Texte intégral
Les propos tenus, sur un ton toujours courtois, par celles et ceux d'entre vous qui se sont exprimés dans le débat général, m'amènent aujourd'hui à vous répondre. Il est clair, d'abord, que je ne peux pas accepter certains procès d'intention faits au Gouvernement.
I - Procès d'intention
A) Conditions d'examen.
B)
Tout d'abord, sur les conditions d'examen de ce projet , je comprends mal que l'on puisse taxer à la fois le Gouvernement de précipitation et d'électoralisme. La méthode choisie a été celle d'un rapport partant des faits. Des consultations nombreuses ont été conduites. Si le débat a été quelque peu ralenti, c'est le fait de l'opposition à l'Assemblée nationale. Ce projet de loi était nécessaire pour solder le passif de la politique de mon prédécesseur dont le projet de loi malencontreux n'avait d'ailleurs pas été approuvé par un ancien ministre de l'intérieur qui siège sur ces bancs. Lui-même d'ailleurs n'a-t-il pas présenté sur le même sujet deux projets de loi, toutes affaires cessantes, après la victoire de la droite, en 1986 et 1993 ? Et ce n'est pas moi, mais lui qui a évoqué l'hypothèse d'une deuxième lecture, alors que celle-ci n'a jamais été demandée que pour des raisons purement techniques (loi de 1983 sur l'exposition universelle par exemple).
Ce serait prendre une lourde responsabilité que de vouloir exciter les passions sur un sujet qui a été traité avec le double souci de l'intérêt national et de l'humanité.Contrairement à ce qu'a laissé entendre M. Pasqua, il y a fort à parier que le législateur ne remettra pas en cause cet équilibre, parce qu'il y aurait pour toute majorité républicaine - et je dis bien " pour toute majorité républicaine ", et je n'évoque pas une autre possibilité - beaucoup plus d'inconvénients que d'avantages à vouloir légiférer à nouveau.
B) Argumentations biaisées.
J'ai souvent avec la majorité sénatoriale, l'impression d'un dialogue de sourds. En effet, sur certains principes, nous ne sommes pas éloignés,: j'ai dit dans mon intervention liminaire que nous devions " proportionner les admissions au séjour aux intérêts du pays et à sa capacité d'intégration ". M. Jacques Larché, semble abonder dans mon sens quand il déclare qu'il faut " adapter la venue d'étrangers sur notre sol à notre capacité d'accueil
M. Pasqua, que je remercie d'avoir respecter vis-à-vis de son successeur un délai de viduité de plus de deux ans et demi, quand M. Jean-Louis Debré n'a pas attendu quatre mois, porte une appréciation proche : " la République est ouverte mais doit limiter l'immigration à ses besoins ".
Mais, en réalité, l'un et l'autre tirent des conséquences tout à fait contraires du projet de loi gouvernemental : ce ne sont que présentations biaisées et querelles sémantiques
Un exemple : là où nous affirmons le droit de vivre en famille, principe reconnu par la Convention européenne des droits de l'homme, M. Pasqua s'écrie : " Tout irrégulier ayant une famille aura vocation à venir s'installer en France " ! Et d'évoquer une mécanique infernale qui ferait de la France " le refuge de tous les malheureux, le lazaret du monde ".
J'ai entendu M. Bonnet me taxer de " rousseauisme ",.et M. Pasqua faisait de moi le héraut de l'utopie. En sens contraire, il est vrai, M. Ralite me voit empêtré dans les circulaires.
J'aimerais convaincre les uns et les autres qu'entre le cauchemar et le rêve éveillé, il y a place pour une action lucide et généreuse.
II - Leur inanité
La majorité sénatoriale ne démontre rien :
A) En quoi les dispositions des lois de 1993 et de 1997 que le projet de loi supprime aboutiraient-elles à diminuer le nombre d'étrangers qui s'installent dans notre pays ?.
De manière très précise, cette démonstration aurait dû être faite, s'agissant, par exemple, de la suppression du certificat d'hébergement, ou bien celle de l'interdiction administrative du territoire, ou encore celle de la déclaration d'entrée du territoire de Schengen, ou celle du visa de sortie. Mais elle n'a pas été tentée. Pas une fois. Il n'a pas été dit en quoi chacune de ces mesures avait empêché, par exemple, les 3 900 Roumains arrivés en 1996 de solliciter l'asile, comme ils l'ont fait. Ce que le Gouvernement vous propose de supprimer, mesdames, messieurs les sénateurs, ce sont les formalités tracassières et inutiles.
B) En quoi les nouvelles dispositions qui vous sont proposées accroissent-elles les " risques " ?
Sur ce point, la majorité sénatoriale a été beaucoup plus diserte, mais guère plus convaincante. Quelques exemples.
a) J'ai entendu critiquer beaucoup l'assouplissement des conditions du regroupement familial.
Vous parlez bien légèrement de la séparation des familles. Il s'agit bien évidemment des parents et des enfants mineurs. Contrairement à ce qui a été indiqué, la polygamie est exclue.
