Déclaration de Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer, sur l'ancrage de l'outre-mer dans la République, le respect des statuts des collectivités, l'égalité économique avec la métropole, la création d'emplois, l'aide à l'investissement et l'accueil des Français d'outre-mer en métropole, Paris le 13 janvier 2002.

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Circonstance : Voeux de Mme Girardin à la presse et aux associations, à Paris le 13 janvier 2003

Texte intégral

En ce début d'année, la traditionnelle cérémonie de vux qui nous réunit, est l'occasion de souligner la place nouvelle que le gouvernement entend donner à l'outre-mer dans l'action publique.
Mon souhait est que nos dix collectivités d'outre-mer soient visibles en métropole. C'est essentiel pour que les Français de métropole n'aient pas de l'outre-mer une image empreinte de stéréotypes, selon l'actualité du moment, soit une image idyllique, sur fond de cocotiers et de lagons bleus, soit une image négative, sur fond de conflits sociaux dégénérant parfois en émeutes.
C'est pourquoi, je remercie la presse que vous représentez ici de l'action " pédagogique " que vous essayez le plus souvent de mener afin de donner une perception réaliste et équilibrée de l'outre-mer français. Votre présence nombreuse aujourd'hui montre bien que cette démarche est partagée par chacun d'entre vous. Que ce soit dans le secteur associatif, dans la presse ou les milieux sportifs ou culturels, chacun à votre niveau vous contribuez à l'image du dynamisme de l'outre-mer et de sa contribution déterminante à l'épanouissement et au rayonnement de notre pays. Il ne s'agit pas dans mon esprit de nier les difficultés ou de vouloir les méconnaître. Mais il est essentiel de bien percevoir que l'outre-mer associe une double exigence. C'est la conciliation entre les principes d'égalité entre français et la reconnaissance d'une spécificité dans la République. Tordons ensemble le cou à trop de caricatures et de contre vérités. L'État ne dépense pas plus pour un habitant d'outre-mer que pour un métropolitain. C'est l'inverse. Respecter la dignité de nos compatriotes ultramarins, ça ne consiste pas à leur accorder sans cesse des subventions ou à mettre sous perfusion les économies de nos collectivités d'outre-mer. La solidarité de la Nation, elle doit s'exprimer par un accompagnement pour surmonter les handicaps structurels liés à l'éloignement, à l'enclavement, à l'insularité, c'est-à-dire faire baisser le coût du travail et relancer l'investissement pour créer de vrais emplois durables. C'est cette politique que je mets en uvre pour l'outre-mer, dont la loi-programme sur 15 ans sera la traduction concrète.
La départementalisation conçue en 1946 était une étape indispensable. La décentralisation, voulue par le Président de la République et le Premier ministre, se devait de concerner l'outre-mer au même titre que la métropole.
La réforme qui a été adoptée dans les mêmes termes par le Sénat et l'Assemblée Nationale répond à une double exigence.
D'une part, elle réaffirme l'ancrage des collectivités dans la République. Pour la première fois, la Constitution française mentionne explicitement chacune des collectivités d'outre-mer.
D'autre part, elle conforte le principe démocratique qui fonde le pacte républicain et l'unité du peuple français autour de principes communs. Aucune évolution institutionnelle ne pourra plus avoir lieu sans l'assentiment préalable des citoyens concernés. Il ne sera plus possible comme par le passé de voir un gouvernement faire adopter une loi par le Parlement afin de transformer un département en collectivité à statut particulier, sans même se poser la question de savoir ce qu'en pensent les populations concernées. C'est un problème de respect à l'égard des citoyens français, qu'ils habitent à 20 kilomètres de Paris ou à des milliers de kilomètres de la métropole. Dans le même esprit, je me réjouis de l'adoption, à l'initiative du député de la Réunion René-Paul Victoria, d'un amendement supprimant toute distinction entre le peuple français et les peuples d'outre-mer.
