les salariés apportent leur travail et leurs compétences, ce qui doit leur donner aussi un droit de regard sur le fonctionnement et les décisions de l'entreprise. Il faut équilibrer le pouvoir dans l'entreprise. Ainsi, je suis favorable à ce que les salariés soient représentés dans les conseils de surveillance.
L'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes doit être assurée. Or, à formation égale, les femmes occupent moins de responsabilité et les écarts salariaux, hors de la fonction publique, restent considérables dès l'entrée dans la vie active. L'égalité professionnelle passe d'abord par la formation: la mixité doit s'imposer dans toutes les filières de préparation à la vie professionnelle. Elle passe aussi par la lutte contre les emplois précaires.
Je propose que la représentation des salariés dans les conseils de surveillance et l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes fassent partie des thèmes du dialogue entre le Gouvernement et les partenaires sociaux que j'ai évoqué.
Renforcer la cohésion territoriale
Il s'agit de l'un des défis les plus importants : la cohésion nationale est aussi une cohésion territoriale. Je n'oppose pas villes et campagnes. Je veux traiter les problèmes que rencontrent les zones urbaines comme les zones rurales.
Dans les villes, nous devons amplifier le renouvellement urbain. Il faut accélérer l'effort entrepris, avec un grand programme de rénovation des cités HLM comprenant la démolition et la reconstruction sur dix ans de 300 000 logements HLM, la résorption des coupures urbaines qui défigurent les villes et l'amélioration des transports en commun pour faciliter la mobilité de tous dans la ville. Nous devons, par ailleurs, veiller à la "mixité urbaine" et notamment à la bonne application de la loi prévoyant la réalisation de 20 % de logements sociaux dans toutes les communes urbanisées.
Dans les zones rurales, il faut inventer de nouveaux modes de revitalisation de l'espace rural tout en veillant à préserver une présence efficace des services publics. Nous devons également mener une action volontaire afin que l'ensemble du territoire soit raccordé à l'Internet à haut débit d'ici à 2005.
Pour les agriculteurs, nous poursuivrons la mise en oeuvre du contrat qui leur a été proposé par la loi d'orientation agricole. Je veux une agriculture dynamique, favorisant des produits sûrs et de qualité. L'objectif de rééquilibrage des aides vers la moyenne et la petite agriculture familiale sera poursuivi, tout comme l'effort de simplification des procédures administratives.
Les contrats territoriaux d'exploitation seront amplifiés et simplifiés. L'installation des jeunes fera l'objet d'un effort particulier, en s'appuyant sur un dispositif de soutien et de formation nationalisé et adapté aux différentes situations.
Enfin, dans les Outre-mer, nous devons placer l'objectif de continuité territoriale, et donc l'égalité d'accès à l'Hexagone et à l'Europe, au coeur de notre projet, notamment en ce qui concerne les transports. Nous devons également soutenir massivement le déploiement des nouvelles technologies de l'information ainsi que l'accès aux responsabilités dans les services publics, par un programme de formation et de préparation aux concours.
Conforter notre système de santé
Nous avons le meilleur système de santé du monde. Mais il est aujourd'hui, je le sais, traversé de tensions et d'inquiétudes quant à sa pérennité, confronté à de multiples défis : le vieillissement de la population, la prise en charge de l'innovation thérapeutique, les risques d'une médecine à deux vitesses, le changement des pratiques professionnelles, les nouveaux droits des patients Il faut s'appuyer sur les acquis majeurs du système français, fondé sur la qualité des soins et le libre choix pour l'accès à l'hôpital public, aux cliniques privées et à la médecine libérale. Cela veut dire pour moi :
- Investir au service de l'amélioration de la santé des Français : pour rénover les hôpitaux, pour renforcer l'effort de recherche et offrir de nouveaux médicaments.
- Combler notre retard en matière de prévention. Cela implique notamment d'étendre la politique de dépistage systématique des maladies, à commencer par les cancers, et de cibler la prévention sur les principales causes de décès prématuré : tabac, accidents de la route, alcool, suicide...
- Garantir l'égalité d'accès aux soins pour tous nos concitoyens et sur tout le territoire. Pour ce faire, nous devrons améliorer le niveau de remboursement des soins dentaires, de l'optique et des prothèses. Il faudra réduire les inégalités géographiques, en offrant une meilleure prise en charge des malades et en coordonnant l'intervention des différents professionnels de santé.
- Promouvoir un nouveau contrat social entre les caisses et les professionnels, qui impliquera de nouvelles articulations entre l'hôpital et la médecine de ville, par le développement de réseaux.
- Moderniser le système de santé par une meilleure participation de chacun de ses acteurs.
