Déclaration de M. Léon Bertrand, secrétaire d'Etat au tourisme, sur la situation préoccupante des départements et territoires d'Outre Mer, sur la nécessité d'en redresser l'activité touristique mal exploitée, notamment par la mise en place d'un programme stratégique de développement durable du tourisme, Paris, le 7 février 2003.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Communication devant l'Académie des Sciences d'Outre-Mer à Paris, le 7 février 2003

Texte intégral

Monsieur le Président,
Monsieur le Secrétaire Perpétuel,
Mesdames et Messieurs les Académiciens,
Je voudrais tout d'abord vous remercier de m'avoir invité à venir m'exprimer devant vous.
C'est un grand honneur et un grand plaisir.
Un grand honneur d'être reçu par une assemblée prestigieuse qui compte en son sein d'illustres personnalités, des Présidents éminents, des hommes politiques remarquables, des hommes de lettres, de sciences et d'arts renommés que la France est fière de rassembler ici depuis 1922.
Un grand plaisir pour l'homme de l'Outre-mer que je suis, l'enfant de Saint-Laurent-du-Maroni en Guyane, grandi dans l'attachement à la France et le respect des valeurs de la République.
Le tourisme est devenu depuis quelques années une activité économique majeure pour notre pays, représentant 7 % du PIB et 2 millions d'emplois.
L'outre-mer occupe bien entendu une part importante, bien que relativement récente, puisque l'essor de cette activité date d'une trentaine d'années à peine.
Depuis 1986, la baisse des tarifs aériens - consécutive à la libéralisation partielle de la desserte aérienne des DOM à partir de la métropole qui a suivi la fin du monopole d'Air France - et l'expansion du parc d'hébergement, à la suite de la loi Pons relative à la défiscalisation, ont toutes deux contribué au développement significatif du tourisme dans l'Outre Mer.
Du fait de la disparité géographique, historique et culturelle, de la multiplicité des cadres institutionnels et de la diversité des situations, l'outre-mer français, sous d'apparentes similitudes - l'insularité (hormis la Guyane) et la situation en zone tropicale (excepté Saint-Pierre-et-Miquelon) - constitue un ensemble hétérogène.
Dans un contexte économique et social fragile, ces destinations jouissent d'une position géographique et d'atouts naturels exceptionnels insuffisamment mis en valeur.
Si la Guadeloupe, la Martinique et la Polynésie française ont réussi à asseoir une notoriété touristique certaine fondée sur l'exotisme et le balnéaire, le positionnement touristique de la Réunion et de la Guyane se définit progressivement. En outre, si le tourisme occupe une place croissante dans l'activité productive de la Nouvelle-Calédonie, il reste encore une activité marginale à Mayotte, Wallis-et-Futuna et à Saint-Pierre-et-Miquelon.
I - L'outre-mer français dispose d'atouts incontestables pour le développement de l'activité touristique, essentielle pour son équilibre économique, mais ne les exploite pas suffisamment, ce qui conduit à une situation préoccupante
L'outre-mer français dispose de nombreux atouts pour développer une filière touristique prospère
L'outre-mer français dispose de richesses naturelles favorables au développement du tourisme.
A l'exception de Saint-Pierre-et-Miquelon et des Terres Australes et Antarctiques Françaises (TAAF), les collectivités d'outre-mer jouissent d'un climat tropical ou équatorial agréable et attractif pour les touristes des pays d'Europe ou d'Amérique du Nord. Et Saint-Pierre-et-Miquelon présente l'attrait d'un " morceau de la France " pour des visiteurs du continent américain à proximité immédiate.
A l'exception de la Guyane, il s'agit d'îles au littoral particulièrement beau et dotées de plages superbes pouvant accueillir un tourisme balnéaire et des activités nautiques.
Les paysages intérieurs, qu'ils s'agissent des massifs volcaniques des Antilles, de la Réunion ou de la Polynésie, de la chaîne calédonienne ou des immensités amazoniennes de la Guyane, sont d'une rare beauté et sont adaptés au tourisme de nature ou d'aventure.
