Déclaration de M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication, sur le projet de réforme du statut fiscal du mécénat et des fondations à l'Assemblée nationale le 1er avril 2003.

Prononcé le 1er avril 2003

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Circonstance : Présentation du projet de loi portant réforme du statut fiscal du mécénat et des fondations à l'Assemblée nationale le 1er avril 2003

Texte intégral

Mesdames et Messieurs les députés,
Le Président de la République et le Premier ministre se sont engagés à " libérer les initiatives " et à inviter tous les acteurs de la société civile à s'impliquer plus largement dans la vie publique.
Le texte que j'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui permettra d'associer plus largement à l'action publique les initiatives privées, qu'il s'agisse de celles des entreprises ou de celles de chacun de nos concitoyens. Il vise en effet à contribuer au déblocage de certaines raideurs de la société française, au moyen d'un important programme de mesures en faveur du mécénat et des fondations.
La réforme du statut fiscal du mécénat et des fondations que je vous présente a été élaborée après une étude systématique des nombreuses réflexions menées en France à ce sujet, après aussi une large consultation des acteurs concernés, après enfin une nécessaire concertation de tous les ministères dont l'action pourra bénéficier de la générosité de nos concitoyens, le ministère de la Santé, le ministère de la Recherche, le ministère des Sports notamment. Nous l'avons bien sûr préparée en liaison étroite avec le ministère de l'Intérieur, s'agissant des fondations, et le ministère des Finances, s'agissant des mesures fiscales.
Cette réforme est nécessaire. Elle représente pour ainsi dire, aux côtés de la déconcentration et de la décentralisation, l'expression de la confiance que le gouvernement marque à la prise de responsabilité, puisqu'elle vise à associer plus étroitement à l'action de l'Etat les engagements de la société civile, des particuliers, des entreprises et l'action des fondations.
Cette réforme propose une révolution du statut du mécénat, une révolution également de la place accordée aux fondations. Le régime fiscal qui s'applique actuellement au mécénat et aux fondations n'est en effet pas assez lisible, il est trop complexe et peu avantageux. En tout état de cause, il n'incite aujourd'hui que peu les entreprises et les particuliers à s'engager dans des actions d'intérêt général.
C'est la raison pour laquelle notre pays accuse un retard important dans ce domaine, en comparaison avec la situation d'autres pays européens, en comparaison également avec l'activité des fondations aux Etats-Unis.
- Ce retard concerne tout d'abord le mécénat des particuliers. Selon l'observatoire de la générosité et du mécénat, à peine 15 % des Français font des dons à des oeuvres d'intérêt général, et le volume des dons des particuliers est inférieur à un milliard d'euros.
- Ce retard touche également le mécénat des entreprises. D'après l'annuaire de l'ADMICAL, moins de 2 000 entreprises françaises seraient engagées dans le mécénat, et le total de leurs dons serait inférieur à celui des particuliers, soit environ 340 millions d'euros.
- Ce retard affecte enfin le nombre des fondations. La France ne compte que 473 fondations d'utilité publique, 73 fondations d'entreprises, et environ 500 fondations sous l'égide de la Fondation de France, dont beaucoup sont peu actives. Cette statistique pèse peu face aux 12 000 fondations américaines ou aux 3 000 charity trusts britanniques.
Ces trois retards, je les résumerai en un chiffre. Au Etats-Unis, l'apport du mécénat représente environ 217 milliards d'euros, soit 2,1 % du PIB contre seulement 0,09 % en France. La générosité des Français n'est pas en cause. Cette générosité existe et ne demande qu'à être mobilisée. C'est la détermination des pouvoirs publics qui manquait encore. Cette détermination, la réforme que je vous présente vise à la rendre plus lucide, plus forte, plus lisible.
La réforme de la fiscalité du mécénat et des fondations se désigne trois grandes orientations.
- Premièrement, développer le mécénat des particuliers, par un renforcement des incitations fiscales.
- Deuxièmement, favoriser le mécénat des entreprises, par un doublement de l'encouragement fiscal.
- Troisièmement, alléger la fiscalité des fondations.
