Texte intégral
Monsieur le Maire,
Messieurs les Parlementaires,
Monsieur le Président du Conseil général du Gers,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs,
Permettez-moi, avant d'entrer dans le vif du sujet qui nous réunit durant ces deux jours, de remercier la ville d'Auch qui nous accueille ce matin dans la Maison de Gascogne, pour la tenue du Comité Interministériel pour l'Aménagement et le Développement du Territoire, plus communément appelé dans un langage, je le reconnais volontiers, un peu technocratique, le CIADT.
Ces initiales ne font rêver personne, cela va de soi. Dépassons, si vous le voulez bien, cette commodité de langage : si le Gouvernement se réunit cet après-midi à mes côtés dans votre ville c'est pour témoigner d'un engagement, fort et collectif, d'une volonté politique affirmée et, au total, d'une grande ambition pour l'aménagement de notre territoire. D'importantes décisions vont marquer cette réunion d'Auch qui, je vous l'ai dit, est élargie à la quasi-totalité des membres du Gouvernement qui vont nous rejoindre en milieu de journée.
Nous allons engager durablement, puisque l'objectif de ce schéma et de développement du territoire est 2015, l'avenir de notre pays, celui de ses régions, de ses départements, de ses communes, bref, son équilibre géographique, économique, social et culturel.
Certaines de ces décisions, comme il est de coutume, à l'occasion des CIADT, concerneront très directement le département du Gers. Je ne vais pas vous en donner la liste détaillée, le ministre de l'Aménagement et du Territoire, Jean. Claude Gaudin qui est à mes côtés, la communiquera, bien sûr, à vos élus. Ces mesures concerneront les infrastructures de transport. L'accessibilité routière du département sera réalisée au fur et à mesure de la réalisation des travaux d'aménagement de l'axe Auch-Toulouse et de la RN21. Les services à la population feront également l'objet d'une attention particulière. L'activité économique, la dimension culturelle ne sera pas absente, notamment la restauration de notre patrimoine, à commencer par votre cathédrale. L'enseignement supérieur puisqu'un troisième département d'IUT sera créé à la rentrée 1998 pour conforter le développement du pôle universitaire d'Auch et un certain nombre de mesures plus locales impliquant, notamment, des crédits du FNADT. Je le répète, ce serait un petit peu long que de dresser la liste, même si elle est attendue ici avec curiosité et impatience.
Tout ceci sera fait cet après-midi au cours de la conférence de presse. Ce que je voudrais faire ce matin, c'est essayer de vous présenter la philosophie générale qui a inspiré notre travail depuis près de deux ans maintenant et qui est le produit, je voudrais insister là-dessus, d'une vaste et fructueuse concertation menée auprès des responsables locaux, à tous les degrés de responsabilité.
Le temps où l'aménagement de notre territoire se décidait à Paris et pratiquement seulement à Paris est aujourd'hui bel et bien révolu. Le souci principal du Gouvernement a été de donner la parole à tous ceux qui le souhaitaient parce que l'aménagement du territoire doit être un acte de liberté permettant l'expression de tous ceux qui ont quelque chose à dire, où l'État, bien sûr, parle que c'est son rôle, rend les arbitrages nécessaires, mais où il ne les rend pas de manière autoritaire et technocratique, comme ce fut parfois le cas dans le passé, d'abord pas nécessité puis par habitude, mais en essayant de tenir compte au plus du terrain, des besoins des Français, là où ils vivent.
C'est parce que cette concertation a été large et fructueuse que nous sommes aujourd'hui en mesure de mettre la dernière main à l'avant-projet de schéma national pour l'aménagement et le développement du territoire. Ce projet vise, je l'ai dit, à donner une nouvelle ambition à l'aménagement du territoire de notre pays pour les 15 ans qui viennent.
Il y a maintenant trois décennies que le Général de Gaulle a créé la Délégation à l'Aménagement du Territoire et à l'Action Régionale, la DATAR, bien connue. Il est temps que la politique d'aménagement du territoire s'adapte, en tenant compte des facteurs nouveaux, pas toujours aussi nouveaux qu'on le dit, mais de facteurs, malgré tout, qui vont bouleverser en profondeur notre Société, et je veux évoquer deux de ces facteurs : la décentralisation, d'un côté, la construction européenne, de l'autre. Parce que ces deux évolutions vont avoir des conséquences qui paraissent parfois inquiétantes ou contradictoires aux yeux des Français, mais qui seront, j'en suis sûr, très porteuses.
S'agissant de la construction européenne, je ne cesserai de répéter que l'Europe n'est pas un mythe éloigné de nos soucis quotidiens dans un département où la politique agricole commune a été, à la fois, attendue et redoutée. On est bien conscient, c'est une réalité, l'Europe, qui progresse jour après jour grâce aux efforts de tous. Ce n'est pas un obstacle à notre prospérité, c'est au contraire une assurance pour notre avenir et pour l'avenir de nos jeunes. Ce que j'appellerais volontiers "les frileux" de l'Europe se trompent lorsqu'ils essaient de nous faire croire le contraire.
Notre ambition est donc de poursuivre dans les meilleures conditions la construction de l'Europe qui est une chance, je le répète, pour notre pays, parce qu'elle lui offre de vastes perspectives d'expansion pour ses hommes et pour ses produits, en continuant de répondre aux aspirations toujours plus fortes de nos concitoyens, de préserver et de promouvoir leurs racines; leur identité, leurs traditions locales qui font toute la richesse de notre communauté nationale. Et j'ai eu la chance de marcher un peu dans les rues d'Auch, y compris sur votre marché hebdomadaire, je sais toute l'importance que cela a dans la vie de chacun, ici.
Savoir concilier la modernité et les bienfaits évidents de l'ouverture au Monde - là aussi, on s'en rend compte ici, la visite de l'entreprise TECHNIQUES AVANCÉES que nous venons de faire avec Jean-Claude Gaudin nous a convaincus - et, en même temps, la volonté de rester attaché à son quartier, à sa commune, à son département, à sa région, eh bien, le génie français est là, dans cet art de concilier ces deux aspirations qui peuvent paraître contradictoires.