Même si des efforts restent à faire pour maintenir la propreté de certains sites et pour embellir les agglomérations, on constate que l'environnement bénéficie en général d'un bon niveau de protection du fait de l'application de la réglementation nationale même si elle est parfois perçue comme contraignante.
Les collectivités d'outre-mer sont également attractives pour les touristes pour lesquels la sécurité est de plus en plus un facteur déterminant dans le choix de leur destination.
Sur le plan sanitaire, elles sont toutes dotées d'équipements hospitaliers aux normes européennes et d'une organisation des secours efficace.
Sur le plan de la sécurité publique, même si une certaine dégradation a pu être observée ces dernières années, la situation n'est en rien comparable à celle des pays tropicaux en concurrence. Par ailleurs, la police et la justice ne connaissent pas les phénomènes de corruption dont les touristes peuvent être victimes dans certains pays concurrents ;
L'intégration des collectivités d'outre-mer dans l'ensemble français constitue également un facteur attractif fort. L'image de la France, première destination touristique mondiale, est également un atout pour l'outre-mer qui, aux yeux des touristes, allie le charme des tropiques et l'art de vivre français.
Même si le transport aérien pose quelques problèmes que nous connaissons actuellement, la desserte est abondante depuis la métropole et si le trafic devait se développer, les équipements aéroportuaires sont assez satisfaisants. Le réseau routier est partout correct et l'usage de la pirogue reste le meilleur moyen de locomotion en Guyane pour le touriste !
Néanmoins la forte dépendance des arrivées touristiques vis-à-vis des dessertes aériennes est un frein notable et les liaisons restent trop souvent liées à la métropole.
L'Etat et les collectivités disposent chacun de ressources suffisantes pour financer la promotion des destinations et la formation des salariés du secteur, même si des efforts restent à faire et j'y reviendrai tout à l'heure.
L'euro, ou dans le Pacifique une monnaie à parité fixe avec l'euro, garantit l'absence de risque d'évolution des prix liée au change.
Le tourisme est une activité essentielle à l'équilibre économique de l'outre-mer
Les activités économiques traditionnelles de l'outre-mer sont pour la plupart d'entre-elles en difficulté et n'offrent pas suffisamment d'emplois.
L'économie de la filière canne, sucre et rhum se maintient encore à la Réunion et aux Antilles mais elle ne représente plus le socle de l'économie. D'une part sa rentabilité repose sur une organisation du travail qui réduit la main d'uvre, d'autre part la pénibilité des tâches (coupe de la canne) n'attire pas la jeunesse locale et il est paradoxalement fait appel, dans ces départements à fort taux de chômage, à de la main d'oeuvre saisonnière étrangère.
La banane connaît des difficultés récurrentes et il s'agit d'un secteur fragile qui dépend du maintien d'une organisation de marché contestée par plusieurs de nos partenaires européens. Les autres cultures de rentes (café, cacao, vanille,...) ont disparu depuis longtemps ou subsistent à titre marginal ;
Mises à part certaines industries de substitution aux importations, principalement dans le secteur agro-alimentaire et la métallurgie en Nouvelle-Calédonie, il y a peu d'espoir de voir se développer outre-mer une activité industrielle importante, exceptée la Guyane, notamment avec le spatial.
C'est pourquoi les services et singulièrement le tourisme se sont développés. Ce dernier constitue désormais une activité au poids économique déterminant dans des collectivités comme les DOM ou les taux de chômage oscillent entre 20 et 30 %, voir 40 % pour La Réunion.
Le tourisme peut être considéré également comme une activité structurante. Son effet d'entraînement est évident sur un grand nombre de secteurs en dehors même de l'hébergement et de la restauration. Les industries agro-alimentaires, l'artisanat, le commerce et les services bénéficient fortement du développement de l'activité touristique et les emplois indirects, difficiles à évaluer, sont nombreux.
A condition que les cibles commerciales visées soient adaptées, et que des dispositifs publics d'abaissement des charges et du coût des investissements soient mis en uvre, il s'agit d'une activité qui peut générer suffisamment de valeur ajoutée pour supporter les coûts salariaux observés outre-mer qui sont, sensiblement plus élevés, que ceux des destinations concurrentes.
