Texte intégral
A. Hausser.- C'est le grand jour de la décentralisation, puisque le projet de loi passe en Conseil des ministres. C'est chez vous, au Sénat, qu'il va être examiné en premier lieu, la semaine prochaine. Ma question est la suivante : après avoir été une République centralisée depuis les ans 1000, la France va devenir une République décentralisée. Est-ce que tout cela ne va pas créer une certaine anarchie ?
- "Permettez-moi de vous dire que, ce matin, le président du Sénat est un homme heureux. Pourquoi ? Parce que depuis plus de trois ans, nous travaillons dans le cadre de la réunion d'états-généraux de tous les élus, région par région, à la préparation de ce que j'ai appelé le deuxième axe de la décentralisation. La décentralisation a déjà été réalisée un peu avant 1981. En 1981, il y a une impulsion très forte, sous le gouvernement de monsieur P. Mauroy, G. Defferre étant à l'Intérieur. Et puis, il y a un ralentissement dans l'application de cette décentralisation. C'est la raison pour laquelle, nous avions constaté - je vous rappelle l'expression à l'époque - que la décentralisation est au milieu du gué. Il faut lui donner une nouvelle impulsion. Pourquoi ? Parce que la première partie a montré que décentralisation, la gestion à proximité des intéressés, était bénéfique."
Elle concernait essentiellement les communes ?
- "Elle concernait les communes, les départements et les régions. On a confié aux régions le soin de construire et d'équiper les lycées, aux départements le soin de construire les collèges et de les équiper, à tel point que le ministre de l'Education nationale de l'époque - qui n'était autre que monsieur L. Jospin - déclarait, en ce qui concerne collèges et lycées, que les collectivités territoriales font plus et mieux. Donc, il faut continuer."
On va donc continuer. Il va y avoir une dotation pour les régions ? Qui va payer quoi, d'abord ?
- "Premièrement, il faut que l'on sache qui fait quoi, et comment on fait quoi."
Et ça commence où, puisqu'on parle d'expérimentation ?
- "En ce qui concerne les compétences, les régions ont une compétence dans le développement économique et culturel, les départements auront une compétence, qu'ils ont déjà en partie en ce qui concerne la solidarité, l'action sociale, l'aide à l'enfance, l'application de l'insertion dont le RMI, et les communes auront comme compétences les structures de proximité - amélioration de la voirie, amélioration de la propreté de la ville, amélioration de l'adduction d'eau, de l'assainissement, constructions de l'école primaire -, donc ça se précise. Et ensuite, il faut que dans la Constitution, c'est cela le point important et je suis heureux que monsieur le Premier ministre - cela ne m'a pas surpris, parce que je sais que c'est un grand décentralisateur - ait inscrit dans le projet de loi ce que nous avions souhaité, et que je considère comme un préalable, c'est-à-dire la garantie financière des collectivités territoriales."
Vous parlez de garanties financières. Effectivement, on parle de péréquation, c'est-à-dire qu'il ne faut pas défavoriser les régions, les départements les plus pauvres, mais en même temps, il y a une petite phrase qui inquiète quand même dans le projet de loi, qui dit que "la libre administration des collectivités territoriales est garantie par des ressources dont celles-ci peuvent disposer librement". Cela veut dire qu'elles pourront aussi, le cas échéant, augmenter considérablement les impôts locaux ou régionaux ?
- "A la différence de l'Etat qui est assez loin du contribuable, le département qui gérera mal, qui va beaucoup imposer pour ne pas réaliser la mise en place de structures et d'infrastructures nécessaires à ce que la population prenne cela comme un progrès, seront sévèrement sanctionnés par l'électeur qui est à proximité. C'est la gestion de proximité qui est efficace. C'est la gestion de proximité qui invite à la rigueur, au sérieux. Je suis moi-même président de Conseil général et je sais les réflexions que je peux entendre si, à la suite d'une réglementation d'imposition, je ne matérialise pas les raisons pour lesquelles j'ai augmenté."
Les électeurs sanctionnent aussi les dirigeants de l'Etat. Dans ce domaine, il n'y aura rien de changé ?
