Déclaration et conférence de presse et interview de M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, à "France 3" le 7 janvier 20000, sur la modernisation des services du ministère des affaires étrangères à Nantes, du service central de l'état civil et du service de délivrance des visas, sur la prévention des marées noires et la nécessité de normes plus strictes de sécurité pour les navires marchands et sur le coup d'Etat en Côte d'Ivoire, Nantes le 7 janvier 2000.

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Circonstance : Voeux de M. Hubert Védrine aux services déconcentrés du ministère des affaires étrangères à Nantes le 7 janvier 2000

Média : France 3 - Télévision

Texte intégral

Allocution à Nantes le 7 janvier 2000
Monsieur le Député, Monsieur le Préfet,
Mesdames, Messieurs,
Lorsque je suis venu à Nantes en 1997 peu après ma prise de fonctions - je ne suis pas venu l'an dernier, à cause de l'actualité internationale de l'époque qui m'avait d'ailleurs empêché de réaliser un certain nombre d'autres projets - j'avais fait état devant vous de la nécessité pour le ministère de se moderniser, de s'ouvrir sur l'extérieur, et de se doter de moyens d'action et d'intervention à la hauteur des ambitions de la politique étrangère de la France.
J'avais souligné à cette occasion que les services du ministère implantés à Nantes, qui relèvent de trois directions, la DGA, la DFAE et les Archives, constituaient l'un des éléments clés de cette évolution.
Je me réjouis d'être à nouveau parmi vous aujourd'hui pour vous rencontrer, pour évaluer ensemble l'avancement de cette tâche à laquelle j'attache, vous le savez, beaucoup de prix.
Depuis deux ans, la physionomie du ministère a profondément changé. D'abord, nous avons mené à bien la fusion des services de la Coopération avec ceux du ministère des Affaires étrangères, réformes voulues par le Premier ministre. Sur le plan des ressources humaines, des adaptations significatives ont été apportées à plusieurs corps, après concertation avec les organisations syndicales. C'est par exemple le cas du nouveau corps des Attachés des systèmes d'information et de communication qui constitue désormais l'armature de la modernisation informatique du ministère. De même, la signature, la semaine dernière, du décret qui crée les nouveaux corps des secrétaires et des conseillers va permettre de concrétiser la fusion dont je parlais au niveau de l'encadrement. Nous avons également achevé la fusion des corps homothétiques d'administration centrale des catégories B et C.
En concertation avec les organisations syndicales, l'effort portera cette année sur l'harmonisation des conditions de gestion des corps B et C de chancellerie et d'administration centrale, l'objectif étant d'offrir au personnel appartenant à ces différents corps des possibilités identiques d'affectation à l'administration centrale et à l'étranger. C'est au vu des résultats de cette harmonisation des règles de gestion que nous pourrons avancer vers une éventuelle fusion des corps de chancellerie et d'administration centrale des corps des catégories B et C.
Cet ensemble de mesures aura permis, à chacun de nous de mieux situer son action d'aujourd'hui et de demain au sein du Département. Sur un point essentiel, la mobilité des agents, les choses progressent à Nantes : ceux qui parmi vous sont originaires de la région n'hésitent plus à demander une affectation à l'étranger ou à Paris. Cette année, me dit-on, le mouvement des personnels entre Nantes, Paris et les postes concerne plus de 10 % des effectifs. Je ne puis qu'encourager une telle évolution.
D'autant que vous représentez le tiers des effectifs de l'administration centrale et que vous vous trouvez, par les responsabilités qui vous sont confiées au sein des trois directions dont j'ai parlé tout à l'heure, à l'un des points nodaux de la modernisation. Cette mobilité est essentielle parce que dans l'appareil d'Etat aujourd'hui, il est très important que les compétences puissent être diffusées d'une sous-direction à l'autre, d'une direction à l'autre, d'un ministère à l'autre et que l'on puisse au sein de notre ministère s'enrichir des formations et du savoir-faire qui sont développés dans d'autres administrations. C'est une condition centrale, primordiale pour notre modernisation, notre efficacité, et notre poids à l'intérieur de l'appareil d'Etat et de l'Administration dans son ensemble.