Les métiers du tourisme répondent aux aspirations de la jeunesse d'outre-mer. Ces métiers de service ont parfois été perçus outre-mer avec une connotation négative parce que rappelant l'époque de l'esclavage. Les jeunes ultra-marins, pour la plupart débarrassés de ces images, considèrent désormais les activités du tourisme comme des métiers valorisants, permettant à des insulaires d'entretenir des contacts avec l'extérieur et ils tirent une certaine fierté à faire découvrir et apprécier leur cadre de vie.
Malgré son poids économique et ses atouts, l'activité touristique présente cependant des difficultés.
Globalement, la fréquentation touristique des DOM est en baisse avec cependant des situations hétérogènes.
Ainsi, à la Réunion, après une année 2000 exceptionnelle (+ 9 % par rapport à 1999), l'année 2001 est marquée par un tassement de la fréquentation touristique (- 1,4 %). La baisse affecte principalement le tourisme d'agrément qui chute de 5 % et touche directement les hôtels.
A la Martinique, 2001 a confirmé la tendance à la baisse du tourisme, entamée en 1999. Depuis 1998, où elle avait atteint et légèrement dépassé le niveau record du million de visiteurs, la baisse du flux de touristes n'a cessé de s'accélérer. La diminution en 2001 atteint 9 %, sous les effets conjugués d'une forte baisse des touristes de séjour et de croisière.
En ce qui concerne la Guadeloupe, on estime que le nombre de touristes de séjour, plaisanciers compris, est passé de 850 000 à 800 000 entre 2000 et 2001.
En 2002, avec la crise qu'ont connu les îles antillaises, la baisse est de l'ordre de 20 %.
En Guyane, la fréquentation touristique s'est contractée en 2001, en raison des perturbations aériennes et de la diminution du nombre de lancements de fusées Ariane.
La situation est contrastée dans les autres collectivités.
En Nouvelle-Calédonie, après un recul en 1998 et 1999, une légère reprise en 2000 (109 600 touristes), l'année 2001 n'a pas confirmé les espoirs. Les résultats des premiers mois de 2002 s'annoncent cependant meilleurs.
En Polynésie Française, l'année 2001 a été marquée par une forte baisse. Le nombre de touristes est passé de 252 000 pour l'année 2000 à 228 000.
Le Gouvernement de la Polynésie Française a déclaré le tourisme prioritaire en 2001, car il représente un secteur d'avenir confirmé.
A Mayotte, que j'ai visité en novembre dernier, le tourisme part de très bas. La croissance est régulière mais il connaît des blocages divers.
(l Plusieurs groupes hôteliers s'interrogent sur le maintien de leurs activités outre-mer. Les hôtels Méridien ont décidé de céder leurs établissements des Antilles. Le groupe Accor hésite fortement à se maintenir. Quant au Club Méditerranée, il a fermé son site de Nouméa et ne restera en Martinique que s'il parvient à finaliser l'externalisation de l'immobilier et de la partie strictement hôtelière de son établissement de Sainte-Anne).
Le nombre d'escales de bateaux de croisières est en nette diminution. En Martinique, les croisiéristes diminuent régulièrement. A Pointe-à-Pitre, ils étaient 362 000 en 2001 contre un maximum de 615 500 en 1996. A Saint-Martin et à La Réunion, on observe le même phénomène.
2001 a également vu le retrait de Polynésie Française des navires de croisières du groupe Renaissance, dont l'essentiel de la clientèle était américaine.
Seules la Nouvelle-Calédonie et Mayotte enregistrent des chiffres à peu près stables bien que très faibles ;
Des menaces pointent également sur la navigation de plaisance du fait notamment du vieillissement des bateaux et des difficultés rencontrées par les opérateurs pour financer le renouvellement de la flotte.
Ce constat alarmant est le résultat de difficultés persistantes
La desserte aérienne souffre des difficultés de certains transporteurs (AOM, Air Liberté puis Air Lib) (dépôt de bilan pour Air Lib).
La situation se dégrade notamment du fait de la baisse de l'offre de sièges.
