Déclaration de M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie, sur l'adaptation des entreprises gazières au contexte européen et mondial, Paris le 26 octobre 1999.

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Circonstance : Assemblée plénière du Conseil économique et social sur "l'avenir de l'organisation gazière" à Paris, le 26 octobre 1999

Texte intégral

Mesdames et Messieurs les membres du Conseil Economique et Social ,
J'ai le plaisir d'évoquer devant vous aujourd'hui l'avenir de l'organisation gazière française.
La directive européenne sur le " marché intérieur du gaz naturel " doit être transcrite en droit français au plus tard le 10 août 2000. Au cours de la négociation de la directive, le Gouvernement a su faire prévaloir un nombre important de préoccupations et d'ambitions qui sont propres à la France, en particulier en faveur du développement du service public et de notre politique énergétique.
La transcription de cette directive devra également conduire à la définition d'un cadre favorable au renforcement de la position internationale de nos opérateurs gaziers.
Vous avez reçu le document intitulé " Vers la future organisation gazière française ", qui a servi de support à la consultation large et ouverte souhaitée par le Gouvernement.
Il s'agit maintenant d'élaborer un projet de loi, qui sera soumis au Parlement et complété par divers textes réglementaires.
Dans ce cadre, la contribution du Conseil Economique et Social à la réflexion du Gouvernement sur la saisine du Premier Ministre, Lionel JOSPIN en juin dernier, sera très précieuse et je tiens à remercier Charles FITERMAN pour la qualité de son travail rapide, approfondi et, je comprends, consensuel.
Le projet d'avis qu'il vous propose, et dont j'ai pris connaissance, met parfaitement en lumière les enjeux des évolutions actuelles qui touchent le secteur gazier et qui sont cruciales pour notre économie et nos concitoyens. Les propositions qu'il formule m'apparaissent tout à fait pertinentes pour répondre à ces nouveaux défis.
Dans le prolongement de ce projet d'avis, je souhaite souligner trois sujets particuliers, qui devront, à mon sens, constituer les lignes de force de la future organisation gazière française :
1° le secteur s'internationalise et les opérateurs nationaux doivent s'adapter à cette nouvelle donne ;
2° notre service public doit être conforté et modernisé pour répondre à des objectifs ambitieux ;
3° en réponse à ces défis majeurs, une organisation adaptée de notre secteur gazier devra être définie.
I - Les entreprises gazières françaises doivent aujourd'hui insérer leur action dans un contexte européen et mondial marqué par des évolutions rapides et profondes, en se montrant sensibles aux tendances du marché gazier :
1°) on peut observer, parmi les entreprises gazières de dimension internationale, une course " à la taille ", à travers des phénomènes d'intégration entre diverses activités gazières et de diversification dans d'autres secteurs ;
2°) la concurrence se développe sur l'ensemble des marchés européens ; les entreprises gazières s'efforcent de suivre leurs grands clients industriels au-delà des frontières nationales ;
3°) de nouveaux types de relations contractuelles apparaissent : compte tenu de l'abondance actuelle du gaz, les contrats " spot " prennent une place au côté des contrats traditionnels " take-or-pay " ; de nouveaux acteurs interviennent, notamment les grossistes ; de nouveaux types de services sont offerts, avec une offre multi-services ou multi-énergies.
Pour faire face à ces défis, les opérateurs gaziers français disposent d'atouts indéniables, en particulier grâce au savoir-faire technique qu'ils ont su développer par leurs efforts constants de recherche.
Pour ce qui concerne Gaz de France, les objectifs stratégiques définis par le Contrat d'entreprise entre l'Etat et l'Etablissement public soulignent les efforts d'adaptation de l'établissement aux évolutions profondes de son marché.
Je ne citerai que trois éléments, de dimension internationale, qui illustrent cette stratégie :
*) Gaz de France développe son activité dans l'amont gazier, c'est-à-dire la production où il a pris récemment plusieurs participations ;
*) le développement à l'international croît de façon considérable : c'est par exemple le groupe Gaz de France qui distribue le gaz dans la périphérie de Mexico ou à Berlin ;
*) grâce au développement de nouveaux gazoducs d'interconnexion avec nos partenaires européens, Gaz de France développe un rôle de " plaque tournante " des flux de gaz en Europe de l'Ouest avec de multiples intérêts pour notre pays, en particulier, le renforcement de notre sécurité d'approvisionnement et le développement d'échanges gaziers rémunérateurs. La
construction du gazoduc des " Marches du Nord-Est " dont je viens de signer le décret approuvant la concession en est un très bon exemple.