L'Etat ne doit pas chercher à imposer par la contrainte les évolutions nécessaires. Il faut faire participer tous les acteurs au changement nécessaire : professionnels, patients, caisses d'assurance maladie, industrie pharmaceutique. Il revient à l'Etat de créer les conditions de ce nouveau contrat social :
o en recentrant son rôle sur la définition des priorités de santé ;
o en conservant l'objectif d'une maîtrise négociée des dépenses de santé ;
o en instaurant, au niveau national, les conditions de négociations pluriannuelles sur les moyens nécessaires pour répondre aux besoins et à l'évolution des techniques entre les acteurs gestionnaires du système de santé ;
o en organisant, au niveau régional, un pilotage unifié de l'offre de soins par la création d'agences régionales de santé (ARS) réunissant l'Etat et l'Assurance maladie et dont les compétences embrasseraient l'hôpital, le médico-social et les soins de ville.
Agir face aux handicaps
Notre pays compte aujourd'hui plus de trois millions et demi de personnes handicapées, à des degrés divers.
La politique menée depuis 1997 a été ambitieuse. Il s'agit, pour demain, de favoriser une insertion des personnes handicapées, mettant en oeuvre cinq principes :
- Accentuer l'intégration dans la vie scolaire ordinaire dès le plus jeune âge et dans le milieu du travail, ordinaire et protégé.
- Rendre la vie en société plus accessible dans tous les domaines : le domicile, la culture, les loisirs, les sports, les spectacles, le travail..
- Améliorer l'accompagnement, en augmentant l'accès aux services d'auxiliaires de vie et aux aides techniques.
- Développer la recherche et la prise en charge des handicaps rares ou complexes.
- Mettre en place des aides plus personnalisées pour mettre fin à des disparités et des injustices de traitement selon les causes du handicap.
Mieux vieillir
Poursuivant les progrès réalisés, notamment avec la mise en place de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), nous devons veiller à ce que tous les moyens soient donnés pour que l'allongement de la vie se fasse dans les meilleures conditions. Je propose :
- D'améliorer la qualité des services d'aide et d'accompagnement des personnes âgées, en développant particulièrement des structures à taille humaine.
- De lutter résolument contre la solitude des personnes âgées.
- De soutenir les multiples initiatives imaginées par les retraités (pour les actions d'alphabétisation, la protection de l'environnement, la coopération, etc...) afin de ne pas laisser inutilisé un fabuleux capital d'expérience et de générosité.
- D'assurer une meilleure représentation des retraités dans la vie sociale.
Aller vers un espace social européen
Je propose que soient créées les conditions d'un dialogue social avec les syndicats à l'échelle européenne. Le but doit être d'édifier un véritable droit social européen, fixant des normes communes ambitieuses, notamment en matière d'information et de participation des salariés dans la vie des entreprises, de droit des licenciements, de lutte contre le travail précaire et de politique salariale. En particulier, je propose la mise en place d'un contrat de travail européen définissant des garanties minimales. Notre perspective doit être celle d'un traité social européen, consacrant les droits sociaux qui sont au coeur de notre modèle de société.
De même, je propose de développer l'Europe de la santé, notamment en lançant un ambitieux programme de recherche, pour faire des progrès décisifs, en commun, dans la lutte contre le cancer, contre la maladie d'Alzheimer ou encore pour mieux tirer les conséquences de la connaissance du génome humain.
Les Européens ont aussi besoin, pour garantir l'égalité des citoyens, la solidarité entre eux, la cohésion territoriale et l'intérêt général, de services publics forts et efficaces. Je proposerai ainsi à nos partenaires l'adoption d'une directive européenne, qui fixera un cadre juridique permettant de consolider, sous la responsabilité des Etats, le rôle des services publics en Europe.
UNE FRANCE MODERNE
La vocation du Président de la République est de préparer la France au monde de demain. Notre pays doit résolument s'inscrire dans la modernité, mais dans une modernité maîtrisée.
Elle ne doit pas être une contrainte qui s'impose à nous.
Elle doit être une exigence qui assure la défense de nos valeurs. Depuis cinq ans, notre pays a renoué avec le progrès. Il y a maintenant davantage de raisons d'espérer que demain sera meilleur qu'hier.
Ce progrès retrouvé doit être un progrès partagé. Ce que nous voulons tous, c'est être sûrs que la vie familiale puisse trouver des appuis solides, que les jeunes entrent dans leur vie d'adulte avec assurance, que l'éducation et la culture favorisent l'égalité des chances, que les révolutions technologiques profitent à tous, que nous puissions jouir d'un environnement sain et agréable, enfin que nous bénéficions de services publics efficaces.
Conforter la famille
Les familles se diversifient. Mais elles demeurent pour les Français le premier lieu d'éducation et de solidarité où se nouent les relations affectives. J'ai travaillé depuis 1997 pour que les familles soient mieux reconnues et aidées. Je veux amplifier cette politique :
- Par la création, au-delà du congé de maternité, d'un congé parental, afin de promouvoir l'égalité parentale et domestique, gage d'égalité professionnelle et de bien-être.
