Texte intégral
Mes chers amis,
Nous avons vécu deux jours très intéressants et très éclairants.
Très intéressants, parce que la qualité des débats, la qualité des interventions, la profondeur de celles-ci montraient ce que nous sommes, c'est-à-dire un mouvement politique rassemblé, cohérent et qui croit dans sa mission.
Cette impression de cohérence et de mobilisation - moins nombreux mais plus cohérent que nous ne l'étions - a, je crois, dominé les interventions, les débats, la vigueur des propos et le caractère profondément rassemblé de la famille politique dont vous êtes la représentation à l'Assemblée nationale, au Sénat et au Parlement européen.
Cela n'aurait pas été possible sans l'organisation qui n'était pas une organisation traditionnelle de Journées parlementaires. Il n'échappait à personne que ces premières journées d'après les élections de 2002, auraient une signification transparente pour tous les observateurs. De ces journées, de leur vérité, de leur authenticité, dépendrait le jugement et donc le message que nous aurions à adresser par l'intermédiaire des médias à la France.
Je veux dire qu'Anne-Marie Comparini, Présidente de la région et spécialement Michel Mercier comme Président du Conseil général du Rhône, comme un des animateurs les plus vigoureux des sénateurs à la haute assemblée, ont joué dans cette organisation et dans cet accueil un rôle éminent.
Ils me permettront de leur dire combien j'apprécie le travail que tous les jours nous conduisons ensemble.
Et à Michel Mercier de dire combien dans la fonction de trésorier qui est la sienne, sa rigueur, sa volonté, son caractère stable, sont, pour moi, précieux.
Tant que nous en sommes aux grandes fonctions de cette formation politique, il me paraît important aujourd'hui de dire devant vous, toute l'amitié, toute la reconnaissance que j'ai pour Anne-Marie Idrac. Je veux qu'elle sache combien, depuis les années où elle occupe le secrétariat général de l'UDF auprès de moi, dans l'animation de la campagne présidentielle, elle a, auprès de moi joué un rôle absolument précieux.! Je voulais le dire devant vous.
Voilà pour notre famille.
Mais notre famille n'est pas l'objet de cette rencontre.
L'objet de cette rencontre, c'est notre pays, le monde dans lequel nous vivons et ce n'était naturellement pas un hasard si le 11 septembre était la date de notre rencontre.
Chacun d'entre nous se souvient précisément - et je crois l'immense majorité de ceux qui peuplent la planète - de l'endroit, de la minute, où il a appris ce qui se passait sur New York et un peu plus tard sur Washington.
Chacun d'entre nous se souvient de l'endroit, de la minute où il a ramassé en plein visage cette image à nulle autre pareil de barbarie spectaculaire, comme une image de fiction des avions qui entraient dans les tours.
A ce moment-là, plusieurs sentiments se sont bousculés en nous ; un fédérait tous les autres : on avait l'impression que le monde basculait, que plus rien ne serait plus jamais comme avant.
Alors, tout le monde a exprimé, comme hier notamment au Consul général des Etats-Unis, d'abord la vague du sentiment de peine et de profonde amitié, la vague de solidarité pour le peuple américain, pour la nation américaine ; on avait envie de prendre la main du peuple américain pour lui montrer que ce qu'on lui faisait, la blessure qu'on lui imposait, elle nous était imposée à nous aussi.
Puis, il y a eu un deuxième sentiment qui a suivi, qui a été le sentiment d'admiration à l'égard du ressort de ce peuple et j'allais dire du ressort patriotique de ce peuple, sentiment qu'un peuple pouvait se ressaisir autour de son identité et de sa fierté d'existence.
Et depuis les pompiers jusqu'au salut à la bannière étoilée, on a vu l'âme du peuple américain et cela a suscité chez nous un sentiment d'admiration.
Puis, il y a eu un troisième sentiment et là, la plupart des observateurs se sont trompés.
Beaucoup d'observateurs avaient l'impression, le sentiment, qu'à dater de cet instant, l'Amérique ne serait plus jamais le phare ou le pilier du monde que ce pays était jusqu'au 11 septembre.
Les papiers ont été innombrables sur le thème : la domination américaine a pris fin en même temps que s'écroulaient les tours du World Trade Center.
Je suis sûr que la plupart d'entre nous dans nos conversations, avons eu ce sentiment.
La réalité du 11 septembre 2002, c'est exactement le contraire. Un an après en effet, rien n'est plus comme avant, mais ce n'est pas que les Etats-Unis ne sont plus la puissance dominant la planète, c'est que les Etats-Unis s'affirment non plus seulement comme la première puissance de la planète, mais comme la première puissance de la planète décidée à exercer sa puissance, y compris par les armes.
Naturellement cela change tout et naturellement cela nous amène, 11 septembre 2002 - 11 septembre 2001, au sujet de la guerre en Irak.
Sujet qui, si nous n'y accordions pas l'importance historique qu'il mérite, serait source de très grande erreur pour les dirigeants politiques que nous sommes censé être.
C'est un moment, j'en ai la conviction, de basculement de l'histoire. Il faut l'examiner et le regarder comme tel, comme représentant du peuple français, dans l'Union européenne, capable de voir ce qui se joue et ce qui se joue est absolument crucial.
Comme cela va se faire aujourd'hui à l'ONU, parlons de Saddam Hussein.
Saddam Hussein est un dictateur qui a montré au Koweit, il y a 10 ans, qu'il ne s'embarrassait pas de moyens, qui a choisi contre son peuple d'imposer la dictature et de consacrer les moyens de son pays à l'édification d'un certain nombre d'armes.
Cela ne fait de doute, je crois, pour personne, en dehors de quelques spécialistes des relations avec l'Irak.
Le président Bush va s'exprimer dans quelques heures à l'ONU sur ce sujet. Qu'il y ait des armes de destruction massive, prêtes ou en préparation en Irak, cela ne fait de doute pour aucun d'entre nous. Mais il y a un paradoxe.
Ce sont les pays qui détiennent des armes mille fois ou dix mille fois infiniment plus précises et destructrices que celles que préparent Saddam Hussein, qui s'apprêtent à déclencher le feu contre lui.
Vous voyez bien que, nous, la France naturellement, l'Europe naturellement, les Etats-Unis, cent fois plus, possèdent et maîtrisent toutes ces armes et cette capacité de destruction.
A partir de ce fait qui ne peut pas être discuté, une question se pose : quel est le critère à partir duquel nous avons le devoir de poser la question de ces armes ?
Il me semble que, si l'on pousse la réflexion, on trouve un seul critère : c'est celui de la fiabilité ou de la confiance que la communauté des nations peut faire à ceux qui détiennent ou préparent de telles armes.
Il est vrai que la fiabilité de Saddam Hussein est comme on l'a vu, nulle.
Une fois qu'on a posé la question en ces termes, il y a un deuxième pas à conduire, qui est celui-ci : qui doit juger de la fiabilité à partir de laquelle la communauté des nations accepte ou refuse la détention de telles armes ?
Selon moi, et je crois selon nous si nous y réfléchissons, un pays seul ne peut pas être juge d'une pareille question ; pas même un pays seul avec ses alliés proches. Parce que, si un pays, fussent les Etats-Unis, décide seul de la paix ou de la guerre, cela veut dire que nous sommes entrés dans un autre siècle qui sera le siècle de l'empire. Cela n'est à souhaiter ni pour nous, ni pour le monde, ni, je le crois profondément, pour les Américains eux-mêmes.
Est-ce que le monde va être l'empire désormais d'une seule puissance décidant seule de la paix ou de la guerre ou est-ce que le monde va aller vers l'équilibre des puissances ?
Voilà la question que nous avons devant nous.
Pour nous, l'ordre du monde ne peut être régi que par une vie internationale où la même règle et le même droit s'imposent aux forts et aux faibles ou, plus exactement, où la même règle et le même droit tendent à s'imposer aux forts et aux faibles, pour être plus prudent dans la formulation.