- "Je vais vous donner un exemple, pour vous montrer qu'il était nécessaire d'inscrire dans la Constitution, les fondements de la décentralisation, pour qu'il n'y ait des interprétations un peu laxistes de la loi. Dans la loi actuelle, il est précisé que tout transfert de compétences à une collectivité est accompagné d'un transfert de moyens financiers à due concurrence. Aucun gouvernement n'a respecté cette disposition. Quand on a fait un recours devant le Conseil constitutionnel, l'interprétation était laxiste et, par conséquent, nous n'avons pas eu gain de cause. Tout récemment encore, le Gouvernement a pris une disposition de caractère sociale, qu'on appelle l'Allocation personnalisée d'autonomie. Cette APA a été prise sans concertation avec les départements, et ce sont les départements qui en payent 70 % ; ce qui fait qu'aujourd'hui, on constate que le fait que nous ayons à payer cette action sociale, nous sommes dans l'obligation - 67 % des départements sont dans cette situation - d'augmenter très fortement notre imposition. Voilà un transfert de compétences qui n'est pas accompagné de moyens financiers à due concurrence."
La grande réforme de la décentralisation prévoit des référendums locaux. Est-ce qu'il y aura un référendum national pour sanctionner tout cela ?
- "Il appartient au président de la République d'en décider. Pour ma part, j'ai fait connaître ma position. Je pense que la décentralisation, tous les Français la souhaitent, les élus la maîtrisent bien, mais je considère qu'un référendum sur ce sujet risque de ne pas enthousiasmer les populations. Par conséquent, le référendum risque de nous conduire à une abstention trop forte, ce qui ne serait pas souhaitable."
C'est le cas de tous les référendums, cela a même été le cas pour le quinquennat !
- "Voilà, et Dieu sait si à l'époque, tout le monde disait : le quinquennat, toute la France le souhaite, il faut le faire, et cela ne l'a pas enthousiasmé. Je préfère que nous conservions à l'esprit le grand succès emporté par le président de la République qui nous fait obligation de bien gérer les intérêts de la France."
On dit que cette réforme de la décentralisation est une réforme pour "la France d'en bas". Ce n'est pas plutôt une réforme pour les notables ?
- "Non. Je le vois bien en tant président de Conseil général : il nous appartient à nous d'être particulièrement attentifs aux préoccupations des populations. Le fait d'introduire un dispositif permettant aux populations de s'exprimer et de modifier éventuellement l'ordre du jour d'une collectivité, peut être de nature à nous rendre encore plus vigilants en ce qui concerne les préoccupations de nos populations, et de pouvoir, dans la mesure du possible, répondre. Mais il y a un point important : il faut que dans le même temps, l'Etat lui aussi se réforme. Il ne faut pas qu'il conserve des structures qui sont des structures qui n'ont pas leur justification."
Tout pourra se faire en même temps ?
- "Il faut le faire en même temps. On aurait pu le faire en ce qui concerne l'action sociale, qu'on a déléguée aux départements sans toucher un seul agent de l'action sociale de l'Etat."
Vous parliez tout à l'heure de la victoire de J. Chirac, qui a été suivie par la création d'un parti unique de la droite...
- "Qui est l'union."
Il est en train de se monter. On cherche un nom à ce parti. Qu'est-ce qui a votre faveur ? Union populaire ou Union pour le mouvement populaire ?
- "L'UMP a ma faveur. C'est sur le label UMP que nos députés ont été élus. L'UMP est maintenant dans le vocabulaire courant. Conservons cette appellation. "Union pour la majorité présidentielle", "Union pour la majorité populaire" ? L'UMP entre dans nos moeurs politiques."
Plus besoin de référence à la France ?
- "L'Union pour la majorité présidentielle, c'est la France."
A quand l'UMP au Sénat ?