Je le répète, la visite que nous venons d'effectuer au Siège de la société TECHNIQUES AVANCÉES qui est le leader mondial des logiciels pour codes à barres illustre de manière exemplaire ce que peut être une politique dynamique d'aménagement du territoire.
De quoi s'agit-il ? D'une société, je le répète, leader mondial dans les logiciels d'application spécifique qui exporte, qui crée des emplois, dans un secteur de très haute technologie et qui n'a pas éprouvé le besoin de s'implanter, comme on l'aurait fait sans doute, il y a 10 ou 15 ans, à Paris, à Lyon, à Marseille ou même à Bordeaux, c'est-à-dire dans ses grandes métropoles dont on disait autrefois qu'elles allaient désertifier la France.
Comment une telle évolution a-t-elle été possible ? Principalement, bien entendu, en raison des progrès extraordinairement rapides de la société de l'information, des télécommunications toujours plus performantes qui rendent désormais possibles ce contact immédiat, instantané avec une clientèle disséminée à travers le Monde et ce, quel que soit le lieu de notre territoire.
L'Aménagement du territoire doit tirer les leçons de cette révolution technologique. Il n'existe plus désormais aucune fatalité qui obligerait les hommes à s'accumuler toujours plus nombreux dans les grandes villes, dans les mêmes lieux, avec toutes les retombées, hélas ! Souvent négatives que l'on connaît.
Quelle première leçon tirer de cette constatation que nous avons déjà tous faite mais qui a été renforcée par nos visites de la matinée ?
D'abord, que la politique d'aménagement du territoire doit devenir plus souple et moins dirigiste. L'Aménagement du territoire doit permettre de valoriser tous les territoires. La révolution industrielle, qu'on a peut être un peu ratée dans nos régions, recherchait des gains de productivité par l'uniformisation des produits et par des volumes de production toujours plus importants. Ce que nous vivons aujourd'hui et qu'il ne faut pas rater cette fois-ci, c'est la révolution technologique qui valorise au contraire la diversité, l'adaptation de chaque produit au goût spécifique de chaque client.
Face à ces évolutions, la diversité de nos territoires devient un atout tout à fait spectaculaire pour développer les activités les plus diverses et ceci, ce ne sont pas des idées en l'air, Nous parlions tout à l'heure, avec les dirigeants de l'Entreprise que j'évoquais, de l'attraction que peut avoir pour leurs partenaires américains, voire japonais, des régions comme celle-ci, d'où on peut travailler grâce à ces nouvelles technologies. Il suffit d'un câble, d'une ligne téléphonique et où on trouve, à l'évidence, des conditions de vie tout à tait exceptionnelles.
Il s'agit donc de laisser les acteurs de chaque territoire, au premier rang desquels les élus locaux qui sont au plus près des préoccupations de leurs concitoyens, s'organiser librement et bâtir ensemble leur projet de développement économique.
Cette approche ne doit pas être réservée à l'aménagement du territoire, elle est le fondement de la politique de réforme de l'État que suit mon Gouvernement. Dans ce domaine, depuis des années, on a beaucoup prôné la déconcentration, on a affirmé la volonté de faire des préfets des interlocuteurs véritablement efficaces des élus, efficaces, c'est-à-dire capables de prendre eux-mêmes des décisions, mais il faut bien dire qu'on n'avait pas vraiment beaucoup progressé.
Le Gouvernement a fait depuis quelques mois des pas décisifs, par exemple, en décidant, lors du Conseil des ministres du 15 janvier dernier, la déconcentration de toutes les décisions administratives individuelles au niveau des préfets. Désormais, sauf exceptions fixées par la loi, de manière limitative, ce sont les préfets qui ont pouvoir de prendre des décisions sans remonter à Paris, je parle des décisions individuelles. La compétence du préfet de département est désormais la règle de droit. Les décisions par les préfets de régions ou les administrations centrales sont devenues l'exception.
Dans le même esprit, j'ai décidé récemment de confier aux préfets une enveloppe d'un milliard de francs de crédits d'aides à l'emploi pour les jeunes, en leur demandant de recenser les initiatives locales, non pas de plaquer des politiques nationales qui sont nécessaires, bien sûrs, mais qui ne sont pas suffisantes. Car qui mieux que les élus locaux ou les responsables locaux, d'une façon générale, peut connaître les possibilités d'emploi ? Aux préfets de faciliter les projets, en répondant directement aux demandes faites par les secteurs, économiques, au plus près de la réalité des besoins.
Cette règle doit être généralisée, autant que faire se peut. L'État doit veiller au respect de l'un de nos grands principes républicains, l'égalité des chances, et cela est valable pour l'aménagement du territoire, ce qui veut dire l'égalité des chances pour tous les territoires et l'égalité des chances pour tous leurs habitants.
L'égalité des chances pour les territoires passe par le désenclavement. Il faut, c'est vrai, même s'il y a les technologies de l'information que j'évoquais, faciliter la circulation physique des hommes et des productions. C'est une des clés de la prospérité et de la croissance, et vous le savez bien !
Je sais à quel point ce désenclavement est prioritaire pour votre département et notamment pour vos relations avec Toulouse, et ce point ne sera pas oublié à l'occasion du CIADT cet après-midi.
Le Gouvernement, dans ce domaine, a donné la priorité aux grands itinéraires d'aménagement du territoire, que sont l'arc atlantique, l'A20, l'A75. Ces trois grandes liaisons nord-sud permettront d'irriguer la totalité du pays.
Les liaisons nord-sud seront achevées et complétées par des liaisons ouest-est afin de bien ancrer nos régions au cur de l'Europe en tirant parti de notre position centrale.
Le Gouvernement a également, vous la savez, mis en place le Fonds de péréquation des transports aériens qui permet de multiplier les dessertes, notamment entre les aéroports de province.