Nos opérateurs sont donc bien placés pour tirer bénéfice des évolutions du secteur gazier européen et participer au combat national pour l'emploi.
Néanmoins, il convient aujourd'hui de réfléchir aux moyens qu'il faudra donner à nos opérateurs, et à Gaz de France en particulier, pour qu'ils soient en mesure d'insérer leur action dans le contexte européen et mondial marqué par des entreprises d'une taille considérable et par les évolutions profondes que je viens de rappeler. J'ai bien noté les recommandions du rapport de M. FITERMAN sur cette question cruciale.
II - Vous comprendrez aisément l'importance que j'attache à l'existence de missions de service public.
Ces missions ont d'ailleurs été reconnues dans le droit européen et recoupent largement la notion de missions d'intérêt général, en particulier grâce à l'impulsion très forte des autorités françaises. Ces missions doivent être définies par les opérateurs qui en sont chargés et contrôlées par la puissance publique.
Jusqu'à présent, il était d'usage dans le secteur du gaz, par une sorte de " raccourci intellectuel ", d'assimiler le service public, le monopole et l'établissement public qui en est chargé.
Aujourd'hui, ce " raccourci intellectuel " ne suffit plus : l'ouverture du marché, autant que le droit européen, nous incite puissamment à nous poser avec rigueur la question : quels principes de service public trouvent à s'appliquer dans le secteur du gaz ?
Il me semble donc que la future loi devra définir avec précision les aspects suivants :
*) Le contenu des missions de service public et les catégories de consommateurs à qui elles s'adressent : ces missions pourront en effet différer selon qu'elles s'adressent aux consommateurs qui n'ont pas le choix de leur fournisseur ou aux clients éligibles ; en outre, certaines missions d'intérêt général, liées à des politiques nationales, pourraient se rattacher au service public du gaz.
De ce fait, je retiens du rapport de M. FITERMAN, l'attachement du Conseil Economique et Social, partagé par le Gouvernement, aux actions destinées à maintenir et renforcer la cohésion sociale, telle que la lutte contre l'exclusion, aux actions destinées à la sécurité des installations intérieures, ainsi qu'à la protection de l'environnement.
*) Les opérateurs en charge du service public : les missions de service public seront naturellement assurées par GDF et les distributeurs non nationalisés ; toutefois, les multiples intervenants sur le marché pourront également se trouver associés au service public.
*) Les modalités de financement des missions de service public, notamment par le biais des tarifs dans le cadre des activités qui resteront en monopole.
A cet égard, j'ai pris bonne note de la recommandation du Conseil Economique et Social en faveur du maintien du dispositif de tarification actuel qui concilie les impératifs de solidarité et d'égalité de traitement avec la prise en compte de la diversité des coûts de raccordement des distributions au réseau de grand transport. Ce dispositif tend à favoriser l'extension de la desserte gazière dans des conditions économiquement satisfaisantes.
En définitive, le futur système gazier devra bénéficier à tous. Tous les clients devront ainsi bénéficier des progrès de l'efficacité du système et je partage entièrement l'analyse du rapport de M. FITERMAN sur la nécessité d'éviter l'instauration d'un " système à deux vitesses ".
Un service public exemplaire et moderne qui évolue et s'adapte au contexte plus ouvert dans lequel il est plongé. C'est dans cet esprit que le Gouvernement souhaite conforter et moderniser le service public du gaz.
III - Après ces rappels des principaux impératifs en matière de développement du service public et de nos entreprises gazières dans un contexte marqué par de profondes évolutions, j'en viens à présent à la future organisation gazière française qui devra répondre à ces défis majeurs.
1°) La future organisation gazière devra prévoir les outils nécessaires permettant la mise en uvre de notre politique énergétique.
L'équilibre de notre politique énergétique nécessite d'assurer la diversification des sources d'énergie primaire dont le gaz naturel fait partie.
La progression raisonnable et attendue du gaz dans notre bilan énergétique constitue un phénomène positif, notamment en vue de la substitution de combustibles fossiles plus polluants.