- "Je dois avouer que la construction de l'UMP au Sénat est un peu plus lente qu'à l'Assemblée nationale. Pourquoi ? Parce que les sénateurs n'ont pas été élus sous l'étiquette UMP, comme c'est le cas pour les députés. Etant élus sous la même étiquette, ils se retrouvent naturellement dans le même mouvement. Nous avons créé un intergroupe. L'intergroupe UMP permet aux sénateurs des différentes formations politiques - Républicains indépendants, Rassemblement démocratique social et européen, RPR, centristes - de se réunir, d'écouter les ministres, d'harmoniser entre eux leur démarche en séance publique, et puis, progressivement, nous allons vers la construction de cette UMP. C'est un peu plus lent, mais on y arrivera. Le pays le veut, le souhaite, il faut le faire."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 16 octobre 2002)
- "Permettez-moi de vous dire que, ce matin, le président du Sénat est un homme heureux. Pourquoi ? Parce que depuis plus de trois ans, nous travaillons dans le cadre de la réunion d'états-généraux de tous les élus, région par région, à la préparation de ce que j'ai appelé le deuxième axe de la décentralisation. La décentralisation a déjà été réalisée un peu avant 1981. En 1981, il y a une impulsion très forte, sous le gouvernement de monsieur P. Mauroy, G. Defferre étant à l'Intérieur. Et puis, il y a un ralentissement dans l'application de cette décentralisation. C'est la raison pour laquelle, nous avions constaté - je vous rappelle l'expression à l'époque - que la décentralisation est au milieu du gué. Il faut lui donner une nouvelle impulsion. Pourquoi ? Parce que la première partie a montré que décentralisation, la gestion à proximité des intéressés, était bénéfique."
Elle concernait essentiellement les communes ?
- "Elle concernait les communes, les départements et les régions. On a confié aux régions le soin de construire et d'équiper les lycées, aux départements le soin de construire les collèges et de les équiper, à tel point que le ministre de l'Education nationale de l'époque - qui n'était autre que monsieur L. Jospin - déclarait, en ce qui concerne collèges et lycées, que les collectivités territoriales font plus et mieux. Donc, il faut continuer."
On va donc continuer. Il va y avoir une dotation pour les régions ? Qui va payer quoi, d'abord ?
- "Premièrement, il faut que l'on sache qui fait quoi, et comment on fait quoi."
Et ça commence où, puisqu'on parle d'expérimentation ?
- "En ce qui concerne les compétences, les régions ont une compétence dans le développement économique et culturel, les départements auront une compétence, qu'ils ont déjà en partie en ce qui concerne la solidarité, l'action sociale, l'aide à l'enfance, l'application de l'insertion dont le RMI, et les communes auront comme compétences les structures de proximité - amélioration de la voirie, amélioration de la propreté de la ville, amélioration de l'adduction d'eau, de l'assainissement, constructions de l'école primaire -, donc ça se précise. Et ensuite, il faut que dans la Constitution, c'est cela le point important et je suis heureux que monsieur le Premier ministre - cela ne m'a pas surpris, parce que je sais que c'est un grand décentralisateur - ait inscrit dans le projet de loi ce que nous avions souhaité, et que je considère comme un préalable, c'est-à-dire la garantie financière des collectivités territoriales."
Vous parlez de garanties financières. Effectivement, on parle de péréquation, c'est-à-dire qu'il ne faut pas défavoriser les régions, les départements les plus pauvres, mais en même temps, il y a une petite phrase qui inquiète quand même dans le projet de loi, qui dit que "la libre administration des collectivités territoriales est garantie par des ressources dont celles-ci peuvent disposer librement". Cela veut dire qu'elles pourront aussi, le cas échéant, augmenter considérablement les impôts locaux ou régionaux ?
- "A la différence de l'Etat qui est assez loin du contribuable, le département qui gérera mal, qui va beaucoup imposer pour ne pas réaliser la mise en place de structures et d'infrastructures nécessaires à ce que la population prenne cela comme un progrès, seront sévèrement sanctionnés par l'électeur qui est à proximité. C'est la gestion de proximité qui est efficace. C'est la gestion de proximité qui invite à la rigueur, au sérieux. Je suis moi-même président de Conseil général et je sais les réflexions que je peux entendre si, à la suite d'une réglementation d'imposition, je ne matérialise pas les raisons pour lesquelles j'ai augmenté."
Les électeurs sanctionnent aussi les dirigeants de l'Etat. Dans ce domaine, il n'y aura rien de changé ?