Dans la politique d'aménagement du territoire, il revient à l'État d'arrêter ce type de choix. Il est dans son rôle, il restera dans ce rôle. Mais désenclaver, je le signale au passage parce que les temps sont ce qu'ils sont, cela ne veut pas dire non plus s'engager dans des projets pharaoniques. Désenclaver ne signifie pas que chaque département français doit être traversé par une autoroute concédée, sillonné par un TGV ou un canal à grand gabarit avec, comme cerise sur le gâteau, si je puis dire, un aéroport international. Désenclaver, cela peut vouloir dire autre chose : c'est apporter une solution adaptée à chaque territoire. Il faut une approche simple, de bon sens. Le langage technocratique appelle cela parfois "une approche intermodale". Cette expression a beaucoup de succès chez les spécialistes. Je préfère, pour que nous comprenions bien de quoi il s'agit concrètement, parler de qualité de vie, de qualité de services adaptés à chaque situation particulière.
A la diversité des territoires doit correspondre des réponses diversifiées, permettant le développement tout en préservant l'environnement Et vous verrez que, dans le schéma national d'aménagement du territoire, cette dimension de l'environnement prend une place toute particulière.
Cette approche, j'avais l'occasion, l'an dernier, de la défendre concrètement lorsque j'ai décidé de ne pas autoriser le passage d'une ligne électrique à très haute tension à travers le Val Louron, dans les Hautes-Pyrénées. Certes, cette ligne était rentable économiquement, mais elle ruinait tous les efforts dans la région pour développer le tourisme rural, l'artisanat, la valorisation d'un patrimoine culturel et environnemental précieux. J'ai voulu respecter ce choix de développement des élus locaux, respecter la qualité et la liberté de vie de ceux qui vivent dans cette région.
Au-delà des territoires, c'est l'égalité des chances des citoyens eux-mêmes que l'État doit préserver. L'égalité des chances passe par un égal accès à l'éducation, à la santé et à la Culture. Et, pour les Français, cela signifie une qualité des Services publics qui doit être d'autant plus grande que les territoires sont plus fragiles. Oui, les Services publics sont plus que jamais essentiels à la vitalité de notre pacte républicain. Le Gouvernement est très attaché à cette notion de Services publics à la Française, et vous savez qu'il la défend avec fermeté dans les négociations européennes, et c'est la raison pour laquelle le CIADT d'Auch cet après-midi affirmera le maintien du moratoire sur la suppression des Services publics, notamment sur la Poste et les écoles en zone rurale.
Évidemment, ce moratoire ne doit pas aboutir à figer complètement les situations. Nous devons nous efforcer de l'utiliser pour améliorer le Service public. Et, dans ce domaine, là encore, les nouvelles technologies de communication vont permettre une véritable révolution, s'agissant d'un secteur où le progrès ne connaît, aujourd'hui, pas de limite.
De ce point de vue, le Gers, son Conseil Général, son Président, sont à la pointe du progrès et constituent un témoignage tout à fait exemplaire pour notre pays. Et je dois vous dire que la visite que j'ai effectuée ce malin au collège Sadi Carnot a été pour moi extraordinairement stimulante. J'entends, souvent, beaucoup parler de la mise en réseau de nos établissements scolaires, alors on sait plus ou moins bien ce que cela veut dire, eh bien, ce matin, j'ai compris ce que cela voulait dire : cela permet de donner à nos enseignants des outils pédagogiques tout à fait nouveaux et performants qui impliquent davantage nos jeunes, qui fixent leur attention, qui leur ouvrent de vastes horizons.
J'ai vu une classe d'Auch dialoguer avec une classe de San Francisco, s'échanger les informations, travailler sur des dossiers communs. C'est tout de même une novation tout à fait extraordinaire et, en même temps, cela permet d'aller au plus près dans chaque village. Quand on a un professeur d'italien à Auch et qu'on n'en a pas à Riscle, eh bien, on arrive à enseigner de l'italien à Riscle parce que les technologies de communication le permettent et permettent de faire du tutorat individualisé, c'est-à-dire d'avoir un vrai dialogue direct entre le professeur et celui qui doit apprendre. Et ceci concourt évidemment aussi à la formation continue. Il y a, là, un champ tout à fait extraordinaire qui change complètement les données de l'aménagement du territoire.
Le Président de la République a récemment indiqué, dans ce domaine, ses priorités. L'ambition qu'il nous a fixée, c'est qu'en l'an 2000, tous nos jeunes, niveau du collège, sachent utiliser un micro-ordinateur et accéder à des messageries électroniques pour y trouver les informations souhaitées et y faire passer aussi les messages qu'ils souhaitent faire passer.
Grâce au Service public universel - que le Gouvernement a défini dans la loi sur les télécommunications -- et à la forte baisse des tarifs des télécommunications qui est en cours, grâce à l'ouverture de la concurrence, chacun pourra accéder, dans les meilleures conditions, à ces nouvelles formes de connaissances. C'est cela aussi l'égalité des chances.
Le Gouvernement veille également à un accès équitable de tous, à des soins de qualité -parce que, moi aussi, je souhaite que la Sécurité sociale et l'assurance maladie puissent être confortées, développées, sauvegardées, c'est le sens de la réforme que nous avons engagée pour tous - en corrigeant les déséquilibres régionaux et en développant des prestations de proximité.
Dans ce domaine, nous avons veillé à corriger les disparités entre régions, en augmentant prioritairement les dotations hospitalières des régions les moins équipées et en définissant les besoins au plus près des patients afin de réduire les inégalités qui s'étaient créées et qui devenaient de véritables injustices.
L'accès au savoir passe aussi par la culture pour laquelle une politique énergique de rééquilibrage de l'action culturelle sur le territoire est entreprise. Nous avons connu une période où les grands chantiers culturels étaient presqu'exclusivement parisiens. C'était sans doute utile, mais c'était sans doute aussi un peu excessif. Le Gouvernement va maintenant mettre en uvre une politique d'équipements culturels de proximité, avec une attention particulière pour les villes moyennes. Et quand on voit votre ville, on se rend compte de la richesse culturelle, et pas simplement patrimoniale, qu'elle peut receler en elle-même.
