Texte intégral
Cher(e)s camarades,
Je suis heureux de vous retrouver avec Daniel VAILLANT dans votre formation habituelle, celle de la réunion de votre groupe. Je vous vois à l'assemblée - et aussi au Sénat - je sens votre soutien - questions d'actualité - mais nos occasions d'échange direct sont plus rares. Je remercie Robert HUE et Alain BOCQUET d'avoir pris l'initiative de cette rencontre.
Vous le savez, je suis attentif à ce que vous êtes, à ce que vous incarnez collectivement, le groupe communiste, mais aussi les ministres qui travaillent à mes côtés, Jean-Claude GAYSSOT, Marie-Georges BUFFET, Michelle DEMESSINE et, depuis peu, Michel DUFFOUR. Notre façon de vivre ensemble dans la majorité plurielle reste pour moi la clé de voûte de notre construction politique. Je considère que nous avons construit ensemble ces 3 années de gouvernement. Si nous l'avons fait avec une certaine réussite, c'est d'abord parce que nous avons su, dans le respect de chacun, valoriser ce qui nous réunit, c'est-à-dire l'essentiel.
Je souhaite concentrer mon propos introductif sur quelques questions :
I - Nous abordons cette étape de la législature dans un contexte économique et social en pleine mutation
II - Quelles doivent être dans ce contexte nos priorités
III - La majorité plurielle
I - NOUS ABORDONS CETTE ETAPE DE LA LEGISLATURE DANS UN CONTEXTE ECONOMIQUE ET SOCIAL EN PLEINE MUTATION
1 Nous avons en trois années transformé le contexte économique et social
La croissance est forte, la demande des ménages et les investissements des entreprises dynamiques, les créations d'emplois massives, dans des proportions que nous n'avons jamais connues depuis le premier choc pétrolier et même au cours des " trente glorieuses ". J'ai dit que la baisse du chômage est la plus belle réforme sociale du Gouvernement depuis 1997. Elle bénéficie en effet à tous les français, en particulier à ceux qui en ont le plus besoin : les femmes, les jeunes, les chômeurs de longue durée, les travailleurs précaires. Jamais nous n'aurions affirmé qu'en 3 ans nous ferions baisser le chômage de près de 800.000 personnes !
Peut-être certains s'habituent-ils aux bons chiffres du chômage. Ne les banalisons pas. N'oublions jamais que derrière chaque chiffre du chômage en baisse, il y a une réalité humaine, celle d'un travail retrouvé, d'une vie reconstruite, d'une perspective enfin ouverte.
Nous constatons d'ailleurs que beaucoup souhaitent aujourd'hui prendre leur part de ces bons résultats, voire les revendiquer, y compris ceux qui nous promettaient à l'échec au départ, qui combattent nos choix économiques et sociaux ! Les gouvernements - surtout lorsqu'ils sont de gauche - seraient ainsi seuls responsables des montées de chômage et les entreprises seules responsables des créations d'emplois...C'est une singulière conception du rôle de chacun. Je ne suggère pas que nous y entrions
2 - Cette situation est le résultat certes d'une conjoncture mais tout autant d'une politique, que nous avons conduite autour de nos choix, de nos valeurs, dans le respect du contrat passé en juin 1997 avec les français. Nous avons renoué avec le volontarisme politique, autour d'une priorité : la lutte contre le chômage.
2 - 1 Nous avons par notre politique favorisé la croissance, et rien dans le retour de celle-ci n'a été mécanique. A conjoncture égale, la France fait mieux que ses partenaires, alors qu'hier elle faisait moins bien. Ce n'était pas acquis. A partir d'un diagnostic, d'une analyse économique qui fondaient notre programme, nous avons voulu agir à la fois sur la demande - la France souffrait d'un déficit de demande considérable - mais aussi en nous appuyant sur la négociation sociale. Contrairement à d'autres pays européens, en France, la négociation sociale ne s'était jamais saisie du problème de l'emploi. La négociation sur le temps de travail a profondément modifié cette caractéristique. Depuis 2 ans, le pouvoir d'achat de la masse salariale progresse de 3% par an en moyenne : la moitié (1,5%) provient des hausses de salaires individuels, l'autre moitié de la création d'emplois. C'est un changement majeur par rapport au passé ou la logique libérale prétendait modifier le contenu en emploi de la croissance par la rigueur salariale ou par le seul allégement du coût du travail.
2 - 2 Nous avons développé les mécanismes destinés à saisir les situations des plus fragiles
. Nous avons, avec les emplois jeunes, cassé la spirale de l'échec, de la résignation, en partant des besoins et en mobilisant les acteurs autour d'un projet, dans des secteurs aujourd'hui prioritaires : la sécurité, notamment dans les transports, la santé, l'éducation, le sport, l'environnement. C'est la première loi que vous avez votée. Son rôle a été décisif dans le retour de la confiance, en resocialisant des jeunes, en créant de la demande par de nouveaux revenus du travail, en marquant par des symboles forts notre volontarisme pour l'emploi.
. Nous avons déployé des ressources nouvelles, en direction des plus fragiles, avec une revalorisation des minimas sociaux, l'annulation des dettes fiscales au profit des chômeurs et des ménages surendettés (470 MF), la possibilité de cumuler partiellement un emploi et un revenu social pendant un an.
. Nous avons ouvert des droits nouveaux pour tous : la loi contre les exclusions, la couverture maladie universelle, qui permet déjà à 3.000.000 de personnes d'accéder gratuitement aux soins, le projet de loi SRU dans son volet logement social.
2 - 3 Nous renforçons le service public, avec le souci de le moderniser,
C'est parfois un sujet de débat au sein de la gauche, mais c'est surtout un sujet de très forte divergence avec la droite.
Le débat que nous avons eu au moment de la transposition de la directive européenne relative à l'électricité est, je le crois, révélateur de notre approche. Cette directive nous obligeait à ouvrir ce secteur à la concurrence. Mais nos entreprises, fussent-elles publiques, ne peuvent plus vivre dans la seule réalité hexagonale. Nous l'avons fait en veillant, avec vous, à prendre en compte une certaine spécificité française qui combine l'exigence économique avec l'exigence du service public c'est-à-dire le service de l'usager, de tous les usagers.
2 - 4 Nous modernisons nos institutions et notre droit, lorsque le conservatisme de la droite ne nous empêche pas de le faire plus pleinement : la parité, le Pacs, la réforme -inachevée- de la justice...
2 - 5 Nous définissons de nouveaux instruments de régulation, afin de créer les conditions d'un juste équilibre du marché.
J'ai déjà dit que si le capitalisme est une dynamique, une force, et le marché une technique, ils ne produisent, livrés à eux-mêmes, aucune direction, aucun projet, aucun sens.
Les spécificités, les caractéristiques de notre histoire, de nos formes d'organisation ne doivent pas être dissoutes ou niées dans une uniformisation que nous constaterions en la subissant.