- Par la mise en place d'un chèque enfance, négocié avec les partenaires sociaux, pour payer les prestations d'accueil d'enfants en dehors du temps scolaire.
- Par la création d'internats familiaux de proximité, pour épauler le rôle éducatif des parents.
- Par l'adaptation du droit pour permettre l'égalité entre les deux parents, pour poursuivre le renforcement des moyens juridiques dédiés à la protection du droit des enfants, pour réaliser la réforme du divorce, pour donner la possibilité à chaque enfant de connaître ses origines, pour améliorer la loi sur le PACS en supprimant par étape le délai de trois ans requis pour l'imposition commune.
Je n'accepte pas, enfin, la violence exercée contre les femmes, notamment dans la sphère familiale : mieux connue, elle doit être mieux combattue.
Il est donc nécessaire de renforcer les médiations familiales. Je propose aussi que le juge civil puisse, dans les situations d'urgence, interdire l'accès du domicile au conjoint violent.
Conclure un pacte de confiance avec la jeunesse
La jeunesse doit être l'âge de la liberté de choix. J'ai la volonté de mettre en oeuvre un véritable pacte de confiance avec la jeunesse. A côté des investissements indispensables, concernant particulièrement l'éducation, je fais cinq propositions nouvelles :
- La mise en place d'un contrat d'autonomie pour les jeunes de 18 à 25 ans. Toutes celles et ceux qui s'engagent dans une démarche de formation et d'insertion professionnelle bénéficieront d'un suivi individualisé, l'allocation se substituant en tout ou en partie aux actuelles aides fiscales, familiales, sociales.
- La possibilité pour les jeunes de bénéficier d'un service civique volontaire : chaque jeune doit se voir proposer d'accomplir un projet, de consacrer six à neuf mois de sa vie à un engagement social ou humanitaire, en France, en Europe ou dans les pays en développement. Ce service pourra conduire à la validation d'unités de valeurs pour les étudiants, être inclu dans les acquis professionnels, compter dans le calcul des annuités de retraite.
- L'institution d'une Conférence nationale de la jeunesse, où siégeront les organisations représentatives des jeunes, les partenaires sociaux, les mouvements familiaux, les administrations.
- La confiance dans la jeunesse demande également la reconnaissance des modes de vie et des cultures des jeunes. Il m'apparaît important de développer les lieux de création, de répétition, de diffusion pour les actions culturelles.
- Enfin, nous devrons mieux encore favoriser l'implication des jeunes dans les responsabilités associatives. Les associations constituent en effet une richesse qu'il faut préserver et développer : elles portent des valeurs, comme le bénévolat, qui sont trop mal intégrées dans nos indicateurs économiques et sociaux ; elles doivent être mieux reconnues par un statut de l'association européenne.
Investir dans l'éducation et la culture
L'éducation et la culture sont des clés pour l'avenir. Ce sont les gouvernements de gauche qui, depuis vingt ans, ont donné une priorité budgétaire à l'éducation et à la culture. Je continuerai d'y veiller.
Je propose d'avancer dans plusieurs directions nouvelles :
- En répondant mieux à la mission d'égalité des chances et de promotion de l'excellence de notre éducation nationale. Grâce à la gauche, le nombre de bacheliers et d'étudiants a doublé en 20 ans. Il faut maintenant se fixer les trois objectifs suivants :
100 % de jeunes sortant du système scolaire avec une qualification ;
80 % d'une génération parvenant au niveau Bac ;
50 % d'une génération titulaire d'un diplôme d'enseignement supérieur.
Une plus grande égalité territoriale est un objectif essentiel. Un traitement spécifique doit être accordé aux écoles, aux collèges et aux lycées des zones en difficulté, urbaines et rurales, pour permettre une prise en charge effective et méthodique des élèves qui connaissent des difficultés.
En élargissant les possibilités d'expérimentation, pour que chacun trouve des voies de réussite, dans le cadre d'objectifs nationaux fixés et régulièrement évalués. Sur cette base, une politique active de généralisation des bonnes pratiques venues du terrain sera menée.
En développant un enseignement d'éducation civique, qui fasse comprendre et vivre les valeurs de la République et la laïcité.
En intégrant davantage l'éducation dans les autres activités culturelles, sportives, civiques, par des actions communes avec les collectivités locales et les associations.
En menant résolument une politique d'aménagement culturel du territoire pour qu'aucun Français ne soit éloigné d'une bibliothèque, d'un cinéma, d'un théâtre, etc.
En créant un fonds de soutien à la production de programmes culturels de qualité (fiction, animation, documentaire, musique) à destination de la jeunesse.