Entre 2000 et 2001, on note une diminution globale de plus de 10 000 sièges par semaine. Cette diminution résulte principalement des effets du regroupement d'AOM et d'Air Liberté qui a entraîné la diminution de leurs fréquences sur les Antilles, la Réunion et la Guyane (diminution de 152 251 sièges offerts, soit près de 9 000 sièges/semaine), puis de l'arrêt des vols d'Aérolyon depuis la province. Corsair ayant stabilisé son offre, l'augmentation de celle d'Air France (un peu plus de 1 500 sièges par semaine) n'a pas suffi à enrayer la baisse globale.
La conséquence logique de ces évolutions se retrouve en 2001 dans les taux élevés de remplissage des avions, en particulier pour les Antilles, cela accentue la désaffection des touristes à partir de la métropole ou des pays européens vers ces destinations.
Plusieurs éléments expliquent cette situation :
La forte saisonnalité de ces dessertes : ainsi sur les Antilles et la Guyane, entre les mois les plus creux (mai-juin et septembre-octobre-novembre) et les plus chargés (juillet-août et janvier-février-mars), les écarts en nombre de passagers vont du simple au double (de l'ordre de 90 000 pour les 3 DOM d'Amérique réunis en octobre à près de 180 000 en août).
(l L'adaptation des moyens au trafic induit alors une variation de plus de 20 % du coefficient d'occupation, ce qui ne permet pas d'éviter une fluctuation de la recette globale et donc de la rentabilité).
La structure de la clientèle - et de sa répartition sur l'année - joue également un rôle. En effet, si les clientèles " visite-famille-relations " (VFR) et " tourisme " se relaient une bonne partie de l'année, elles sont concomitantes et donc source de difficultés à Noël, Pâques et surtout en juillet et août.
Les tarifs élevés pour une qualité diminuée : l'absence d'une clientèle dite " haute contribution " constitue le principal handicap de la rentabilité des dessertes régulières des DOM comparativement aux dessertes internationales.
Pour cette raison, les compagnies pratiquent des tarifs élevés assortis d'une augmentation du nombre de sièges par appareil et donc d'une diminution de la qualité.
En Nouvelle-Calédonie et en Polynésie Française, les difficultés des transporteurs nationaux privés et les réticences d'Air France à entretenir un réseau ont conduit les compagnies régionales Air Calin et Air Tahiti Nui à développer leur propre offre vers la métropole ou vers les zones constituant leur marché touristique (Japon, Californie). A la Réunion, Air Austral nourrit le même projet .
De nombreux établissements d'hébergement sont inadaptés à la demande actuelle.
Le parc hôtelier construit majoritairement dans les années 1970 et qui a déjà plus de trente ans est devenu obsolète et souffre d'un manque d'entretien.
En effet diverses missions d'expertises mettent en évidence un niveau d'entretien médiocre des établissements qui, compte tenu des conditions climatiques, chaleur et humidité, demandent des efforts de rénovation et de réhabilitation plus lourds qu'en métropole.
L'hôtellerie d'un prix relativement élevé, n'offre généralement que des prestations de qualité moyenne. La concurrence de nouvelles destinations que sont la République Dominicaine et Cuba promues à grand renfort de campagnes médiatiques, est bien réelle. Celles-ci offrent des prestations d'une qualité au moins égale, voire supérieure avec des coûts salariaux notoirement plus faibles qu'en France donc offrant un meilleur rapport qualité-prix.
De plus les équipements plus récents, construits majoritairement il y a une dizaine d'année sont d'un standard correspondant mieux aux attentes des clientèles.
En outre l'accueil des touristes dans les DOM fait aussi l'objet de critiques persistantes, amplifiées par des conflits sociaux qui rejaillissent sur le quotidien des touristes et sur l'image même des Antilles françaises.
Le personnel donne souvent l'impression de faire preuve de bonne volonté mais de manquer de professionnalisme.
Des conflits sociaux fréquents donnent une image d'autant plus négative des Antilles que le quotidien des touristes en est souvent directement affecté : coupures d'eau ou d'électricité dans les hôtels, difficultés de mettre en place des systèmes de navettes compte tenu de l'attitude des taxis, atteintes fréquentes par ces mêmes taxis à la liberté de choix des touristes.