En développant la diffusion des chaînes de télévision éducative, en poursuivant la mise en réseau des bibliothèques et des musées, nous enragerons une culture encore plus accessible, une culture où l'effort de l'État porte majoritairement sur la province et pas simplement sur la capitale, c'est cela aussi l'égalité des chances.
Dans tous ces domaines, c'est, à travers la politique d'aménagement du territoire, la vie quotidienne des Français qui doit s'améliorer en conciliant tradition et modernité dans un souci de solidarité et de justice.
Quel secteur, mieux que l'agriculture et la forêt, peut marquer cette complémentarité entre tradition et modernité ? Devant vous, qui connaissez mieux que quiconque nos richesses et nos atouts dans ce domaine agricole et forestier, je voudrais faire quelques observations rapides :
L'agriculture française est d'abord riche, bien sûr, des hommes et des femmes qui y travaillent, qui sont souvent admirables, mais aussi de ses terroirs, de ses appellations d'origine, de la diversité de ses productions animales et végétales qui font de notre pays le deuxième exportateur mondial dans le domaine agroalimentaire.
En ces temps de morosité ou de frilosité ou de masochisme, répétons que nous sommes le deuxième meilleur du Monde dans ce secteur agroalimentaire. Ce n'est pas rien pour un pays de 60 millions d'habitants !
Rien n'étant jamais acquis, le Gouvernement entend donner à notre agriculture de nouvelles armes pour affronter, dans les meilleures conditions, la compétition économique mondiale tout en lui proposant de nouvelles ambitions pour l'aménagement du territoire et la préservation de l'environnement, Et tout ceci fait l'objet de la loi d'orientation agricole et forestière qui a été discutés avec les représentants du monde agricole de manière très approfondie depuis maintenant plusieurs mois, Elle est prête et elle sera examinée par le Conseil des ministres d'ici quelques jours.
Cette loi d'orientation, tout en s'inscrivant dans les priorités de l'aménagement du territoire, a pour objectif de construire un nouveau contrat entre la Société française et ceux qui travaillent dans notre espace agricole et forestier.
L'agriculture et la forêt ont un rôle très important à jouer pour notre économie, je l'ai dit, mais aussi pour notre environnement et pour notre équilibre social, et nous voulons le renforcer.
La loi d'orientation permettra d'encourager l'installation d'agriculteurs, comme nous avons déjà commencé à le faire en 1995 avec la charte de l'installation, afin de stabiliser la population rurale, et cela donne de bons résultats : 1996 est meilleure de ce point de vue que n'avait été 1995, je parle de l'installation. Nous avons favorisé la formation et les initiatives locales en consolidant le rôle des producteurs au sein des filières agricoles et alimentaires. Un volet forestier - le Landais que je suis y tient, bien sûr - permettra d'améliorer durablement la compétitivité de cette filière.
Je voudrais souligner ici, s'agissant des entreprises agricoles, une des dispositions de ce projet de loi qui verra la reconnaissance du Fonds agricole, à l'instar de ce qui a été fait pour le commerce et l'artisanat dans la loi du 5 juillet 1996. Le travail du conjoint sera mieux reconnu grâce au nouveau statut offert au conjoint des chefs d'exploitation, Enfin, dans ce projet, l'accent sera mis sur la qualité des produits agricoles et agroalimentaires, et la traçabilité de cette qualité, ici, en porte témoignage.
Voilà, Mesdames et Messieurs, les objectifs ambitieux que nous poursuivons sur le plan national et que nous souhaitons aussi promouvoir au niveau européen. Nous apprécions le concours du dispositif européen actuel dont la gestion est déjà largement déconcentrée. Il faudra là aussi, pour les fonds structurels, progresser dans la voie de la simplification des procédures. La réforme du dispositif actuel, dont le besoin est renforcé par les perspectives de l'élargissement de l'Union européenne, doit répondre à cette attente, Elle devra permettre, dans un cadre budgétaire maîtrisé et sans à-coups, à la fois, le développement des États les moins prospères de l'Union, mais aussi le maintien d'une action communautaire forte et visible sur tout le territoire de l'Union, y compris le nôtre.
Voilà les objectifs que nous nous sommes fixés. Il était utile, je crois, que j'en présente devant vous les grandes orientations avant d'en discuter le détail, cet après-midi, avec mes ministres et de publier, ce soir, la liste de quelque 80 décisions que comportera ce CIADT.
S'il ne devait rester qu'un mot, ce matin, pour caractériser notre politique d'aménagement du territoire, je souhaiterais que ce soit le mot de "diversité". Diversité qui implique pour les Français le droit à la différence, le droit de ne pas subir les mêmes normes venues d'en haut, le droit de s'épanouir librement dans un territoire qui respecte les choix de vie de chacun où l'État est là, bien sûr, pour soutenir lorsqu'il le faut, mais pas pour contraindre ou pour imposer.
Après avoir été longtemps dirigiste, l'Aménagement du territoire doit aujourd'hui devenir consensuel et plus respectueux de la liberté de chacun. Ce n'est pas simplement un objectif, c'est une volonté politique, c'est la volonté de notre Gouvernement.
Il y a quelques jours, je présidais le lancement des manifestations qui vont marquer l'avènement de l'an 2000, c'est demain ! Et ce chiffre est évidemment chargé d'émotion, il fait rêver ! L'Aménagement du territoire s'est fixé l'objectif encore un peu plus lointain, 2015, je l'ai dit en commençant. Il n'est pas trop tôt pour commencer à nous préparer à cette échéance. Il appartient aux responsables politiques et à tous les responsables de la vie économique et sociale de notre pays de faire ces choix ensemble, nous vous les proposons. Mais nous ne réussirons qu'à la condition que chaque Français se sente pleinement associé à cette construction de notre avenir commun. Je vous demande de nous y aider et, d'avance, je vous en remercie.