Je vais entrer maintenant plus dans le détail, des tâches et responsabilités qui sont plus particulièrement représentées ou assumées à Nantes.
1. Le service central de l'état civil. C'est d'abord la sous-direction la plus nombreuse du Département - vous êtes plus de 300. C'est surtout un service tourné vers le public, et qui influence fortement l'image que nos compatriotes se font de l'administration des affaires étrangères. Il y a deux ans et demi, lorsque je suis arrivé, il rencontrait de grandes difficultés, essentiellement du fait de la très forte progression des demandes de visas. Les retards s'accumulaient au point d'atteindre plusieurs mois. J'ai alors décidé de dégager les moyens financiers nécessaires pour moderniser les conditions de traitement des demandes et de délivrance des actes, ce qui voulait dire concrètement lancer le programme de numérisation des actes. Aujourd'hui, le service a été profondément restructuré, 2 millions et demi d'actes ont été numérisés et des applications informatiques performantes, parfois même d'avant-garde, ont été développées, grâce notamment à l'intervention efficace de notre service informatique, CXI/P.S.I. Ce passage à l'écriture électronique est une véritable mue. L'objectif fixé en 1997 sera atteint dans le courant du premier semestre 2000. Il n'y a plus de retard dans la délivrance des actes d'état civil ; les délais sont maintenant de quelques jours. Je tiens à vous féliciter tous pour ce travail formidable et cette spectaculaire adaptation.
Il faut maintenant poursuivre au-delà de la numérisation des actes et améliorer constamment le service aux usagers. Je pense en particulier à l'accueil téléphonique du public. C'est dans cette perspective que le "schéma directeur 2000" doit être mis en oeuvre : il permettra de développer les acquis par de nouvelle applications informatiques novatrices. Je sais que je peux compter sur votre détermination et votre efficacité, compte tenu des résultats qu'on a déjà obtenus.
Pour conclure sur l'état civil, je souhaite évoquer la transformation en cours du service en "service à compétence nationale". Il s'agit de lui donner une souplesse de gestion - notamment financière - dont il ne dispose pas actuellement. Mais cette transformation ne constitue en rien un prélude à un démembrement du Quai d'Orsay sous quelque forme que ce soit. J'insiste sur ce point. Les organisations syndicales ont exprimé à plusieurs reprises leur inquiétude et j'entends la dissiper ici de la façon la plus nette.
2. La sous-direction de la circulation des étrangers s'est elle aussi engagée dans la voie de la modernisation, en harmonie avec la nouvelle politique des visas menée par le Gouvernement depuis 1997, concrétisée et renforcée par la loi de 1998.
Tout d'abord nous utilisons de mieux en mieux les possibilités du réseau Internet pour parfaire l'information des usagers : l'an dernier, 146 000 personnes ont consulté le site "venir en France". Mais nous allons plus loin : en Amérique du Nord, près d'un tiers des visas sont à présent délivrés par correspondance, grâce à Internet.
Nous avons également fait d'importants efforts pour ce qui est de l'accueil du public : la fraction des droits de chancellerie qui est reversée au ministère est en partie consacrée à la réfection des locaux, en particulier des salles d'attentes, qui étaient tout à fait déficientes. Nous allons poursuivre cet effort - et pour cela je vais demander l'augmentation du fonds de concours - mais nous pouvons dire que, d'ores et déjà, dans un certain nombre de pays, Tunisie, Liban Roumanie, obtenir un visa ne constitue plus une harassante course d'obstacles ou un parcours du combattant et ce programme va se poursuivre cette année et les années suivantes.
Grâce à votre travail, ici, à Nantes, les agents en poste vont progressivement bénéficier de la nouvelle version du Réseau Mondial Visas. Ce sera sans doute l'un des réseaux les plus modernes et les plus efficaces du monde.
Vous devez également faire face à deux défis nouveaux qui se développent : d'abord le fort accroissement du contentieux des refus de visas qui est fondé sur l'obligation d'avoir à motiver - ce qui est un progrès sur le plan humain par rapport aux demandeurs mais les motivations entraînent une contestation donc le contentieux -. Nous avons eu dix fois plus de recours en 1999 que l'année précédente ; le traitement de ces dossiers mobilise un nombre toujours plus important d'agents. D'autre part, la fraude tend à se développer : c'est pourquoi 94 postes ont été équipés à ce jour d'un appareil, un "retro-chek", qui permet de déceler les contrefaçons sur les documents officiels. La lutte contre la fraude sera poursuivie.