S'adapter à la réalité oui, se résigner à un modèle capitaliste prétendument naturel : non. Le rôle de l'Etat et du législateur est donc de remédier aux plus graves inégalités entre acteurs économiques, de prévenir les abus qui peuvent en découler, de rendre plus équitables les rapports entre producteurs et distributeurs. C'est l'ambition du projet de loi sur les nouvelles régulations économiques que l'Assemblée nationale a approuvée en première lecture.
2 - 6 Nous développons une politique industrielle centrée sur nos objectifs : l'emploi, la croissance, la puissance économique et industrielle de nos entreprises, la place de la France.
Ces objectifs, lorsqu'ils ne peuvent être pris en compte par le marché, justifient parfois l'appropriation publique dans un certain nombre de secteurs touchant soit à la sécurité nationale, soit au service public. Mais la défense de l'intérêt national -notamment dans des industries de pointe ou stratégiques- et la lutte pour l'emploi peuvent nécessiter des alliances industrielles avec des entreprises privées françaises ou étrangères, en particulier européennes. Ces alliances sont justifiées aux plans politique, économique et social. Ce qui doit compter, pour nous, en l'occurrence, ce sont les fins de la politique industrielle que nous conduisons. Je les crois comprises par nos concitoyens parce qu'elles sont cohérentes et avant tout dictées par l'intérêt général.
Chers camarades, ce bilan d'étape est le nôtre. Nous devons le valoriser dans ce qu'il a de bon, mais aussi l'évaluer par rapport à nos objectifs communs, ceux de la législature. Et pour la première fois dans notre histoire commune - et il est intéressant d'en prendre conscience - cet exercice ne nous conduit pas à infléchir, renoncer, annoncer une " pause ", un " tournant de la rigueur ", voire une " parenthèse ". Nous pouvons continuer sur notre trajectoire. Nous avons construit la durée, créé une nouvelle donne. Celle-ci nécessite tout à la fois la continuité mais aussi l'adaptation...
II - QUELLES DOIVENT ETRE DANS CE CONTEXTE NOS PRIORITES Si ce bilan est incontestablement positif , nous devons rester lucides sur tous les besoins qui restent encore insatisfaits. Les bons chiffres de l'emploi n'occultent pas la situation de ceux, encore nombreux, fragilisés par l'absence de formation, un chômage prolongé , un emploi précaire, ou qui vivent dans un environnement gâché. La lutte contre le chômage et pour l'emploi va rester notre première priorité. C'est pourquoi notre politique vise à la réintégration de tous au cur de la société. Elle doit saisir toutes les situations. Elle doit aussi s'adapter à la nouvelle donne économique et sociale que j'ai rappelée.
J'évoquerai quelques-uns des rendez-vous que nous nous sommes fixés, en rappelant plusieurs de nos priorités.
1 - Notre première priorité reste l'emploi en particulier celui des jeunes
Je sais que c'est une préoccupation centrale pour vous. J'ai vu la campagne que vous avez lancée récemment pour que " chaque emploi-jeune accède à l'emploi stable ".
C'est aussi la préoccupation du Gouvernement. Nous sommes à mi-parcours des premiers contrats signés, et nous devons mettre ce délai à profit pour préparer les conditions de pérennisation du plus grand nombre possible de ces emplois, et la professionnalisation des jeunes eux-mêmes. Cela a d'ailleurs été l'un des thèmes de travail de notre toute dernière réunion de ministres.
Notre approche devra être différenciée : tous les services et tous les types d'employeurs n'offrent pas les mêmes perspectives de " solvabilisation " des emplois. Il nous faudra par conséquent concevoir des montages variés de financement, sans exclure a priori tel ou tel acteur, y compris l'Etat dans certains cas où son intervention sera à l'évidence incontournable.
De même, la pérennisation des nouveaux emplois et le devenir professionnel du jeune au terme des 5 ans -ou même avant ce terme pour ceux qui le veulent- sont deux questions distinctes. Il faudra les traiter toutes deux avec l'objectif -que nous partageons- que les jeunes engagés dans ce programme puissent accéder à un emploi stable, que ce soit sur leur emploi-jeune pérennisé parce que solvabilisé, en accédant à la fonction publique en réussissant des concours, ou encore en accédant à un autre type d'emploi dans une phase où les créations d'emplois progressent.
La formation de ces jeunes doit être une priorité. Les moyens budgétaires ont été dégagés : 700 millions de francs sont prévus à cet effet, et même 2 milliards de francs si l'on ajoute les crédits des conseils régionaux et des fonds paritaires. Au total, 21 milliards de francs sont consacrés en 2000 aux emplois-jeunes, chiffre qui progressera encore en 2001.
2 - Nous allons continuer à ouvrir de nouveaux droits
Trois projets de loi significatifs vous seront proposés en ce sens
La loi de modernisation sociale. Le projet est aujourd'hui connu. Et comme l'a dit récemment Maxime GREMETZ, il " s'inspire ", dans ses dispositions concernant le licenciement et la précarité, de certaines propositions du groupe communiste...
En matière de lutte contre les licenciements économiques, le projet du Gouvernement propose des avancées significatives, aussi bien en matière de prévention et de gestion prévisionnelle de l'emploi qu'en matière de recherche des alternatives aux licenciements, avec l'amendement dit " Michelin ", ou encore en matière de droit d'information et de consultation des représentants du personnel. Ces mesures sont nécessaires, pour mettre fin à des comportements qui ont à juste titre choqué les travailleurs concernés et l'opinion.
En outre, la proposition de loi dite " Robert HUE " sur le contrôle des aides publiques aux entreprises, en cours d'adoption, nous donnera également de nouveaux outils pour lutter contre les pratiques condamnables de certaines entreprises.
Ces mesures viendront renforcer un dispositif législatif et une jurisprudence déjà très consistants dans notre pays, avec le souci d'être efficace et réaliste, dans un contexte - je voudrais le rappeler - où les licenciements économiques ont fortement régressé depuis 3 ans. Sur les 4 premiers mois de l'année 1997, juste avant notre arrivée au Gouvernement, il y avait eu en France 147 000 licenciements économiques. Il y en a eu 87 000 cette année, c'est-à-dire 40 % de moins.
Autre sujet important : la précarité de l'emploi. Le projet de loi comporte plusieurs dispositions apportant des garanties nouvelles aux salariés. Il ne comporte pas, par contre, à ce stade, de dispositif de pénalisation financière des entreprises qui recourent aux CDD et à l'intérim de façon excessive.
Vous le savez, le Gouvernement a, à plusieurs reprises, interpellé les partenaires sociaux pour qu'ils ouvrent des négociations sur ce thème. Celles-ci sont enfin engagées, avec l'objectif de conclure d'ici la fin de l'année. Nous verrons à ce moment-là ce qui aura été fait -ou pas fait- et nous en tiendrons compte, par exemple lors de l'examen du projet de loi de modernisation sociale.
Je le redis devant vous, comme je l'ai dit aux partenaires sociaux et en particulier au patronat : s'il ne résulte de ces négociations aucune mesure susceptible de mieux réguler le recours au travail précaire pour en réduire les abus, alors il appartiendra au Gouvernement et au Parlement de prendre leurs responsabilités. De même, j'ai maintes fois indiqué que les français auraient du mal à comprendre que la meilleure santé financière de l'UNEDIC ne serve pas à améliorer l'indemnisation du chômage des précaires.