Un monde qui n'accepte pas que la seule loi, soit la loi du plus fort.
Naturellement, c'est un grand sujet qui va se jouer dans les jours ou semaines qui viennent et il me semble que, si l'on défend comme nous l'idée d'une procédure internationale qui permette d'esquisser ou de bâtir cet ordre du monde, alors il faut agir.
Les Etats-Unis nous disent : il y a des armes de destruction massive. Il faut prendre cette affirmation au sérieux et en avoir le coeur net avant de faire la guerre.
Pourquoi la France ne propose-t-elle pas, au nom de l'Union européenne, une résolution aux Nations Unies exigeant le retour immédiat et sans condition - avec la protection internationale, avec les garanties les plus rigoureuses, avec une date, avec un ultimatum si on le veut - le retour des inspecteurs chargés de vérifier au nom des Nations Unies la réalité de la situation en Irak ?
N'est-ce pas cette guerre qui se profile ? Tout le monde voit bien qu'elle est un immense enjeu et un grand risque.
Une procédure internationale doit permettre aux nations d'en avoir le coeur net avant que le déclenchement de cette guerre ne s'accomplisse.
Si les inspecteurs sont empêchés d'accomplir leur mission, alors nous en aurons eu le coeur net, mais pour nous, l'ordre juste du monde suppose l'équilibre des puissances et agir en ce sens, ce serait faire un pas déterminant pour que les choses ne se déroulent pas sans que nous en soyons, d'une manière ou d'une autre, les acteurs, que les choses ne se déroulent pas alors que nous les observerions en spectateurs impuissants.
Naturellement, tout le monde voit bien que cette question - une seule puissance ou l'équilibre des puissances - qui engage tous les sujets dont nous traitons, depuis l'environnement jusqu'au commerce international, jusqu'à la recherche, aux brevets, aux normes, aux lois, à la civilisation, aux langues qui seront les nôtres, pas la peine de prétendre défendre nos identités, notre avenir en tant que nation s'il n'y a pas, à la surface de la planète, équilibre des puissances ou, au moins, aspiration à l'équilibre des puissances.
Cette question, c'est notre question.
C'est la question des Européens et, parmi les Européens, la question des Français et, si vous me le permettez, dans la vie politique française, la question de la famille politique que nous formons ensemble.
Je ne crois pas présenter les choses avec emphase, mais seulement avec réalisme en disant que la question européenne, si la France n'en devient pas leader, ne se résoudra pas.
Et si en France nous n'assumons pas notre responsabilité de proposer des choses claires, simples et massives, un horizon perceptible par tout le monde et courageux, la France ne se dotera pas de la politique qui peut, seule, permettre à l'Europe de se construire.
Je ne sais pas si nous mesurons la responsabilité qui est la nôtre dans cette affaire.
Hier, le général Jean Rannou a dit quelque chose de très éclairant.
Il y a trois options :
Par rapport aux Etats-Unis, nous pouvons être les sous-traitants et les valets d'armes, première option.
Ou bien nous pouvons être les suiveurs, deuxième option.
Ou bien nous pouvons être les pairs et partenaires.
Naturellement, on sait que cela ne se fera pas de sitôt l'équilibre, mais c'est un chemin.
J'ai traduit un peu librement ce qu'il a dit, mais ce sont les trois options que nous avons devant nous.
Naturellement, comme il convient, cette question se pose d'abord en matière de défense.
Quelques-uns d'entre vous m'ont souvent entendu raconter l'histoire du jeune militant que j'étais. Il y a un jour où je me suis dit, on dit qu'on est européen... c'est nécessaire, c'est très bien, mais tu vas écrire sur un papier les raisons incontournables pour lesquelles tu es européen.
Alors, j'ai écrit comme tout le monde, la prospérité économique, la monnaie, tout cela... mais je me disais, après tout, la prospérité économique, la Suisse aussi a la prospérité économique ; et la monnaie après tout, la Suisse aussi à une monnaie.
Et je suis arrivé au bout du compte à un seul mot : Défense.
Parce que je sais qu'au moins dans ce sujet-là, si nous ne sommes pas ensemble, nous n'aurons pas l'outil de notre indépendance.
Qu'il n'existe aucun scénario crédible qui puisse permettre la page de la dissuasion nucléaire étant écrite et, d'une certaine manière tournée, il n'existe aucun scénario crédible qui permette de bâtir un outil de défense, hors le scénario européen.
C'est désormais le rendez-vous. Défense !
Si nous continuons chacun de notre côté, chacun des pays européens de son côté, à dépenser son argent, même valeureusement, même en augmentant les crédits comme on est en train de le faire, pour continuer à construire des défenses nationales dans le monde où nous allons, alors, c'est qu'au fond d'entre nous, avec les meilleures raisons du monde, nous avons accepté l'idée de l'empire et que nous avons refusé de construire lentement, patiemment, même si c'est long et difficile, l'équilibre des puissances.
Excellent exemple cette semaine. On a choisi courageusement d'augmenter le budget militaire, le budget d'équipement et de construire, c'est un grand effort, le deuxième porte-avions. Je le dis clairement, j'aurais préféré que le deuxième porte-avions fut européen. Je suis sûr que nous l'aurions eu plus vite ; je suis sûr que nous aurions partagé l'effort et que, en tout cas, le travail de conception nécessaire pour bâtir un outil qui puisse servir à édifier la défense européenne, aurait été utile et précieux.
Il y a là une différence de conception.
Vous voyez bien que le but à atteindre est, pour moi, clairement identifier : défense et diplomatie, pour que la France puisse dire son mot ; pas pour que la France s'efface, pour que la France puisse parler. Si nous n'avons pas l'outil nécessaire, la voix de la France, c'est une voix que personne n'entend.
Qui dit défense et diplomatie, doit dire aussi démocratie.
Ce sont les trois " D ".
Bien entendu, nous ne pouvons pas accepter qu'une réflexion sur la défense européenne, une réflexion sur la diplomatie que l'Europe pourrait porter ou mettre au point ensemble, puisse se faire, sans qu'il y ait un débat public auquel les Etats et gouvernements, mais aussi évidemment les citoyens, soient associés.
D'ailleurs, ma conviction est que, sans les peuples, sans les citoyens, rien de courageux ne se décidera.
L'obscurité, on le voit bien aujourd'hui, il y a bien des conseils dans lesquels on discute de position diplomatique. L'inter-gouvernemental, les gouvernements qui essaient de se mettre d'accord, on le voit sous nos yeux ; mais cette obscurité dans laquelle les choses se passent déjà aujourd'hui et se passeraient encore plus à 30, est propice aux influences et même aux influences tortueuses.
Il est si facile, de l'extérieur, de conduire un tel attelage au désordre et à l'impuissance.
La neutralité des uns et l'inféodation des autres, mènent naturellement à l'enlisement.
Il n'y a pour moi que la lumière crue du débat public, avec des hommes d'Etat qui assument des positions devant les opinions, pour construire une volonté et une cohérence.
C'est pourquoi, la question des institutions nouvelles qui va se poser, elle aussi, dans les mois qui viennent et de manière cruciale, c'est précisément à cela qu'elles serviront.
A quoi jugerons-nous les institutions que la convention proposera, que les états accepteront ou pas, autour desquels il y aura un débat ou pas ?
Pour nous, nous les jugerons précisément à cela, ce doivent être les institutions capables de faire naître et d'animer une vraie politique de défense pour l'Europe, qui fasse de nous les pairs et partenaires des Etats-Unis. Ces institutions doivent être démocratique et non pas technocratique.