Enfin, le bureau des Visas Algérie connaît également ses réformes - avec la boîte postale et le nouveau système de messagerie qui permettra dès la semaine prochaine à notre consulat général à Alger de retrouver toutes ses responsabilités en matière de visas. Je suis heureux de pouvoir confirmer aux agents non titulaires de ce service que le concours qui devrait permettre de mettre un terme à la précarité de leur situation sera ouvert au printemps prochain.
Quant à la suite de l'évolution de la gestion des demandes de visas en Algérie, le but c'est évidemment de retrouver un jour une situation totalement normale dans cette gestion. C'est notre objectif, et tout ça évoluera parallèlement à l'évolution de la situation concrète.
Je ne voudrais pas clore ce chapitre sur les visas sans me réjouir des arrangements passés avec le ministère de l'Intérieur et remercier celui-ci pour la mise à disposition d'une vingtaine d'agents, adjoints de sécurité originaires de la région nantaise. De même notre excellente coopération avec le ministère de la Justice nous permet de bénéficier de la compétence de magistrats, aussi bien au service des visas qu'à l'état civil.
3. Je voudrais dire à présent un mot de la formation. Vous savez que c'est l'un des points principaux des "51 mesures" que j'ai lancées il y a un peu plus d'un an, mais aussi parce que Nantes est la ville de l'Institut de Formation à l'Administration consulaire, l'IFAC. Cela concerne une partie de la formation qui est beaucoup plus vaste par rapport à laquelle j'ai aussi de grandes ambitions là aussi et cette dimension de formation consulaire est tout à fait essentielle. Depuis sa création, c'est-à-dire depuis 7 ans, cet institut a dispensé à Nantes une formation consulaire complète ou de perfectionnement à près de 650 agents des catégories B et C, auxquels il faut ajouter 250 à 300 agents qui, chaque année, bénéficient de compléments de formation spécifiques. Des sessions régionales se développent qui permettent de former les agents d'une zone sur place, ou à proximité de leur poste. J'avais visiter d'ailleurs ces locaux en 1997.
L'Administration vient d'élaborer avec les représentants des personnels un accord cadre de la formation qui doit servir de guide et d'orientation pour les trois années à venir. Quand nous parlons formation, nous devons prendre en compte non seulement les formations linguistiques, les préparations aux concours, mais également la formation aux nouvelles technologies de l'information et de la communication. Le Ministère a accompli depuis deux ans un effort considérable à ce titre, non seulement à l'administration centrale, mais également en équipant la majorité des postes diplomatiques et consulaires. Il convient donc que les agents, où qu'ils soient, puissent être en mesure d'utiliser pleinement ces moyens modernes de communication que sont Intranet et Internet, aussi bien que les logiciels spécifiques au ministère. Il faut qu'ils le puissent en termes techniques et il faut qu'ils puissent le faire en termes de formation. En cela, il faut simplement apporter des éléments et des informations adéquates.
4. La sous-direction de la comptabilité, en liaison avec nos amis de la Trésorerie générale pour l'étranger, n'est pas en reste pour ce qui est de la modernisation des outils de gestion et des méthodes de travail.
Elle a assuré une bonne part des modifications de l'organisation administrative et comptable liées à la fusion avec les services de la Coopération.
C'est elle également qui porte l'essentiel de la réforme comptable que nous mettons en oeuvre à présent dans 30 postes. La généralisation de cette réforme est prévue en 2002. Elle permettra de rationaliser les circuits de la dépense à l'étranger, de mieux affirmer le rôle des ambassadeurs comme coordonnateurs et animateurs des services extérieurs de l'Etat, et d'avoir une vision claire et exhaustive de l'ensemble des dépenses de l'Etat à l'étranger.
Mais elle est également présente sur de nombreux autres chantiers de la modernisation : par exemple le paiement des droits de chancellerie par carte bancaire ; la réforme des crédits de déplacement et des frais de représentation ; la mise en place des postes à gestion simplifiée ; et bien sûr le passage à l'euro.