La réforme de l'épargne salariale préparée par le ministre de l'Economie et des Finances, Laurent Fabius, est actuellement soumise pour concertation aux organisations syndicales et professionnelles ainsi qu'aux responsables politiques. L'enjeu est d'importance. Il s'agit d'abord de rendre une telle épargne accessible au plus grand nombre des salariés, pour qu'ils bénéficient plus largement des performances de l'entreprise. Cette réforme leur donnera d'autre part des droits nouveaux, en leur permettant de faire valoir, dans la gestion de l'entreprise, leurs préoccupations. Je suis convaincu que nous pouvons sur cette question conduire ensemble une réforme de gauche, conforme à nos principes, utile aux salariés et à l'économie. La concertation sera menée avec vous avec ce souci.
Enfin, la réforme de la prise en charge de la dépendance des personnes âgées constituera l'une des grandes avancées sociales de cette deuxième partie de la législature. Vous en connaissez les orientations. Le Gouvernement veillera en particulier à ce que soit prise en compte la situation des départements les plus concernés, je sais que c'est une de vos préoccupations.
3 - Troisième priorité : le renforcement et la modernisation du service public, parce qu'ils sont au coeur de tout notre combat pour l'égalité des chances. Garantir à chacun les mêmes droits, les mêmes chances, assurer à chacun sa place, pleine et entière dans la République, cette démarche est constitutive de notre identité. Le retour de la croissance ne garantira jamais mécaniquement la résorption des discriminations, des injustices, des retards qui limitent le plein exercice de la citoyenneté. Le Gouvernement est totalement mobilisé sur cet objectif qui est présent dans les politiques de la quasi totalité des ministères. Je connais les insuffisances de certains dispositifs - et vous nous aidez souvent à les identifier- je mesure les obstacles, les préjugés, ils sont encore nombreux. Depuis 3 ans, nous abordons ces questions avec détermination. Elles appellent une politique globale et solidaire, avec les élus, les associations, les syndicats; Elles exigent le dialogue, la concertation; Elles nécessitent des moyens adaptés. Le collectif budgétaire que vous venez de voter a renforcé ceux de l'hôpital et l'école. Dans la prochaine loi de finances, le renforcement du service public sera privilégié à travers les priorités budgétaires, en particulier : l'éducation nationale, la justice, la sécurité qui est - je le rappelle - une préoccupation très forte chez nos compatriotes.
Parce que nous sommes les seuls à défendre véritablement le service public, nous devons être aussi ceux qui sont capables de le réformer, de le moderniser dans une vision du progrès qui combine l'évolution des besoins, la résorption des déséquilibres, l'égalité d'accès, l'adaptation aux nouvelles technologies.
La discussion sur les 35 heures dans la fonction publique devra être conduite avec ce souci.
4 - Quatrième priorité : Nous devons, au-delà des rendez-vous électoraux, préparer dés aujourd'hui des échéances capitales pour les français, je pense en particulier à l'évolution de notre système de retraite.
Nous avançons, animés par deux convictions : le système par répartition est un choix de société dont nous ne dévierons pas, la diversité et l'identité des régimes doivent être respectés. Des discussions et négociations seront ouvertes dans chaque régime. Je viens de mettre en place le conseil d'orientation des retraites, les parlementaires y sont représentés. Il va de soi que la Représentation nationale sera amenée à débattre des évolutions retenues. Celles-ci seront conduites, dans la transparence, la négociation et la durée.
Au delà de ces rendez-vous immédiats - j'en ai rappelé les principaux - nous devons être conscients, qu'aujourd'hui, la réussite de notre politique économique, ses résultats, posent de nouvelles questions que nous devons traiter.
- Dans le domaine de l'insertion, le problème du passage du RMI à l'activité ne se posait pas avec la même exigence lorsque la création d'emplois était faible. Il deviendra crucial lorsque nous atteindrons le noyau dur du chômage. Ce n'est évidemment pas le RMI qui a créé le chômage, c'est le chômage de masse qui nous a obligé à créer le RMI. Mais dans une économie qui recrée massivement des emplois, tout doit être fait pour supprimer les mécanismes qui sont de nature à dissuader les personnes titulaires d'allocations de reprendre un emploi salarié.
- Dans une économie qui crée entre 400 et 500 000 emplois par ans où il faudra faire face à des pénuries sectorielles de travailleurs, la question de la formation est cruciale et doit devenir, pour chacun, un droit.
Le projet de loi de modernisation sociale permettra de franchir une première étape sur l'apprentissage et la validation des acquis de l'expérience professionnelle. Dans un pays comme le nôtre, si attaché à la reconnaissance sociale qu'accordent les diplômes, cette réforme préparée par Martine Aubry et Nicole Péry est une petite révolution. Désormais toute personne engagée dans la vie active sera en droit de faire reconnaître son expérience en vue de l'obtention d'un diplôme ou d'un titre à finalité professionnelle. Après la formation initiale, l'apprentissage et la formation continue, c'est une " quatrième voie " d'acquisition des diplômes que nous mettons en place.
- De même, une politique favorisant l'innovation et la création d'entreprises était moins urgente quand la demande adressée aux entreprises était faible. Elle le devient pour maintenir une croissance forte lorsque le déficit de demande est résorbé. Des mesures importantes viennent d'être annoncées pour rendre moins compliquée, moins coûteuse, la création d'entreprises. Le goût du risque ne doit pas être contrarié ou pénalisé. Toutes les procédures administratives dissuasives vont être identifiées et aménagées avec ce souci.
- Il en est de même des prélèvements obligatoires. La baisse des prélèvements obligatoires pour favoriser l'initiative est devenue dans ce nouveau contexte un facteur important de croissance. J'ai lu attentivement les interventions du groupe communiste et notamment d'Alain Bocquet dans le débat d'orientation budgétaire. Je le cite: " la question n'est pas moins d'impôts, mais mieux d'impôts" .Peut on faire l'un et l'autre? Sans doute peut il y avoir débat sur tel ou tel choix mais je crois que nous sommes d'accord sur l'essentiel : la baisse d'impôt, qui n'est pas pour moi l'alpha et l'oméga de la pensée socialiste - pas plus d'ailleurs que la hausse des impôts - ne vaut que si nous savons la mettre au service d'un projet cohérent : la justice sociale, l'efficacité économique. La baisse des impôts a été engagée en ce sens, elle est massivement souhaitée par les français, elle doit donc être poursuivie.
- Je veux enfin évoquer le débat engagé pour relancer le dialogue social.
L'attitude de refus du patronat officiel a bloqué, dans notre pays, toute négociation sociale interprofessionnelle jusqu'au début de cette année. Cette attitude de refus ne se retrouvait d'ailleurs pas, heureusement, dans les branches professionnelles, qui ont dans leur grande majorité négocié des accords 35 heures, ni dans celle des entreprises qui ont massivement conclu des accords à leur niveau.
