Déclaration de M. François Hollande, premier secrétaire du PS, sur les conceptions respectives de la gauche et de la droite sur la décentralisation, la réforme du quinquennat, les propositions du Medef sur la refonte de l'assurance chômage et sur la préparation des élections municipales et du congrès de Grenoble, Clermont-Ferrand le 18 juin 2000.

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Circonstance : Convention nationale "Territoires et citoyens" à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme) les 17 et 18 juin 2000

Texte intégral

Je tiens d'abord à saluer Catherine HENRI-MARTIN pour la Fédération, Pierre-Joël BONTE pour le Conseil général, Serge GODARD pour la ville de Clermont, ainsi que tous les élus et les militants qui ont rendu possible l'organisation de cette Convention.
Il me revient de la conclure, je le ferai en traçant ce que nous devons en retenir et en invoquant d'autres sujets de l'actualité.
Cette Convention se tient donc à Clermont. C'est, en quelque sorte, un juste retour des choses puisqu'il y a maintenant près de 25 ans, il y avait déjà eu à Clermont une Convention sur la Ville sous la présidence du regretté Roger QUILLOT, dont il faut bien dire que l'oeuvre pour le désenclavement de l'Auvergne reste encore inachevée, notamment pour la partie ouest du Massif Central. Il appartiendra, bien sûr, aux élus départementaux, mais surtout régionaux, le moment venu, de parfaire ce travail de désenclavement.
Je veux remercier tous les participants, c'est-à-dire vous tous, qui ont accepté de sacrifier deux jours de fin de semaine sous un temps estival pour contribuer à la réflexion du Parti Socialiste. Vous méritez toutes les gratifications qu'il est possible de recevoir du Premier Secrétaire.
Cette Convention est l'aboutissement d'un processus conduit depuis plusieurs mois avec sérieux, avec rigueur, avec talent par Alain CLAEYS qui a été marqué, vous le savez, par six grands colloques décentralisés sur l'environnement, sur la démocratie locale, sur la ruralité, sur la ville, sur la solidarité et sur l'emploi.
Notre démarche, depuis le départ, est fondée sur une conviction politique majeure. Le territoire est à la fois un lieu de vie, un facteur de création de richesses, un espace de démocratie et de solidarité. Il est profondément marqué, travaillé, torturé quelquefois par la mondialisation avec des risques d'uniformisation et de banalisation que nous constatons tous les jours, mais en même temps, le territoire constitue l'un des instruments de la régulation pour maîtriser précisément les évolutions économiques et pour préserver les modèles de vie et les identités culturelles.
La force d'un pays comme le nôtre tient à la qualité de ses paysages, à la préservation de son environnement, à la répartition de la population sur l'ensemble du territoire, donc à la vitalité et à la singularité que nous sommes capables de créer grâce à une bonne maîtrise de la répartition de la population et de l'organisation de nos espaces.
La croissance qui reprend nous fait d'ailleurs obligation de réaménager le territoire de façon plus équilibrée que par le passé ; elle nous fait obligation d'éviter les concentrations urbaines comme les dévitalisations rurales et de rendre les citoyens davantage maîtres des décisions qui les concernent dans leur environnement proche.
C'est là tout l'enjeu de la période qui va s'ouvrir. Tout part des territoires et en même temps, tout revient vers les territoires et c'est par rapport à cette démarche-là que nous pouvons constater ce qui nous sépare de la droite sur deux thèmes majeurs :
I - La lutte contre les inégalités
Le marché crée par son propre fonctionnement des disparités dans la répartition des richesses entre les individus, mais aussi entre les collectivités. Pour nous, le constat est clairement identifié, c'est un mode de production économique qui crée le déséquilibre. Pour d'autres, à droite, qui découvrent la fracture territoriale aujourd'hui, comme ils avaient mis à jour, hier, la fracture sociale, la tentation est forte d'utiliser le malaise incontestable né des déséquilibres entre collectivités pour promouvoir, avec des méthodes de rebouteux, une conception pernicieuse de la décentralisation.