Il faut préciser ensuite ce que sont ces assouplissements : un plus grand réalisme dans l'appréciation de la situation exacte du demandeur. Le logement : on l'apprécie au moment de l'arrivée prévue de la famille et non au moment de la demande. Le refus partiel : ce n'est pas parce qu'il viserait un seul membre de la famille qu'il faut empêcher tous les autres de venir. Les ressources : l'Assemblée nationale a souhaité que l'on tienne compte des ressources du conjoint et le SMIC n'a pas à être un plancher rigide, il doit être apprécié sur l'année.
Autrement dit, il sera - il est vrai - plus difficile d'opposer un refus lorsque le demandeur vivra comme tout le monde. La belle affaire si l'on sait que, en 1996, 13 000 étrangers sont venus au titre du regroupement familial !
b) Des remarques identiques peuvent être faites à propos de la carte de séjour temporaire " vie privée et familiale ". Vous tentez de faire passer ce qui est un remède aux impasses de la législation précédente, pour une mesure qui subvertirait les fondements du pays.
Dès aujourd'hui, les tribunaux passent au crible du critère de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme (c'est-à-dire la sauvegarde de la vie privée et familiale) toutes les décisions de refus de séjour et d'éloignement. Et, dès lors, deux voies s'offrent au Gouvernement. Celle choisie par le gouvernement précédent : puisque l'article 8 fait obstacle au refus de séjour et à l'éloignement, on laisse les gens sans papiers vivre sur place, plutôt mal que bien, avec tous les risques que cela comporte. M. Pasqua se préoccupait de santé publique ; voilà un risque qu'il aurait pu apprécier à sa juste valeur ! L'autre voie consiste à donner un titre de séjour à ceux qui ont leurs parents ou leurs enfants installés de longue date en France, ce qui signifie de fortes attaches sur le territoire. Il n'y a là nul enchaînement de circonstances " infernales " ; mais le constat d'une situation dont les effets seront évidemment limités. Le contraire n'a pas été prouvé
.
Troisième exemple : la carte de scientifique. Voilà un bel exemple de raisonnement aveugle. M. Pasqua a parlé de " thésards de complaisance ", parce que l'administration ne voudrait pas vérifier la réalité des recherches menées. Vous êtes tantôt trop sévères avec l'administration, incapable de contrôler, tantôt étrangement soucieux de ses capacités, et même de son confort. Elle n'a besoin ni de l'une ni de l'autre ! M. Pasqua devrait savoir que le contrôle des études faites par les étudiants étrangers se fait sans difficultés : non seulement à l'origine, parce que les étrangers sont obligés de produire des certificats d'inscription dans des établissements français, mais surtout au cours de leurs études, puisque, à chaque renouvellement de carte, Il est demandé des preuves du cursus suivi et, en l'absence de succès, la reconduite est ordonnée. Il n'y a là, vraiment, aucune difficulté ! qu'on n'affabule pas trop !
M. Masson a parlé des passions qui obscurcissent les débats sur l'immigration. Mais j'ai constaté qu'il y avait aussi des préjugés qui obscurcissent la réalité de l'administration des étrangers.
c) J'ai beaucoup entendu parler, du droit d'asile. Et, en même temps que le président Fourcade m'a exhorté à respecter la Constitution, vous vous étonnés de trouver dans la loi une disposition qui fait écho au Préambule de la Constitution de 1946.
Il faut donc rappeler à nouveau que l'on a cru longtemps que cette formule de l'asile constitutionnel se confondait avec le droit d'asile de la Convention de Genève ; mais, depuis 1992, le Conseil constitutionnel nous a indiqué le contraire. Il faut donc bien en tirer les conséquences ! C'est ce que fait le projet de loi. Dans la pratique, toutefois, il n'y aura pas deux procédures et deux statuts. Ce sera bien une démarche et des droits identiques à ceux qui sont tirés de la Convention de Genève.
Quant à l'asile territorial, contrairement à ce qui a été dit, il ne s'agit pas de donner le statut de réfugié : il s'agit seulement d'admettre sur notre sol ceux qu'un danger immédiat menace dans leur vie, lorsque les victimes viennent évidemment de pays auxquels nous sommes liés par une longue histoire, par la proximité ou par des intérêts communs très étendus. Nous l'avons fait pour les Bosniaques - beaucoup moins d'ailleurs que l'Allemagne, et même moins que le Danemark - et mes prédécesseurs l'ont fait pour les Algériens. Il faut continuer.
M. Masson nous dit que, pour que l'asile territorial soit heureux, il faut qu'il soit caché. Cette soudaine timidité du législateur me paraît étrange ! Serait-il répréhensible d'inscrire une réalité dans la loi ? Cela ne change rigoureusement rien sur le fond.
Et à supposer même que cette inscription dans la loi crée, comme il a été dit, un " appel d'air ", quels effets pratiques aura-t-il puisque les critères demeurent les mêmes ?
d) S'agissant des droits sociaux, M. Vasselle, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, a bien voulu reconnaître l'utilité de certaines dispositions. Mais il a critiqué l'absence d'évaluation s'agissant du coût.