C'est pourquoi nous avons, les premiers, défendu une constitution ; c'est pourquoi nous avons, les premiers, défendu l'idée d'un président légitimé par une élection et vous verrez qu'inéluctablement, c'est à des solutions de cet ordre que l'on parviendra si l'on veut avancer et c'est pourquoi nous voulons que les débats entre états deviennent des débats publics.
J'attends, ou je rêve, de cette enceinte solennelle - on avait appelé cela Conseil des Etats dans notre projet - de cette instance solennelle dans laquelle le Président de la République française se lèvera devant le Premier ministre britannique, le Chancelier allemand, le chef du Gouvernement espagnol et tous leurs collègues, confrères, représentant les états de l'Union et au nom de la République française, dira, défendra ce qu'est la volonté de la France pour l'Europe. Les autres répondront, il y aura un débat et vous verrez que, dès cet instant, de la confrontation des points de vue, naîtra une opinion publique européenne, qui sera l'âme de la future puissance européenne.
Il n'y a pas de puissance s'il n'y a pas d'âme.
J'ai un débat depuis longtemps avec quelques-uns de nos amis. Ils disent : il n'y a âme que s'il y a nation.
Et Dieu sait qu'à mes yeux la nation est précieuse. Mais l'état du monde est tel que, désormais, il faut que les nations soient capables de se construire une âme commune ; parce que nous portons civilisation, valeur de vivre, identité, intérêt culturel. La nécessité des temps, c'est que les nations se mettent ensemble pour se construire une âme, une volonté commune.
Ceci est un grand débat qui se développera jusqu'en 2004 au moins.
Volonté et puissance. Au fond, c'est la seule question.
Est-ce que nous avons, comme peuple, la volonté de retrouver la puissance ou est-ce que nous sommes au fil de l'eau, abandonnés à un destin que nous n'écrirons plus ?
C'est la question, pardonnez-moi de le dire, c'est la seule.
Rien ne serait plus dangereux - je me réjouis beaucoup que Charles Amédée de Courson l'ait dit ce matin à la tribune - que d'imaginer que cette question se réduit à la question européenne ou s'élude pour la France dans la seule question européenne ; Dieu sait qu'elle est cruciale, mais nous avons notre responsabilité comme Etat et comme nation.
Il nous revient de retrouver la force de la France et retrouver la force de la France, c'est retrouver la santé et la confiance.
Maintenant, forcément, c'est en parlant au Gouvernement, nous qui sommes dans la majorité, que nous devons poser ces questions. Je me réjouis d'ailleurs que le Premier ministre ait demandé à l'un de ses conseillers les plus proches d'être avec nous pour cette conclusion.
L'état de grâce est passé et maintenant, c'est l'heure des choix.
Retrouver la santé et retrouver la confiance. Retrouver la santé, c'est nécessairement comme cela a été fait depuis ce matin, poser la question de la réforme et en particulier la question de la réforme de l'Etat.
Alors, il y a un problème de priorité que le Gouvernement doit éclairer et il y a un problème de méthode.
La méthode pour la réforme c'est, à notre avis, hiérarchiser et choisir. Etre capable de hiérarchiser, de dire l'urgent et de dire le moyen terme, de dire le crucial et de dire le second, pour ne pas dire le secondaire.
Par exemple, en matière de Fonction publique, il est juste de dire qu'il y a deux Fonction publique , de dignité égale, mais d'urgence inégale. Il y a une fonction publique de mission, de terrain, de solidarité et il y a une fonction publique d'administration, de papier comme je dis quelquefois, de contrôle, parfois on peut dire aussi de bureaucratie.
Traiter également les deux, c'est être injuste et se condamner à l'impuissance et à l'échec.
Je suis persuadé qu'il faut, pour la première - la Fonction publique d'administration, de papier, de contrôle - un plan, un vaste plan de simplification, de clarification et de gain en efficacité.
Pour la seconde - l'administration de terrain, de mission - il faut la conforter, ce qui ne veut pas dire, ne pas lui demander des efforts, ce qui ne veut pas dire, de ne pas mieux définir ses missions et, si possible, en élever le niveau d'objectifs et lui demander d'utiliser au mieux ses moyens. Mais tout le monde voit bien qu'en matière de sécurité, de justice, d'éducation, de santé, ce qu'il faut, c'est conforter, soutenir, garantir aux agents que, bien sûr, on va leur demander des efforts, mais que ces efforts, ne seront pas des efforts qui les empêcheront d'agir ou qui pénaliseront leur action.
Et la même idée : faire des choix en matière de décentralisation, qui est le deuxième grand volet de la réforme de l'Etat. On a un débat très intéressant hier même un peu chaud par moments. Pour moi décentralisation, c'est d'abord clarification.
Je peux aller encore plus loin. Pour moi, décentralisation, c'est clarification et simplification d'abord.
Parce qu'on ne peut pas garder l'enchevêtrement, j'allais dire le bazar, des couches multiples, innombrables, même pour nous, des collectivités locales que nous avons additionnées et sédimentées au travers du temps où pas une chatte ne retrouverait ses petits et pas un citoyen ses élus et leurs vraies responsabilités.
On ne peut pas garder cet empilement et cet enchevêtrement. Il va falloir faire des choix.
Pour ma part, j'ai fait une proposition pendant la campagne. Je la reprends aujourd'hui, parce qu'il faut simplifier.
Elle peut être amendée, améliorée, discutée, tout ce que l'on veut. C'est un exemple.
Que ce soient les mêmes élus qui administrent les départements et les régions au lieu d'avoir un empilement ; que l'on ait une fédération des efforts pour que les citoyens aient un vrai interlocuteur en matière d'aménagement du territoire.
On a dit avec Anne-Marie Comparini, Adrien Zeller, qu'on pouvait discuter. Mais si on allait vers cette direction, en disant : ce n'est pas tout à fait la même responsabilité au chef-lieu du département et au chef-lieu de la région, mais c'est quand même plus simple que ce soient les mêmes élus qui l'assument. D'abord on ferait des économies ; ensuite le citoyen y verrait plus clair. Cela nous a amené à une conclusion en matière de modes de scrutin qui me permet d'aborder cette question.
On a dit deux choses pendant ces journées.
La première. Pour les régionales, nous demandons une représentation des territoires avec des élus territoriaux en même temps qu'une représentation des courants d'opinion, assurant la justice que chaque courant soit représenté et, une majorité.
C'est assez facile à construire si on le veut.
L'Allemagne fonctionne depuis longtemps avec tous ses modes de scrutin, avec ce principe.
Adaptons le, discutons, mais nous voulons une représentation des régions. Pour ma part je ne voterai pas un mode de scrutin comme celui que l'on a défini en 1999 dans lequel, dans certaines régions, on a 209 noms sur un bulletin de vote sans que le citoyen puisse choisir un seul de ces noms.
C'est, si j'ose dire, " se foutre de la gueule du citoyen " que de lui donner la carte forcée de 209 personnes pour qui il sera obligé de voter.
Il faut des représentations des territoires, des villes, mais des vallées, des zones très peuplées et des zones qui, hélas, sont en voie de désertification.
Les montagnes et la côte et les campagnes, ce n'est pas la même chose.
On a besoin d'une représentation des territoires et parallèlement on a besoin d'une autre représentation, celle des territoires politiques, c'est-à-dire que la diversité de la vie politique française soit prise en compte et qu'on n'ait pas la carte forcée UMP -PS.
Il faut le dire ! Et en disant cela, nous sommes les porte-parole d'un très grand nombre de Français. A ma connaissance, aux derniers sondages, 75 % disent : il faut une représentation équitable des courants d'opinion.
On sait qu'aux élections municipales, par exemple, on arrive très bien à répondre aux deux impératifs à la fois : il faut une majorité, il faut une représentation des territoires et des courants d'opinion.
Voilà pour les régionales.