Depuis quelques mois, des discussions ont été ouvertes sur huit thèmes importants. Le MEDEF les aborde avec les positions qui sont les siennes. Elles sont, pour nous, sans surprise. Les organisations syndicales font de leur côté valoir les leurs, parfois séparément, parfois toutes ensemble, ce qui est une démarche assez nouvelle et intéressante. Une première négociation est en train d'aboutir dans des conditions et avec des résultats que nous devrons examiner.
En tant que Premier Ministre, je n'ai pas pris parti publiquement à ce stade sur les propositions en discussion, au-delà du rappel des principes auxquels nous sommes attachés. Aucun des partenaires ne me l'a d'ailleurs demandé. Mais il doit être clair pour tout le monde que le Gouvernement est, et restera, le garant de l'intérêt général et d'une volonté de progrès social. Quoi qu'il arrive, nous préserverons le socle des droits fondamentaux des salariés -et des chômeurs-, mais aussi le respect d'exigences de justice, d'équité, de cohésion sociale ou territoriale.
C'est dans ce cadre que doivent s'articuler la responsabilité - incontestable - des partenaires sociaux qui négocient des accords et la légitimité - non moins discutable - de l'action politique conduite par les autorités émanant du suffrage universel.
III - NOUS CONDUISONS CES REFORMES DANS UN DISPOSIF POLITIQUE QUI RESTE FORT ET COHERENT
Unie sur l'essentiel, notre majorité travaille bien. Après 3 ans, je reste fier de travailler dans cette configuration politique, celle d'un rassemblement renouvelé des forces de gauche. Elle a toujours montré sa capacité à surmonter ses désaccords - quand il y en avait - sans tapage, avec responsabilité. Son pluralisme n'est pas nié, mais je ne l'ai jamais perçu comme une faiblesse, au contraire. Les français savent qu'il n'a, pour l'essentiel, jamais constitué une entrave à l'action et à la décision. Sans doute même beaucoup d'entre eux se retrouvent-ils dans sa diversité.
Cette cohérence maintenue, on la doit :
- à notre accord sur l'essentiel : je sais bien que nous partageons ensemble des valeurs de justice, de liberté, de modernisation, un vrai désir de transformation sociale, le souci d'inscrire notre action et notre stratégie dans la durée. Que le sens même de cette action - la modernisation, la transformation - demeure fondamentalement, même avec des nuances, notre socle commun de militants de la gauche. Chaque composante de la majorité s'inscrit, me semble-t-il, dans cette dynamique, tout en recherchant à sa façon, les voies de sa mutation.
- cette cohérence, on la doit aussi aux méthodes de travail que nous avons progressivement rodées et améliorées ensemble. J'y veille au sein du gouvernement (délibération collective, respect de chaque sensibilité). Au Parlement, D. Vaillant, les ministres, mes collaborateurs s'y emploient quotidiennement avec un souci premier : continuer à élaborer une culture de la majorité plurielle avec tous nos partenaires. Le respect, l'écoute, le rassemblement, je reste guidé par ce triptyque !
Je sais que des améliorations restent à apporter, pour que chacun puisse être davantage investi de responsabilités, pour que dans le débat parlementaire, chaque partenaire puisse par ses amendements faire valoir sa place, apporter au débat une contribution reconnue. Sans doute n'avons-nous pas encore atteint l'exemplarité, mais nous avons progressé et continuerons en ce sens.
- cette cohérence, on la doit aussi au sens de la responsabilité partagée par les composantes de la majorité. Sur tous les sujets, si les objectifs restent communs, les approches peuvent parfois diverger. Il faut en discuter puis se rassembler. Nous l'avons toujours fait ensemble, et je vous en remercie. Car c'est le gage de la cohérence, de l'efficacité et de la capacité de convaincre en politique.
Parce qu'elle est profondément réformatrice, notre politique a besoin de stabilité et de durée. Nous disposons de l'une et de l'autre. C'est aussi, sans doute, l'un des éléments constitutifs de la confiance que les français nous accordent, face à la droite.
Cher(e)s camarades, je souhaite avant de conclure, évoquer une question qui est en plein dans l'actualité ; je veux naturellement parler de la réforme du quinquennat.
Pour la gauche, l'exigence que le peuple puisse s'exprimer par le vote, plus souvent, à l'occasion de mandats courts est ancienne et naturelle.
Je suis favorable au quinquennat pour des raisons qui tiennent à ma conception du rythme de la vie démocratique. C'est la seule considération qui m'anime, c'est à cette seule exigence que le projet de loi répondra. J'avais choisi de ne pas m'exprimer sur ce sujet pendant ces 3 années. Mais puisque le débat a été relancé, je ne pouvais que rappeler ma conviction.
C'est pourquoi il me semble que le débat ouvert, à travers cette réforme, ne doit pas être élargi d'une façon telle qu'elle interdise de déboucher positivement sur la question simple qui est posée : le raccourcissement du mandat. Je suis favorable à la transparence du débat. Je respecte les points de vue des partenaires de la majorité plurielle. Si, un jour, un débat plus large sur les institutions de la Vème République devait être engagé, j'aurais, comme citoyen, comme acteur de la vie politique et comme Premier ministre tenant à une certaine pratique, un avis sur nos institutions et leur fonctionnement. Mais aujourd'hui, je ne me projette dans aucun des schémas évoqués par les commentateurs. Je constate d'ailleurs que les conséquences que tel ou tel essaie de tirer du passage au quinquennat sont parfois contraires.
J'ai lu les inquiétudes exprimées ici ou là. J'ai bien entendu les préoccupations telles que Jacques Brunhes notamment les a exprimées sur le rôle du Parlement. Mon approche est claire : je suis favorable au quinquennat, je considère qu'une forme de démocratie parlementaire reste inachevée. Il n'y a pas de contradiction entre ces deux convictions.
Mais aujourd'hui, si nous sommes favorables au quinquennat, soyons le simplement, sans crainte ni réticence.
Cher(e)s camarades, je conclus. Dans deux ans, je souhaite que nous présentions aux français, dans un climat de confiance maintenue, le bilan d'une législature positive pour la France et dont la gauche puisse être fière. C'est mon objectif et mon horizon politique. Il dépendra alors de nous de donner aux français, avec un nouveau projet, l'envie de renouveler la confiance qu'ils nous ont accordée en juin 1997. La droite, divisée, principalement absorbée par ses disputes, ses règlements de compte et sa peur de perdre, n'a pas de vraies propositions à faire au pays. Elle reste pourtant forte, sociologiquement. Ne la sous-estimons pas.
Sachons valoriser ce que nous sommes, ce que nous construisons, en restant fidèles à nous-mêmes et toujours attentifs aux attentes des français. Aujourd'hui, je suis simplement heureux, non de fêter, mais en tout cas de vivre avec vous notre troisième anniversaire. Je vous rappelle que le 28 juin, nous nous retrouvons tous convivialement à Matignon, pour le plaisir et l'amitié!