5. Je n'oublie pas le centre des archives diplomatiques de la rue Casterneau, qui accueille les archives des postes ainsi que celles des anciennes administrations françaises des protectorats Maroc et Tunisie, et du mandat confié par la SDN en Syrie et au Liban.
C'est un bel exemple de réalisation alliant l'ancien et le moderne, aussi bien dans l'architecture et dans le contenu. Je le visiterai tout à l'heure. Aussi, je crois que nous avons ici un patrimoine assez exceptionnel et qui devrait être mieux mis en valeur.
6. La modernisation, c'est en grande partie le traitement informatisé des données. Je voudrais à ce titre remercier les agents de CXI, qui sont regroupés ici, pour la plupart, dans la division Projets du système d'information. Leur contribution est déterminante pour cette entreprise de modernisation, et en particulier en ce qui concerne l'amélioration du service en direction du public, français ou étranger, c'est-à-dire pour les actes d'état civil et les visas.
Vous êtes présents dans pratiquement tous les projets que j'ai évoqués, et dans bien d'autres que je n'ai pas pu citer.
Vous finissez actuellement de mettre au point EOLE, le système de travail intégré qui va progressivement équiper nos postes. Je ne peux que vous encourager à poursuivre votre travail, en étroite collaboration avec les services utilisateurs.
7. Je ne peux pas développer l'activité de tous les services, ce serait trop long : la sous-direction du personnel à Nantes, le service du personnel de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, la cellule de l'état civil consulaire d'Algérie et l'antenne du bureau des biens et intérêts français à l'étranger. Mais je sais qu'avec tous vos collègues nantais vous faites un travail formidable, un travail indispensable au fonctionnement de la machine diplomatique. J'en suis conscient à chaque instant.
Je souhaite également saluer la qualité du dialogue entre l'administration et des organisations syndicales et professionnelles nantaises. C'est, je crois, un aspect important de ce travail de modernisation que nous accomplissons ensemble, dans l'intérêt du ministère et de notre action diplomatique, dans l'intérêt du public, mais également dans l'intérêt des agents qui la mettent en oeuvre.
8. Il y aurait bien d'autres mesures de modernisation à évoquer parmi celles qui ont été prises à Nantes depuis deux ans ; j'en citerai une dernière : le système des horaires variables. Ce ne sont pas tant les aspects techniques qui méritent des éloges que la manière dont les agents, vous tous, avez accueilli sa mise en place. Il apparaît, me dit-on, que vous appréciez de pouvoir organiser avec souplesse votre temps de présence au travail, compte tenu bien sûr des nécessités de service. Surtout, on me dit que les trois quarts d'entre vous bénéficient de crédits horaires, alors que le système ne fonctionne que depuis deux mois : cela veut dire que vous effectuez un temps supérieur à la durée théorique. J'y vois un signe de responsabilité de votre part, de conviction et d'engagement, et une volonté de participer activement à l'accomplissement des tâches auxquelles les services doivent faire face. Cette expérience devra être prise en compte au moment où le temps du travail pour les mois à venir, c'est-à-dire les 35 heures, sera discuté au sein du Département.
Je terminerai en vous disant que j'ai tenu à venir à Nantes pour faire le point de cette politique de modernisation qui est très importante pour moi, aussi importante que la gestion du travail diplomatiques ou des grandes crises qui surviennent. J'ai pensé qu'il est symbolique et significatif que ce soit à Nantes que je fasse le point de nos travaux et de nos avancées dans cette politique de modernisation que je poursuivrai avec opiniâtreté jusqu'à la dernière minute où j'exercerai ces fonctions.
Mais j'ai voulu aussi venir à Nantes en ce début d'année pour vous souhaiter une bonne et heureuse année, comme je l'ai fait hier à Paris devant beaucoup de responsables du Département, j'ai trouvé normal d'effectuer ce déplacement pour vous présenter tous mes vux. Comme je l'ai souligné alors, le Département est d'abord constitué de femmes et d'hommes dont l'engagement professionnel, où qu'ils se trouvent est déterminant pour le rayonnement de l'action du ministère. C'est pourquoi, tout en formulant les vux les plus chaleureux pour vous-mêmes et vos familles, je vous invite, en ce début d'année, à continuer à participer activement à travers l'exercice de vos compétences, par votre détermination et votre sens du service public, à la mise en oeuvre, chacun dans votre domaine, d'une politique étrangère dynamique et active, au bénéfice du rayonnement de notre pays à travers le monde, de la défense de nos intérêts, de nos idées, de nos valeurs.