Certes, il est toujours cocasse, plaisant, d'entendre Jacques CHIRAC faire un hommage appuyé lors de sa récente intervention télévisée aux lois de décentralisation de Gaston DEFFERRE de 1982 qu'il avait combattues et n'avait pas votées. Pauvre Gaston, s'il avait pu voir cette émission, il ne s'en serait pas remis ! Mais il savait bien que Jacques CHIRAC, sur ce sujet là, comme sur d'autres, n'est pas prêt à connaître une évolution de sa pensée, c'est-à-dire qu'il est toujours capable d'en changer !
A partir de là, nous pourrions nous satisfaire une nouvelle fois d'avoir eu raison trop tôt. Sauf que maintenant, la droite utilise, à travers le thème de la décentralisation, un argumentaire politique qui en dénature même les fondements. Il s'agit, pour la droite, de donner plus de libertés aux collectivités, mais en dépouillant l'Etat de ses prérogatives essentielles en laissant la concurrence s'installer pour que les meilleurs gagnent dans la compétition entre villes, entre départements, entre régions.
Au nom de l'expérimentation, la droite demande que des dérogations soient autorisées aux lois et aux modèles universalistes de la République pour les collectivités locales qui le voudraient. Dans ce schéma, l'Etat doit, peu à peu, s'effacer et la légitimité même de ses interventions devient suspecte.
Notre conception de la décentralisation est radicalement différente. Il s'agit, bien sûr, de transférer de nouvelles compétences aux collectivités locales, de clarifier les modes d'intervention, de réduire les tutelles de toutes natures, mais en fixant des règles du jeu par une péréquation des concours de l'Etat aux collectivités locales, par un changement de la fiscalité locale, par l'affirmation des services publics comme garants de la solidarité nationale et par le renforcement de la démocratie locale.
Si bien qu'à la décentralisation contre l'Etat qu'avance la droite, nous proposons une décentralisation pour les citoyens. Voilà pourquoi nous voulons -dans cette Convention- promouvoir un nouveau modèle territorial. Nous ne partons pas de rien. Depuis 1997, et beaucoup l'ont dit, le Gouvernement de Lionel JOSPIN a fait voter des lois importantes : la loi CHEVENEMENT sur l'intercommunalité, la loi VOYNET sur les pays, la loi GAYSSOT-BESSON-BARTOLONE sur les solidarités urbaines. Il a défini aussi de nouveaux instruments, les contrats de plan Etat/Région qu'il a repensés, rénovés, les contrats territoriaux d'exploitation, bref, il a aussi changé la règle de notre vie publique à travers la parité, la limitation du cumul des mandats et la réforme des modes de scrutin.
Mais nous devons, forts de cet acquis, agir dans quatre directions dans l'avenir.
1° - Priorité à la promotion d'un développement économique mieux partagé.
Lionel JOSPIN a défini la perspective : nous allons vers une société de plein emploi, mais il y aurait un paradoxe insupportable pour nous si, au plein emploi des actifs, correspondait le vide territorial des espaces et si, à la nouvelle économie qui émerge, ou est supposée émerger dans les grandes agglomérations, s'opposait la vieille économie des territoires, support de la précédente révolution industrielle.
Il s'agit, pour nous, dès lors que nous sommes dans cette perspective du plein emploi, de définir une approche territorialisée du marché du travail par une politique locale de l'emploi fondée sur la formation, l'insertion, le développement des qualifications, bassin d'emplois par bassin d'emplois.
Il s'agit aussi de mobiliser davantage qu'on ne le fait l'épargne locale, d'assurer la reconversion des bassins d'emplois frappés par les mutations qui continuent encore de s'opérer et il y aurait même un risque, dans les années qui viennent, si nous ne fixons pas des précautions, qu'il y ait dans certains départements uniquement des emplois publics ou des emplois de service collectif et qu'il n'y ait plus véritablement d'emplois industriels ou d'emplois de nouvelles technologies.