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 8 juin 2000)
Je suis heureux de vous retrouver avec Daniel VAILLANT dans votre formation habituelle, celle de la réunion de votre groupe. Je vous vois à l'assemblée - et aussi au Sénat - je sens votre soutien - questions d'actualité - mais nos occasions d'échange direct sont plus rares. Je remercie Robert HUE et Alain BOCQUET d'avoir pris l'initiative de cette rencontre.
Vous le savez, je suis attentif à ce que vous êtes, à ce que vous incarnez collectivement, le groupe communiste, mais aussi les ministres qui travaillent à mes côtés, Jean-Claude GAYSSOT, Marie-Georges BUFFET, Michelle DEMESSINE et, depuis peu, Michel DUFFOUR. Notre façon de vivre ensemble dans la majorité plurielle reste pour moi la clé de voûte de notre construction politique. Je considère que nous avons construit ensemble ces 3 années de gouvernement. Si nous l'avons fait avec une certaine réussite, c'est d'abord parce que nous avons su, dans le respect de chacun, valoriser ce qui nous réunit, c'est-à-dire l'essentiel.
Je souhaite concentrer mon propos introductif sur quelques questions :
I - Nous abordons cette étape de la législature dans un contexte économique et social en pleine mutation
II - Quelles doivent être dans ce contexte nos priorités
III - La majorité plurielle
I - NOUS ABORDONS CETTE ETAPE DE LA LEGISLATURE DANS UN CONTEXTE ECONOMIQUE ET SOCIAL EN PLEINE MUTATION
1 Nous avons en trois années transformé le contexte économique et social
La croissance est forte, la demande des ménages et les investissements des entreprises dynamiques, les créations d'emplois massives, dans des proportions que nous n'avons jamais connues depuis le premier choc pétrolier et même au cours des " trente glorieuses ". J'ai dit que la baisse du chômage est la plus belle réforme sociale du Gouvernement depuis 1997. Elle bénéficie en effet à tous les français, en particulier à ceux qui en ont le plus besoin : les femmes, les jeunes, les chômeurs de longue durée, les travailleurs précaires. Jamais nous n'aurions affirmé qu'en 3 ans nous ferions baisser le chômage de près de 800.000 personnes !
Peut-être certains s'habituent-ils aux bons chiffres du chômage. Ne les banalisons pas. N'oublions jamais que derrière chaque chiffre du chômage en baisse, il y a une réalité humaine, celle d'un travail retrouvé, d'une vie reconstruite, d'une perspective enfin ouverte.
Nous constatons d'ailleurs que beaucoup souhaitent aujourd'hui prendre leur part de ces bons résultats, voire les revendiquer, y compris ceux qui nous promettaient à l'échec au départ, qui combattent nos choix économiques et sociaux ! Les gouvernements - surtout lorsqu'ils sont de gauche - seraient ainsi seuls responsables des montées de chômage et les entreprises seules responsables des créations d'emplois...C'est une singulière conception du rôle de chacun. Je ne suggère pas que nous y entrions
2 - Cette situation est le résultat certes d'une conjoncture mais tout autant d'une politique, que nous avons conduite autour de nos choix, de nos valeurs, dans le respect du contrat passé en juin 1997 avec les français. Nous avons renoué avec le volontarisme politique, autour d'une priorité : la lutte contre le chômage.
2 - 1 Nous avons par notre politique favorisé la croissance, et rien dans le retour de celle-ci n'a été mécanique. A conjoncture égale, la France fait mieux que ses partenaires, alors qu'hier elle faisait moins bien. Ce n'était pas acquis. A partir d'un diagnostic, d'une analyse économique qui fondaient notre programme, nous avons voulu agir à la fois sur la demande - la France souffrait d'un déficit de demande considérable - mais aussi en nous appuyant sur la négociation sociale. Contrairement à d'autres pays européens, en France, la négociation sociale ne s'était jamais saisie du problème de l'emploi. La négociation sur le temps de travail a profondément modifié cette caractéristique. Depuis 2 ans, le pouvoir d'achat de la masse salariale progresse de 3% par an en moyenne : la moitié (1,5%) provient des hausses de salaires individuels, l'autre moitié de la création d'emplois. C'est un changement majeur par rapport au passé ou la logique libérale prétendait modifier le contenu en emploi de la croissance par la rigueur salariale ou par le seul allégement du coût du travail.
2 - 2 Nous avons développé les mécanismes destinés à saisir les situations des plus fragiles
. Nous avons, avec les emplois jeunes, cassé la spirale de l'échec, de la résignation, en partant des besoins et en mobilisant les acteurs autour d'un projet, dans des secteurs aujourd'hui prioritaires : la sécurité, notamment dans les transports, la santé, l'éducation, le sport, l'environnement. C'est la première loi que vous avez votée. Son rôle a été décisif dans le retour de la confiance, en resocialisant des jeunes, en créant de la demande par de nouveaux revenus du travail, en marquant par des symboles forts notre volontarisme pour l'emploi.
. Nous avons déployé des ressources nouvelles, en direction des plus fragiles, avec une revalorisation des minimas sociaux, l'annulation des dettes fiscales au profit des chômeurs et des ménages surendettés (470 MF), la possibilité de cumuler partiellement un emploi et un revenu social pendant un an.
. Nous avons ouvert des droits nouveaux pour tous : la loi contre les exclusions, la couverture maladie universelle, qui permet déjà à 3.000.000 de personnes d'accéder gratuitement aux soins, le projet de loi SRU dans son volet logement social.
2 - 3 Nous renforçons le service public, avec le souci de le moderniser,
C'est parfois un sujet de débat au sein de la gauche, mais c'est surtout un sujet de très forte divergence avec la droite.
Le débat que nous avons eu au moment de la transposition de la directive européenne relative à l'électricité est, je le crois, révélateur de notre approche. Cette directive nous obligeait à ouvrir ce secteur à la concurrence. Mais nos entreprises, fussent-elles publiques, ne peuvent plus vivre dans la seule réalité hexagonale. Nous l'avons fait en veillant, avec vous, à prendre en compte une certaine spécificité française qui combine l'exigence économique avec l'exigence du service public c'est-à-dire le service de l'usager, de tous les usagers.
2 - 4 Nous modernisons nos institutions et notre droit, lorsque le conservatisme de la droite ne nous empêche pas de le faire plus pleinement : la parité, le Pacs, la réforme -inachevée- de la justice...
2 - 5 Nous définissons de nouveaux instruments de régulation, afin de créer les conditions d'un juste équilibre du marché.
J'ai déjà dit que si le capitalisme est une dynamique, une force, et le marché une technique, ils ne produisent, livrés à eux-mêmes, aucune direction, aucun projet, aucun sens.
Les spécificités, les caractéristiques de notre histoire, de nos formes d'organisation ne doivent pas être dissoutes ou niées dans une uniformisation que nous constaterions en la subissant.