Cette évaluation a été faite. Elle figure dans l'étude d'impact que M. Masson a jointe à son rapport. Je vous ai précisé que l'impact sur les prestations familiales serait minime, et vraisemblablement intégralement compensé par la baisse structurelle du nombre d'enfants. M. Huriet a d'ailleurs bien fait sur ce point de rappeler quelques données de l'Institut national d'études démographiques.
Quant au coût de l'extension de l'allocation aux adultes handicapés et du fonds national de solidarité, il sera évidemment supporté par le budget de l'Etat, et n'a rien à voir avec les lois de financement de la sécurité sociale. L'estimation de ce coût est difficile à faire. Elle dépend des hypothèses que l'on peut faire sur le nombre de handicaps, sur le montant des pensions de la population concernée, et aussi de la propension au retour d'une partie d'entre elles, ce qui est bien difficile. Mais des chiffres ont été donnés dans l'étude d'impact. En tout état de cause, comme il faut déduire le coût le RMI du montant des allocations supplémentaires.
Je vous rappelle que, prolongeant la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, la décision du 22 janvier 1990, a considéré que l'exclusion des étrangers résidant régulièrement en France du bénéfice de telles allocations méconnaissait le principe d'égalité
M. Vasselle propose de mettre une condition de durée de résidence à l'octroi d'avantages sociaux. Il a cité le RMI. Mais, pour des raison évidentes (éviter l'afflux d'étrangers demandeurs d'aide sociale),.il n'y a que pour le RMI qu'une telle durée est exigée. Elle ne figure pas, par exemple, pour l'assurance veuvage, pour l'allocation de solidarité spécifique des chômeurs ou l'allocation de parent isolé Même la loi Pasqua, pour cette dernière allocation, s'est contentée d'exiger une condition de résidence régulière. Pas plus ! Vous voulez donc en réalité aller plus loin que la loi de 1993.
III - Il est cependant de vrais problèmes qui ont été soulevés au cours de ce débat.
A)Communautarisme, assimilation ou intégration.
Le même refus des communautarismes nous a amenés à un vrai débat : s'agit-il de réunir les conditions de l'intégration ou celles de l'assimilation des étrangers qui s'installent régulièrement sur notre sol ? J'ai eu la curiosité de rechercher dans le dictionnaire Larousse la définition du verbe " s'intégrer ". Quelle n'a pas été ma surprise de lire : " s'assimiler entièrement à un groupe " ! S'intégrer au peuple français, ce serait donc s'assimiler entièrement à lui. Comme on peut le voir, la différence entre les deux mots n'est pas évidente. Elle existe cependant.
Si je préfère le mot intégration, c'est parce que je pense que la France est capable de recevoir des apports différents, de les intégrer au fil du temps en un tout cohérent et, donc, de s'enrichir. Le française a intégré bien des mots d'origine espagnole, italienne, allemande, anglaise et arabe tout au long des trois derniers siècles. Je n'ai, pour ma art, jamais été un thuriféraire du " droit "à la différence ", prôné imprudemment par certains dans les années soixante-dix. Dans le rapport qu'il avait rédigé à ma demande, en 1985, sur " les immigrés à l'école de la République ", le professeur Jacques Berque avait observé que l'identité de la France ne pouvait se réduire à la juxtaposition de cultures différentes, qu'elle était à la fois structurée et mobile. La France d'aujourd'hui n'est pas ce qu'elle était au XIXe siècle, et ne sera pas demain à la fin du vingt-et-unième siècle ce qu'elle est aujourd'hui. Et, pourtant, elle restera toujours la France !
Je ne suis pas, s'agissant des Français, un partisan du clonage. La France ne se construit pas en se reproduisant à l'identique. L'idée que je me fais de la France, c'est celle d'un pays dont les citoyens sont différents, mais cultivent, chaque jour, des raisons de vivre ensemble. Regardez parmi vous. M. Pierre Mauroy ne ressemble pas à M. Charles Pasqua à plusieurs points de vue, d'ailleurs. Mais entre l'accent du nord et l'accent du sud, entre le socialisme et le gaullisme, entre l'inclination au lyrisme et le goût de l'exagération, convenez qu'ils font tous les deux d'excellents Français, entre lesquels de nombreuses raisons de nouer le dialogue républicain existent.
J'ai dit, lors du débat à l'Assemblée nationale, et vous me l'avez reproché, que la France marchait au mélange. Je le pense. Mais, précisément, le mélange, ce n'est pas la juxtaposition. Le démographe Emmanuel Todd, dans un livre paru il y a trois ans, employait, lui, le mot d'assimilation, pour désigner ce que j'appelle, moi, l'intégration. Il montrait en effet qu'en France le taux de mariages mixtes, c'est-à-dire de mariages entre Français et étrangers ou Français d'origine étrangère, était vingt fois supérieur à ce qu'il est chez nos plus proches voisins, que ce soit en Angleterre ou en Allemagne. C'est un signe, parmi d'autres, de ce mélange qui permet à la France de poursuivre son histoire, en intégrant des populations venues d'autres horizons pour en faire des Français à part entière.