En poursuivant la protection et la mise en valeur de notre patrimoine culturel.
En préservant un système audiovisuel public fort, assumant pleinement ses missions ; en permettant à tous les Français d'accéder au moindre coût à une grande variété de programmes par le développement de la télévision numérique terrestre ; en oeuvrant à la création d'une véritable chaîne européenne sur le modèle réussi d'Arte.
En favorisant une plus grande ouverture internationale à tous les niveaux, de l'école primaire à l'université ; en privilégiant l'apprentissage pour chaque jeune de deux langues vivantes ; en offrant un séjour à l'étranger, de trois mois aux lycéens et de six mois aux étudiants.
En travaillant à la mise en place effective d'un espace européen de l'éducation et de la culture, favorisant la mobilité des étudiants, des enseignants et des chercheurs, assurant la reconnaissance mutuelle des diplômes et faisant de la culture, en plus et au-delà des politiques nationales, une politique européenne commune, fondée sur le développement de mécanismes de soutien à la création cinématographique, audiovisuelle et informatique.
Reconnaître la priorité du développement durable
Je travaillerai à conjuguer la protection de l'environnement et les progrès de la science. L'Etat a un rôle majeur à jouer pour établir les sécurités nécessaires. Mais, à côté des règles, il faut favoriser la responsabilité dans l'ensemble de la société en utilisant l'action éducative, l'approche contractuelle, les incitations fiscales... La valeur de l'environnement doit être pleinement reconnue. Cela doit nous amener à ouvrir de grands débats face à l'opinion, sur l'agriculture que nous voulons, sur le principe de précaution, sur les innovations technologiques nées de la génétique et notamment les OGM. Pour défendre ou rétablir l'équilibre entre l'homme et la nature, je propose :
- La création d'une agence européenne de l'environnement, en partenariat avec les associations de défense de l'environnement. C'est à ce niveau que pourra être mis utilement en place une écotaxe.
- Une priorité à la lutte contre l'effet de serre, demandant une maîtrise de la consommation énergétique dans l'habitat, les transports - tout particulièrement dans les villes - et privilégiant les sources d'énergie non polluantes.
- La définition d'un schéma national de développement du transport combiné du ferroutage et du cabotage, et un plan européen d'organisation du fret en Europe avec, notamment, un système "d'autoroutes ferroviaires".
- La mise en oeuvre de politiques nationales ambitieuses pour la qualité de l'eau, pour une alimentation sûre et équilibrée, pour la protection des espaces et des milieux naturels.
- La limitation et la maîtrise des risques industriels, la sécurisation de la politique des déchets nucléaires et chimiques. Une meilleure transparence de la filière nucléaire sera poursuivie.
- L'institution d'un ministère de l'Environnement et des Ressources naturelles, doté de moyens accrus et de responsabilités étendues.
Déployer l'innovation et la recherche
L'innovation et la recherche sont un enjeu décisif dans la compétition mondiale. L'effort national de recherche et de développement doit être accru. Pour le concrétiser, plusieurs mesures doivent être prises :
- L'accroissement de l'autonomie des universités et des organismes de recherche, pour une meilleure utilisation de leurs moyens.
- La définition d'objectifs entre l'Etat, associé aux conseils régionaux, et les universités et organismes de recherche.
- Le développement de centres et réseaux d'excellence européens. L'amélioration des carrières scientifiques, pour donner des perspectives aux jeunes chercheurs dans les prochaines années, qui verront un fort renouvellement des équipes.
- Un programme important de recherche-développement, notamment dans les biotechnologies et les énergies renouvelables.
Défendre et moderniser les services publics
Relever les défis de l'avenir demande un Etat garant du principe d'égalité, présent, efficace, proche, mobile, qui sache nouer des partenariats.
Plus le monde est ouvert, plus la régulation par la puissance publique est nécessaire. Pour cela, il faut une volonté forte et des approches diversifiées reposant sur l'expérimentation. Dans cet esprit, j'entends particulièrement :
- Mener à bien une seconde étape de la décentralisation, qui clarifiera les relations avec l'Etat en transférant de nouvelles compétences, notamment en faveur des régions. Nous rechercherons une meilleure articulation entre les conseils généraux et les structures intercommunales. Celles-ci seront demain dotées de compétences étendues, et leurs organes de décision seront élus en 2007 au suffrage universel, en même temps que les conseils municipaux. Un pacte de solidarité, assurant une plus grande justice entre les collectivités locales et garantissant leurs ressources, sera signé entre celles-ci et l'Etat.
- Poursuivre les mesures de déconcentration, dans la fonction publique d'Etat, en fixant des contrats d'objectifs aux préfets dans les régions et les départements. Je fais confiance aux fonctionnaires. Je souhaite qu'ils soient davantage responsabilisés dans leur travail quotidien : individuellement, par une gestion des ressources humaines plus personnalisée ; collectivement, par une mobilisation des services autour d'une logique de projet.