Je n'oublie pas non plus que vous vivez dans un département et une région qui viennent d'être durement éprouvés. Une formidable mobilisation, un formidable effort collectif aussi bien individuel, national comme local est engagé pour en surmonter les conséquences. L'engagement du gouvernement sera à cet égard important, concret et durable. Malgré ce début difficile, je vous dis à tous bonne année.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 janvier 2000)
Entretien avec "France 3" à Nantes le 7 janvier 2000
Q - Monsieur le Ministre, vous avez beaucoup parlé ce matin de modernisation. Beaucoup de retard devait donc être rattrapé...
R - Il ne faut pas parler de retard sur tous les sujets parce qu'il y a ici des services tout à fait divers. Simplement, il y avait, dans un domaine particulier qui était l'état civil, un engorgement terrible parce que les services qui sont à Nantes n'avaient pas été dotés des moyens nécessaires, à la fois en hommes et surtout en informatique. Un coup de collier énorme a été donné depuis deux ans, et aujourd'hui, il n'y a presque plus de retard. On pourrait dire que, dans cette fonction de mairie pour tous les Français qui sont nés à l'étranger ou qui, à un moment donné ont un état civil qui concerne l'étranger, le service de l'état-civil est devenu la mairie la plus performante de toutes, puisque les délais ont été sensiblement raccourcis et que les réponses sont désormais rapides et précises. Je suis venu, non seulement présenter mes vux aux personnels qui sont à Nantes, mais aussi les féliciter pour ce résultat remarquable.
Q - Du fait de la multiplication de la présence des Français à l'étranger, ce type de service est-il appelé à se développer encore ?
R - Il est éventuellement appelé à se développer mais il était surtout appelé à se moderniser, à s'organiser mieux, être mieux équipé pour travailler plus vite. C'est intolérable qu'il y ait des mois d'attente pour obtenir des actes dont les Français ayant été amenés à vivre à l'étranger avaient besoin dans leur propre vie. Je ne peux pas annoncer un développement puisque nous avons réussi, avec les services actuels à faire beaucoup mieux et à être beaucoup plus productif. Dans l'avenir tout est possible.
Q - Concernant la marée noire que nous vivons ici, est-il possible, au niveau français et particulièrement dans votre ministère de faire quelque chose pour éviter que cela se renouvelle ?)
R - Le gouvernement s'est, non seulement organisé pour tenter de surmonter les conséquences de cette marée noire mais étudie également au fond la question des pavillons de complaisance. Il est clair que, même si la législation a été à plusieurs reprises améliorée depuis 20 ou 30 ans, à la suite de 3 marées noires que nous n'avons pas oubliées, les choses sont loin d'être parfaites à propos, notamment, du contrôle des bâtiments. Mais, il faut des fichiers, il faut une identification plus claire des bateaux, il faut une responsabilisation plus nette des propriétaires, non seulement des bateaux mais des cargaisons qui changent de mains souvent. Il faut un contrôle en cours de route, des mécanismes pour que les bâtiments hors d'âge et qui n'ont pas été contrôlés ne puissent plus naviguer.
Sur tout cela, nous sommes en train de faire le point, au ministère des Affaires étrangères, avec tous les ministères concernés, Transports, Environnement, Intérieur, Finances. Nous prendrons des initiatives, vraisemblablement dans le cadre de l'Union européenne parce qu'à Quinze, nous aurons plus de poids, sous la présidence française, ou avant, le plus tôt sera le mieux et nous agirons ensuite au sein des organisations internationales spécialisées dans le domaine du transport maritime pour que de cette catastrophe, de ce mal sorte un bien et une amélioration pour l'avenir.
Q - Et pour qu'il n'y ait plus de ces poubelles flottantes sur les mers du monde ?