Je dis un mot des élections européennes ; un scrutin que j'aime beaucoup, une fonction que j'ai beaucoup aimé au Parlement européen et je suis heureux que nos collègues députés européens aient été si présents pendant ces journées.
2004, est une date très importante. Ce n'est pas le moment de se perdre dans des questions de mode de scrutin. On ne sait pas ce que l'Europe va être. On a besoin, je crois, d'un grand débat européen en France au moment où on va dessiner le visage de l'Europe future.
C'est une question nationale, pardon de le dire, ce n'est pas une question régionale en 2004.
2004, la question première ne peut pas être celle des problèmes de telle région avec sa façade maritime ou de telle autre avec ses vallées et ses montagnes.
En 2004, la question, c'est : l'Europe pour la France. On a besoin d'un grand débat national et je ne recommanderais pas qu'on se lance dans des réformes de mode de scrutin dont on verrait, à l'usage, qu'il ne pourrait pas correspondre constitutionnellement aux engagements que nous avons pris et notamment, à la règle que toute l'Europe s'est fixée qu'il faut une représentation équitable, proportionnelle des grands courants d'opinion français.
Voilà pour cette question qui touche à la démocratie, donc à la confiance.
Santé et confiance.
Santé, c'est faire des choix. Retrouver la santé de la France c'est faire des choix, retrouver la confiance et avoir une démocratie qui se porte bien, qui soit juste et équitable et dans laquelle tout le monde trouve sa juste représentation.
Dans les débats de rentrée, il y a un grand débat sur le budget.
Le Premier ministre a des choix à faire, Charles Amédée de Courson en a donné la substance et l'ampleur.
Pour nous, le premier critère, c'est la sincérité du budget.
Dieu sait qu'on a trop joué depuis des années et des années et, permettez-moi de le dire, tous gouvernements confondus, avec la sincérité des budgets.
Que nous dit-on à voix basse ?
On nous dit quelque chose de simple que vous ne répéterez pas.
On nous dit : vous comprenez, le gouvernement ne peut pas dire la vérité en matière de taux de croissance, sans cela il va désespérer les agents économiques et le pays.
On connaît cet argument, il n'est d'ailleurs pas sans portée.
Il ne faut pas précipiter la chute, nous dit-on.
Avec cet argument depuis des décennies sur ce point, le vote du budget ce sont les " belles histoires de l'oncle Paul ", comme on disait autrefois ; c'est-à-dire qu'on se fait d'admirables prévisions avec des croissances à 2,5, 3 %, puis quand on est devant la réalité, plus dure toujours est la chute.
Je voudrais faire une proposition au Gouvernement.
Je lui suggère de proposer à la représentation nationale un projet de budget avec plusieurs hypothèses de croissance. Une hypothèse optimiste, peut-être à 3 %, des hypothèses moyennes et une hypothèse basse, comme beaucoup d'observateurs craignent qu'elle ne se vérifie ou se réalise.
Que nous ayons au moins comme représentants de la nation, devant les yeux, un budget vérité ; qu'on y voit clair et notamment, qu'on mesure ce que serait, dans l'une ou l'autre des hypothèses la réalité du déficit de l'Etat, drogue avec laquelle nous avons eu tort de vivre pendant des années et je le dis, non pas parce que nous avons pris des engagements européens. Si un engagement européen était contraire à l'intérêt national, je n'aurais aucune objection qu'on en discute. Ce n'est pas parce que nous avons pris des engagements européens que nous devons réduire le déficit de la France, c'est parce qu'un grand pays comme le nôtre ne peut pas vivre en reportant perpétuellement sur les générations futures la charge même de son fonctionnement. Parce que, ce que nous ne disons jamais, parce que nous n'avons pas le courage de le faire, c'est que depuis des années et des années, nous nous endettons pour le fonctionnement ordinaire de l'Etat, pas pour ses investissements et la préparation du futur, ce qui se justifie, mais pour le fonctionnement ordinaire de l'Etat.
Nous ne nous attaquerons au drame du déficit de l'Etat que si nous avons le courage d'examiner un budget vérité et, pour éviter tout risque et tout inconvénient, je demande au Gouvernement de nous présenter un budget avec plusieurs hypothèses de croissance, optimiste, moyenne et pessimiste.
Dernière question que je voudrais traiter devant vous et qui l'a été très largement pendant les débats de ces trois jours : le travail.
Tout le monde voit bien que la société française a un immense problème de reconnaissance du travail et de l'effort, sans lesquels aucune nation ne peut réussir, vivre, se faire entendre, se faire respecter et construire son avenir.
Immense problème de travail.
Nous sommes devant deux impératifs catégoriques que nous ne pouvons éluder ni l'un ni l'autre et sur lesquels il faut que le Gouvernement donne des assurances parfaitement claires et transparentes pour bâtir la crédibilité de la politique que nous avons à conduire.
La première : il faut donner aux entrepreneurs - on devrait dire aux salariés, on devrait dire aux chômeurs - l'assurance que le coût du travail n'augmentera pas. Parce que, augmenter le coût du travail, c'est choisir le chômage. Il faut que ce soit un contrat écrit en lettres d'or, gravées dans le marbre. Que le coût du travail n'augmente pas pour que les entrepreneurs puissent continuer à créer du travail et à voir des assurances pour le futur.
Et deuxièmement, il faut que le travail rapporte davantage aux salariés et notamment aux salariés du bas de l'échelle et qu'il rapporte nettement davantage que l'assistance. Sans cela on est dans un pays qui ne marche pas, qui marche sur la tête.
Il n'y a qu'un moyen de rendre ces deux impératifs compatibles. Ce n'est pas seulement une politique de baisse des charges, c'est une politique qui oblige à repenser complètement l'architecture des charges sociales dans notre pays.
C'est un sujet que l'on a souvent abordé, sur lequel on n'a pas beaucoup avancé. Je reconnais qu'il y a un grand travail à faire, mais on a besoin de repenser les charges sociales pour qu'une partie d'entre elles ne repose pas seulement sur le travail.
Jean Arthuis, autrefois, s'était fait le spécialiste de ce grand sujet. Il faut qu'on le reprenne, cela oblige à beaucoup de courage.
Mais si nous voulons rendre compatibles les deux impératifs catégoriques avec lesquels nous devons vivre, ne pas augmenter le coût du travail et augmenter le revenu du travail pour le salarié, c'est sur les charges qu'il faut jouer et il faut en repenser complètement l'architecture.
Voilà les quelques sujets que je voulais aborder devant vous.
Naturellement, ils constituent un programme très impressionnant mais, je l'ai dit lors du débat de politique générale, c'est la situation de la France aujourd'hui qui est très impressionnante et qui doit obliger au courage.
On ne devrait avoir qu'un mot écrit sur nos pupitres, on devrait avoir écrit : courage, c'est le moment de s'attaquer à la réforme, aux réformes, à la réforme avec un grand " R ".
C'est profondément ce que la France attend.
Il y a des moments dans la vie où on ne peut pas reculer l'heure des choix.
C'est l'heure des choix !
Je le dis au Gouvernement, à la majorité. Je le dis à l'ensemble de la représentation du pays, à l'ensemble des citoyens. Il y a des moments dans la vie où il faut choisir. Le moment est venu. Politique internationale, immense question européenne, qui va gouverner le monde ? Un pays tout seul décidant de la paix ou de la guerre, ou des puissances équilibrées ?
Qui va oser proposer un chemin de construction à l'Europe qui ne soit pas l'eau tiède dans laquelle on nous balade depuis des années, qui soit courageux. Qui va oser proposer un chemin à la France pour retrouver la santé et la confiance ? La réforme de l'Etat aussi bien qu'une nouvelle architecture des charges sociales.
C'est le moment de la réforme et la mission de l'UDF, c'est d'être dans la politique française le parti de la réforme, cette mission, nous l'assumerons.