Messieurs les Parlementaires,
Monsieur le Président du Conseil général du Gers,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs,
Permettez-moi, avant d'entrer dans le vif du sujet qui nous réunit durant ces deux jours, de remercier la ville d'Auch qui nous accueille ce matin dans la Maison de Gascogne, pour la tenue du Comité Interministériel pour l'Aménagement et le Développement du Territoire, plus communément appelé dans un langage, je le reconnais volontiers, un peu technocratique, le CIADT.
Ces initiales ne font rêver personne, cela va de soi. Dépassons, si vous le voulez bien, cette commodité de langage : si le Gouvernement se réunit cet après-midi à mes côtés dans votre ville c'est pour témoigner d'un engagement, fort et collectif, d'une volonté politique affirmée et, au total, d'une grande ambition pour l'aménagement de notre territoire. D'importantes décisions vont marquer cette réunion d'Auch qui, je vous l'ai dit, est élargie à la quasi-totalité des membres du Gouvernement qui vont nous rejoindre en milieu de journée.
Nous allons engager durablement, puisque l'objectif de ce schéma et de développement du territoire est 2015, l'avenir de notre pays, celui de ses régions, de ses départements, de ses communes, bref, son équilibre géographique, économique, social et culturel.
Certaines de ces décisions, comme il est de coutume, à l'occasion des CIADT, concerneront très directement le département du Gers. Je ne vais pas vous en donner la liste détaillée, le ministre de l'Aménagement et du Territoire, Jean. Claude Gaudin qui est à mes côtés, la communiquera, bien sûr, à vos élus. Ces mesures concerneront les infrastructures de transport. L'accessibilité routière du département sera réalisée au fur et à mesure de la réalisation des travaux d'aménagement de l'axe Auch-Toulouse et de la RN21. Les services à la population feront également l'objet d'une attention particulière. L'activité économique, la dimension culturelle ne sera pas absente, notamment la restauration de notre patrimoine, à commencer par votre cathédrale. L'enseignement supérieur puisqu'un troisième département d'IUT sera créé à la rentrée 1998 pour conforter le développement du pôle universitaire d'Auch et un certain nombre de mesures plus locales impliquant, notamment, des crédits du FNADT. Je le répète, ce serait un petit peu long que de dresser la liste, même si elle est attendue ici avec curiosité et impatience.
Tout ceci sera fait cet après-midi au cours de la conférence de presse. Ce que je voudrais faire ce matin, c'est essayer de vous présenter la philosophie générale qui a inspiré notre travail depuis près de deux ans maintenant et qui est le produit, je voudrais insister là-dessus, d'une vaste et fructueuse concertation menée auprès des responsables locaux, à tous les degrés de responsabilité.
Le temps où l'aménagement de notre territoire se décidait à Paris et pratiquement seulement à Paris est aujourd'hui bel et bien révolu. Le souci principal du Gouvernement a été de donner la parole à tous ceux qui le souhaitaient parce que l'aménagement du territoire doit être un acte de liberté permettant l'expression de tous ceux qui ont quelque chose à dire, où l'État, bien sûr, parle que c'est son rôle, rend les arbitrages nécessaires, mais où il ne les rend pas de manière autoritaire et technocratique, comme ce fut parfois le cas dans le passé, d'abord pas nécessité puis par habitude, mais en essayant de tenir compte au plus du terrain, des besoins des Français, là où ils vivent.
C'est parce que cette concertation a été large et fructueuse que nous sommes aujourd'hui en mesure de mettre la dernière main à l'avant-projet de schéma national pour l'aménagement et le développement du territoire. Ce projet vise, je l'ai dit, à donner une nouvelle ambition à l'aménagement du territoire de notre pays pour les 15 ans qui viennent.
Il y a maintenant trois décennies que le Général de Gaulle a créé la Délégation à l'Aménagement du Territoire et à l'Action Régionale, la DATAR, bien connue. Il est temps que la politique d'aménagement du territoire s'adapte, en tenant compte des facteurs nouveaux, pas toujours aussi nouveaux qu'on le dit, mais de facteurs, malgré tout, qui vont bouleverser en profondeur notre Société, et je veux évoquer deux de ces facteurs : la décentralisation, d'un côté, la construction européenne, de l'autre. Parce que ces deux évolutions vont avoir des conséquences qui paraissent parfois inquiétantes ou contradictoires aux yeux des Français, mais qui seront, j'en suis sûr, très porteuses.
S'agissant de la construction européenne, je ne cesserai de répéter que l'Europe n'est pas un mythe éloigné de nos soucis quotidiens dans un département où la politique agricole commune a été, à la fois, attendue et redoutée. On est bien conscient, c'est une réalité, l'Europe, qui progresse jour après jour grâce aux efforts de tous. Ce n'est pas un obstacle à notre prospérité, c'est au contraire une assurance pour notre avenir et pour l'avenir de nos jeunes. Ce que j'appellerais volontiers "les frileux" de l'Europe se trompent lorsqu'ils essaient de nous faire croire le contraire.
Notre ambition est donc de poursuivre dans les meilleures conditions la construction de l'Europe qui est une chance, je le répète, pour notre pays, parce qu'elle lui offre de vastes perspectives d'expansion pour ses hommes et pour ses produits, en continuant de répondre aux aspirations toujours plus fortes de nos concitoyens, de préserver et de promouvoir leurs racines; leur identité, leurs traditions locales qui font toute la richesse de notre communauté nationale. Et j'ai eu la chance de marcher un peu dans les rues d'Auch, y compris sur votre marché hebdomadaire, je sais toute l'importance que cela a dans la vie de chacun, ici.
Savoir concilier la modernité et les bienfaits évidents de l'ouverture au Monde - là aussi, on s'en rend compte ici, la visite de l'entreprise TECHNIQUES AVANCÉES que nous venons de faire avec Jean-Claude Gaudin nous a convaincus - et, en même temps, la volonté de rester attaché à son quartier, à sa commune, à son département, à sa région, eh bien, le génie français est là, dans cet art de concilier ces deux aspirations qui peuvent paraître contradictoires.