R - C'est là où il faut des règles, il faut pouvoir les identifier clairement, les contrôler régulièrement et avoir des mécanismes qui soient acceptés par tous les participants du commerce maritime international et du transport pour qu'à un moment donné, on puisse retirer de la circulation ou interdire à la circulation et dans les ports, des bateaux qui sont devenus dangereux. Pour cela, il faut les connaître précisément, il faut contrôler exactement ce qui se passe et l'on s'est aperçu que sur tous ces plans, en dépit des améliorations des vingt dernières années, il y avait des failles considérables comme, malheureusement, on vient de le voir./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 janvier 2000)
Conférence de presse à Nantes le 7 janvier 2000
Je suis venu présenter mes vux aux personnels de Nantes qui représentent un tiers des effectifs de l'administration centrale. J'étais venu en 1997, je n'ai pas pu venir l'an dernier à cause de l'actualité de mon emploi du temps. C'est pour moi l'occasion, en même temps, de faire le point sur la modernisation. La modernisation étant un terme global qui couvre aussi bien l'informatisation, les nouvelles techniques de communication, les changements en matière de délivrance des visas, la modernisation de l'état civil - qui était complètement engorgé il y a encore deux ans et qui a fait un bond en avant impressionnant - et tout ce qui relève de la formation et de la gestion du ministère. Donc pour moi, venir à Nantes, ce n'est pas que présenter mes vux à une partie importante du personnel, mais c'était aussi faire le point sur la politique de modernisation, savoir où elle en était depuis deux années. Voilà pourquoi je suis venu.
Ensuite, j'ai assisté à une séance où l'on m'a présenté le bouleversement en matière d'état civil, qui est le résultat des efforts conjugués du service de l'état civil et du service informatique. C'est spectaculaire. Vous me disiez tout à l'heure qu'il y a deux ans, il y avait 300 000 lettres en attente et maintenant 200 ou 300. C'est vraiment spectaculaire, parce que, si vous comparez ce service à une mairie, car ce service fonctionne comme une sorte de grosse mairie, je pense que c'est devenu la mairie la plus performante de toutes, avec le temps d'attente le plus faible. C'est un élément de la modernisation qui fait partie d'une politique plus générale de modernisation et cela mérite d'être souligné.
Ensuite, j'ai eu un entretien avec le député-maire, M. Jean-Marc Ayrault, et ensuite avec les syndicats qui m'ont exprimé leurs différentes préoccupations. Aucun d'entre eux n'a exprimé de préoccupations ou d'hostilité de principe à la politique de modernisation. Simplement, des préoccupations légitimes de la part de représentants syndicaux pour la mise en oeuvre, les moyens, les conséquences, conséquences sur les personnels et sur les statuts. C'est un dialogue assez fécond. Tout à l'heure, je m'arrêterai, avant de repartir, au centre des archives puisque nous avons ici une partie de nos archives et qu'il y a au ministère des Affaires étrangères, un patrimoine historique en matière d'archives qui est prodigieux, prodigieux de qualité et d'intérêt, sous-utilisé, sous-exploité. J'ai quelques projets à ce sujet.
J'ai fait également une allocution que je ne vais pas reprendre et dont nous tenons le texte à votre disposition.
Q - Quels projets avez-vous pour les archives ?
R - J'ai l'intention de les utiliser plus dans le cadre des " journées du patrimoine " qui ont lieu chaque année. Mais pas seulement à cette occasion car je pense que le patrimoine n'est pas seulement immobilier. A Paris, on fait visiter les lieux prestigieux, mais il y a un fond de documents, de photographies, d'archives rares et de cartes qui est impressionnant.
Q - Elles ont déjà été ouvertes d'ailleurs, dans le cadre des journées du patrimoine. Ce serait identique ?
R - Là, je n'en suis qu'au début de ma réflexion, et, d'ailleurs, le Directeur des archives est avec moi.
Q - Et les moyens de décentralisation du ministère et les moyens en effectifs sont-ils stabilisés ou y a-t-il encore des perspectives d'extension de l'emploi ?