Je vous remercie
(source http://www.udf.org, le 16 septembre 2002)
Nous avons vécu deux jours très intéressants et très éclairants.
Très intéressants, parce que la qualité des débats, la qualité des interventions, la profondeur de celles-ci montraient ce que nous sommes, c'est-à-dire un mouvement politique rassemblé, cohérent et qui croit dans sa mission.
Cette impression de cohérence et de mobilisation - moins nombreux mais plus cohérent que nous ne l'étions - a, je crois, dominé les interventions, les débats, la vigueur des propos et le caractère profondément rassemblé de la famille politique dont vous êtes la représentation à l'Assemblée nationale, au Sénat et au Parlement européen.
Cela n'aurait pas été possible sans l'organisation qui n'était pas une organisation traditionnelle de Journées parlementaires. Il n'échappait à personne que ces premières journées d'après les élections de 2002, auraient une signification transparente pour tous les observateurs. De ces journées, de leur vérité, de leur authenticité, dépendrait le jugement et donc le message que nous aurions à adresser par l'intermédiaire des médias à la France.
Je veux dire qu'Anne-Marie Comparini, Présidente de la région et spécialement Michel Mercier comme Président du Conseil général du Rhône, comme un des animateurs les plus vigoureux des sénateurs à la haute assemblée, ont joué dans cette organisation et dans cet accueil un rôle éminent.
Ils me permettront de leur dire combien j'apprécie le travail que tous les jours nous conduisons ensemble.
Et à Michel Mercier de dire combien dans la fonction de trésorier qui est la sienne, sa rigueur, sa volonté, son caractère stable, sont, pour moi, précieux.
Tant que nous en sommes aux grandes fonctions de cette formation politique, il me paraît important aujourd'hui de dire devant vous, toute l'amitié, toute la reconnaissance que j'ai pour Anne-Marie Idrac. Je veux qu'elle sache combien, depuis les années où elle occupe le secrétariat général de l'UDF auprès de moi, dans l'animation de la campagne présidentielle, elle a, auprès de moi joué un rôle absolument précieux.! Je voulais le dire devant vous.
Voilà pour notre famille.
Mais notre famille n'est pas l'objet de cette rencontre.
L'objet de cette rencontre, c'est notre pays, le monde dans lequel nous vivons et ce n'était naturellement pas un hasard si le 11 septembre était la date de notre rencontre.
Chacun d'entre nous se souvient précisément - et je crois l'immense majorité de ceux qui peuplent la planète - de l'endroit, de la minute, où il a appris ce qui se passait sur New York et un peu plus tard sur Washington.
Chacun d'entre nous se souvient de l'endroit, de la minute où il a ramassé en plein visage cette image à nulle autre pareil de barbarie spectaculaire, comme une image de fiction des avions qui entraient dans les tours.
A ce moment-là, plusieurs sentiments se sont bousculés en nous ; un fédérait tous les autres : on avait l'impression que le monde basculait, que plus rien ne serait plus jamais comme avant.
Alors, tout le monde a exprimé, comme hier notamment au Consul général des Etats-Unis, d'abord la vague du sentiment de peine et de profonde amitié, la vague de solidarité pour le peuple américain, pour la nation américaine ; on avait envie de prendre la main du peuple américain pour lui montrer que ce qu'on lui faisait, la blessure qu'on lui imposait, elle nous était imposée à nous aussi.
Puis, il y a eu un deuxième sentiment qui a suivi, qui a été le sentiment d'admiration à l'égard du ressort de ce peuple et j'allais dire du ressort patriotique de ce peuple, sentiment qu'un peuple pouvait se ressaisir autour de son identité et de sa fierté d'existence.
Et depuis les pompiers jusqu'au salut à la bannière étoilée, on a vu l'âme du peuple américain et cela a suscité chez nous un sentiment d'admiration.
Puis, il y a eu un troisième sentiment et là, la plupart des observateurs se sont trompés.
Beaucoup d'observateurs avaient l'impression, le sentiment, qu'à dater de cet instant, l'Amérique ne serait plus jamais le phare ou le pilier du monde que ce pays était jusqu'au 11 septembre.
Les papiers ont été innombrables sur le thème : la domination américaine a pris fin en même temps que s'écroulaient les tours du World Trade Center.
Je suis sûr que la plupart d'entre nous dans nos conversations, avons eu ce sentiment.
La réalité du 11 septembre 2002, c'est exactement le contraire. Un an après en effet, rien n'est plus comme avant, mais ce n'est pas que les Etats-Unis ne sont plus la puissance dominant la planète, c'est que les Etats-Unis s'affirment non plus seulement comme la première puissance de la planète, mais comme la première puissance de la planète décidée à exercer sa puissance, y compris par les armes.
Naturellement cela change tout et naturellement cela nous amène, 11 septembre 2002 - 11 septembre 2001, au sujet de la guerre en Irak.
Sujet qui, si nous n'y accordions pas l'importance historique qu'il mérite, serait source de très grande erreur pour les dirigeants politiques que nous sommes censé être.
C'est un moment, j'en ai la conviction, de basculement de l'histoire. Il faut l'examiner et le regarder comme tel, comme représentant du peuple français, dans l'Union européenne, capable de voir ce qui se joue et ce qui se joue est absolument crucial.
Comme cela va se faire aujourd'hui à l'ONU, parlons de Saddam Hussein.
Saddam Hussein est un dictateur qui a montré au Koweit, il y a 10 ans, qu'il ne s'embarrassait pas de moyens, qui a choisi contre son peuple d'imposer la dictature et de consacrer les moyens de son pays à l'édification d'un certain nombre d'armes.
Cela ne fait de doute, je crois, pour personne, en dehors de quelques spécialistes des relations avec l'Irak.
Le président Bush va s'exprimer dans quelques heures à l'ONU sur ce sujet. Qu'il y ait des armes de destruction massive, prêtes ou en préparation en Irak, cela ne fait de doute pour aucun d'entre nous. Mais il y a un paradoxe.
Ce sont les pays qui détiennent des armes mille fois ou dix mille fois infiniment plus précises et destructrices que celles que préparent Saddam Hussein, qui s'apprêtent à déclencher le feu contre lui.
Vous voyez bien que, nous, la France naturellement, l'Europe naturellement, les Etats-Unis, cent fois plus, possèdent et maîtrisent toutes ces armes et cette capacité de destruction.
A partir de ce fait qui ne peut pas être discuté, une question se pose : quel est le critère à partir duquel nous avons le devoir de poser la question de ces armes ?
Il me semble que, si l'on pousse la réflexion, on trouve un seul critère : c'est celui de la fiabilité ou de la confiance que la communauté des nations peut faire à ceux qui détiennent ou préparent de telles armes.
Il est vrai que la fiabilité de Saddam Hussein est comme on l'a vu, nulle.
Une fois qu'on a posé la question en ces termes, il y a un deuxième pas à conduire, qui est celui-ci : qui doit juger de la fiabilité à partir de laquelle la communauté des nations accepte ou refuse la détention de telles armes ?
Selon moi, et je crois selon nous si nous y réfléchissons, un pays seul ne peut pas être juge d'une pareille question ; pas même un pays seul avec ses alliés proches. Parce que, si un pays, fussent les Etats-Unis, décide seul de la paix ou de la guerre, cela veut dire que nous sommes entrés dans un autre siècle qui sera le siècle de l'empire. Cela n'est à souhaiter ni pour nous, ni pour le monde, ni, je le crois profondément, pour les Américains eux-mêmes.
Est-ce que le monde va être l'empire désormais d'une seule puissance décidant seule de la paix ou de la guerre ou est-ce que le monde va aller vers l'équilibre des puissances ?
Voilà la question que nous avons devant nous.
Pour nous, l'ordre du monde ne peut être régi que par une vie internationale où la même règle et le même droit s'imposent aux forts et aux faibles ou, plus exactement, où la même règle et le même droit tendent à s'imposer aux forts et aux faibles, pour être plus prudent dans la formulation.
