Déclaration de M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie, sur l'adaptation de la réglementation des télécommunications et du droit sur internet, Paris le 30 novembre 1999.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Ouverture de la "Semaine des Télécoms" le 30 novembre 1999, à Paris

Texte intégral

Monsieur le Président de l'ART,
Monsieur le Président du SIRCOM
Mesdames, Messieurs,
Je ne résisterai pas, en cette fin d'année 1999, à la tentation de faire le bilan des quelques années qui viennent de s'écouler et qui ont été fertiles en événement pour le secteur des télécommunications. En effet, il me semble utile d'une part de rappeler les objectifs poursuivis par les pouvoirs publics ainsi que les grands principes qui ont guidé leur action au cours de ces dernières années et d'autre part d'évoquer les chantiers encore ouverts.
Le passage d'un monopole public à une concurrence ouverte
Quel est le panorama actuel du secteur des télécommunications ?
Peu de secteurs ont connu aussi rapidement un tel bouleversement, qu'il soit technologique, économique, réglementaire ou dans les modes même de consommation. Le paysage du secteur des télécommunications a ainsi connu plus de changements en Europe, et notamment en France, pendant ces dix dernières années que pendant le siècle qui les a précédées.
L'ouverture à la concurrence est effective dans la plus grande partie de l'Union Européenne depuis le 1er janvier 1998. En France, la loi de réglementation des télécommunications du 26 juillet 1996, qui organise l'ouverture de tout le secteur des télécommunications à la concurrence, fixe les objectifs des pouvoirs publics. Après deux ans de mise en application, je peux affirmer que les objectifs sont atteints et la France est parmi ceux qui ont le mieux négocié le virage de la libéralisation. Elle est l'un des pays européens les plus ouverts à la concurrence dans les télécommunications et elle a su dans le même temps conserver une industrie nationale des télécommunications puissante tout en agissant dans l'intérêt du consommateur.
Quels sont les principes essentiels inscrits dans la loi de 1996 ?
L'exercice au bénéfice des utilisateurs d'une concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseaux et les fournisseurs de services de télécommunications : je voudrais rappeler ici que, pour permettre l'émergence d'une concurrence durable et solide, il faut favoriser l'investissement dans les infrastructures de télécommunications. Cette politique porte ses fruits puisqu'en 1998, les nouveaux opérateurs fixes ont investi plus de 4 milliards de francs et davantage cette année. Quant aux opérateurs mobiles, ils ont poursuivi la couverture du territoire en investissant plus de 17 milliards de francs en 1998.
La concurrence se développe à un rythme soutenu. Depuis le 1er janvier 1998, plus de soixante-dix opérateurs ont obtenu une licence et les utilisateurs ont accès à de nombreux services innovants à des prix toujours plus compétitifs.
Le développement de l'emploi dans le secteur des télécommunications : en 1998, les nouveaux opérateurs fixes ont embauché plus de 3000 personnes, alors que France Télécom recrutait 3000 nouveaux collaborateurs.
Ces dix années ont donc permis au secteur des télécommunications de basculer dans une nouvelle ère, celle de la société de l'information et les années à venir devraient être toujours aussi passionnantes. On observe d'ailleurs depuis quelque mois des restructurations importantes parmi les entreprises des télécommunications. Il ne se passe pas de semaine sans que ne soit annoncée une fusion ou une offre d'achat amicale ou hostile. Si France Télécom a su tirer profit de ces divers mouvements pour renforcer sa position de manière considérable en Europe, je fais également confiance aux autres entreprises françaises de télécommunications pour continuer leur développement durable dans ce secteur. Une interrogation cependant devant ces mouvements industriels*: si les entreprises d'outre atlantique sont largement présentes sur les marchés européens de télécommunications, l'inverse n'est pas encore réalisé. Cette situation doit évoluer .
Dans un monde des télécommunications en profonde mutation, de nombreux chantiers restent ouverts,
- ceux concernant la boucle locale et l'accès à l'abonné d'une part ;
- ceux concernant l'Internet et le développement de la société de l'information d'autre part. Pour y répondre des évolutions réglementaires seront nécessaires.
La boucle locale
Le développement de la concurrence sur la boucle locale est essentielle au développement du secteur des télécommunications et des technologies de l'information. En effet, parce qu'elle constitue un point de passage obligé pour l'accès à l'abonné, elle conditionne en partie l'étendue des services et l'innovation que sont capables d'offrir les opérateurs . Nous a toujours considéré que l'établissement d'une concurrence saine et durable passait avant tout par des investissements dans des infrastructures alternatives. Avec les réseaux câblés, la Boucle Locale Radio est l'un des moyens pour les opérateurs concurrents de France Télécom d'accéder directement à l'abonné tout en investissant dans leur propre réseau.