B) Traité d'Amsterdam.
Un débat s'est instauré au sein de la majorité sénatoriale, sur les dispositions du traité d'Amsterdam qui - je le rappelle - font passer du troisième pilier au premier pilier les questions d'immigration et d'asile, et prévoient, par un vote à l'unanimité, dans cinq ans, le passage à la majorité qualifiée et à la codécision pour ces matières.
C'est un vrai débat : la France aura-t-elle demain la possibilité de mener la politique d'immigration que lui dictent ses intérêts et sa vision du monde ?. Rien n'est moins sûr ! Et dans ce domaine, l'histoire nationale joue un grand rôle. Rien ne peut faire qu'un Kurde ne cherche pas d'abord à s'installer en Allemagne, un Maghrébin en France et un Pakistanais en Angleterre. Dans l'épisode récent (décembre 1997) de l'arrivée massive de migrants kurdes (de nationalité turque ou irakienne) sur les côtes italiennes, c'est naturellement l'Allemagne qui a manifesté le plus d'inquiétudes.
C'est pourquoi, j'ai suivi avec un vif intérêt le débat qui s'est instauré ici entre deux anciens ministres de l'intérieur, MM. Bonnet et Pasqua. J'ai déjà l'occasion d'exprimer mon point de vue sur cette question. La décision prise par la France, le 5 février 1996 d'accepter la communautarisation des questions relatives à l'asile et à l'immigration est une décision lourde et irréfléchie du précédent gouvernement, dictée par des considérations diplomatiques aléatoires, au mépris des réalités de terrain et des préoccupations de sécurité exprimées alors et constamment réitérées depuis par le ministère de l'intérieur.
Il en va de notre souveraineté sur une question vitale pour une nation comme la France. Les événements qui se produisent ou qui sont susceptibles de se produire, dans l'avenir, dans certains pays proches, appelleront une réponse politique de la France, y compris en termes de politique d'asile et d'immigration. Si, demain, cette politique est livrée au monopole de l'initiative de la Commission, et à la codécision du Parlement européen, nous risquons de ne plus peser sur des décisions lourdes à prendre.
IV - Autant qu'avec une législation, c'est avec une attitude d'esprit nuisible aux intérêts de la France qu'il faut rompre.
Il est urgent de sortir de la logique gesticulatoire qui guidait la politique de la France en matière d'immigration. En effet, la gesticulation, la recherche de l'éclat médiatique nuisent à l'application sereine de la loi.
Une loi est faite - plusieurs d'entre vous l'ont, comme moi, souligné - pour être appliquée. C'est aussi la raison pour laquelle je vous propose d'aggraver les sanctions applicables aux bandes organisées, d'améliorer les moyens de la reconduite des étrangers condamnés frappés d'interdiction du territoire français, et d'allonger de deux jours la durée de la rétention administrative. Oui, il faut que la loi s'applique. Quand elle ne s'applique plus, ceux qu'elle est sensée protéger ne le sont plus.
Mais j'ai entendu de votre part une critique sur l'allongement de la durée de la rétention, limité à deux jours. Pourquoi pas quatre ou six, me dites-vous ? Mais je me demande bien pourquoi ces propositions n'ont pas été faites lors du débat sur la loi du 24 avril 1997. La vérité, c'est qu'un l'état de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, il ne semble pas possible d'aller au-delà. Là encore, le gouvernement a choisi la voie de la raison.
Conclusion : l'idéal et le réel
La politique du gouvernement se veut, comme l'a dit M. le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale, " généreuse, mais ferme ". Généreuse parce qu'il est dans l'intérêt de la France de rester un pays ouvert aux échanges, ferme parce que le monde dans lequel nous vivons est atteint de soubresauts multiples. Nous avons le devoir de continuer à faire naviguer le vaisseau " France ". Les réponses justes et équilibrées qu'apporte le projet de loi qui vous est soumis témoignent de cette volonté.
L'équilibre que nous cherchons n'est pas entre le ferme et le généreux, comme l'a dit M ; Dreyfus-Schmidt, mais bien davantage, comme l'a indiqué M. Allouche, dans une libéralisation de l'entrée et dans une meilleure maîtrise du séjour. Je vous rappelle qu'il s'agit de deux notions différentes. Près de 85 millions de personnes entrent en France chaque année, mais seulement 100 000 s'y installent pour un séjour de plus de trois mois.
Certains d'entre vous ont tendance à ne parler que de ce qu'ils croient être l'idéal. M. Jacques Ralite dans une intervention inspirée, m'a incité à relancer les dés de l'Universel. Mais pour " aller à l'idéal ", encore faut-il " comprendre le réel ". Ce qu'il est demandé au Parlement, c'est de légiférer. Le Christianisme se fonde, certes, sur les Evangiles, mais aussi sur les Pères de l'Eglise. Quant à la Révolution, elle a connu le foisonnement des clubs, mais aussi le travail des juristes, comme Portalis, qui veille sur vos travaux. Il nous faut gouverner une société humaine, et donc avoir des règles justes et appliquées.