De plus une certaine forme d'insécurité, relative, est observée depuis quelques années aux Antilles et en Guyane qui génèrent certaines réticences de la part des tours-opérateurs ; on constate dès lors, une inadaptation de l'offre à la demande qui ne correspond plus aux attentes des clientèles.
Je me suis rendu en décembre dernier en Martinique et dans l'archipel guadeloupéen pour évaluer les difficultés de ce secteur et j'ai constaté un certain nombre de blocages qu'il faut tenter de désamorcer. Notamment au niveau du dialogue social dont il est urgent de renouer les fils.
La politique de l'Etat est d'accompagner les investisseurs, de renforcer la formation, d'attirer les clientèles dans le respect des spécificités des îles. Mais chacun doit avoir à l'esprit que le client, le vacancier, le congressiste, le visiteur est au centre de la stratégie mise en uvre.
En effet, celui-ci se montre de plus en plus exigeant en terme de qualité, c'est donc sur ce critère que la France doit se positionner dans les DOM, comme en métropole, car il constitue l'argument majeur face à des concurrents moins chers.
Il est nécessaire de réhabiliter les équipements qui ne sont plus adaptés aux attentes des clients notamment américains. Il faut également encourager la formation au service et à l'accueil.
De plus, la France dispose dans ces départements d'infrastructures (routes, hôpitaux, aéroports) d'un niveau qualitatif comparable à celui de la France métropolitaine.
(Le groupe hôtelier Accor exploite 7 établissements, 5 en Martinique, 2 en Guadeloupe, il est propriétaire des murs de 4 établissements et exploite les autres, sans détenir l'immobilier).
Après l'annonce de son désengagement en novembre le groupe Accor, que j'ai rencontré, est prêt à participer avec l'ensemble des partenaires concernés à l'étude de toute solution permettant d'améliorer la mise en valeur du patrimoine touristique aux Antilles. Ses établissements restent ouverts, contrairement à ceux qui étaient exploités par le groupe Méridien qui vient de signer la cession des murs au groupe KALENDA Resort SAS.
En Martinique, la société hôtelière du Lagon a ouvert un établissement de luxe composé de petites unités de charme (50 suites) qui donne envie de croire au renouveau touristique des îles de la région.
J'ai eu le plaisir lors de mon déplacement en décembre dernier de l'inaugurer.
Il constitue un exemple à suivre en terme de qualité, outre le fait que symboliquement, il est implanté sur le site du premier hôtel construit dans les années 1960.
L'architecture est intégré au lieu et respecte l'environnement,
Il offre des prestations raffinées, un confort particulier, des produits d'exception, une gastronomie réputée, un accueil agréable....
Le personnel, à 95 % martiniquais, a reçu une formation technique poussée et spécifique liée au relationnel avec la clientèle.
Le positionnement du tourisme outre-mer est souvent mal maîtrisé et l'expose à une concurrence étrangère dynamique.
Les Antilles ont un positionnement " cocotier et soleil " qui correspond à un tourisme de masse. Sur ce marché, le facteur prix est un élément essentiel du choix du client. Or les Antilles sont en concurrence, l'été, avec les destinations méditerranéennes et toute l'année avec Saint-Domingue ou Cuba. Tous leurs concurrents bénéficient de coûts de main-d'oeuvre beaucoup moins élevés et proposent des formules " tout compris " dans de grands complexes hôteliers et de loisirs à des prix analogues à ceux de la demi-pension aux Antilles. Les Antilles ne peuvent lutter à armes égales avec ces concurrents d'où la perception négative, voire un sentiment de mauvais accueil de la part de touristes qui ne peuvent bénéficier des mêmes prestations que dans les pays voisins.
Il en va différemment à Saint-Barthélémy ou en Polynésie française où c'est un positionnement " îles et découverte " davantage que " cocotier et soleil " qui a été choisi et qui attire une clientèle " haut de gamme ".

Les produits proposés ne sont pas assez diversifiés.
Dans un contexte de forte concurrence, le produit traditionnel " plage et soleil " ne suffit plus à attirer les touristes. La qualité, la diversification et l'adéquation à la demande des produits conditionnent l'attractivité des sites.