Il y a un risque aujourd'hui de coupure dans notre pays, de divisions, entre les lieux où l'activité privée s'organise et les lieux où, pour maintenir l'emploi, il n'y a plus qu'à défendre les services publics. Terrible perspective où, à ce moment-là, la défense du service public devient le dernier rempart avant la fermeture.
Il nous faut donc organiser, là encore, le développement de l'économie partout sur le territoire, y compris avec une utilisation des nouvelles technologies qui pourraient être servies partout sur le territoire de la même façon.
2° - Priorité à des services publics mieux assurés.
Nous l'avons dit dans cette convention, le droit et l'égalité d'accès aux services publics constituent une des conditions majeures de la cohésion sociale et territoriale de notre pays. Nous proposons -dans cette convention- des contrats territoriaux de service public permettant, après le dialogue nécessaire entre élus et acteurs publics, de préserver et de renforcer la présence des services publics sur tout le territoire. Mais il faut assurer aussi une plus grande liberté dans la forme que doivent prendre ces services publics pour définir la structure la plus appropriée aux besoins, de définir l'aire géographique sur laquelle il faudrait maintenant agir (intercommunalité, pays). Il faut être ferme, plus ferme qu'on ne l'est dans les objectifs de maintien et de développement des services publics, aussi bien en zones rurales que dans les quartiers des villes, et en même temps plus souple dans les moyens.
3° - Priorité aux collectivités locales plus autonomes et plus solidaires.
La situation actuelle n'est plus supportable. L'autonomie fiscale des collectivités est aujourd'hui un leurre. Il y a d'un côté une fiscalité archaïque, tellement archaïque qu'elle est prise en charge progressivement par l'Etat, ce qui entraîne à la fois la déresponsabilisation des élus et la perte du lien civique et du lien citoyen, et puis il y a des dotations nombreuses, plus de 200 milliards, versées aux collectivités, sans distinction entre celles qui en ont le plus besoin et celles qui pourraient éventuellement s'en passer.
C'est donc à la fois illicite et injuste.
Il nous faut donc aller vers la spécialisation autour d'un impôt principal par niveau de collectivité territoriale sans augmenter, bien sûr, le niveau des prélèvements obligatoires et il nous faut affirmer, mais pas simplement comme une incantation de Congrès ou de Convention, une péréquation par une révision effective des modes de calculs des dotations de l'Etat. Au moins 25 % des concours publics de l'Etat vers les collectivités locales devraient être fondés sur les seuls critères des besoins et des inégalités à résorber.
4° - Priorité à la modernisation de la vie publique locale.
a) Il s'agit, bien sûr, de clarifier les compétences pour chaque échelon territorial : la commune qui doit répondre à une logique de proximité de services communs ; l'intercommunalité avec une logique de projets ; les départements avec une logique de solidarité ; la région avec une logique de développement économique. Bref, nous savons à quoi correspond chaque étage de notre administration territoriale ; à nous de clarifier les compétences, les moyens et d'assurer aux citoyens une lisibilité par rapport au degré de responsabilité.
b) Il nous faut aussi changer les modes d'élection
Nous sommes tous d'accord pour élire des assemblées intercommunales au suffrage universel direct. Il faudra le faire. Nous sommes également d'accord pour qu'il y ait des conseils de quartier parce qu'en définitive, ce qui peut choquer l'esprit le plus cartésien (il y en a dans notre pays), c'est que dans la zone rurale -qui a ses contraintes- existe, pour 100, 150, 200 habitants, un vrai réseau de solidarité à travers un conseil municipal, à travers des dotations affectées aux élus, à travers même une fiscalité propre et on refuse dans les villes, dans les quartiers des villes la même organisation, la même démocratie, le même tissu de solidarité. Il faudra, là aussi, faire bouger les lignes et éviter ces disparités entre niveaux démocratiques.
c) Il faudra aussi changer le mode de scrutin. Nous en avons abondamment discuté, notamment pour les élections départementales qu'il ne faut donc plus appeler cantonales, il faudra assurer une représentation juste des habitants, des citoyens, au sein d'un même département. C'est là la perspective à avoir, et nous devrons le faire le plus rapidement possible, sans doute -et bien évidemment- après les élections de 2001.