Enfin, l'unité ne se confond plus avec l'uniformité. Dans le respect des principes qui fondent la République, chaque collectivité d'outre-mer pourra conserver le statut qui est le sien (et je pense à la Réunion) ou évoluer institutionnellement et dans l'exercice de ses compétences.
Dès après demain, je pars pour la Martinique, la Guadeloupe et la Guyane où se tiennent les assises des libertés locales. Je me rends à ces assises dans un esprit d'écoute et d'attention aux propositions qui me seront faites. Je souligne que la réflexion menée pour la préparation de ces assises a bien entendu associé les élus, mais aussi d'autres acteurs de la vie économique et sociale.
Toute évolution statutaire envisagée doit être le fruit d'une réflexion consensuelle dans laquelle chacun se reconnaît. Dans ce processus d'évolution institutionnelle, le gouvernement n'imposera rien depuis Paris. Sa contribution se limitera à veiller à ce que les réformes envisagées soient conformes à la Constitution.
C'est donc une année riche de débats et d'échanges qui s'ouvre. Ils aboutiront sans doute à terme à des évolutions institutionnelles importantes dont nous aurons l'occasion de reparler, mais aussi à une extension des compétences exercées localement. Mais, c'est important de le souligner, ces évolutions éventuelles ne pourront se faire que dans le cadre du respect de l'unité et des principes de la République, dans ce cadre constitutionnel rénové, clarifié, assoupli mais surtout sécurisé, garantissant contre toutes les dérives, contre toutes les aventures qui pourraient mettre à mal ce lien si fort de nos collectivités d'outre-mer avec la République qu'il convient bien sûr de préserver.
Il s'agit aussi de rompre avec l'habitude de réglementer depuis Paris des domaines qui peuvent être beaucoup mieux organisés localement. C'est pourquoi d'ailleurs, dès ma prise de fonction, et après avoir fait le point du dossier avec les professionnels concernés, j'ai mis fin au dispositif imaginé par le gouvernement précédent pour réglementer de manière uniforme les transports terrestres dans les trois départements français d'Amérique.
La rénovation du cadre institutionnel était une première exigence. Mais elle ne peut être dissociée de l'égalité économique. Il faut, mieux que par le passé, valoriser les atouts de l'outre-mer et compenser les handicaps structurels. L'objectif unique est de gagner la bataille pour l'emploi. L'outre-mer ne peut fonder son développement sur une panoplie d'emplois aidés, à l'origine d'une précarité désespérante pour sa jeunesse.
Compenser les handicaps n'est pas pour moi un slogan mais un principe d'action.
Lors de mon premier déplacement outre-mer, j'avais été interpellée sur la situation d'élèves de classes préparatoires. Ils avaient réussi leurs écrits, mais n'avaient pas les moyens financiers pour payer le billet d'avion leur permettant d'aller passer leurs oraux en métropole. J'ai donc donné les instructions nécessaires pour que ces prises en charge soient financées. C'était ainsi le premier pas vers le passeport mobilité. Les jeunes d'outre-mer se sont très vite, dès l'été 2002, appropriés ce dispositif qui permet de payer un billet d'avion par an aux jeunes d'outre-mer qui se rendent en métropole pour suivre une formation ou prendre un premier emploi. Notons qu'il a été mis en place en un temps record.
Au-delà de cet exemple précis, la loi programme pour quinze ans, dont vous connaîtrez très prochainement le contenu précis puisque les ultimes arbitrages techniques viennent d'être rendus, vise à compenser les handicaps liés au coût du travail et à la faiblesse de l'investissement dont souffrent les économies d'outre-mer.
Elle a donc pour objectif de favoriser la création d'emplois dans le secteur productif en allégeant fortement le coût du travail et de relancer l'investissement par un nouveau dispositif de défiscalisation. Ces deux éléments sont les facteurs primordiaux pour promouvoir un développement économique durable.