C'est cette volonté lucide qui inspire le projet de loi gouvernemental.
(Source http://www.senat.fr, le 30 janvier 2002)
I - Procès d'intention
A) Conditions d'examen.
B)
Tout d'abord, sur les conditions d'examen de ce projet , je comprends mal que l'on puisse taxer à la fois le Gouvernement de précipitation et d'électoralisme. La méthode choisie a été celle d'un rapport partant des faits. Des consultations nombreuses ont été conduites. Si le débat a été quelque peu ralenti, c'est le fait de l'opposition à l'Assemblée nationale. Ce projet de loi était nécessaire pour solder le passif de la politique de mon prédécesseur dont le projet de loi malencontreux n'avait d'ailleurs pas été approuvé par un ancien ministre de l'intérieur qui siège sur ces bancs. Lui-même d'ailleurs n'a-t-il pas présenté sur le même sujet deux projets de loi, toutes affaires cessantes, après la victoire de la droite, en 1986 et 1993 ? Et ce n'est pas moi, mais lui qui a évoqué l'hypothèse d'une deuxième lecture, alors que celle-ci n'a jamais été demandée que pour des raisons purement techniques (loi de 1983 sur l'exposition universelle par exemple).
Ce serait prendre une lourde responsabilité que de vouloir exciter les passions sur un sujet qui a été traité avec le double souci de l'intérêt national et de l'humanité.Contrairement à ce qu'a laissé entendre M. Pasqua, il y a fort à parier que le législateur ne remettra pas en cause cet équilibre, parce qu'il y aurait pour toute majorité républicaine - et je dis bien " pour toute majorité républicaine ", et je n'évoque pas une autre possibilité - beaucoup plus d'inconvénients que d'avantages à vouloir légiférer à nouveau.
B) Argumentations biaisées.
J'ai souvent avec la majorité sénatoriale, l'impression d'un dialogue de sourds. En effet, sur certains principes, nous ne sommes pas éloignés,: j'ai dit dans mon intervention liminaire que nous devions " proportionner les admissions au séjour aux intérêts du pays et à sa capacité d'intégration ". M. Jacques Larché, semble abonder dans mon sens quand il déclare qu'il faut " adapter la venue d'étrangers sur notre sol à notre capacité d'accueil
M. Pasqua, que je remercie d'avoir respecter vis-à-vis de son successeur un délai de viduité de plus de deux ans et demi, quand M. Jean-Louis Debré n'a pas attendu quatre mois, porte une appréciation proche : " la République est ouverte mais doit limiter l'immigration à ses besoins ".
Mais, en réalité, l'un et l'autre tirent des conséquences tout à fait contraires du projet de loi gouvernemental : ce ne sont que présentations biaisées et querelles sémantiques
Un exemple : là où nous affirmons le droit de vivre en famille, principe reconnu par la Convention européenne des droits de l'homme, M. Pasqua s'écrie : " Tout irrégulier ayant une famille aura vocation à venir s'installer en France " ! Et d'évoquer une mécanique infernale qui ferait de la France " le refuge de tous les malheureux, le lazaret du monde ".
J'ai entendu M. Bonnet me taxer de " rousseauisme ",.et M. Pasqua faisait de moi le héraut de l'utopie. En sens contraire, il est vrai, M. Ralite me voit empêtré dans les circulaires.
J'aimerais convaincre les uns et les autres qu'entre le cauchemar et le rêve éveillé, il y a place pour une action lucide et généreuse.
II - Leur inanité
La majorité sénatoriale ne démontre rien :
A) En quoi les dispositions des lois de 1993 et de 1997 que le projet de loi supprime aboutiraient-elles à diminuer le nombre d'étrangers qui s'installent dans notre pays ?.
De manière très précise, cette démonstration aurait dû être faite, s'agissant, par exemple, de la suppression du certificat d'hébergement, ou bien celle de l'interdiction administrative du territoire, ou encore celle de la déclaration d'entrée du territoire de Schengen, ou celle du visa de sortie. Mais elle n'a pas été tentée. Pas une fois. Il n'a pas été dit en quoi chacune de ces mesures avait empêché, par exemple, les 3 900 Roumains arrivés en 1996 de solliciter l'asile, comme ils l'ont fait. Ce que le Gouvernement vous propose de supprimer, mesdames, messieurs les sénateurs, ce sont les formalités tracassières et inutiles.
B) En quoi les nouvelles dispositions qui vous sont proposées accroissent-elles les " risques " ?
Sur ce point, la majorité sénatoriale a été beaucoup plus diserte, mais guère plus convaincante. Quelques exemples.
a) J'ai entendu critiquer beaucoup l'assouplissement des conditions du regroupement familial.
Vous parlez bien légèrement de la séparation des familles. Il s'agit bien évidemment des parents et des enfants mineurs. Contrairement à ce qui a été indiqué, la polygamie est exclue.