Je le répète, la visite que nous venons d'effectuer au Siège de la société TECHNIQUES AVANCÉES qui est le leader mondial des logiciels pour codes à barres illustre de manière exemplaire ce que peut être une politique dynamique d'aménagement du territoire.
De quoi s'agit-il ? D'une société, je le répète, leader mondial dans les logiciels d'application spécifique qui exporte, qui crée des emplois, dans un secteur de très haute technologie et qui n'a pas éprouvé le besoin de s'implanter, comme on l'aurait fait sans doute, il y a 10 ou 15 ans, à Paris, à Lyon, à Marseille ou même à Bordeaux, c'est-à-dire dans ses grandes métropoles dont on disait autrefois qu'elles allaient désertifier la France.
Comment une telle évolution a-t-elle été possible ? Principalement, bien entendu, en raison des progrès extraordinairement rapides de la société de l'information, des télécommunications toujours plus performantes qui rendent désormais possibles ce contact immédiat, instantané avec une clientèle disséminée à travers le Monde et ce, quel que soit le lieu de notre territoire.
L'Aménagement du territoire doit tirer les leçons de cette révolution technologique. Il n'existe plus désormais aucune fatalité qui obligerait les hommes à s'accumuler toujours plus nombreux dans les grandes villes, dans les mêmes lieux, avec toutes les retombées, hélas ! Souvent négatives que l'on connaît.
Quelle première leçon tirer de cette constatation que nous avons déjà tous faite mais qui a été renforcée par nos visites de la matinée ?
D'abord, que la politique d'aménagement du territoire doit devenir plus souple et moins dirigiste. L'Aménagement du territoire doit permettre de valoriser tous les territoires. La révolution industrielle, qu'on a peut être un peu ratée dans nos régions, recherchait des gains de productivité par l'uniformisation des produits et par des volumes de production toujours plus importants. Ce que nous vivons aujourd'hui et qu'il ne faut pas rater cette fois-ci, c'est la révolution technologique qui valorise au contraire la diversité, l'adaptation de chaque produit au goût spécifique de chaque client.
Face à ces évolutions, la diversité de nos territoires devient un atout tout à fait spectaculaire pour développer les activités les plus diverses et ceci, ce ne sont pas des idées en l'air, Nous parlions tout à l'heure, avec les dirigeants de l'Entreprise que j'évoquais, de l'attraction que peut avoir pour leurs partenaires américains, voire japonais, des régions comme celle-ci, d'où on peut travailler grâce à ces nouvelles technologies. Il suffit d'un câble, d'une ligne téléphonique et où on trouve, à l'évidence, des conditions de vie tout à tait exceptionnelles.
Il s'agit donc de laisser les acteurs de chaque territoire, au premier rang desquels les élus locaux qui sont au plus près des préoccupations de leurs concitoyens, s'organiser librement et bâtir ensemble leur projet de développement économique.
Cette approche ne doit pas être réservée à l'aménagement du territoire, elle est le fondement de la politique de réforme de l'État que suit mon Gouvernement. Dans ce domaine, depuis des années, on a beaucoup prôné la déconcentration, on a affirmé la volonté de faire des préfets des interlocuteurs véritablement efficaces des élus, efficaces, c'est-à-dire capables de prendre eux-mêmes des décisions, mais il faut bien dire qu'on n'avait pas vraiment beaucoup progressé.
Le Gouvernement a fait depuis quelques mois des pas décisifs, par exemple, en décidant, lors du Conseil des ministres du 15 janvier dernier, la déconcentration de toutes les décisions administratives individuelles au niveau des préfets. Désormais, sauf exceptions fixées par la loi, de manière limitative, ce sont les préfets qui ont pouvoir de prendre des décisions sans remonter à Paris, je parle des décisions individuelles. La compétence du préfet de département est désormais la règle de droit. Les décisions par les préfets de régions ou les administrations centrales sont devenues l'exception.
Dans le même esprit, j'ai décidé récemment de confier aux préfets une enveloppe d'un milliard de francs de crédits d'aides à l'emploi pour les jeunes, en leur demandant de recenser les initiatives locales, non pas de plaquer des politiques nationales qui sont nécessaires, bien sûrs, mais qui ne sont pas suffisantes. Car qui mieux que les élus locaux ou les responsables locaux, d'une façon générale, peut connaître les possibilités d'emploi ? Aux préfets de faciliter les projets, en répondant directement aux demandes faites par les secteurs, économiques, au plus près de la réalité des besoins.
Cette règle doit être généralisée, autant que faire se peut. L'État doit veiller au respect de l'un de nos grands principes républicains, l'égalité des chances, et cela est valable pour l'aménagement du territoire, ce qui veut dire l'égalité des chances pour tous les territoires et l'égalité des chances pour tous leurs habitants.
L'égalité des chances pour les territoires passe par le désenclavement. Il faut, c'est vrai, même s'il y a les technologies de l'information que j'évoquais, faciliter la circulation physique des hommes et des productions. C'est une des clés de la prospérité et de la croissance, et vous le savez bien !
Je sais à quel point ce désenclavement est prioritaire pour votre département et notamment pour vos relations avec Toulouse, et ce point ne sera pas oublié à l'occasion du CIADT cet après-midi.
Le Gouvernement, dans ce domaine, a donné la priorité aux grands itinéraires d'aménagement du territoire, que sont l'arc atlantique, l'A20, l'A75. Ces trois grandes liaisons nord-sud permettront d'irriguer la totalité du pays.
Les liaisons nord-sud seront achevées et complétées par des liaisons ouest-est afin de bien ancrer nos régions au cur de l'Europe en tirant parti de notre position centrale.
Le Gouvernement a également, vous la savez, mis en place le Fonds de péréquation des transports aériens qui permet de multiplier les dessertes, notamment entre les aéroports de province.