- "Je vais vous donner un exemple, pour vous montrer qu'il était nécessaire d'inscrire dans la Constitution, les fondements de la décentralisation, pour qu'il n'y ait des interprétations un peu laxistes de la loi. Dans la loi actuelle, il est précisé que tout transfert de compétences à une collectivité est accompagné d'un transfert de moyens financiers à due concurrence. Aucun gouvernement n'a respecté cette disposition. Quand on a fait un recours devant le Conseil constitutionnel, l'interprétation était laxiste et, par conséquent, nous n'avons pas eu gain de cause. Tout récemment encore, le Gouvernement a pris une disposition de caractère sociale, qu'on appelle l'Allocation personnalisée d'autonomie. Cette APA a été prise sans concertation avec les départements, et ce sont les départements qui en payent 70 % ; ce qui fait qu'aujourd'hui, on constate que le fait que nous ayons à payer cette action sociale, nous sommes dans l'obligation - 67 % des départements sont dans cette situation - d'augmenter très fortement notre imposition. Voilà un transfert de compétences qui n'est pas accompagné de moyens financiers à due concurrence."
La grande réforme de la décentralisation prévoit des référendums locaux. Est-ce qu'il y aura un référendum national pour sanctionner tout cela ?
- "Il appartient au président de la République d'en décider. Pour ma part, j'ai fait connaître ma position. Je pense que la décentralisation, tous les Français la souhaitent, les élus la maîtrisent bien, mais je considère qu'un référendum sur ce sujet risque de ne pas enthousiasmer les populations. Par conséquent, le référendum risque de nous conduire à une abstention trop forte, ce qui ne serait pas souhaitable."
C'est le cas de tous les référendums, cela a même été le cas pour le quinquennat !
- "Voilà, et Dieu sait si à l'époque, tout le monde disait : le quinquennat, toute la France le souhaite, il faut le faire, et cela ne l'a pas enthousiasmé. Je préfère que nous conservions à l'esprit le grand succès emporté par le président de la République qui nous fait obligation de bien gérer les intérêts de la France."
On dit que cette réforme de la décentralisation est une réforme pour "la France d'en bas". Ce n'est pas plutôt une réforme pour les notables ?
- "Non. Je le vois bien en tant président de Conseil général : il nous appartient à nous d'être particulièrement attentifs aux préoccupations des populations. Le fait d'introduire un dispositif permettant aux populations de s'exprimer et de modifier éventuellement l'ordre du jour d'une collectivité, peut être de nature à nous rendre encore plus vigilants en ce qui concerne les préoccupations de nos populations, et de pouvoir, dans la mesure du possible, répondre. Mais il y a un point important : il faut que dans le même temps, l'Etat lui aussi se réforme. Il ne faut pas qu'il conserve des structures qui sont des structures qui n'ont pas leur justification."
Tout pourra se faire en même temps ?
- "Il faut le faire en même temps. On aurait pu le faire en ce qui concerne l'action sociale, qu'on a déléguée aux départements sans toucher un seul agent de l'action sociale de l'Etat."
Vous parliez tout à l'heure de la victoire de J. Chirac, qui a été suivie par la création d'un parti unique de la droite...
- "Qui est l'union."
Il est en train de se monter. On cherche un nom à ce parti. Qu'est-ce qui a votre faveur ? Union populaire ou Union pour le mouvement populaire ?
- "L'UMP a ma faveur. C'est sur le label UMP que nos députés ont été élus. L'UMP est maintenant dans le vocabulaire courant. Conservons cette appellation. "Union pour la majorité présidentielle", "Union pour la majorité populaire" ? L'UMP entre dans nos moeurs politiques."
Plus besoin de référence à la France ?
- "L'Union pour la majorité présidentielle, c'est la France."
A quand l'UMP au Sénat ?
- "Je dois avouer que la construction de l'UMP au Sénat est un peu plus lente qu'à l'Assemblée nationale. Pourquoi ? Parce que les sénateurs n'ont pas été élus sous l'étiquette UMP, comme c'est le cas pour les députés. Etant élus sous la même étiquette, ils se retrouvent naturellement dans le même mouvement. Nous avons créé un intergroupe. L'intergroupe UMP permet aux sénateurs des différentes formations politiques - Républicains indépendants, Rassemblement démocratique social et européen, RPR, centristes - de se réunir, d'écouter les ministres, d'harmoniser entre eux leur démarche en séance publique, et puis, progressivement, nous allons vers la construction de cette UMP. C'est un peu plus lent, mais on y arrivera. Le pays le veut, le souhaite, il faut le faire."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 16 octobre 2002)