Leur amélioration constitue donc un aspect fondamental d'un plan d'action. Par exemple l'écotourisme, encore peu exploité, apparaît comme une filière de l'activité touristique appelé à prendre une place significative dans l'avenir.
II - Le redressement de l'industrie touristique outre-mer s'inscrit dans une logique de développement durable et appelle une action coordonnée des professionnels, des collectivités locales et de l'Etat
Le développement touristique de l'outre-mer s'inscrit dans une logique de développement durable.
Comme vous le savez, au lendemain du sommet mondial du développement durable de Johannesburg, le Président de la République, Jacques Chirac a demandé au Gouvernement de se réunir pour donner "une impulsion décisive" à ce dossier, déterminé à faire de la France un acteur de premier plan du développement durable au niveau mondial.
Cette politique basée sur la qualité des équipements et des hommes comme sur la durabilité du développement, devra trouver écho en métropole comme dans nos départements et territoires d'Outre Mer.
Face à une mondialisation croissante des activités touristiques, aux menaces concurrentielles et aux risques socioculturels et environnementaux, la mise en place d'un programme stratégique de développement durable du tourisme pour l'outre-mer s'avère désormais essentielle.
Les pressions actuelles du tourisme, généralement de masse, sur l'aménagement du territoire, sur l'environnement et sur les populations d'accueil en termes socioculturels perdurent et risquent de s'accroître par un développement du tourisme non maîtrisé.
Je vais prendre l'exemple d'un département d'outre-mer qui m'est très cher, celui de la Guyane.
Que d'actions à mettre en oeuvre !! notamment dans les domaines de :
la promotion de l'écotourisme ;
la protection des populations locales, la valorisation de la biodiversité, et la considération de l'économie aurifère avec le projet de création du parc national de Guyane ;
la restauration et la mise en valeur des sites historiques ;
l'aide à la création et à la pérennisation des très petites entreprises.
la modernisation de la politique foncière
Au-delà de cet exemple, je crois tout particulièrement, en ce début de troisième millénaire, à l'avenir de l'écotourisme qui correspond à une demande croissante de certains voyageurs pour découvrir réellement la nature et les cultures locales.
Cette autre forme de tourisme implique une responsabilisation forte des entreprises et des visiteurs par rapport à la destination visitée, un respect des sites et des cultures locales, un engagement qui vise à minimiser l'impact des visites, à optimiser les retombées économiques locales et à contribuer à la conservation et au développement durable de la région visitée.
Cette politique doit s'accompagner d'un effort de coordination des partenaires et d'un appui de l'Etat.
Un premier effort a été entrepris avec les contrats de plan Etat-régions.
Ainsi, l'enveloppe globale consacrée par le secrétariat d'Etat au tourisme aux contrats de plan signés avec les départements d'outre-mer n'a cessé de progresser.
Celle-ci représentait 1,524 Million d' pour le volet tourisme des contrats de plan de la période 1989-1993 puis 1,707 M pour la période 1994-1999.
Le Secrétariat d'Etat au tourisme a financé le volet tourisme des contrats de plan 2000-2006 des départements d'outre-mer à hauteur de 5,183 M, soit une évolution de 304 % par rapport à l'enveloppe des contrats de plan précédent.
La contribution totale de l'Etat au volet tourisme des contrats de plan 2000-2006 s'élève à 8,476 M répartis en 5,183 M pour le Secrétariat d'Etat au tourisme, 2,774 M pour le ministère de l'Outre-mer et 0,518 M pour le ministère chargé de l'aménagement du territoire.
L'apport du Secrétariat d'Etat au tourisme représente 61 % de la part Etat.
Parallèlement, cet engagement de l'Etat a permis aux DOM d'enclencher les financements européens pour le développement touristique
Ainsi, l'Union Européenne finance la politique touristique des DOM à hauteur de 164,17 M. Avec l'apport des régions 42,960 M, et de l'Etat, ce sont in fine 215,606 M qui sont attribués au tourisme dans les DOM.