Je fais juste une brève observation sur les élections de 2001. Nous parlons beaucoup des élections municipales et nous avons raison. Il ne faudrait pas oublier l'enjeu majeur des élections départementales de 2001 car, si nous avons des perspectives de victoire, y compris avec le mode de scrutin actuel, c'est bien là qu'elles se situent et qu'il faut y mettre toute notre force. Là, les alliances sont peut-être plus faciles à constituer ; c'est aussi une affaire de mode de scrutin ; mais je vous conjure de ne pas simplement évoquer dans vos discussions fédérales, dans vos discussions de sections, simplement les élections municipales. Nous devons avoir des objectifs élevés en matière d'élections cantonales.
d) Il y aura bien sûr la mise en place d'un statut de l'élu qui est lié au renforcement de la limitation du cumul des mandats et nous aurons aussi à assurer le droit de vote aux élections locales pour toute personne résidant dans notre pays même si elle est d'origine étrangère, car il y a là une évolution à faire et qu'il faudra accomplir le plus rapidement possible.
II Le quinquennat
Puisque j'en suis à la modernisation de la vie publique et sortant des travaux de notre Convention, comment ne pas évoquer le quinquennat ? Il trouve naturellement sa place dans le processus que je viens de décrire de modernisation, de rénovation, de démocratisation de nos institutions locales comme nationales.
Nous aurions souhaité que cette étape du quinquennat soit plus consistante et y ajouter effectivement les projets qui sont les nôtres sur le renforcement des droits du Parlement ou sur l'approfondissement de la décentralisation.
Notre adhésion au quinquennat ne relève en rien d'un choix de circonstance ou de convenance, mais relève d'un choix de conviction. Lionel JOSPIN en faisait une de ses propositions lors de la campagne présidentielle de 1995 ; nous l'avions reprise dans une précédente Convention en 1996 et nous l'avions affichée lors du scrutin législatif de 1997. Le Premier Ministre avait même évoqué, dans sa déclaration de politique générale, la nécessaire harmonisation des mandats électifs sur une base de cinq ans.
Mais il faut aussi reconnaître la réalité. Il a fallu l'heureuse conjonction d'une initiative inopinée d'un parlementaire d'Auvergne, de la réaffirmation d'une volonté gouvernementale forte et d'une soudaine prise de conscience du Président de la République que cette réforme était finalement utile, pour que ce quinquennat soit soumis aux assemblées avec une chance certaine d'être adoptée.
Cette opportunité, nous ne la laisserons pas s'échapper. Le quinquennat permet à nos yeux de rendre plus souvent la parole aux citoyens pour élire un Président de la République qui, hors cohabitation, est doté de pouvoirs dont ne dispose, dans aucun pays d'Europe, le moindre chef d'Etat. Le septennat ne correspond plus au rythme de notre vie démocratique. Nous reconnaissons que nous aurions pu aller plus loin, être plus ambitieux. Mais c'était la condition posée par Jacques CHIRAC : pour que le septennat disparaisse, pour que le quinquennat s'installe, il fallait renoncer à tout amendement.
Nous aurions aussi souhaité, puisqu'il s'agissait de faire passer de sept à cinq ans le mandat du Président de la République, mettre dans le même texte constitutionnel (ou dans le même texte législatif) l'harmonisation de tous les mandats et, notamment, les mandats de Sénateur. Car comment comprendre qu'un Président de la République puisse être demain élu pour cinq ans et qu'un Sénateur, lui, puisse rester neuf ans dans la même assemblée sans revenir devant son corps électoral ?