S'agissant des dons des particuliers, les avantages prévus par le projet de loi revêtent la forme d'allègements d'impôt sur le revenu, qui profitent aux dons destinés à des oeuvres et des associations d'intérêt général ainsi qu'aux fondations. Ces avantages portent également sur les impositions exigibles à l'occasion de la transmission d'un capital.
- En augmentant le volume de la réduction d'impôt, qui passe de 50 à 60 % du montant du don,
- en doublant le plafond de la réduction d'impôts, qui passe de 10 à 20 % du revenu imposable,
- en offrant aux donateurs la possibilité d'étendre sur cinq ans l'avantage fiscal de leur générosité au-delà du plafond des 20 %,
- en permettant enfin aux donateurs héritiers d'une succession de bénéficier d'une exonération totale des droits de succession sur leur don.
S'agissant maintenant des dons des entreprises, la réforme vise à encourager les actions de mécénat, et à inciter les entreprises à prendre une part active à l'action culturelle dans notre pays.
- En introduisant une réduction d'impôt égale à 60 % du montant du don consenti à une association, une fondation ou une oeuvre d'intérêt général,
- en élevant le plafond de la réduction d'impôt de 2,25 pour mille ou 3,25 pour mille à 5 pour mille du chiffre d'affaire des entreprises.
Ces mesures placent la France en tête de tous les pays industrialisés, Etats-Unis inclus. Elles bénéficieront à toutes les entreprises, des plus petites aux plus grandes.
S'agissant enfin des fondations, la réforme améliore leur fiscalité, et instaure les conditions d'un renforcement de ces institutions dans notre pays.
- en doublant, pour les fondations d'utilité publique, l'abattement de l'impôt sur les sociétés, qui passe de 15 000 à 30 000 euros,
- en permettant aux salariés de contribuer à la fondation de leur entreprise et de bénéficier de la réduction d'impôt de 60 % sur leurs dons.
Les mesures que je vous présente aujourd'hui représentent un premier cadre général destiné à imprimer au mécénat une nouvelle dynamique. Elles n'épuisent naturellement pas le sujet, mais constituent un premier acte nécessaire.
En matière culturelle, la réforme du régime fiscal du mécénat et des fondations avait déjà été amorcée par les dispositions de la loi sur les Musées de France, qui ouvre aux entreprises la possibilité de participer à la sauvegarde des Trésors Nationaux. Nous y reviendrons puisque je vous propose, à la faveur d'un amendement gouvernemental, d'étendre ce dispositif. Je tiens à ce sujet à rendre un hommage particulier au travail du Parlement, qui, lors du vote de la loi du 4 janvier 2002 relative aux Musées de France, avait, à la faveur d'amendements, promu une partie de ces mesures spécifiques.
En conclusion, je souhaite dissiper les préventions et les doutes qui pourraient encore entourer le mécénat. Sa promotion n'est pas le signe d'un désengagement de l'Etat en matière de culture.
Le Budget 2003 renforce les moyens mobilisables mis à la disposition de mon ministère. Par la volonté expresse du Président de la République et du Premier ministre, ces moyens ont été préservés de toute mesure de mise en réserve, de gel ou d'annulation. Voilà l'expression de la " sanctuarisation " promise par le Président de la République. Elle témoigne d'un attachement à l'action culturelle de l'Etat qui transcende largement, je le sais, les clivages politiques.
L'action publique et la générosité des particuliers et des entreprises ne sont pas des vases communicants, mais bien des fleuves convergents, qui permettent d'irriguer le développement culturel.
C'est à la collectivité nationale qu'il revient de définir les objectifs du service public. C'est à elle qu'il appartient d'inviter les collectivités locales à y prendre part dans le respect de leur responsabilité et de leur capacité. C'est à elle d'aménager, pour encourager la mobilisation de la société, le cadre juridique et fiscal le plus propice. C'est à elle de faire en sorte que l'intérêt général devienne plus largement encore l'affaire de tous.
Mesdames, Messieurs, il y a presque un an, jour pour jour, je cosignais, dans un grand quotidien national, une tribune intitulée " Eloge du mécénat ". En un an, grâce à votre vote, la société française a la chance de passer du simple éloge au vrai progrès.
Voilà le sens du texte que je propose avec confiance à votre délibération.
(Source http://www.culture.gouv.fr, le 2 avril 2003)