Il faut préciser ensuite ce que sont ces assouplissements : un plus grand réalisme dans l'appréciation de la situation exacte du demandeur. Le logement : on l'apprécie au moment de l'arrivée prévue de la famille et non au moment de la demande. Le refus partiel : ce n'est pas parce qu'il viserait un seul membre de la famille qu'il faut empêcher tous les autres de venir. Les ressources : l'Assemblée nationale a souhaité que l'on tienne compte des ressources du conjoint et le SMIC n'a pas à être un plancher rigide, il doit être apprécié sur l'année.
Autrement dit, il sera - il est vrai - plus difficile d'opposer un refus lorsque le demandeur vivra comme tout le monde. La belle affaire si l'on sait que, en 1996, 13 000 étrangers sont venus au titre du regroupement familial !
b) Des remarques identiques peuvent être faites à propos de la carte de séjour temporaire " vie privée et familiale ". Vous tentez de faire passer ce qui est un remède aux impasses de la législation précédente, pour une mesure qui subvertirait les fondements du pays.
Dès aujourd'hui, les tribunaux passent au crible du critère de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme (c'est-à-dire la sauvegarde de la vie privée et familiale) toutes les décisions de refus de séjour et d'éloignement. Et, dès lors, deux voies s'offrent au Gouvernement. Celle choisie par le gouvernement précédent : puisque l'article 8 fait obstacle au refus de séjour et à l'éloignement, on laisse les gens sans papiers vivre sur place, plutôt mal que bien, avec tous les risques que cela comporte. M. Pasqua se préoccupait de santé publique ; voilà un risque qu'il aurait pu apprécier à sa juste valeur ! L'autre voie consiste à donner un titre de séjour à ceux qui ont leurs parents ou leurs enfants installés de longue date en France, ce qui signifie de fortes attaches sur le territoire. Il n'y a là nul enchaînement de circonstances " infernales " ; mais le constat d'une situation dont les effets seront évidemment limités. Le contraire n'a pas été prouvé
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Troisième exemple : la carte de scientifique. Voilà un bel exemple de raisonnement aveugle. M. Pasqua a parlé de " thésards de complaisance ", parce que l'administration ne voudrait pas vérifier la réalité des recherches menées. Vous êtes tantôt trop sévères avec l'administration, incapable de contrôler, tantôt étrangement soucieux de ses capacités, et même de son confort. Elle n'a besoin ni de l'une ni de l'autre ! M. Pasqua devrait savoir que le contrôle des études faites par les étudiants étrangers se fait sans difficultés : non seulement à l'origine, parce que les étrangers sont obligés de produire des certificats d'inscription dans des établissements français, mais surtout au cours de leurs études, puisque, à chaque renouvellement de carte, Il est demandé des preuves du cursus suivi et, en l'absence de succès, la reconduite est ordonnée. Il n'y a là, vraiment, aucune difficulté ! qu'on n'affabule pas trop !
M. Masson a parlé des passions qui obscurcissent les débats sur l'immigration. Mais j'ai constaté qu'il y avait aussi des préjugés qui obscurcissent la réalité de l'administration des étrangers.
c) J'ai beaucoup entendu parler, du droit d'asile. Et, en même temps que le président Fourcade m'a exhorté à respecter la Constitution, vous vous étonnés de trouver dans la loi une disposition qui fait écho au Préambule de la Constitution de 1946.
Il faut donc rappeler à nouveau que l'on a cru longtemps que cette formule de l'asile constitutionnel se confondait avec le droit d'asile de la Convention de Genève ; mais, depuis 1992, le Conseil constitutionnel nous a indiqué le contraire. Il faut donc bien en tirer les conséquences ! C'est ce que fait le projet de loi. Dans la pratique, toutefois, il n'y aura pas deux procédures et deux statuts. Ce sera bien une démarche et des droits identiques à ceux qui sont tirés de la Convention de Genève.
Quant à l'asile territorial, contrairement à ce qui a été dit, il ne s'agit pas de donner le statut de réfugié : il s'agit seulement d'admettre sur notre sol ceux qu'un danger immédiat menace dans leur vie, lorsque les victimes viennent évidemment de pays auxquels nous sommes liés par une longue histoire, par la proximité ou par des intérêts communs très étendus. Nous l'avons fait pour les Bosniaques - beaucoup moins d'ailleurs que l'Allemagne, et même moins que le Danemark - et mes prédécesseurs l'ont fait pour les Algériens. Il faut continuer.
M. Masson nous dit que, pour que l'asile territorial soit heureux, il faut qu'il soit caché. Cette soudaine timidité du législateur me paraît étrange ! Serait-il répréhensible d'inscrire une réalité dans la loi ? Cela ne change rigoureusement rien sur le fond.
Et à supposer même que cette inscription dans la loi crée, comme il a été dit, un " appel d'air ", quels effets pratiques aura-t-il puisque les critères demeurent les mêmes ?
d) S'agissant des droits sociaux, M. Vasselle, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, a bien voulu reconnaître l'utilité de certaines dispositions. Mais il a critiqué l'absence d'évaluation s'agissant du coût.