Les appels à candidatures pour des opérateurs de boucle locale radio large bande que je vient de lancer aujourd'hui sur proposition de l'ART, me paraissent donc être un instrument majeur pour répondre à cet enjeu. Les technologies de Boucle Locale Radio sont aujourd'hui matures et permettront le déploiement rapide d'un réseau haut débit couvrant une large partie de la population. Cette technologie permettra également l'apparition d'acteurs locaux qui seront à même d'offrir du contenu et des services au plus près du client. Je ne doute pas que cet appel à candidature rencontrera un vif intérêt de la part des entreprises du secteur et que les pouvoirs publics auront à examiner de nombreux dossiers de qualité.
Mais nous devons aller plus loin. Le dégroupage de la boucle locale de l'opérateur historique est indispensable pour assurer la concurrence sur les services à base de technologies ADSL. Le gouvernement souhaite donc que les opérateurs entrants qui souhaitent investir puissent à leur tour offrir rapidement des services hauts débits à leurs clients.
Les évolutions réglementaires à venir
La réglementation doit s'adapter rapidement pour tenir compte des évolutions du secteur des télécommunications. Il est également de notre responsabilité de créer un environnement stable en donnant de la visibilité à nos entreprises et en assurant la sécurité juridique à tous les acteurs en cause.
Pour répondre à ces deux objectifs, l'Etat dispose de deux moyens.
D'une part, la réglementation des télécommunications. Le cadre réglementaire actuel a atteint son objectif initial d'ouverture du secteur à la concurrence. Il est cependant perfectible en raison des évolutions technologiques et des mouvements de convergences. La réglementation doit donc tenir compte des progrès de la concurrence, de la technologie, des évolutions de la société, tout en intégrant à terme une vision plus ambitieuse du service universel. Voilà en quelques mots résumé tout l'enjeu du réexamen réglementaire européen qui va se dérouler tout au long de l'année prochaine, et où la France doit être force de proposition et doit continuer de sensibiliser ses partenaires à ses valeurs. Le fait que la France préside l'Union Européenne au second semestre 2000 nous donne une responsabilité particulière sur ce dossier.
D'autre part, le cadre réglementaire des nouvelles technologies et des nouveaux services. L'absence d'un cadre juridique clair et stable sur Internet serait pénalisante pour tous ses acteurs et pourrait freiner son développement ainsi que celui de son volet économique, le commerce électronique. Il faut conforter l'efficacité de nos entreprises et plus généralement permettre aux utilisateurs du réseau d'agir en toute confiance.
Nous sommes engagés dans une réflexion sur l'adaptation de notre droit, afin de prendre en compte ces questions. Le Parlement sera saisi en l'an 2000 d'un projet de loi que Christian Sautter et moi-même préparerons, en liaison avec la ministre de la Justice et la ministre de la Culture et de la Communication. La représentation nationale pourra ainsi se prononcer sur l'ensemble des adaptations nécessaires de notre législation qu'appelle la société de l'information. Le projet de loi s'articulera autour de trois axes : la clarification des droits et des responsabilités de chacun, afin d'assurer la liberté des communications en ligne, la démocratisation de l'accès à la société de l'information et la sécurité et la loyauté des transactions électroniques. Un document d'orientation présentant les grands choix que le Gouvernement entend proposer au Parlement est actuellement soumis à consultation publique sous forme de tables-rondes et d'un forum électronique. Le Gouvernement présentera la synthèse de cette consultation.
Je pense que nous, l'ensemble des acteurs des technologies de l'information, sommes conscients de vivre actuellement la phase de naissance d'une nouvelle industrie issue à la fois des télécommunications, de l'informatique et sans doute aussi à terme de la communication audiovisuelle. Il n'est qu'à regarder l'intensité actuelle des mouvements de fusions et acquisitions dans le secteur des télécommunications, aussi bien opérateurs que constructeurs, pour comprendre que l'ensemble des acteurs essaie de se positionner, aujourd'hui, pour être présent, demain, sur le secteur majeur de l'économie des 20 prochaines années. Les débuts sont toujours les moments les plus difficiles et ceci constitue une lourde responsabilité pour les gouvernements qui doivent prendre un certain nombre de décisions, souvent lourdes de conséquences pour l'avenir. Sur ce plan, le Gouvernement conduira son action afin d 'assurer un développement harmonisé du secteur pour une meilleure croissance, plus d'innovations et d'emplois.
(source http://www.industrie.gouv.fr, le 6 décembre 1999)