Un monde qui n'accepte pas que la seule loi, soit la loi du plus fort.
Naturellement, c'est un grand sujet qui va se jouer dans les jours ou semaines qui viennent et il me semble que, si l'on défend comme nous l'idée d'une procédure internationale qui permette d'esquisser ou de bâtir cet ordre du monde, alors il faut agir.
Les Etats-Unis nous disent : il y a des armes de destruction massive. Il faut prendre cette affirmation au sérieux et en avoir le coeur net avant de faire la guerre.
Pourquoi la France ne propose-t-elle pas, au nom de l'Union européenne, une résolution aux Nations Unies exigeant le retour immédiat et sans condition - avec la protection internationale, avec les garanties les plus rigoureuses, avec une date, avec un ultimatum si on le veut - le retour des inspecteurs chargés de vérifier au nom des Nations Unies la réalité de la situation en Irak ?
N'est-ce pas cette guerre qui se profile ? Tout le monde voit bien qu'elle est un immense enjeu et un grand risque.
Une procédure internationale doit permettre aux nations d'en avoir le coeur net avant que le déclenchement de cette guerre ne s'accomplisse.
Si les inspecteurs sont empêchés d'accomplir leur mission, alors nous en aurons eu le coeur net, mais pour nous, l'ordre juste du monde suppose l'équilibre des puissances et agir en ce sens, ce serait faire un pas déterminant pour que les choses ne se déroulent pas sans que nous en soyons, d'une manière ou d'une autre, les acteurs, que les choses ne se déroulent pas alors que nous les observerions en spectateurs impuissants.
Naturellement, tout le monde voit bien que cette question - une seule puissance ou l'équilibre des puissances - qui engage tous les sujets dont nous traitons, depuis l'environnement jusqu'au commerce international, jusqu'à la recherche, aux brevets, aux normes, aux lois, à la civilisation, aux langues qui seront les nôtres, pas la peine de prétendre défendre nos identités, notre avenir en tant que nation s'il n'y a pas, à la surface de la planète, équilibre des puissances ou, au moins, aspiration à l'équilibre des puissances.
Cette question, c'est notre question.
C'est la question des Européens et, parmi les Européens, la question des Français et, si vous me le permettez, dans la vie politique française, la question de la famille politique que nous formons ensemble.
Je ne crois pas présenter les choses avec emphase, mais seulement avec réalisme en disant que la question européenne, si la France n'en devient pas leader, ne se résoudra pas.
Et si en France nous n'assumons pas notre responsabilité de proposer des choses claires, simples et massives, un horizon perceptible par tout le monde et courageux, la France ne se dotera pas de la politique qui peut, seule, permettre à l'Europe de se construire.
Je ne sais pas si nous mesurons la responsabilité qui est la nôtre dans cette affaire.
Hier, le général Jean Rannou a dit quelque chose de très éclairant.
Il y a trois options :
Par rapport aux Etats-Unis, nous pouvons être les sous-traitants et les valets d'armes, première option.
Ou bien nous pouvons être les suiveurs, deuxième option.
Ou bien nous pouvons être les pairs et partenaires.
Naturellement, on sait que cela ne se fera pas de sitôt l'équilibre, mais c'est un chemin.
J'ai traduit un peu librement ce qu'il a dit, mais ce sont les trois options que nous avons devant nous.
Naturellement, comme il convient, cette question se pose d'abord en matière de défense.
Quelques-uns d'entre vous m'ont souvent entendu raconter l'histoire du jeune militant que j'étais. Il y a un jour où je me suis dit, on dit qu'on est européen... c'est nécessaire, c'est très bien, mais tu vas écrire sur un papier les raisons incontournables pour lesquelles tu es européen.
Alors, j'ai écrit comme tout le monde, la prospérité économique, la monnaie, tout cela... mais je me disais, après tout, la prospérité économique, la Suisse aussi a la prospérité économique ; et la monnaie après tout, la Suisse aussi à une monnaie.
Et je suis arrivé au bout du compte à un seul mot : Défense.
Parce que je sais qu'au moins dans ce sujet-là, si nous ne sommes pas ensemble, nous n'aurons pas l'outil de notre indépendance.
Qu'il n'existe aucun scénario crédible qui puisse permettre la page de la dissuasion nucléaire étant écrite et, d'une certaine manière tournée, il n'existe aucun scénario crédible qui permette de bâtir un outil de défense, hors le scénario européen.
C'est désormais le rendez-vous. Défense !
Si nous continuons chacun de notre côté, chacun des pays européens de son côté, à dépenser son argent, même valeureusement, même en augmentant les crédits comme on est en train de le faire, pour continuer à construire des défenses nationales dans le monde où nous allons, alors, c'est qu'au fond d'entre nous, avec les meilleures raisons du monde, nous avons accepté l'idée de l'empire et que nous avons refusé de construire lentement, patiemment, même si c'est long et difficile, l'équilibre des puissances.
Excellent exemple cette semaine. On a choisi courageusement d'augmenter le budget militaire, le budget d'équipement et de construire, c'est un grand effort, le deuxième porte-avions. Je le dis clairement, j'aurais préféré que le deuxième porte-avions fut européen. Je suis sûr que nous l'aurions eu plus vite ; je suis sûr que nous aurions partagé l'effort et que, en tout cas, le travail de conception nécessaire pour bâtir un outil qui puisse servir à édifier la défense européenne, aurait été utile et précieux.
Il y a là une différence de conception.
Vous voyez bien que le but à atteindre est, pour moi, clairement identifier : défense et diplomatie, pour que la France puisse dire son mot ; pas pour que la France s'efface, pour que la France puisse parler. Si nous n'avons pas l'outil nécessaire, la voix de la France, c'est une voix que personne n'entend.
Qui dit défense et diplomatie, doit dire aussi démocratie.
Ce sont les trois " D ".
Bien entendu, nous ne pouvons pas accepter qu'une réflexion sur la défense européenne, une réflexion sur la diplomatie que l'Europe pourrait porter ou mettre au point ensemble, puisse se faire, sans qu'il y ait un débat public auquel les Etats et gouvernements, mais aussi évidemment les citoyens, soient associés.
D'ailleurs, ma conviction est que, sans les peuples, sans les citoyens, rien de courageux ne se décidera.
L'obscurité, on le voit bien aujourd'hui, il y a bien des conseils dans lesquels on discute de position diplomatique. L'inter-gouvernemental, les gouvernements qui essaient de se mettre d'accord, on le voit sous nos yeux ; mais cette obscurité dans laquelle les choses se passent déjà aujourd'hui et se passeraient encore plus à 30, est propice aux influences et même aux influences tortueuses.
Il est si facile, de l'extérieur, de conduire un tel attelage au désordre et à l'impuissance.
La neutralité des uns et l'inféodation des autres, mènent naturellement à l'enlisement.
Il n'y a pour moi que la lumière crue du débat public, avec des hommes d'Etat qui assument des positions devant les opinions, pour construire une volonté et une cohérence.
C'est pourquoi, la question des institutions nouvelles qui va se poser, elle aussi, dans les mois qui viennent et de manière cruciale, c'est précisément à cela qu'elles serviront.
A quoi jugerons-nous les institutions que la convention proposera, que les états accepteront ou pas, autour desquels il y aura un débat ou pas ?
Pour nous, nous les jugerons précisément à cela, ce doivent être les institutions capables de faire naître et d'animer une vraie politique de défense pour l'Europe, qui fasse de nous les pairs et partenaires des Etats-Unis. Ces institutions doivent être démocratique et non pas technocratique.