- Soutenir des organisations d'usagers des services publics capables de relayer efficacement leurs attentes. Il faudra aider de telles associations à se créer, puis à se développer, en leur donnant les moyens juridiques et financiers nécessaires.
Favoriser la négociation collective
Notre pays fait face à des grands enjeux : garantir les régimes de retraites par répartition, développer la formation tout au long de la vie, améliorer la gestion de notre système de santé. Trois champs doivent être particulièrement ouverts à la concertation et au dialogue.
La démocratie sociale, en laissant plus de place à la négociation et au contrat. Cela implique que la légitimité des accords professionnels repose sur une adhésion majoritaire. Dans cette perspective, la représentativité des syndicats doit être réellement fondée sur le vote des salariés. Des modalités spécifiques de dialogue social doivent être définies dans les petites entreprises. Un accord interprofessionnel majoritaire devrait, parallèlement, pouvoir être transcrit par le législateur, pour autant qu'il ne remette pas en question les principes fondamentaux du droit.
La gestion des organismes sociaux, en clarifiant les règles du jeu par la concertation. Le rôle de l'Etat et les responsabilités des partenaires sociaux ne doivent pas être les mêmes selon les régimes sociaux : vieillesse, maladie, famille, chômage, accidents du travail.
La négociation collective dans les fonctions publiques.
Dans les entreprises, une obligation de négocier existe depuis 1982. Sans affaiblir le statut de la fonction publique, une telle obligation doit aussi concerner les services de l'Etat, y compris au niveau déconcentré, les hôpitaux et les collectivités territoriales.
UNE FRANCE FORTE
Je veux une France dont les idées, les valeurs et la culture rayonnent - notamment au travers des Français de l'étranger -, une France qui oeuvre à la préservation du pluralisme mondial, une France qui promeut une plus grande régulation internationale. La France travaillera, après le succès de l'euro, à ce que l'Europe élargie devienne une puissance économique, sociale et culturelle, tournée vers le développement et la paix, agissant pour la restauration des équilibres écologiques de la planète.
La France est un pays qui, profondément attaché à son identité, conserve une vision universelle du monde, un pays qui continue à vouloir jouer un rôle dans la vie de la planète et qui s'en donne les moyens.
Je veux, si vous m'élisez à la Présidence de la République, porter cette vision. Je le ferai sans repli national, qui serait pour nous périlleux, mais aussi sans dilution dans cette globalisation où les dérives du libéralisme et l'uniformisation de la culture et des pensées menacent.
C'est ainsi que je concevrai le rôle de la France, à partir de son identité, mais une identité qu'elle offre aux autres pour la confrontation, le débat et le partage.
Faire de la France un acteur du pluralisme mondial
Le monde est trop complexe et trop divers pour qu'une seule puissance puisse prétendre résoudre ses problèmes à la seule lumière de ses intérêts nationaux. C'est pourquoi, et davantage encore après le 11 septembre, l'intérêt collectif exige que les Etats-Unis soient ouverts aux autres, en respectant des règles, en partageant l'esprit de dialogue, en se réinscrivant dans les grandes problématiques des organisations internationales qui ont à traiter des grandes questions de la planète.
Car nous ne pouvons pas laisser aller le monde tel qu'il va, avec sa violence ouverte ou latente, ses injustices effroyables. Ce monde, nous devons l'infléchir, le redresser, l'organiser, le rendre moins injuste. C'est là une des missions de la France ; c'est là un des rôles essentiels d'un Président de la République actif. Cela pose aussi la question de la capacité de la France à entraîner ses partenaires européens.
Au Proche-Orient, la France et l'Europe joueront un rôle de médiation en faveur de la paix, pour la reconnaissance du droit du peuple palestinien à un Etat viable et la garantie à Israël du droit de vivre dans la sécurité.
Réussir l'élargissement de l'Europe
L'unification de l'Europe constitue l'aboutissement d'une perspective historique. Sa réussite ne répond pas seulement à un devoir de solidarité. Elle est aussi un projet politique.
Dans cet élargissement imminent, nous devrons légitimement défendre nos intérêts, mais nous devrons aussi accueillir les pays candidats avec l'esprit ouvert et veiller avec eux à ce que cet élargissement sans précédent de l'Union européenne n'aboutisse pas à la dilution du modèle européen.
C'est pourquoi je resterai attentif, avec nos autres partenaires, à ce que les pays candidats montrent leur capacité à reprendre réellement ce qu'on appelle "l'acquis communautaire", c'est-à-dire les engagements collectifs qui sont le fondement de notre Union. Je veillerai à ce que les mesures de transition qui seront accordées à ces pays - en particulier dans le domaine agricole - les aident dans cette voie, sans créer de préjudice pour les Etats membres actuels, et sans mettre en danger les finances publiques de l'Europe.