Les priorités du ministère chargé du tourisme en matière de politiques communes d'intérêt régional qui ont été contractualisées s'organisent autour de cinq axes :
- l'amélioration de la qualité et de la commercialisation des hébergements touristiques,
- l'organisation et la mise en oeuvre d'un dispositif de mesure stratégique de l'économie touristique,
- l'adaptation des entreprises de tourisme aux évolutions du marché,
- la concrétisation du droit aux vacances pour tous et notamment l'adaptation des équipements à l'accueil des handicapés,
- le renforcement de l'attractivité des territoires fondée sur leur développement durable.
Sur cette base, les DOM ont contractualisé avec l'Etat plusieurs mesures à même de répondre à leur problématique.
Ainsi, la promotion touristique, la structuration et la diversification de l'offre touristique, le développement durable, le renforcement de l'attractivité des territoires par le développement de stations et de produits touristiques nouveaux et le rééquilibrage des pôles touristiques, l'organisation et la mise en oeuvre d'un dispositif de mesure stratégique de l'économie touristique comme la valorisation touristique du patrimoine culturel sont des items qui ont été largement partagés.
Néanmoins ces contrats ne suffisent pas à enrayer la dégradation des parts de marché tenues par les DOM. Ils ne peuvent d'ailleurs pas être utilisés sur tous les aspects du problème.
Devant cette situation, il est important et urgent de réagir. Bien entendu, le maintien ou le développement de l'activité touristique outre-mer est d'abord une affaire locale. Il appartient en premier lieu au corps social, aux élus, aux entreprises et aux collectivités d'outre-mer de définir la place que cette activité doit occuper dans les économies locales et les axes selon lesquels elle doit se développer.
L'Etat n'a qu'une compétence résiduelle en matière de tourisme. C'est là la volonté du législateur qui a confié en décembre 1992 l'essentiel des compétences touristiques aux collectivités territoriales. Cette situation est encore plus accentuée dans les territoires d'Outre-mer, la Polynésie Française, la Nouvelle Calédonie, Wallis et Futuna, St Pierre et Miquelon.
Cependant, par son action, l'Etat peut accompagner dans plusieurs domaines les programmes initiés par les collectivités et les professionnels du secteur.
Avec ma collègue chargée de l'outre-mer, Brigitte Girardin, nous avons donc élaboré un dispositif de fonds en deux temps.
D'abord un plan d'urgence que je suis allé présenter aux Antilles, aux élus, et aux professionnels du secteur en décembre et sur lequel je vais revenir dans quelques instants. Ce plan vise à apporter une première réponse à la crise que connaissent les Antilles et dont les déclarations du groupe ACCOR ont été le révélateur.
Ensuite une loi de programme pour l'outre-mer destinée à créer des conditions de fond permettant de remettre l'outre-mer français en situation concurrentielle.
Mais ces textes ne peuvent être qu'une contribution de l'Etat au redressement ou au développement de la filière. Ils ne sauraient produire des résultats satisfaisants s'ils ne s'inscrivent pas dans une mobilisation générale des collectivités d'outre-mer responsable de l'accompagnement du secteur.
Le plan d'urgence s'articule autour de six thèmes fondamentaux.
1) Il s'agit d'abord de contribuer au sauvetage ou à la pérennisation d'infrastructures de tourisme en difficulté, essentiellement en mobilisant les outils existants : l'Agence Française de Développement, les fonds structurels mais aussi en informant sur les potentialités des dispositifs en vigueur qui ne sont pas toujours pleinement utilisés.
2) Il est ensuite nécessaire d'aider les collectivités d'outre-mer à redéfinir leur positionnement et leur stratégie touristique et l'Etat dégagera les moyens nécessaires pour que l'Agence Française d'Ingénierie Touristique puisse apporter cet appui en matière de stratégie de diversification de leur offre.
3) Il faut également promouvoir la destination " DOM " dans un contexte très concurrentiel où la communication joue un rôle fondamental. Il me paraît important d'obtenir une synergie entre les éléments " art de vivre à la française ", sécurité d'un pays occidental, et exotisme.
Pour cela, un club produit va être créé à Maison de la France pour déterminer une ligne de communication sur l'outre-mer, dans une conception globale. Il sera ensuite proposé aux collectivités de s'associer à une campagne de communication sur la destination outre-mer, mise en oeuvre par Maison de la France. Une information spécifique sera également diffusée sur les chaînes publiques de radio et de télévision.