S'adapter à la réalité oui, se résigner à un modèle capitaliste prétendument naturel : non. Le rôle de l'Etat et du législateur est donc de remédier aux plus graves inégalités entre acteurs économiques, de prévenir les abus qui peuvent en découler, de rendre plus équitables les rapports entre producteurs et distributeurs. C'est l'ambition du projet de loi sur les nouvelles régulations économiques que l'Assemblée nationale a approuvée en première lecture.
2 - 6 Nous développons une politique industrielle centrée sur nos objectifs : l'emploi, la croissance, la puissance économique et industrielle de nos entreprises, la place de la France.
Ces objectifs, lorsqu'ils ne peuvent être pris en compte par le marché, justifient parfois l'appropriation publique dans un certain nombre de secteurs touchant soit à la sécurité nationale, soit au service public. Mais la défense de l'intérêt national -notamment dans des industries de pointe ou stratégiques- et la lutte pour l'emploi peuvent nécessiter des alliances industrielles avec des entreprises privées françaises ou étrangères, en particulier européennes. Ces alliances sont justifiées aux plans politique, économique et social. Ce qui doit compter, pour nous, en l'occurrence, ce sont les fins de la politique industrielle que nous conduisons. Je les crois comprises par nos concitoyens parce qu'elles sont cohérentes et avant tout dictées par l'intérêt général.
Chers camarades, ce bilan d'étape est le nôtre. Nous devons le valoriser dans ce qu'il a de bon, mais aussi l'évaluer par rapport à nos objectifs communs, ceux de la législature. Et pour la première fois dans notre histoire commune - et il est intéressant d'en prendre conscience - cet exercice ne nous conduit pas à infléchir, renoncer, annoncer une " pause ", un " tournant de la rigueur ", voire une " parenthèse ". Nous pouvons continuer sur notre trajectoire. Nous avons construit la durée, créé une nouvelle donne. Celle-ci nécessite tout à la fois la continuité mais aussi l'adaptation...
II - QUELLES DOIVENT ETRE DANS CE CONTEXTE NOS PRIORITES Si ce bilan est incontestablement positif , nous devons rester lucides sur tous les besoins qui restent encore insatisfaits. Les bons chiffres de l'emploi n'occultent pas la situation de ceux, encore nombreux, fragilisés par l'absence de formation, un chômage prolongé , un emploi précaire, ou qui vivent dans un environnement gâché. La lutte contre le chômage et pour l'emploi va rester notre première priorité. C'est pourquoi notre politique vise à la réintégration de tous au cur de la société. Elle doit saisir toutes les situations. Elle doit aussi s'adapter à la nouvelle donne économique et sociale que j'ai rappelée.
J'évoquerai quelques-uns des rendez-vous que nous nous sommes fixés, en rappelant plusieurs de nos priorités.
1 - Notre première priorité reste l'emploi en particulier celui des jeunes
Je sais que c'est une préoccupation centrale pour vous. J'ai vu la campagne que vous avez lancée récemment pour que " chaque emploi-jeune accède à l'emploi stable ".
C'est aussi la préoccupation du Gouvernement. Nous sommes à mi-parcours des premiers contrats signés, et nous devons mettre ce délai à profit pour préparer les conditions de pérennisation du plus grand nombre possible de ces emplois, et la professionnalisation des jeunes eux-mêmes. Cela a d'ailleurs été l'un des thèmes de travail de notre toute dernière réunion de ministres.
Notre approche devra être différenciée : tous les services et tous les types d'employeurs n'offrent pas les mêmes perspectives de " solvabilisation " des emplois. Il nous faudra par conséquent concevoir des montages variés de financement, sans exclure a priori tel ou tel acteur, y compris l'Etat dans certains cas où son intervention sera à l'évidence incontournable.
De même, la pérennisation des nouveaux emplois et le devenir professionnel du jeune au terme des 5 ans -ou même avant ce terme pour ceux qui le veulent- sont deux questions distinctes. Il faudra les traiter toutes deux avec l'objectif -que nous partageons- que les jeunes engagés dans ce programme puissent accéder à un emploi stable, que ce soit sur leur emploi-jeune pérennisé parce que solvabilisé, en accédant à la fonction publique en réussissant des concours, ou encore en accédant à un autre type d'emploi dans une phase où les créations d'emplois progressent.
La formation de ces jeunes doit être une priorité. Les moyens budgétaires ont été dégagés : 700 millions de francs sont prévus à cet effet, et même 2 milliards de francs si l'on ajoute les crédits des conseils régionaux et des fonds paritaires. Au total, 21 milliards de francs sont consacrés en 2000 aux emplois-jeunes, chiffre qui progressera encore en 2001.
2 - Nous allons continuer à ouvrir de nouveaux droits
Trois projets de loi significatifs vous seront proposés en ce sens
La loi de modernisation sociale. Le projet est aujourd'hui connu. Et comme l'a dit récemment Maxime GREMETZ, il " s'inspire ", dans ses dispositions concernant le licenciement et la précarité, de certaines propositions du groupe communiste...
En matière de lutte contre les licenciements économiques, le projet du Gouvernement propose des avancées significatives, aussi bien en matière de prévention et de gestion prévisionnelle de l'emploi qu'en matière de recherche des alternatives aux licenciements, avec l'amendement dit " Michelin ", ou encore en matière de droit d'information et de consultation des représentants du personnel. Ces mesures sont nécessaires, pour mettre fin à des comportements qui ont à juste titre choqué les travailleurs concernés et l'opinion.
En outre, la proposition de loi dite " Robert HUE " sur le contrôle des aides publiques aux entreprises, en cours d'adoption, nous donnera également de nouveaux outils pour lutter contre les pratiques condamnables de certaines entreprises.
Ces mesures viendront renforcer un dispositif législatif et une jurisprudence déjà très consistants dans notre pays, avec le souci d'être efficace et réaliste, dans un contexte - je voudrais le rappeler - où les licenciements économiques ont fortement régressé depuis 3 ans. Sur les 4 premiers mois de l'année 1997, juste avant notre arrivée au Gouvernement, il y avait eu en France 147 000 licenciements économiques. Il y en a eu 87 000 cette année, c'est-à-dire 40 % de moins.
Autre sujet important : la précarité de l'emploi. Le projet de loi comporte plusieurs dispositions apportant des garanties nouvelles aux salariés. Il ne comporte pas, par contre, à ce stade, de dispositif de pénalisation financière des entreprises qui recourent aux CDD et à l'intérim de façon excessive.
Vous le savez, le Gouvernement a, à plusieurs reprises, interpellé les partenaires sociaux pour qu'ils ouvrent des négociations sur ce thème. Celles-ci sont enfin engagées, avec l'objectif de conclure d'ici la fin de l'année. Nous verrons à ce moment-là ce qui aura été fait -ou pas fait- et nous en tiendrons compte, par exemple lors de l'examen du projet de loi de modernisation sociale.
Je le redis devant vous, comme je l'ai dit aux partenaires sociaux et en particulier au patronat : s'il ne résulte de ces négociations aucune mesure susceptible de mieux réguler le recours au travail précaire pour en réduire les abus, alors il appartiendra au Gouvernement et au Parlement de prendre leurs responsabilités. De même, j'ai maintes fois indiqué que les français auraient du mal à comprendre que la meilleure santé financière de l'UNEDIC ne serve pas à améliorer l'indemnisation du chômage des précaires.