Vouloir l'Europe politique
Si vous m'élisez à la Présidence de la République, j'attacherai la plus grande importance au débat sur l'avenir de l'Union, lancé en décembre 2000 à Nice, et qui sera mené au sein de la "Convention européenne". Mon objectif : contribuer à construire une Europe politique. Je veux une Europe unie, dotée d'institutions fortes pour mener des politiques communes ambitieuses, qui permettent d'affirmer le modèle de civilisation européen et la constance de la présence européenne dans le monde, dans le respect des identités nationales.
Cela passe par l'adoption d'une Constitution européenne, dont la Charte européenne des droits fondamentaux, adoptée à Nice à la fin de l'an 2000, serait la première partie. Cette démarche constitutionnelle doit, pour moi, exprimer un acte politique fondamental : l'affirmation d'un projet commun, la volonté de fonder une véritable fédération d'Etats-Nations, expression d'aujourd'hui pour les Etats-Unis d'Europe jadis rêvés par Victor Hugo.
Pour aller dans cette voie, les compétences respectives de l'Union et des Etats doivent être clarifiées. Les traités, devenus indéchiffrables, doivent être simplifiés. Les moyens d'aller de l'avant doivent être donnés aux pays qui le souhaitent. Les Parlements nationaux doivent être mieux associés à la construction européenne.
Je m'opposerai à la renationalisation des politiques communes, qui traduisent les liens de solidarité entre Européens, par exemple dans le domaine agricole ou de l'aide aux régions en retard de développement. Bien sûr, la politique agricole commune (PAC) doit s'adapter aux nouvelles réalités, et notamment aux attentes fondamentales des citoyens : il ne s'agit pas de produire plus, mais de produire mieux.
Dès lors, il est légitime de vouloir réformer la PAC, dans le respect du cadre financier tracé à Berlin pour la période 2000-2006, en rééquilibrant les aides en faveur du développement rural, en appuyant l'amélioration de la qualité des produits et de l'environnement. Mais changement et adaptation ne signifient pas démantèlement. Nous devrons continuer à disposer d'instruments communautaires, permettant de piloter et non de subir les évolutions des marchés agricoles.
Les élections au Parlement européen devront s'affirmer comme le temps fort de la vie démocratique européenne. A cet effet, je reprendrai le projet de réforme du scrutin européen, qui n'a pu aboutir en 1998, afin de faire jouer la règle actuelle de la représentation proportionnelle dans de grandes circonscriptions régionales, rapprochant ainsi l'élu des citoyens. Le Parlement européen étant ainsi rendu plus représentatif, je proposerai que la désignation du Président de la Commission européenne s'effectue parmi les membres de la majorité politique victorieuse aux élections européennes.
Le Conseil des ministres de l'Union, qui est l'institution européenne où sont représentés les Etats membres, doit aussi être renforcé. Je proposerai notamment à nos partenaires un Conseil permanent de ministres chargés des affaires européennes, directement rattachés à leur Premier ministre. Ils joueront un rôle de coordination du travail européen, dans leur Gouvernement et à l'échelle de l'Union.
Mais l'Europe doit aussi être plus à l'écoute des attentes de ses citoyens. C'est pourquoi je préconise que, symboliquement, chaque Européen puisse disposer d'une carte d'identité européenne, avec une face commune et une face nationale.
Assurer notre défense
La France doit être en mesure de peser réellement lorsque les intérêts straté-giques de notre pays et ceux de l'Europe peuvent être directement concernés.
L'Europe doit être mieux à même de faire entendre sa voix, grâce à une politique étrangère commune. La France oeuvrera à ce qu'elle soit de plus en plus cohérente et forte. Pour assurer sa sécurité, mais aussi pour contribuer au maintien de la paix dans le monde, l'Europe a aussi besoin d'une défense commune. Les fondations en ont été jetées, notamment lors de la Présidence française de l'Union européenne, au second semestre de l'an 2000, avec la création en cours d'une force européenne de réaction rapide. Il faut maintenant que l'Europe se dote d'une doctrine globale d'intervention et d'emploi de cette force, pour conduire des opérations militaires autonomes pour la défense de la paix. Nous devons continuer à investir dans les équipements européens et à développer de grands programmes d'armement communs.
Au plan national, l'outil de dissuasion, indispensable dans le contexte stratégique actuel, continuera d'être modernisé. S'agissant de l'outil conventionnel, il conviendra d'accentuer l'effort engagé pour favoriser les capacités de renseignement et de commandement, et améliorer la puissance de feu, la précision et la projection de force à longue distance, qui assurent la maîtrise de la violence lorsque nous nous engageons dans les crises graves.