Sur tous ces points d'ailleurs (renforcement des droits du Parlement, approfondissement de la décentralisation, harmonisation de la durée des mandats), nous aurions pu avoir une majorité à l'Assemblée Nationale. Mais, dès lors que le Président de la République a fixé comme condition le rejet de tout amendement, nous en avons pris acte avec regret mais avec responsabilité.
Prétendre tout faire aujourd'hui serait en définitive accepter de ne rien faire. Tel n'est pas notre état d'esprit car, pour être franc, nous n'imaginions pas -jusqu'à récemment- possible de faire voter le quinquennat dans cette législature. Mais, puisque l'occasion nous est donnée de mettre en oeuvre, à travers le quinquennat, non seulement le programme législatif de 1997, mais aussi le programme présidentiel de Lionel JOSPIN de 1995, eh bien ! Comme dit l'autre, "ne gâchons pas" !
Et j'ai trouvé savoureux, suave même, délicieux, le message du 17 juin de Jacques CHIRAC (je n'ose pas dire "l'appel du 17 juin" !) qu'il a lancé à l'occasion des Assises du RPR pour obtenir le soutien de ses propres amis à une proposition de Lionel JOSPIN ? Il a fallu donc que Jacques CHIRAC envoie ce message pour s'assurer que ses amis, ses militants au moins, ses élus, voteraient bien la proposition du quinquennat ! Peut-être est-ce la raison pour laquelle il n'aurait reçu, nous dit-on, que huit minutes d'applaudissements au lieu des douze qu'il avait obtenues la dernière fois ! C'est vous dire comment fonctionne le RPR et c'est vous dire aussi l'importance du doute qui s'attache à la conviction des amis de Jacques CHIRAC à l'idée même du quinquennat !
Certes, il ne s'agit pas de la première préoccupation des Français qui ont d'autres priorités (les nôtres) : l'emploi, le pouvoir d'achat, la réduction des inégalités. C'est pourquoi la question de la procédure (Congrès ou référendum) nous paraît secondaire par rapport à l'objectif. Si l'on veut faire vite et simple, pourquoi s'en priver ? Et pourquoi ne pas en terminer avant l'été dans un Congrès ? Mais si le Président de la République, puisque cela relève de sa seule responsabilité, veut recourir au référendum, notre réponse est connue et c'est celle de la majorité des Français. Mais il faut alors préciser que, s'il doit y avoir référendum, si Jacques CHIRAC s'engage dans cette voie, alors il faudra qu'il y mette un peu plus d'enthousiasme pour transmettre sa communication et sa récente intervention télévisée nous a laissés, de ce point de vue, sceptiques. Car si c'est pour aller au référendum en disant : "Quelle que soit la réponse, c'est très bien", je ne vois pas quelle est l'utilité de recourir à cette formule !
III L'UNEDIC
Un protocole d'accord a été signé entre le patronat et deux organisations syndicales sur l'avenir de l'UNEDIC. Il appelle de notre part, mais aussi de la part de l'ensemble des acteurs publics, un large débat.
Sur le fond d'abord, car même si cet accord comporte quelques progrès et, notamment, la suppression de la dégressivité, il change profondément la philosophie qui prévalait jusque-là en matière d'assurance-chômage et risque d'instaurer une indemnisation à plusieurs vitesses.
Sur la forme, le dialogue social doit être, bien sûr, respecté et un accord signé par des organisations très importantes exige de notre part une attention. Faut-il encore faire observer que les organisations qui ont signé, aussi respectables soient-elles, sont minoritaires par rapport à l'ensemble des partenaires sociaux. Mais il n'est pas acceptable, dans une démocratie, que le MEDEF puisse présenter ce protocole, cet accord signé comme l'on sait, comme intangible, comme non susceptible du moindre apport ou de la moindre restriction, au risque de claquer la porte des organisations paritaires ! Dans notre démocratie, et je le dis fermement, il n'y a pas de place pour le chantage. Le dialogue, ce n'est jamais l'ultimatum.
Plus profondément, nous touchons à la question fondamentale de la démocratie politique et de la place de la loi.