C'est pourquoi nous avons, les premiers, défendu une constitution ; c'est pourquoi nous avons, les premiers, défendu l'idée d'un président légitimé par une élection et vous verrez qu'inéluctablement, c'est à des solutions de cet ordre que l'on parviendra si l'on veut avancer et c'est pourquoi nous voulons que les débats entre états deviennent des débats publics.
J'attends, ou je rêve, de cette enceinte solennelle - on avait appelé cela Conseil des Etats dans notre projet - de cette instance solennelle dans laquelle le Président de la République française se lèvera devant le Premier ministre britannique, le Chancelier allemand, le chef du Gouvernement espagnol et tous leurs collègues, confrères, représentant les états de l'Union et au nom de la République française, dira, défendra ce qu'est la volonté de la France pour l'Europe. Les autres répondront, il y aura un débat et vous verrez que, dès cet instant, de la confrontation des points de vue, naîtra une opinion publique européenne, qui sera l'âme de la future puissance européenne.
Il n'y a pas de puissance s'il n'y a pas d'âme.
J'ai un débat depuis longtemps avec quelques-uns de nos amis. Ils disent : il n'y a âme que s'il y a nation.
Et Dieu sait qu'à mes yeux la nation est précieuse. Mais l'état du monde est tel que, désormais, il faut que les nations soient capables de se construire une âme commune ; parce que nous portons civilisation, valeur de vivre, identité, intérêt culturel. La nécessité des temps, c'est que les nations se mettent ensemble pour se construire une âme, une volonté commune.
Ceci est un grand débat qui se développera jusqu'en 2004 au moins.
Volonté et puissance. Au fond, c'est la seule question.
Est-ce que nous avons, comme peuple, la volonté de retrouver la puissance ou est-ce que nous sommes au fil de l'eau, abandonnés à un destin que nous n'écrirons plus ?
C'est la question, pardonnez-moi de le dire, c'est la seule.
Rien ne serait plus dangereux - je me réjouis beaucoup que Charles Amédée de Courson l'ait dit ce matin à la tribune - que d'imaginer que cette question se réduit à la question européenne ou s'élude pour la France dans la seule question européenne ; Dieu sait qu'elle est cruciale, mais nous avons notre responsabilité comme Etat et comme nation.
Il nous revient de retrouver la force de la France et retrouver la force de la France, c'est retrouver la santé et la confiance.
Maintenant, forcément, c'est en parlant au Gouvernement, nous qui sommes dans la majorité, que nous devons poser ces questions. Je me réjouis d'ailleurs que le Premier ministre ait demandé à l'un de ses conseillers les plus proches d'être avec nous pour cette conclusion.
L'état de grâce est passé et maintenant, c'est l'heure des choix.
Retrouver la santé et retrouver la confiance. Retrouver la santé, c'est nécessairement comme cela a été fait depuis ce matin, poser la question de la réforme et en particulier la question de la réforme de l'Etat.
Alors, il y a un problème de priorité que le Gouvernement doit éclairer et il y a un problème de méthode.
La méthode pour la réforme c'est, à notre avis, hiérarchiser et choisir. Etre capable de hiérarchiser, de dire l'urgent et de dire le moyen terme, de dire le crucial et de dire le second, pour ne pas dire le secondaire.
Par exemple, en matière de Fonction publique, il est juste de dire qu'il y a deux Fonction publique , de dignité égale, mais d'urgence inégale. Il y a une fonction publique de mission, de terrain, de solidarité et il y a une fonction publique d'administration, de papier comme je dis quelquefois, de contrôle, parfois on peut dire aussi de bureaucratie.
Traiter également les deux, c'est être injuste et se condamner à l'impuissance et à l'échec.
Je suis persuadé qu'il faut, pour la première - la Fonction publique d'administration, de papier, de contrôle - un plan, un vaste plan de simplification, de clarification et de gain en efficacité.
Pour la seconde - l'administration de terrain, de mission - il faut la conforter, ce qui ne veut pas dire, ne pas lui demander des efforts, ce qui ne veut pas dire, de ne pas mieux définir ses missions et, si possible, en élever le niveau d'objectifs et lui demander d'utiliser au mieux ses moyens. Mais tout le monde voit bien qu'en matière de sécurité, de justice, d'éducation, de santé, ce qu'il faut, c'est conforter, soutenir, garantir aux agents que, bien sûr, on va leur demander des efforts, mais que ces efforts, ne seront pas des efforts qui les empêcheront d'agir ou qui pénaliseront leur action.
Et la même idée : faire des choix en matière de décentralisation, qui est le deuxième grand volet de la réforme de l'Etat. On a un débat très intéressant hier même un peu chaud par moments. Pour moi décentralisation, c'est d'abord clarification.
Je peux aller encore plus loin. Pour moi, décentralisation, c'est clarification et simplification d'abord.
Parce qu'on ne peut pas garder l'enchevêtrement, j'allais dire le bazar, des couches multiples, innombrables, même pour nous, des collectivités locales que nous avons additionnées et sédimentées au travers du temps où pas une chatte ne retrouverait ses petits et pas un citoyen ses élus et leurs vraies responsabilités.
On ne peut pas garder cet empilement et cet enchevêtrement. Il va falloir faire des choix.
Pour ma part, j'ai fait une proposition pendant la campagne. Je la reprends aujourd'hui, parce qu'il faut simplifier.
Elle peut être amendée, améliorée, discutée, tout ce que l'on veut. C'est un exemple.
Que ce soient les mêmes élus qui administrent les départements et les régions au lieu d'avoir un empilement ; que l'on ait une fédération des efforts pour que les citoyens aient un vrai interlocuteur en matière d'aménagement du territoire.
On a dit avec Anne-Marie Comparini, Adrien Zeller, qu'on pouvait discuter. Mais si on allait vers cette direction, en disant : ce n'est pas tout à fait la même responsabilité au chef-lieu du département et au chef-lieu de la région, mais c'est quand même plus simple que ce soient les mêmes élus qui l'assument. D'abord on ferait des économies ; ensuite le citoyen y verrait plus clair. Cela nous a amené à une conclusion en matière de modes de scrutin qui me permet d'aborder cette question.
On a dit deux choses pendant ces journées.
La première. Pour les régionales, nous demandons une représentation des territoires avec des élus territoriaux en même temps qu'une représentation des courants d'opinion, assurant la justice que chaque courant soit représenté et, une majorité.
C'est assez facile à construire si on le veut.
L'Allemagne fonctionne depuis longtemps avec tous ses modes de scrutin, avec ce principe.
Adaptons le, discutons, mais nous voulons une représentation des régions. Pour ma part je ne voterai pas un mode de scrutin comme celui que l'on a défini en 1999 dans lequel, dans certaines régions, on a 209 noms sur un bulletin de vote sans que le citoyen puisse choisir un seul de ces noms.
C'est, si j'ose dire, " se foutre de la gueule du citoyen " que de lui donner la carte forcée de 209 personnes pour qui il sera obligé de voter.
Il faut des représentations des territoires, des villes, mais des vallées, des zones très peuplées et des zones qui, hélas, sont en voie de désertification.
Les montagnes et la côte et les campagnes, ce n'est pas la même chose.
On a besoin d'une représentation des territoires et parallèlement on a besoin d'une autre représentation, celle des territoires politiques, c'est-à-dire que la diversité de la vie politique française soit prise en compte et qu'on n'ait pas la carte forcée UMP -PS.
Il faut le dire ! Et en disant cela, nous sommes les porte-parole d'un très grand nombre de Français. A ma connaissance, aux derniers sondages, 75 % disent : il faut une représentation équitable des courants d'opinion.
On sait qu'aux élections municipales, par exemple, on arrive très bien à répondre aux deux impératifs à la fois : il faut une majorité, il faut une représentation des territoires et des courants d'opinion.
Voilà pour les régionales.
Je dis un mot des élections européennes ; un scrutin que j'aime beaucoup, une fonction que j'ai beaucoup aimé au Parlement européen et je suis heureux que nos collègues députés européens aient été si présents pendant ces journées.