La réforme de l'épargne salariale préparée par le ministre de l'Economie et des Finances, Laurent Fabius, est actuellement soumise pour concertation aux organisations syndicales et professionnelles ainsi qu'aux responsables politiques. L'enjeu est d'importance. Il s'agit d'abord de rendre une telle épargne accessible au plus grand nombre des salariés, pour qu'ils bénéficient plus largement des performances de l'entreprise. Cette réforme leur donnera d'autre part des droits nouveaux, en leur permettant de faire valoir, dans la gestion de l'entreprise, leurs préoccupations. Je suis convaincu que nous pouvons sur cette question conduire ensemble une réforme de gauche, conforme à nos principes, utile aux salariés et à l'économie. La concertation sera menée avec vous avec ce souci.
Enfin, la réforme de la prise en charge de la dépendance des personnes âgées constituera l'une des grandes avancées sociales de cette deuxième partie de la législature. Vous en connaissez les orientations. Le Gouvernement veillera en particulier à ce que soit prise en compte la situation des départements les plus concernés, je sais que c'est une de vos préoccupations.
3 - Troisième priorité : le renforcement et la modernisation du service public, parce qu'ils sont au coeur de tout notre combat pour l'égalité des chances. Garantir à chacun les mêmes droits, les mêmes chances, assurer à chacun sa place, pleine et entière dans la République, cette démarche est constitutive de notre identité. Le retour de la croissance ne garantira jamais mécaniquement la résorption des discriminations, des injustices, des retards qui limitent le plein exercice de la citoyenneté. Le Gouvernement est totalement mobilisé sur cet objectif qui est présent dans les politiques de la quasi totalité des ministères. Je connais les insuffisances de certains dispositifs - et vous nous aidez souvent à les identifier- je mesure les obstacles, les préjugés, ils sont encore nombreux. Depuis 3 ans, nous abordons ces questions avec détermination. Elles appellent une politique globale et solidaire, avec les élus, les associations, les syndicats; Elles exigent le dialogue, la concertation; Elles nécessitent des moyens adaptés. Le collectif budgétaire que vous venez de voter a renforcé ceux de l'hôpital et l'école. Dans la prochaine loi de finances, le renforcement du service public sera privilégié à travers les priorités budgétaires, en particulier : l'éducation nationale, la justice, la sécurité qui est - je le rappelle - une préoccupation très forte chez nos compatriotes.
Parce que nous sommes les seuls à défendre véritablement le service public, nous devons être aussi ceux qui sont capables de le réformer, de le moderniser dans une vision du progrès qui combine l'évolution des besoins, la résorption des déséquilibres, l'égalité d'accès, l'adaptation aux nouvelles technologies.
La discussion sur les 35 heures dans la fonction publique devra être conduite avec ce souci.
4 - Quatrième priorité : Nous devons, au-delà des rendez-vous électoraux, préparer dés aujourd'hui des échéances capitales pour les français, je pense en particulier à l'évolution de notre système de retraite.
Nous avançons, animés par deux convictions : le système par répartition est un choix de société dont nous ne dévierons pas, la diversité et l'identité des régimes doivent être respectés. Des discussions et négociations seront ouvertes dans chaque régime. Je viens de mettre en place le conseil d'orientation des retraites, les parlementaires y sont représentés. Il va de soi que la Représentation nationale sera amenée à débattre des évolutions retenues. Celles-ci seront conduites, dans la transparence, la négociation et la durée.
Au delà de ces rendez-vous immédiats - j'en ai rappelé les principaux - nous devons être conscients, qu'aujourd'hui, la réussite de notre politique économique, ses résultats, posent de nouvelles questions que nous devons traiter.
- Dans le domaine de l'insertion, le problème du passage du RMI à l'activité ne se posait pas avec la même exigence lorsque la création d'emplois était faible. Il deviendra crucial lorsque nous atteindrons le noyau dur du chômage. Ce n'est évidemment pas le RMI qui a créé le chômage, c'est le chômage de masse qui nous a obligé à créer le RMI. Mais dans une économie qui recrée massivement des emplois, tout doit être fait pour supprimer les mécanismes qui sont de nature à dissuader les personnes titulaires d'allocations de reprendre un emploi salarié.
- Dans une économie qui crée entre 400 et 500 000 emplois par ans où il faudra faire face à des pénuries sectorielles de travailleurs, la question de la formation est cruciale et doit devenir, pour chacun, un droit.
Le projet de loi de modernisation sociale permettra de franchir une première étape sur l'apprentissage et la validation des acquis de l'expérience professionnelle. Dans un pays comme le nôtre, si attaché à la reconnaissance sociale qu'accordent les diplômes, cette réforme préparée par Martine Aubry et Nicole Péry est une petite révolution. Désormais toute personne engagée dans la vie active sera en droit de faire reconnaître son expérience en vue de l'obtention d'un diplôme ou d'un titre à finalité professionnelle. Après la formation initiale, l'apprentissage et la formation continue, c'est une " quatrième voie " d'acquisition des diplômes que nous mettons en place.
- De même, une politique favorisant l'innovation et la création d'entreprises était moins urgente quand la demande adressée aux entreprises était faible. Elle le devient pour maintenir une croissance forte lorsque le déficit de demande est résorbé. Des mesures importantes viennent d'être annoncées pour rendre moins compliquée, moins coûteuse, la création d'entreprises. Le goût du risque ne doit pas être contrarié ou pénalisé. Toutes les procédures administratives dissuasives vont être identifiées et aménagées avec ce souci.
- Il en est de même des prélèvements obligatoires. La baisse des prélèvements obligatoires pour favoriser l'initiative est devenue dans ce nouveau contexte un facteur important de croissance. J'ai lu attentivement les interventions du groupe communiste et notamment d'Alain Bocquet dans le débat d'orientation budgétaire. Je le cite: " la question n'est pas moins d'impôts, mais mieux d'impôts" .Peut on faire l'un et l'autre? Sans doute peut il y avoir débat sur tel ou tel choix mais je crois que nous sommes d'accord sur l'essentiel : la baisse d'impôt, qui n'est pas pour moi l'alpha et l'oméga de la pensée socialiste - pas plus d'ailleurs que la hausse des impôts - ne vaut que si nous savons la mettre au service d'un projet cohérent : la justice sociale, l'efficacité économique. La baisse des impôts a été engagée en ce sens, elle est massivement souhaitée par les français, elle doit donc être poursuivie.
- Je veux enfin évoquer le débat engagé pour relancer le dialogue social.
L'attitude de refus du patronat officiel a bloqué, dans notre pays, toute négociation sociale interprofessionnelle jusqu'au début de cette année. Cette attitude de refus ne se retrouvait d'ailleurs pas, heureusement, dans les branches professionnelles, qui ont dans leur grande majorité négocié des accords 35 heures, ni dans celle des entreprises qui ont massivement conclu des accords à leur niveau.