La professionnalisation de nos armées doit être consolidée. La revalorisation de la condition militaire sera poursuivie. La rénovation des droits et obligations des militaires sera entreprise. Le rôle de la réserve, qui offre un complément indispensable de l'armée professionnelle et donne un rôle direct au citoyen volontaire dans la défense de notre pays, sera développé.
Ces orientations seront confirmées et précisées, au niveau national, à l'occasion du débat au Parlement sur la loi de programmation militaire, votée dès le début de la législature. Elles devront l'être au niveau communautaire avec l'élaboration d'un Livre blanc sur la défense de l'Union européenne, pour développer une politique convergente sur les objectifs et les moyens de l'Europe de la défense.
Je m'assurerai de l'efficacité de l'outil de défense, au service de nos choix politiques, et veillerai à la solidité du lien de confiance entre la collectivité nationale et nos armées.
Maîtriser la mondialisation
La mondialisation est ambivalente. Elle crée des richesses mais nous savons que, si elle n'est pas maîtrisée, elle creuse gravement les inégalités entre pays du Nord et du Sud et fragilise les équilibres naturels de la planète. C'est pourquoi, contre les forces qui poussent à la dérégulation, la France devra nouer les alliances nécessaires, notamment au travers de l'Union européenne, pour faire prévaloir une plus grande régulation internationale et la diversité culturelle.
L'action de notre pays doit viser, en particulier, à la recherche de financements complémentaires en faveur de ce qu'on appelle les "biens publics mondiaux" : la santé, la protection de l'environnement, le développement durable ou encore le droit à la culture. Il faut poursuivre l'étude que la Commission européenne a entamée, à la demande de mon Gouvernement, sur la mise en place d'une taxe internationale sur les flux financiers à court terme.
La lutte contre le blanchiment des capitaux doit par ailleurs changer d'échelle : il nous faut mieux lutter, au niveau de l'Union, contre les diverses formes de paradis fiscaux. Mais ce combat doit aussi être mené à l'échelle du monde. C'est pourquoi je souhaite que l'Europe propose aux pays en développement une meilleure association aux réflexions internationales sur les normes de sécurité contre le blanchiment. Il faut enfin chercher à renforcer la transparence du système financier international, notamment en supprimant l'anonymat de certains virements internationaux et en combattant les excès du secret bancaire.
Par ailleurs, nous avons besoin d'une instance qui puisse légitimement arbitrer entre des règles multilatérales concurrentes. Le G7/G8, qui rassemble les pays les plus riches du monde, et dont notre pays fait partie, ne peut jouer ce rôle. C'est pourquoi j'ai la volonté que soit approfondie l'idée d'un "Conseil de sécurité économique et social", ouvert aux pays en développement et lié à l'Organisation des Nations Unies.
Je souhaite aussi que la France promeuve activement la création d'une autorité mondiale de l'environnement, sous l'égide du Programme des Nations unies pour l'environnement, qu'il conviendra de transformer progressivement.
Refuser le sous-développement et la dégradation de la planète
Promouvoir un développement équitable et durable sur l'ensemble de la planète, soutenir les économies et démocraties émergentes est l'une des missions essentielles de notre pays, en liaison avec ses partenaires européens. Un effort des pays industrialisés en faveur du développement, à hauteur de 0,7 % de leur produit intérieur brut, doit rester notre objectif. Mais pour l'atteindre, il faudra mettre en oeuvre des outils rénovés et mieux adaptés aux besoins.
Je souhaite aussi une allocation exceptionnelle de "droits de tirage spéciaux" par le Fonds monétaire international, afin d'augmenter les réserves de change des pays les plus fragiles.
Je proposerai également à nos partenaires européens de réfléchir à une grande initiative européenne pour le développement des pays de la Méditerranée, à travers un emprunt permettant de financer l'équipement des pays méditerranéens dans de nombreux secteurs de base (éducation, santé, transports, énergie) et, plus largement, d'annuler la dette des pays en développement.
Une autre priorité de l'aide publique internationale, que notre pays doit activement porter, concerne la lutte mondiale contre le sida. Notre pays doit militer avec force pour l'essor d'un fonds multilatéral permettant de combattre les maladies qui touchent les pays les plus pauvres : sida, paludisme, tuberculose
Enfin, la France doit lancer une initiative sur l'un des sujets essentiels de ces prochaines décennies : l'eau. Il nous faut arriver à une Charte Internationale sur l'eau, pour que le droit universel d'accès à ce bien soit reconnu et organisé.