Il est essentiel de relancer l'investissement lourdement pénalisé au cours des années écoulées par les restrictions successives apportées au dispositif de défiscalisation. Je me suis ainsi aperçue que le montant cumulé des investissements défiscalisés dans un territoire d'outre-mer au cours des cinq dernières années, était inférieur au seul chiffre de l'année 1997. C'est donc une rénovation ambitieuse du dispositif de défiscalisation que va mettre en place la loi programme. Il se fonde sur un principe simple. Tous les investissements sont défiscalisables à l'exception de secteurs peu nombreux et limitativement énumérés.
D'autres échéances importantes jalonnent l'année qui s'ouvre. Je pense en particulier à la défense des dossiers européens, qu'il s'agisse du mémorandum sur l'article 299-2 du Traité d'Amsterdam que les 7 RUP et les 3 États membres concernés (France, Espagne, Portugal) doivent préparer d'ici l'été prochain ou de la défense du régime de l'octroi de mer. Comme vous le savez, une mission parlementaire a été confiée sur ces sujets au sénateur Virapoullé et toutes les énergies seront nécessaires pour consolider la position de nos collectivités d'outre-mer vis-à-vis de Bruxelles.
Je n'oublie pas dans l'action que je mène à la tête de ce ministère, le million de Français d'outre-mer qui vivent en métropole. Aux nombreuses associations qui les représentent et à celles qui aujourd'hui nous ont fait le plaisir d'être parmi nous, je veux dire que cette maison est la vôtre, que je souhaite vous associer encore plus étroitement à toutes les manifestations que nous organisons ici, qu'il s'agisse du salon du livre, de la fête de la musique, de la réception du 13 juillet et puis aussi, notez le, il y aura en plus cette année le 8 mars, toutes les femmes d'outre-mer qui seront à l'honneur. Je veux vous dire aussi que lorsque je parle de continuité territoriale, je ne vous oublie pas car je sais à quel point vous souffrez du coût inacceptable et insupportable des transports aériens qui ne vous permettent pas de rejoindre votre famille, vos proches, vos amis et combien cela est douloureux dans les périodes de fêtes que nous venons de traverser.
Le passeport mobilité est une première mesure qui a été prise pour faciliter la mobilité des jeunes. La loi-programme en contiendra d'autres pour faire baisser le coût de la desserte aérienne de l'outre-mer. Mais il faut aussi améliorer les conditions d'accueil en métropole et je sais combien les problèmes de logement notamment sont difficiles. L'ANT a un rôle essentiel à jouer, ce rôle sera renforcé. Je n'ai pu que déplorer à mon arrivée dans ce ministère le fait que depuis plusieurs années l'ANT n'avait ni président, ni directeur général. Nous avons mis fin à cette situation puisqu'un président et un directeur général assurent désormais le fonctionnement normal de cet établissement.
Pour conclure, j'évoquerai le projet de centre culturel et d'affaires qui sera pour les décennies à venir la vitrine des cultures et des économies d'outre-mer en métropole. C'est aujourd'hui le projet présidentiel du quinquennat. Il devra être, à Paris, pour tous les Français d'outre-mer, un lieu de reconnaissance et de fierté, un lieu ouvert d'expression et de création. Il sera pour tous les Français un espace de découverte, d'enrichissement et de réflexion. Je peux vous dire que je m'implique fortement dans ce beau projet, et que vos associations y seront étroitement associées.
J'évoquerai enfin ma volonté de développer une meilleure communication entre ce ministère, l'action qu'il mène, et les Français d'outre-mer résidant en métropole. Plusieurs d'entre vous m'ont demandé de diffuser un bulletin d'information. Je m'engage devant vous à y réfléchir pour vous proposer une relation plus étroite et plus constructive entre nous, au-delà des moyens de communication moderne que nous sommes en train d'utiliser pour vous offrir des informations de qualité. Je pense notamment à notre site internet qui ouvre aujourd'hui et qui s'enrichira de nouvelles rubriques dans les jours qui viennent.
Voilà les quelques réflexions que je souhaitais partager avec vous en vous adressant à chacun mes vux très sincères pour cette année nouvelle.

(source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 14 janvier 2003)