Dans la politique d'aménagement du territoire, il revient à l'État d'arrêter ce type de choix. Il est dans son rôle, il restera dans ce rôle. Mais désenclaver, je le signale au passage parce que les temps sont ce qu'ils sont, cela ne veut pas dire non plus s'engager dans des projets pharaoniques. Désenclaver ne signifie pas que chaque département français doit être traversé par une autoroute concédée, sillonné par un TGV ou un canal à grand gabarit avec, comme cerise sur le gâteau, si je puis dire, un aéroport international. Désenclaver, cela peut vouloir dire autre chose : c'est apporter une solution adaptée à chaque territoire. Il faut une approche simple, de bon sens. Le langage technocratique appelle cela parfois "une approche intermodale". Cette expression a beaucoup de succès chez les spécialistes. Je préfère, pour que nous comprenions bien de quoi il s'agit concrètement, parler de qualité de vie, de qualité de services adaptés à chaque situation particulière.
A la diversité des territoires doit correspondre des réponses diversifiées, permettant le développement tout en préservant l'environnement Et vous verrez que, dans le schéma national d'aménagement du territoire, cette dimension de l'environnement prend une place toute particulière.
Cette approche, j'avais l'occasion, l'an dernier, de la défendre concrètement lorsque j'ai décidé de ne pas autoriser le passage d'une ligne électrique à très haute tension à travers le Val Louron, dans les Hautes-Pyrénées. Certes, cette ligne était rentable économiquement, mais elle ruinait tous les efforts dans la région pour développer le tourisme rural, l'artisanat, la valorisation d'un patrimoine culturel et environnemental précieux. J'ai voulu respecter ce choix de développement des élus locaux, respecter la qualité et la liberté de vie de ceux qui vivent dans cette région.
Au-delà des territoires, c'est l'égalité des chances des citoyens eux-mêmes que l'État doit préserver. L'égalité des chances passe par un égal accès à l'éducation, à la santé et à la Culture. Et, pour les Français, cela signifie une qualité des Services publics qui doit être d'autant plus grande que les territoires sont plus fragiles. Oui, les Services publics sont plus que jamais essentiels à la vitalité de notre pacte républicain. Le Gouvernement est très attaché à cette notion de Services publics à la Française, et vous savez qu'il la défend avec fermeté dans les négociations européennes, et c'est la raison pour laquelle le CIADT d'Auch cet après-midi affirmera le maintien du moratoire sur la suppression des Services publics, notamment sur la Poste et les écoles en zone rurale.
Évidemment, ce moratoire ne doit pas aboutir à figer complètement les situations. Nous devons nous efforcer de l'utiliser pour améliorer le Service public. Et, dans ce domaine, là encore, les nouvelles technologies de communication vont permettre une véritable révolution, s'agissant d'un secteur où le progrès ne connaît, aujourd'hui, pas de limite.
De ce point de vue, le Gers, son Conseil Général, son Président, sont à la pointe du progrès et constituent un témoignage tout à fait exemplaire pour notre pays. Et je dois vous dire que la visite que j'ai effectuée ce malin au collège Sadi Carnot a été pour moi extraordinairement stimulante. J'entends, souvent, beaucoup parler de la mise en réseau de nos établissements scolaires, alors on sait plus ou moins bien ce que cela veut dire, eh bien, ce matin, j'ai compris ce que cela voulait dire : cela permet de donner à nos enseignants des outils pédagogiques tout à fait nouveaux et performants qui impliquent davantage nos jeunes, qui fixent leur attention, qui leur ouvrent de vastes horizons.
J'ai vu une classe d'Auch dialoguer avec une classe de San Francisco, s'échanger les informations, travailler sur des dossiers communs. C'est tout de même une novation tout à fait extraordinaire et, en même temps, cela permet d'aller au plus près dans chaque village. Quand on a un professeur d'italien à Auch et qu'on n'en a pas à Riscle, eh bien, on arrive à enseigner de l'italien à Riscle parce que les technologies de communication le permettent et permettent de faire du tutorat individualisé, c'est-à-dire d'avoir un vrai dialogue direct entre le professeur et celui qui doit apprendre. Et ceci concourt évidemment aussi à la formation continue. Il y a, là, un champ tout à fait extraordinaire qui change complètement les données de l'aménagement du territoire.
Le Président de la République a récemment indiqué, dans ce domaine, ses priorités. L'ambition qu'il nous a fixée, c'est qu'en l'an 2000, tous nos jeunes, niveau du collège, sachent utiliser un micro-ordinateur et accéder à des messageries électroniques pour y trouver les informations souhaitées et y faire passer aussi les messages qu'ils souhaitent faire passer.
Grâce au Service public universel - que le Gouvernement a défini dans la loi sur les télécommunications -- et à la forte baisse des tarifs des télécommunications qui est en cours, grâce à l'ouverture de la concurrence, chacun pourra accéder, dans les meilleures conditions, à ces nouvelles formes de connaissances. C'est cela aussi l'égalité des chances.
Le Gouvernement veille également à un accès équitable de tous, à des soins de qualité -parce que, moi aussi, je souhaite que la Sécurité sociale et l'assurance maladie puissent être confortées, développées, sauvegardées, c'est le sens de la réforme que nous avons engagée pour tous - en corrigeant les déséquilibres régionaux et en développant des prestations de proximité.
Dans ce domaine, nous avons veillé à corriger les disparités entre régions, en augmentant prioritairement les dotations hospitalières des régions les moins équipées et en définissant les besoins au plus près des patients afin de réduire les inégalités qui s'étaient créées et qui devenaient de véritables injustices.
L'accès au savoir passe aussi par la culture pour laquelle une politique énergique de rééquilibrage de l'action culturelle sur le territoire est entreprise. Nous avons connu une période où les grands chantiers culturels étaient presqu'exclusivement parisiens. C'était sans doute utile, mais c'était sans doute aussi un peu excessif. Le Gouvernement va maintenant mettre en uvre une politique d'équipements culturels de proximité, avec une attention particulière pour les villes moyennes. Et quand on voit votre ville, on se rend compte de la richesse culturelle, et pas simplement patrimoniale, qu'elle peut receler en elle-même.