Cependant, si l'origine des approvisionnements français de gaz naturel est aujourd'hui bien diversifiée, il convient toutefois de rappeler que nous dépendons pour la moitié de nos besoins en gaz de pays extérieurs à l'Europe.
Je partage donc l'analyse du Conseil Economique et Social sur la nécessité de prévoir un dispositif d'encadrement adapté pour assurer la diversification et la fiabilité de nos approvisionnements extérieurs en gaz naturel.
2°) Le Gouvernement entend jouer pleinement le jeu d'une réelle ouverture à la concurrence, en veillant à l'égalité des acteurs dans la concurrence. Cette exigence appelle trois ordres de considérations.
En premier lieu, les industriels, pour lesquels le prix du gaz représente un élément notable de leur coût de revient, doivent obtenir le meilleur prix possible et le meilleur service. C'est à cette condition qu'ils localiseront leur activité en France et contribueront au combat national pour l'emploi.
Il est donc essentiel que les fournisseurs de gaz et les clients éligibles puissent avoir accès au réseau dans des conditions transparentes et non discriminatoires, en payant une juste rémunération aux opérateurs des réseaux de transport et de distribution concernés. J'ai bien noté que le Conseil Economique et Social recommande un dispositif d'accès conciliant l'absence de discrimination avec une liberté suffisante pour permettre aux opérateurs de négocier les adaptations demandées par leurs clients.
En second lieu, les considérations précédentes me conduisent à la question de la mise en place d'un système de régulation efficace, impartiale et transparente, c'est-à-dire " incontestée " selon les propres termes de votre rapporteur, et qui soit également un bon vecteur des politiques publiques.
Je note la préférence du Conseil Economique et Social, dans un souci d'efficacité, pour une structure de régulation dotée d'une forte compétence gazière, notamment en matière d'accès aux réseaux, mais commune aux secteurs de l'électricité et du gaz.
Je partage, par ailleurs, les préoccupations du Conseil en matière d'information des instances représentatives de l'ensemble des acteurs du système, à commencer par la consultation régulière du Conseil Economique et Social lui-même.
3°) Il est important que nos opérateurs gaziers, et particulièrement Gaz de France, puissent affronter la concurrence " à armes égales " sur l'ensemble de leurs métiers.
Je partage l'analyse développée par le Conseil sur la nécessité de permettre à Gaz de France de nouer les partenariats nécessaires à son développement vers " l'amont ", c'est-à-dire vers la production de gaz, ainsi que vers " l'aval " afin de proposer les offres globales adaptées aux besoins de ses clients.
Dans cet optique, j'ai bien entendu le plaidoyer de votre rapporteur, Charles FITERMAN pour la constitution d'un " solide pôle public ouvert à des alliances et partenariats stables et durables, industriels et financiers, avec d'autres opérateurs ".
Je compte bien donner une réponse à cette question majeure, en pleine concertation avec tous les acteurs, sans tabou, ni a priori et en privilégiant un réel projet industriel pour GDF, aux côtés d'EDF et du futur pétrolier français.
Il conviendra ainsi de réfléchir à l'adaptation du régime juridique du transport du gaz. Le système français reposant sur le régime de la concession constitue une originalité en Europe, qui peut être une source de fragilité pour nos opérateurs s'ils voient un jour le renouvellement de leurs concessions remis en question. J'ai pris bonne note des suggestions du Conseil Economique et Social en faveur du passage à un régime d'autorisations assorties de cahiers des charges et du transfert de la propriété des ouvrages aux opérateurs.
Je tiendrai également compte de l'avis du Conseil Economique et Social sur les réserves émises à l'encontre du système dit de " l'accès des tiers au stockage ", qui ne serait pas compatible avec le rôle des stockages pour la sécurité et la continuité des approvisionnements dans notre pays, ainsi que l'avantage compétitif de nos opérateurs, notamment face aux producteurs de gaz.
Voilà les réflexions dont je souhaitais vous faire part aujourd'hui, après avoir remercié le Conseil Economique et Social, et tout particulièrement M. FITERMAN, son rapporteur, pour son avis détaillé, équilibré et mobilisateur.
(Source http://www.industrie.gouv.fr, le 29/11/1999)