Le MEDEF, relayé par la Droite et par le Chef de l'Etat lui-même, demande rien moins que l'effacement de l'Etat devant la liberté des acteurs, sans s'interroger sur leur propre légitimité, sur leur propre place.
C'est donc à nous d'affirmer clairement qu'il revient aux représentants du suffrage universel de laisser la négociation sociale entre acteurs jouer tout son rôle mais aussi de fixer le cadre dans lequel cette négociation s'inscrit et de veiller aux principes d'égalité, de solidarité, d'intérêt général, sans lesquels il n'y a plus de République possible.
Oui, le rôle de l'Etat, ce n'est pas de se substituer aux acteurs, qu'ils soient des acteurs locaux ou des acteurs sociaux. Le rôle de l'Etat, c'est de fixer le cadre et d'assurer la compatibilité entre les normes des uns et les règles des autres et d'assurer aussi le fait qu'il y a des principes fondamentaux auxquels il n'est pas possible, dans une démocratie comme la nôtre, de déroger.
IV Les élections municipales
La Convention Nationale sur les territoires nous fournit des éléments programmatiques extrêmement précieux pour la rédaction de la Charte que nous aurons à présenter aux Français dans le cadre des élections locales de 2001.
Le calendrier, nous le connaissons : les élections de mars 2001 seront nécessairement le tour de chauffe avant les scrutins décisifs de 2002, même s'il y a maintenant une autonomie dans le choix des électeurs et si chaque scrutin doit être analysé séparément des précédents et des suivants. Mais je veux dire ici, par rapport aux échéances de 2002, l'attachement qui est le nôtre à la stratégie de la Gauche plurielle.
Des accords nationaux ont été signés et j'entends, au nom de la Direction du Parti Socialiste, les faire respecter ; les faire respecter par nous, les faire respecter par eux. Des accords départementaux et locaux doivent être conclu et le plus tôt sera le mieux. Nous n'avons rien à gagner à laisser le temps passer pour présenter nos accords et nos listes. Par rapport à une Droite divisée qui fera, malgré tout, son rassemblement parce que ses intérêts vitaux sont locaux, ses moyens financiers se trouvent essentiellement là, ses leviers d'intervention sont encore largement dans les assemblées décentralisées, par rapport à cette Droite-là, nous devons, nous, la Gauche plurielle, être entièrement rassemblés.
Je sais qu'il y a une volonté d'un certain nombre de nos partenaires - je pense notamment à nos amis Verts - d'aller séparément de nous à ces élections. Nous avons essayé de les convaincre du contraire, mais c'est leur choix, respectons-le. Je les appelle néanmoins à observer que, si une stratégie est possible aux élections municipales, elle doit être en cohérence avec celle qui vaudra pour les élections législatives et qu'il faut tout lier et tout engager pour que ce qui sera peut-être lié à des risques de séparation au moment des élections municipales ne représente pas des risques de rupture pour les élections législatives.
C'est leur responsabilité, c'est aussi la nôtre. Il faut être ensemble partout pour que, demain, aux élections législatives, nous leur fassions place, pour leur laisser un certain nombre de circonscriptions, si nous voulons être solidaires par rapport à la victoire de 2002.
Mais je voudrais aussi dire qu'avec la Gauche plurielle, il faut sortir le plus rapidement possible de nos accords purement électoraux. C'est vrai que nous avons vocation à être ensemble pour les élections, à toutes les élections, mais nous avons aussi vocation à être ensemble pour un projet politique et il faudrait peut-être en terminer avec ces compétitions internes, avec ces surenchères, avec ces demandes, naturelles d'ailleurs en période électorale.
Ce qui doit nous unir c'est d'abord le programme que l'on porte, c'est aussi l'action que l'on mène au sein du Gouvernement de Lionel JOSPIN, et tout le monde est bénéficiaire de cette action, aussi bien nous, les socialistes, qui en assurons la colonne vertébrale, que nos partenaires de la Gauche plurielle. Mais ce que nous avons à faire ensemble, eux et nous, c'est non seulement finir la législature en portant un certain nombre d'aspirations et de projets, mais c'est aussi fixer le contrat que nous présenterons aux Français en 2002.