2004, est une date très importante. Ce n'est pas le moment de se perdre dans des questions de mode de scrutin. On ne sait pas ce que l'Europe va être. On a besoin, je crois, d'un grand débat européen en France au moment où on va dessiner le visage de l'Europe future.
C'est une question nationale, pardon de le dire, ce n'est pas une question régionale en 2004.
2004, la question première ne peut pas être celle des problèmes de telle région avec sa façade maritime ou de telle autre avec ses vallées et ses montagnes.
En 2004, la question, c'est : l'Europe pour la France. On a besoin d'un grand débat national et je ne recommanderais pas qu'on se lance dans des réformes de mode de scrutin dont on verrait, à l'usage, qu'il ne pourrait pas correspondre constitutionnellement aux engagements que nous avons pris et notamment, à la règle que toute l'Europe s'est fixée qu'il faut une représentation équitable, proportionnelle des grands courants d'opinion français.
Voilà pour cette question qui touche à la démocratie, donc à la confiance.
Santé et confiance.
Santé, c'est faire des choix. Retrouver la santé de la France c'est faire des choix, retrouver la confiance et avoir une démocratie qui se porte bien, qui soit juste et équitable et dans laquelle tout le monde trouve sa juste représentation.
Dans les débats de rentrée, il y a un grand débat sur le budget.
Le Premier ministre a des choix à faire, Charles Amédée de Courson en a donné la substance et l'ampleur.
Pour nous, le premier critère, c'est la sincérité du budget.
Dieu sait qu'on a trop joué depuis des années et des années et, permettez-moi de le dire, tous gouvernements confondus, avec la sincérité des budgets.
Que nous dit-on à voix basse ?
On nous dit quelque chose de simple que vous ne répéterez pas.
On nous dit : vous comprenez, le gouvernement ne peut pas dire la vérité en matière de taux de croissance, sans cela il va désespérer les agents économiques et le pays.
On connaît cet argument, il n'est d'ailleurs pas sans portée.
Il ne faut pas précipiter la chute, nous dit-on.
Avec cet argument depuis des décennies sur ce point, le vote du budget ce sont les " belles histoires de l'oncle Paul ", comme on disait autrefois ; c'est-à-dire qu'on se fait d'admirables prévisions avec des croissances à 2,5, 3 %, puis quand on est devant la réalité, plus dure toujours est la chute.
Je voudrais faire une proposition au Gouvernement.
Je lui suggère de proposer à la représentation nationale un projet de budget avec plusieurs hypothèses de croissance. Une hypothèse optimiste, peut-être à 3 %, des hypothèses moyennes et une hypothèse basse, comme beaucoup d'observateurs craignent qu'elle ne se vérifie ou se réalise.
Que nous ayons au moins comme représentants de la nation, devant les yeux, un budget vérité ; qu'on y voit clair et notamment, qu'on mesure ce que serait, dans l'une ou l'autre des hypothèses la réalité du déficit de l'Etat, drogue avec laquelle nous avons eu tort de vivre pendant des années et je le dis, non pas parce que nous avons pris des engagements européens. Si un engagement européen était contraire à l'intérêt national, je n'aurais aucune objection qu'on en discute. Ce n'est pas parce que nous avons pris des engagements européens que nous devons réduire le déficit de la France, c'est parce qu'un grand pays comme le nôtre ne peut pas vivre en reportant perpétuellement sur les générations futures la charge même de son fonctionnement. Parce que, ce que nous ne disons jamais, parce que nous n'avons pas le courage de le faire, c'est que depuis des années et des années, nous nous endettons pour le fonctionnement ordinaire de l'Etat, pas pour ses investissements et la préparation du futur, ce qui se justifie, mais pour le fonctionnement ordinaire de l'Etat.
Nous ne nous attaquerons au drame du déficit de l'Etat que si nous avons le courage d'examiner un budget vérité et, pour éviter tout risque et tout inconvénient, je demande au Gouvernement de nous présenter un budget avec plusieurs hypothèses de croissance, optimiste, moyenne et pessimiste.
Dernière question que je voudrais traiter devant vous et qui l'a été très largement pendant les débats de ces trois jours : le travail.
Tout le monde voit bien que la société française a un immense problème de reconnaissance du travail et de l'effort, sans lesquels aucune nation ne peut réussir, vivre, se faire entendre, se faire respecter et construire son avenir.
Immense problème de travail.
Nous sommes devant deux impératifs catégoriques que nous ne pouvons éluder ni l'un ni l'autre et sur lesquels il faut que le Gouvernement donne des assurances parfaitement claires et transparentes pour bâtir la crédibilité de la politique que nous avons à conduire.
La première : il faut donner aux entrepreneurs - on devrait dire aux salariés, on devrait dire aux chômeurs - l'assurance que le coût du travail n'augmentera pas. Parce que, augmenter le coût du travail, c'est choisir le chômage. Il faut que ce soit un contrat écrit en lettres d'or, gravées dans le marbre. Que le coût du travail n'augmente pas pour que les entrepreneurs puissent continuer à créer du travail et à voir des assurances pour le futur.
Et deuxièmement, il faut que le travail rapporte davantage aux salariés et notamment aux salariés du bas de l'échelle et qu'il rapporte nettement davantage que l'assistance. Sans cela on est dans un pays qui ne marche pas, qui marche sur la tête.
Il n'y a qu'un moyen de rendre ces deux impératifs compatibles. Ce n'est pas seulement une politique de baisse des charges, c'est une politique qui oblige à repenser complètement l'architecture des charges sociales dans notre pays.
C'est un sujet que l'on a souvent abordé, sur lequel on n'a pas beaucoup avancé. Je reconnais qu'il y a un grand travail à faire, mais on a besoin de repenser les charges sociales pour qu'une partie d'entre elles ne repose pas seulement sur le travail.
Jean Arthuis, autrefois, s'était fait le spécialiste de ce grand sujet. Il faut qu'on le reprenne, cela oblige à beaucoup de courage.
Mais si nous voulons rendre compatibles les deux impératifs catégoriques avec lesquels nous devons vivre, ne pas augmenter le coût du travail et augmenter le revenu du travail pour le salarié, c'est sur les charges qu'il faut jouer et il faut en repenser complètement l'architecture.
Voilà les quelques sujets que je voulais aborder devant vous.
Naturellement, ils constituent un programme très impressionnant mais, je l'ai dit lors du débat de politique générale, c'est la situation de la France aujourd'hui qui est très impressionnante et qui doit obliger au courage.
On ne devrait avoir qu'un mot écrit sur nos pupitres, on devrait avoir écrit : courage, c'est le moment de s'attaquer à la réforme, aux réformes, à la réforme avec un grand " R ".
C'est profondément ce que la France attend.
Il y a des moments dans la vie où on ne peut pas reculer l'heure des choix.
C'est l'heure des choix !
Je le dis au Gouvernement, à la majorité. Je le dis à l'ensemble de la représentation du pays, à l'ensemble des citoyens. Il y a des moments dans la vie où il faut choisir. Le moment est venu. Politique internationale, immense question européenne, qui va gouverner le monde ? Un pays tout seul décidant de la paix ou de la guerre, ou des puissances équilibrées ?
Qui va oser proposer un chemin de construction à l'Europe qui ne soit pas l'eau tiède dans laquelle on nous balade depuis des années, qui soit courageux. Qui va oser proposer un chemin à la France pour retrouver la santé et la confiance ? La réforme de l'Etat aussi bien qu'une nouvelle architecture des charges sociales.
C'est le moment de la réforme et la mission de l'UDF, c'est d'être dans la politique française le parti de la réforme, cette mission, nous l'assumerons.
Je vous remercie
(source http://www.udf.org, le 16 septembre 2002)