Cette évaluation a été faite. Elle figure dans l'étude d'impact que M. Masson a jointe à son rapport. Je vous ai précisé que l'impact sur les prestations familiales serait minime, et vraisemblablement intégralement compensé par la baisse structurelle du nombre d'enfants. M. Huriet a d'ailleurs bien fait sur ce point de rappeler quelques données de l'Institut national d'études démographiques.
Quant au coût de l'extension de l'allocation aux adultes handicapés et du fonds national de solidarité, il sera évidemment supporté par le budget de l'Etat, et n'a rien à voir avec les lois de financement de la sécurité sociale. L'estimation de ce coût est difficile à faire. Elle dépend des hypothèses que l'on peut faire sur le nombre de handicaps, sur le montant des pensions de la population concernée, et aussi de la propension au retour d'une partie d'entre elles, ce qui est bien difficile. Mais des chiffres ont été donnés dans l'étude d'impact. En tout état de cause, comme il faut déduire le coût le RMI du montant des allocations supplémentaires.
Je vous rappelle que, prolongeant la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, la décision du 22 janvier 1990, a considéré que l'exclusion des étrangers résidant régulièrement en France du bénéfice de telles allocations méconnaissait le principe d'égalité
M. Vasselle propose de mettre une condition de durée de résidence à l'octroi d'avantages sociaux. Il a cité le RMI. Mais, pour des raison évidentes (éviter l'afflux d'étrangers demandeurs d'aide sociale),.il n'y a que pour le RMI qu'une telle durée est exigée. Elle ne figure pas, par exemple, pour l'assurance veuvage, pour l'allocation de solidarité spécifique des chômeurs ou l'allocation de parent isolé Même la loi Pasqua, pour cette dernière allocation, s'est contentée d'exiger une condition de résidence régulière. Pas plus ! Vous voulez donc en réalité aller plus loin que la loi de 1993.
III - Il est cependant de vrais problèmes qui ont été soulevés au cours de ce débat.
A)Communautarisme, assimilation ou intégration.
Le même refus des communautarismes nous a amenés à un vrai débat : s'agit-il de réunir les conditions de l'intégration ou celles de l'assimilation des étrangers qui s'installent régulièrement sur notre sol ? J'ai eu la curiosité de rechercher dans le dictionnaire Larousse la définition du verbe " s'intégrer ". Quelle n'a pas été ma surprise de lire : " s'assimiler entièrement à un groupe " ! S'intégrer au peuple français, ce serait donc s'assimiler entièrement à lui. Comme on peut le voir, la différence entre les deux mots n'est pas évidente. Elle existe cependant.
Si je préfère le mot intégration, c'est parce que je pense que la France est capable de recevoir des apports différents, de les intégrer au fil du temps en un tout cohérent et, donc, de s'enrichir. Le française a intégré bien des mots d'origine espagnole, italienne, allemande, anglaise et arabe tout au long des trois derniers siècles. Je n'ai, pour ma art, jamais été un thuriféraire du " droit "à la différence ", prôné imprudemment par certains dans les années soixante-dix. Dans le rapport qu'il avait rédigé à ma demande, en 1985, sur " les immigrés à l'école de la République ", le professeur Jacques Berque avait observé que l'identité de la France ne pouvait se réduire à la juxtaposition de cultures différentes, qu'elle était à la fois structurée et mobile. La France d'aujourd'hui n'est pas ce qu'elle était au XIXe siècle, et ne sera pas demain à la fin du vingt-et-unième siècle ce qu'elle est aujourd'hui. Et, pourtant, elle restera toujours la France !
Je ne suis pas, s'agissant des Français, un partisan du clonage. La France ne se construit pas en se reproduisant à l'identique. L'idée que je me fais de la France, c'est celle d'un pays dont les citoyens sont différents, mais cultivent, chaque jour, des raisons de vivre ensemble. Regardez parmi vous. M. Pierre Mauroy ne ressemble pas à M. Charles Pasqua à plusieurs points de vue, d'ailleurs. Mais entre l'accent du nord et l'accent du sud, entre le socialisme et le gaullisme, entre l'inclination au lyrisme et le goût de l'exagération, convenez qu'ils font tous les deux d'excellents Français, entre lesquels de nombreuses raisons de nouer le dialogue républicain existent.
J'ai dit, lors du débat à l'Assemblée nationale, et vous me l'avez reproché, que la France marchait au mélange. Je le pense. Mais, précisément, le mélange, ce n'est pas la juxtaposition. Le démographe Emmanuel Todd, dans un livre paru il y a trois ans, employait, lui, le mot d'assimilation, pour désigner ce que j'appelle, moi, l'intégration. Il montrait en effet qu'en France le taux de mariages mixtes, c'est-à-dire de mariages entre Français et étrangers ou Français d'origine étrangère, était vingt fois supérieur à ce qu'il est chez nos plus proches voisins, que ce soit en Angleterre ou en Allemagne. C'est un signe, parmi d'autres, de ce mélange qui permet à la France de poursuivre son histoire, en intégrant des populations venues d'autres horizons pour en faire des Français à part entière.
B) Traité d'Amsterdam.