C'est pour cela que nous allons prochainement ouvrir avec nos partenaires de la Gauche plurielle des discussions pour la préparation de cette échéance, de façon que nos rencontres, celles que vous aurez aussi au plan local, ne soient pas simplement animées par les partages de places ou les arrangements électoraux, mais par la perspective des élections de 2002 et du programme que nous présenterons aux Français à cette occasion-là.
V Le Congrès de Grenoble
Comme vous le savez, il y a plusieurs façons de préparer un congrès. Si je puis dire il y en a une bonne et une mauvaise. Je commencerai par la moins bonne.
La première est de faire d'un congrès un enjeu purement interne pour peser -au trébuchet- l'influence des sensibilités dont on connaît l'existence ou dont on se rappelle l'existence, sans en mesurer l'importance. C'est une formule qui a eu autrefois ses heures de gloire et parfois de désespoir. Nous pouvons -à mon avis- traiter ces questions, qui nous intéressent quelquefois dans nos fédérations ou au plan national, sans naïveté excessive mais sans drame.
Je propose donc une deuxième formule, c'est de nous adresser aux Français, afin de leur démontrer que notre capacité de proposition, d'imagination, d'innovation reste intacte, car nous avons déjà un bilan considérable à présenter, notamment sur l'emploi et je ne reviendrai pas sur les chiffres qui ont été publiés ces dernières semaines. Il faudrait les valoriser non pas simplement comme un objet, comme une oeuvre parfaite mais comme un nouveau point de départ fondé sur le respect des engagements, la crédibilité retrouvée de la parole politique.
Notre bilan crédite le projet. C'est parce que nous avons fait ce que nous avions dit, c'est parce que nous avons aujourd'hui un bilan notamment par rapport à la priorité essentielle qu'est l'emploi, que nous pouvons faire de nouveau des propositions aux Français. C'est vrai qu'un bilan ne garantit pas à lui seul la victoire, il l'autorise, il la permet grâce justement à la crédibilité retrouvée.
Notre Congrès, par les débats qu'il va ouvrir, par les réflexions qu'il va engager, par les propositions qu'il va avancer, doit nous permettre de tracer les grandes lignes du contrat de 2002 : une société de plein emploi, une société qui donne de nouveaux droits aux citoyens, une société qui rend notre vie quotidienne moins dure, moins violente -elle l'est trop souvent- et à travers ces débats sur les territoires, nous avons essayé justement de tracer les contours d'une démocratie apaisée.
Nous devons aussi rappeler que notre engagement principal est l'égalité de chacun devant le service public, devant les chances pour l'avenir, devant le droit essentiel à avoir un travail, une activité, une dignité ; pour nous, Socialistes, l'égalité est au coeur même de notre projet.
Enfin il faudra développer une société fondée sur une nouvelle écologie, sur la qualité de la vie et l'amélioration de notre environnement.
Nous sommes capables de porter ces revendications parce qu'elles sont au coeur même de notre projet historique. Alors bien sûr qu'il y a d'autres forces politiques qui les unes travaillent sur le champ social, les autres sur le champ de l'environnement ; mais nous, Socialistes, nous avons un devoir qui est de faire la synthèse entre toutes les aspirations.
CONCLUSION
C'est en ce sens que notre Convention sur les territoires a été utile car elle a constitué la première étape de ce travail programmatique qui doit convaincre les Français que, si la société a changé -et elle a changé grâce à l'action du Gouvernement de Lionel JOSPIN- l'ambition des socialistes, la nôtre, reste toujours de préparer l'avenir, de ne jamais se satisfaire des temps présents, même si les temps présents sont aujourd'hui plutôt beaux.
(Source http://www.parti-socialiste.fr, le 17 juin 2000).