4) L'amélioration de l'environnement social du tourisme constitue le quatrième thème. Le tourisme suppose en effet que les comportements de chacun s'adaptent et participent à la qualité de l'accueil et des prestations. Je souhaite une adaptation aux spécificités de l'outre-mer de la campagne " Bonjour " dont le but est de sensibiliser les professionnels de toute nature à l'accueil des touristes, mais aussi d'accompagner les collectivités qui souhaiteraient mener des campagnes de sensibilisation de leur population à l'intérêt du tourisme en termes économiques, et notamment d'emploi. Les sessions de promotion du dialogue social seront renforcées afin d'éviter les conflits sociaux. Un effort essentiel sera également effectué en matière de formation.
Le Premier Ministre a nommé à ma demande Arlette FRANCO, parlementaire en mission sur ce thème et elle rendra ses conclusions au printemps. Un volet spécifique pour les DOM prendra en compte les données ultra-marines.
5) Le cinquième thème concerne la mobilisation des services de l'Etat pour que leur action prenne davantage en compte la dimension " Tourisme " dans les politiques publiques, que ce soit dans les domaines des transports intérieurs, des politiques d'urbanisme ou des politiques sociales.
Le caractère transversal de l'activité touristique implique un travail interministériel important. A ce titre, le Premier ministre, Jean-Pierre RAFFARIN m'a demandé d'organiser le premier Comité Interministériel du Tourisme qui aura lieu en juin prochain.
Enfin, il sera mis en place un système de mesure statistique de l'activité touristique outre-mer plus performant, en liaison bien entendu avec les régions d'outre-mer.
A plus long terme, la loi programme pour l'outre-mer permettra de créer des conditions de fonds permettant de développer durablement l'activité touristique.
Ce projet de loi, préparé par Brigitte Girardin, Ministre de l'Outre-mer, sera présenté très prochainement en conseil des Ministres et devrait être discuté dès le printemps au Parlement.
Son contenu, où figureront en bonne place des mesures d'allégement des charges fiscales et sociales, sera de nature à relancer l'investissement touristique dans les DOM mais permettra aussi de procéder à la réhabilitation des structures existantes, ce qui n'était pas le cas dans le cadre des dispositifs précédents.
Avant même la finalisation de ce texte, j'ai pu annoncer, lors de mon voyage aux Antilles en décembre, et avec l'accord personnel du Premier ministre, l'importante mesure appelée détunnelisation qui était très attendue par tous les professionnels du tourisme.
Par ailleurs, j'ai également proposé un million d'euro en faveur de la petite hôtellerie par le biais de l'Agence Nationale des Chèques Vacances. Dès février, un missionnaire de l'ANCV viendra sur place rencontrer les porteurs de projets et examiner avec eux les moyens de les aider.
En ce qui concerne le transport aérien, Air France va rétablir, dès le mois d'avril des vols au départ de Roissy pour que les Antilles bénéficient davantage de la clientèle européenne.
(Enfin, comme vous le savez, le gouvernement travaille à la constitution d'une compagnie aérienne spécialement dédiée à la desserte de l'outre-mer).
Le tourisme outre-mer se trouve à une période charnière : des territoires qui commencent à développer le tourisme doivent réussir leur insertion dans le paysage concurrentiel, des territoires au tourisme plus ancien doivent s'y maintenir. Dans les deux cas, il s'agit d'un défi que doivent relever les populations locales et leurs élus.
Je peux vous assurer que l'Etat sera à leur côté dans cette tâche parce que l'avenir des régions d'outre-mer, c'est l'avenir de la France.
La réussite d'une politique touristique adaptée, respectueuse des principes de durabilité et d'éthique, dépend de plusieurs paramètres dont le principal et le premier d'entre eux, est celui de la volonté.
Parce que le tourisme est une activité comme aucune autre, vecteur d'échange et de rapprochement entre les peuples.
Je vous remercie de votre attention.

(source http://www.tourisme.gouv.fr, le 13 février 2003)