Un débat s'est instauré au sein de la majorité sénatoriale, sur les dispositions du traité d'Amsterdam qui - je le rappelle - font passer du troisième pilier au premier pilier les questions d'immigration et d'asile, et prévoient, par un vote à l'unanimité, dans cinq ans, le passage à la majorité qualifiée et à la codécision pour ces matières.
C'est un vrai débat : la France aura-t-elle demain la possibilité de mener la politique d'immigration que lui dictent ses intérêts et sa vision du monde ?. Rien n'est moins sûr ! Et dans ce domaine, l'histoire nationale joue un grand rôle. Rien ne peut faire qu'un Kurde ne cherche pas d'abord à s'installer en Allemagne, un Maghrébin en France et un Pakistanais en Angleterre. Dans l'épisode récent (décembre 1997) de l'arrivée massive de migrants kurdes (de nationalité turque ou irakienne) sur les côtes italiennes, c'est naturellement l'Allemagne qui a manifesté le plus d'inquiétudes.
C'est pourquoi, j'ai suivi avec un vif intérêt le débat qui s'est instauré ici entre deux anciens ministres de l'intérieur, MM. Bonnet et Pasqua. J'ai déjà l'occasion d'exprimer mon point de vue sur cette question. La décision prise par la France, le 5 février 1996 d'accepter la communautarisation des questions relatives à l'asile et à l'immigration est une décision lourde et irréfléchie du précédent gouvernement, dictée par des considérations diplomatiques aléatoires, au mépris des réalités de terrain et des préoccupations de sécurité exprimées alors et constamment réitérées depuis par le ministère de l'intérieur.
Il en va de notre souveraineté sur une question vitale pour une nation comme la France. Les événements qui se produisent ou qui sont susceptibles de se produire, dans l'avenir, dans certains pays proches, appelleront une réponse politique de la France, y compris en termes de politique d'asile et d'immigration. Si, demain, cette politique est livrée au monopole de l'initiative de la Commission, et à la codécision du Parlement européen, nous risquons de ne plus peser sur des décisions lourdes à prendre.
IV - Autant qu'avec une législation, c'est avec une attitude d'esprit nuisible aux intérêts de la France qu'il faut rompre.
Il est urgent de sortir de la logique gesticulatoire qui guidait la politique de la France en matière d'immigration. En effet, la gesticulation, la recherche de l'éclat médiatique nuisent à l'application sereine de la loi.
Une loi est faite - plusieurs d'entre vous l'ont, comme moi, souligné - pour être appliquée. C'est aussi la raison pour laquelle je vous propose d'aggraver les sanctions applicables aux bandes organisées, d'améliorer les moyens de la reconduite des étrangers condamnés frappés d'interdiction du territoire français, et d'allonger de deux jours la durée de la rétention administrative. Oui, il faut que la loi s'applique. Quand elle ne s'applique plus, ceux qu'elle est sensée protéger ne le sont plus.
Mais j'ai entendu de votre part une critique sur l'allongement de la durée de la rétention, limité à deux jours. Pourquoi pas quatre ou six, me dites-vous ? Mais je me demande bien pourquoi ces propositions n'ont pas été faites lors du débat sur la loi du 24 avril 1997. La vérité, c'est qu'un l'état de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, il ne semble pas possible d'aller au-delà. Là encore, le gouvernement a choisi la voie de la raison.
Conclusion : l'idéal et le réel
La politique du gouvernement se veut, comme l'a dit M. le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale, " généreuse, mais ferme ". Généreuse parce qu'il est dans l'intérêt de la France de rester un pays ouvert aux échanges, ferme parce que le monde dans lequel nous vivons est atteint de soubresauts multiples. Nous avons le devoir de continuer à faire naviguer le vaisseau " France ". Les réponses justes et équilibrées qu'apporte le projet de loi qui vous est soumis témoignent de cette volonté.
L'équilibre que nous cherchons n'est pas entre le ferme et le généreux, comme l'a dit M ; Dreyfus-Schmidt, mais bien davantage, comme l'a indiqué M. Allouche, dans une libéralisation de l'entrée et dans une meilleure maîtrise du séjour. Je vous rappelle qu'il s'agit de deux notions différentes. Près de 85 millions de personnes entrent en France chaque année, mais seulement 100 000 s'y installent pour un séjour de plus de trois mois.
Certains d'entre vous ont tendance à ne parler que de ce qu'ils croient être l'idéal. M. Jacques Ralite dans une intervention inspirée, m'a incité à relancer les dés de l'Universel. Mais pour " aller à l'idéal ", encore faut-il " comprendre le réel ". Ce qu'il est demandé au Parlement, c'est de légiférer. Le Christianisme se fonde, certes, sur les Evangiles, mais aussi sur les Pères de l'Eglise. Quant à la Révolution, elle a connu le foisonnement des clubs, mais aussi le travail des juristes, comme Portalis, qui veille sur vos travaux. Il nous faut gouverner une société humaine, et donc avoir des règles justes et appliquées.
C'est cette volonté lucide qui inspire le projet de loi gouvernemental.
(Source http://www.senat.fr, le 30 janvier 2002)