En développant la diffusion des chaînes de télévision éducative, en poursuivant la mise en réseau des bibliothèques et des musées, nous enragerons une culture encore plus accessible, une culture où l'effort de l'État porte majoritairement sur la province et pas simplement sur la capitale, c'est cela aussi l'égalité des chances.
Dans tous ces domaines, c'est, à travers la politique d'aménagement du territoire, la vie quotidienne des Français qui doit s'améliorer en conciliant tradition et modernité dans un souci de solidarité et de justice.
Quel secteur, mieux que l'agriculture et la forêt, peut marquer cette complémentarité entre tradition et modernité ? Devant vous, qui connaissez mieux que quiconque nos richesses et nos atouts dans ce domaine agricole et forestier, je voudrais faire quelques observations rapides :
L'agriculture française est d'abord riche, bien sûr, des hommes et des femmes qui y travaillent, qui sont souvent admirables, mais aussi de ses terroirs, de ses appellations d'origine, de la diversité de ses productions animales et végétales qui font de notre pays le deuxième exportateur mondial dans le domaine agroalimentaire.
En ces temps de morosité ou de frilosité ou de masochisme, répétons que nous sommes le deuxième meilleur du Monde dans ce secteur agroalimentaire. Ce n'est pas rien pour un pays de 60 millions d'habitants !
Rien n'étant jamais acquis, le Gouvernement entend donner à notre agriculture de nouvelles armes pour affronter, dans les meilleures conditions, la compétition économique mondiale tout en lui proposant de nouvelles ambitions pour l'aménagement du territoire et la préservation de l'environnement, Et tout ceci fait l'objet de la loi d'orientation agricole et forestière qui a été discutés avec les représentants du monde agricole de manière très approfondie depuis maintenant plusieurs mois, Elle est prête et elle sera examinée par le Conseil des ministres d'ici quelques jours.
Cette loi d'orientation, tout en s'inscrivant dans les priorités de l'aménagement du territoire, a pour objectif de construire un nouveau contrat entre la Société française et ceux qui travaillent dans notre espace agricole et forestier.
L'agriculture et la forêt ont un rôle très important à jouer pour notre économie, je l'ai dit, mais aussi pour notre environnement et pour notre équilibre social, et nous voulons le renforcer.
La loi d'orientation permettra d'encourager l'installation d'agriculteurs, comme nous avons déjà commencé à le faire en 1995 avec la charte de l'installation, afin de stabiliser la population rurale, et cela donne de bons résultats : 1996 est meilleure de ce point de vue que n'avait été 1995, je parle de l'installation. Nous avons favorisé la formation et les initiatives locales en consolidant le rôle des producteurs au sein des filières agricoles et alimentaires. Un volet forestier - le Landais que je suis y tient, bien sûr - permettra d'améliorer durablement la compétitivité de cette filière.
Je voudrais souligner ici, s'agissant des entreprises agricoles, une des dispositions de ce projet de loi qui verra la reconnaissance du Fonds agricole, à l'instar de ce qui a été fait pour le commerce et l'artisanat dans la loi du 5 juillet 1996. Le travail du conjoint sera mieux reconnu grâce au nouveau statut offert au conjoint des chefs d'exploitation, Enfin, dans ce projet, l'accent sera mis sur la qualité des produits agricoles et agroalimentaires, et la traçabilité de cette qualité, ici, en porte témoignage.
Voilà, Mesdames et Messieurs, les objectifs ambitieux que nous poursuivons sur le plan national et que nous souhaitons aussi promouvoir au niveau européen. Nous apprécions le concours du dispositif européen actuel dont la gestion est déjà largement déconcentrée. Il faudra là aussi, pour les fonds structurels, progresser dans la voie de la simplification des procédures. La réforme du dispositif actuel, dont le besoin est renforcé par les perspectives de l'élargissement de l'Union européenne, doit répondre à cette attente, Elle devra permettre, dans un cadre budgétaire maîtrisé et sans à-coups, à la fois, le développement des États les moins prospères de l'Union, mais aussi le maintien d'une action communautaire forte et visible sur tout le territoire de l'Union, y compris le nôtre.
Voilà les objectifs que nous nous sommes fixés. Il était utile, je crois, que j'en présente devant vous les grandes orientations avant d'en discuter le détail, cet après-midi, avec mes ministres et de publier, ce soir, la liste de quelque 80 décisions que comportera ce CIADT.
S'il ne devait rester qu'un mot, ce matin, pour caractériser notre politique d'aménagement du territoire, je souhaiterais que ce soit le mot de "diversité". Diversité qui implique pour les Français le droit à la différence, le droit de ne pas subir les mêmes normes venues d'en haut, le droit de s'épanouir librement dans un territoire qui respecte les choix de vie de chacun où l'État est là, bien sûr, pour soutenir lorsqu'il le faut, mais pas pour contraindre ou pour imposer.
Après avoir été longtemps dirigiste, l'Aménagement du territoire doit aujourd'hui devenir consensuel et plus respectueux de la liberté de chacun. Ce n'est pas simplement un objectif, c'est une volonté politique, c'est la volonté de notre Gouvernement.
Il y a quelques jours, je présidais le lancement des manifestations qui vont marquer l'avènement de l'an 2000, c'est demain ! Et ce chiffre est évidemment chargé d'émotion, il fait rêver ! L'Aménagement du territoire s'est fixé l'objectif encore un peu plus lointain, 2015, je l'ai dit en commençant. Il n'est pas trop tôt pour commencer à nous préparer à cette échéance. Il appartient aux responsables politiques et à tous les responsables de la vie économique et sociale de notre pays de faire ces choix ensemble, nous vous les proposons. Mais nous ne réussirons qu'à la condition que chaque Français se sente pleinement associé à cette construction de notre avenir commun. Je vous demande de nous y aider et, d'avance, je vous en remercie.