Depuis quelques mois, des discussions ont été ouvertes sur huit thèmes importants. Le MEDEF les aborde avec les positions qui sont les siennes. Elles sont, pour nous, sans surprise. Les organisations syndicales font de leur côté valoir les leurs, parfois séparément, parfois toutes ensemble, ce qui est une démarche assez nouvelle et intéressante. Une première négociation est en train d'aboutir dans des conditions et avec des résultats que nous devrons examiner.
En tant que Premier Ministre, je n'ai pas pris parti publiquement à ce stade sur les propositions en discussion, au-delà du rappel des principes auxquels nous sommes attachés. Aucun des partenaires ne me l'a d'ailleurs demandé. Mais il doit être clair pour tout le monde que le Gouvernement est, et restera, le garant de l'intérêt général et d'une volonté de progrès social. Quoi qu'il arrive, nous préserverons le socle des droits fondamentaux des salariés -et des chômeurs-, mais aussi le respect d'exigences de justice, d'équité, de cohésion sociale ou territoriale.
C'est dans ce cadre que doivent s'articuler la responsabilité - incontestable - des partenaires sociaux qui négocient des accords et la légitimité - non moins discutable - de l'action politique conduite par les autorités émanant du suffrage universel.
III - NOUS CONDUISONS CES REFORMES DANS UN DISPOSIF POLITIQUE QUI RESTE FORT ET COHERENT
Unie sur l'essentiel, notre majorité travaille bien. Après 3 ans, je reste fier de travailler dans cette configuration politique, celle d'un rassemblement renouvelé des forces de gauche. Elle a toujours montré sa capacité à surmonter ses désaccords - quand il y en avait - sans tapage, avec responsabilité. Son pluralisme n'est pas nié, mais je ne l'ai jamais perçu comme une faiblesse, au contraire. Les français savent qu'il n'a, pour l'essentiel, jamais constitué une entrave à l'action et à la décision. Sans doute même beaucoup d'entre eux se retrouvent-ils dans sa diversité.
Cette cohérence maintenue, on la doit :
- à notre accord sur l'essentiel : je sais bien que nous partageons ensemble des valeurs de justice, de liberté, de modernisation, un vrai désir de transformation sociale, le souci d'inscrire notre action et notre stratégie dans la durée. Que le sens même de cette action - la modernisation, la transformation - demeure fondamentalement, même avec des nuances, notre socle commun de militants de la gauche. Chaque composante de la majorité s'inscrit, me semble-t-il, dans cette dynamique, tout en recherchant à sa façon, les voies de sa mutation.
- cette cohérence, on la doit aussi aux méthodes de travail que nous avons progressivement rodées et améliorées ensemble. J'y veille au sein du gouvernement (délibération collective, respect de chaque sensibilité). Au Parlement, D. Vaillant, les ministres, mes collaborateurs s'y emploient quotidiennement avec un souci premier : continuer à élaborer une culture de la majorité plurielle avec tous nos partenaires. Le respect, l'écoute, le rassemblement, je reste guidé par ce triptyque !
Je sais que des améliorations restent à apporter, pour que chacun puisse être davantage investi de responsabilités, pour que dans le débat parlementaire, chaque partenaire puisse par ses amendements faire valoir sa place, apporter au débat une contribution reconnue. Sans doute n'avons-nous pas encore atteint l'exemplarité, mais nous avons progressé et continuerons en ce sens.
- cette cohérence, on la doit aussi au sens de la responsabilité partagée par les composantes de la majorité. Sur tous les sujets, si les objectifs restent communs, les approches peuvent parfois diverger. Il faut en discuter puis se rassembler. Nous l'avons toujours fait ensemble, et je vous en remercie. Car c'est le gage de la cohérence, de l'efficacité et de la capacité de convaincre en politique.
Parce qu'elle est profondément réformatrice, notre politique a besoin de stabilité et de durée. Nous disposons de l'une et de l'autre. C'est aussi, sans doute, l'un des éléments constitutifs de la confiance que les français nous accordent, face à la droite.
Cher(e)s camarades, je souhaite avant de conclure, évoquer une question qui est en plein dans l'actualité ; je veux naturellement parler de la réforme du quinquennat.
Pour la gauche, l'exigence que le peuple puisse s'exprimer par le vote, plus souvent, à l'occasion de mandats courts est ancienne et naturelle.
Je suis favorable au quinquennat pour des raisons qui tiennent à ma conception du rythme de la vie démocratique. C'est la seule considération qui m'anime, c'est à cette seule exigence que le projet de loi répondra. J'avais choisi de ne pas m'exprimer sur ce sujet pendant ces 3 années. Mais puisque le débat a été relancé, je ne pouvais que rappeler ma conviction.
C'est pourquoi il me semble que le débat ouvert, à travers cette réforme, ne doit pas être élargi d'une façon telle qu'elle interdise de déboucher positivement sur la question simple qui est posée : le raccourcissement du mandat. Je suis favorable à la transparence du débat. Je respecte les points de vue des partenaires de la majorité plurielle. Si, un jour, un débat plus large sur les institutions de la Vème République devait être engagé, j'aurais, comme citoyen, comme acteur de la vie politique et comme Premier ministre tenant à une certaine pratique, un avis sur nos institutions et leur fonctionnement. Mais aujourd'hui, je ne me projette dans aucun des schémas évoqués par les commentateurs. Je constate d'ailleurs que les conséquences que tel ou tel essaie de tirer du passage au quinquennat sont parfois contraires.
J'ai lu les inquiétudes exprimées ici ou là. J'ai bien entendu les préoccupations telles que Jacques Brunhes notamment les a exprimées sur le rôle du Parlement. Mon approche est claire : je suis favorable au quinquennat, je considère qu'une forme de démocratie parlementaire reste inachevée. Il n'y a pas de contradiction entre ces deux convictions.
Mais aujourd'hui, si nous sommes favorables au quinquennat, soyons le simplement, sans crainte ni réticence.
Cher(e)s camarades, je conclus. Dans deux ans, je souhaite que nous présentions aux français, dans un climat de confiance maintenue, le bilan d'une législature positive pour la France et dont la gauche puisse être fière. C'est mon objectif et mon horizon politique. Il dépendra alors de nous de donner aux français, avec un nouveau projet, l'envie de renouveler la confiance qu'ils nous ont accordée en juin 1997. La droite, divisée, principalement absorbée par ses disputes, ses règlements de compte et sa peur de perdre, n'a pas de vraies propositions à faire au pays. Elle reste pourtant forte, sociologiquement. Ne la sous-estimons pas.
Sachons valoriser ce que nous sommes, ce que nous construisons, en restant fidèles à nous-mêmes et toujours attentifs aux attentes des français. Aujourd'hui, je suis simplement heureux, non de fêter, mais en tout cas de vivre avec vous notre troisième anniversaire. Je vous rappelle que le 28 juin, nous nous retrouvons tous convivialement à Matignon, pour le plaisir et l'amitié!
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 8 juin 2000)