LA DEMOCRATIE AUTREMENT
La France aspire à une vie publique plus simple et plus directe. Elle aspire à des pouvoirs mieux partagés, plus proches et plus efficaces. Ces exigences nouvelles expriment une demande accrue de citoyenneté et une plus grande maturité démocratique. Dans toutes les propositions que je viens de vous présenter, il y a une même volonté d'approfondissement et de modernisation de notre démocratie. Dans la conception de la Présidence de la République. Dans le renforcement du rôle des partenaires sociaux. Dans l'accroissement des responsabilités des pouvoirs locaux. Dans la marche vers une Europe plus politique. Cette même volonté m'anime en ce qui concerne les institutions de notre pays. Je ne suis pas favorable à ce qu'elles soient bouleversées. Mais je souhaite qu'elles soient profondément réformées. Les engagements que nous avons tenus - réforme de la justice, limitation du cumul des mandats, renforcement de la décentralisation, instauration de la parité, adoption du quinquennat - dessinent l'avenir. Je vous propose aujourd'hui de nouvelles avancées démocratiques, pour rendre le Parlement plus efficace, la justice plus indépendante et la citoyenneté plus active.
Revaloriser le parlement
Nous avons respecté pendant cinq ans le rôle du Parlement :en faisant chaque semaine, avec les séances des questions d'actualité, de vrais rendez-vous politiques; en permettant aux commissions d'enquête et aux missions d'information parlementaires de jouer tout leur rôle ; en n'ayant jamais recours à l'article 49.3 de la Constitution. Mais il faut aller au-delà.
Pour permettre une meilleure respiration de notre vie démocratique, pour avoir des élus nationaux qui se consacrent pleinement à leur tâche de législateur, nous devons poursuivre dans la limitation du cumul des mandats, en franchissant une nouvelle étape vers le mandat unique pour les parlementaires. Cette évolution devra s'accompagner de la mise en place d'un statut de l'élu.
Je considère comme fondamental que soient rendues possibles les conditions d'un meilleur contrôle et d'une plus forte évaluation par le Parlement de la mise en oeuvre et de l'application des lois votées.
Je proposerai aussi d'introduire une part de scrutin proportionnel dans l'élection des députés.
Dans ma conception de la démocratie parlementaire, un Président actif doit travailler en cohérence avec son gouvernement et avec la majorité qui le soutient, mais aussi nouer le dialogue avec l'opposition, qui doit être respectée et écoutée.
Concrétiser l'indépendance de la justice
De la même façon qu'il faut renouveler les rapports entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif, il faut mettre un terme à la suspicion qui pèse sur les relations entre le pouvoir politique et la justice. Il faudra reprendre l'initiative et inscrire dans la loi ce qui a été la pratique de mon Gouvernement, c'est-à-dire l'impossibilité pour le pouvoir politique d'intervenir dans les affaires individuelles.
Parallèlement, les carrières des magistrats devront être mises à l'abri de toute intervention politique. Je propose aussi que la justice, devenue plus indépendante, soit rendue plus responsable, notamment par le droit donné aux justiciables de saisir des commissions de réclamation. Enfin, il conviendra que le Président de la République puisse répondre, devant les juridictions de droit commun, comme tout citoyen, pour des actes antérieurs à son élection ou sans lien avec l'exercice de son mandat. Cela se fera, bien sûr, dans des conditions compatibles avec le respect de sa fonction.
Développer la citoyenneté
Pour favoriser l'intégration, je proposerai le droit de vote des étrangers, régulièrement installés sur notre sol depuis cinq ans, aux élections locales.
Pour faciliter une meilleure participation des citoyens aux décisions qui les concernent, je proposerai que soient développés les référendums locaux et régionaux, à titre consultatif et selon des modalités définies par l'Etat.
Pour permettre une plus grande clarté de notre vie démocratique et une réactivité plus grande de cette dernière aux évolutions de la société, je proposerai l'harmonisation de la durée de tous les mandats, nationaux et locaux, à cinq ans.
Pour pouvoir conduire à bien ces réformes et répondre à ces exigences, chacun devra prendre ses responsabilités. Dans l'année qui suivra les élections présidentielle et législatives, je soumettrai aux Françaises et aux Français, après un débat au Parlement, un ensemble de propositions qu'il leur appartiendra de trancher par voie de référendum.
A plus long terme, deux autres grands chantiers devront être ouverts et donner lieu à une concertation large et approfondie.
Le premier concerne le Sénat. Au-delà du mode d'élection des sénateurs et de la durée des mandats, la question de l'évolution des pouvoirs, notamment constitutionnels, du rôle et de la fonction de la Haute Assemblée doit être posée.
De la même façon, les éléments d'une réforme du Conseil constitutionnel doivent être débattus, qu'il s'agisse du mode de désignation de ses membres - aujourd'hui trop politique - ou de l'élargissement de sa saisine à tous les justiciables.
(Source http://www.lioneljospin.net, le 27 mars 2002)