R - Je ne raisonnais pas uniquement pour Nantes. Je pensais à l'ensemble des services. C'est plutôt par besoins que nous raisonnons. Par exemple, le service des visas algérien, c'est une organisation bâtie dans l'urgence, quand il était devenu absolument impossible, pour des raisons de sécurité, de traiter les visas en Algérie. L'évolution est en sens inverse maintenant. En revanche, il y a d'autres fonctions qui se développent.
De mon point de vue, c'est très simple. Il y a une rencontre sur le plan humain en quelque sorte pour présenter ses vux aussi bien aux agents de Nantes qu'à ceux qui sont à Paris. Il s'agit, ensuite, de poursuivre le travail pour que l'ensemble des agents du ministère se sente appartenir à un même ensemble. Il faut que ce soit vrai à Nantes comme à Paris, et à Paris, il faut que ce soit vrai au Quai d'Orsay, rue La Pérouse, boulevard St-Germain et rue Monsieur pour citer nos principales implantations. D'autre part, sur le plan de la modernisation, c'est une bonne occasion de faire le point et de dire des choses, ici, dans une allocution dont vous avez le texte et que j'ai faite tout à l'heure parce qu'il s'est passé, en peu de temps, des progrès spectaculaires. C'est encore plus logique de le dire ici, de faire ce point ici. J'aurais pu le faire hier au Quai d'Orsay, mais j'ai trouvé que cela avait plus de sens ici, à Nantes.
Q - Une autre question, vous avez fait allusion tout à l'heure dans votre allocution aux problèmes de la marée noire qui frappe ce département. La question des pavillons de complaisance, est-ce de la compétence de votre ministère et de vous-même, ou d'un autre ministère auquel cas il ne vous concernerait pas.
R - Elle est tout à fait de notre compétence puisque nous avons une compétence générale pour tout ce qui est international, pour tout ce qui est négociations internationales mais nous le faisons à chaque fois avec les ministères spécialisés compétents. Nous sommes les spécialistes de l'orchestration générale de toutes les négociations, sur tous les plans. Là, il y a des initiatives à prendre dans le cadre de l'organisation maritime internationale mais, avant, il faut prendre des initiatives, sans doute dans le cadre de l'union européenne pour avoir une position renforcée. Il est vrai que les pavillons de complaisance occupent une place considérable, démesurée, pour toute une série de raisons, parce que la plupart des pays qui ont des traditions maritimes commerciales et civiles ont vu ces traditions s'effondrer pour des raisons de coûts, de personnels mais pas seulement et cela s'est passé dans des conditions qui ne sont pas assez contrôlées. Nous sommes donc en train de travailler, le gouvernement travaille et mon ministère est très mêlé à tout cela bien entendu, à la fois sur les aspects techniques, c'est-à-dire des normes plus strictes pour les navires, et sur la mise au point et sur la diffusion d'un fichier des navires et avec leur état exact et ensuite un contrôle. Le point faible principal aujourd'hui c'est le contrôle effectif. Après, il s'agit de voir comment on peut responsabiliser plus les propriétaires et on a découvert, on a redécouvert (pour le grand public) à cette occasion, à quel point il était difficile de dire qui était propriétaire d'un navire et surtout, qui était le propriétaire de la cargaison car elle change de main plusieurs fois.
Voilà les axes sur lesquels nous sommes en train de travailler.
Q - Et la présidence française permettra-t-elle d'aller plus vite ?
R - La présidence française est peut-être une occasion, mais on peut tout à fait être prêt avant. Si on dit " présidence ", cela restreint un peu l'ambition parce que cela ne dure que six mois dont un mois d'été. Si nous avons des initiatives précises que l'on peut proposer et qui soient efficaces, on peut le faire sous présidence portugaise ou après. Il ne faut pas se focaliser que là-dessus. Nous avons la même capacité à prendre des initiatives lorsque l'on n'est pas président. Au contraire, lorsque l'on est président, il faut être un peu au-dessus de la mêlée, il faut tenir compte des points de vue de tout le monde. On peut peut-être être plus dynamique et plus offensif lorsque l'on se lance avec ses propres propositions. Mais, nous ferons les deux.
Q - Ce n'est pas l'objet de notre visite, mais avez-vous une réaction sur la situation en Côte d'Ivoire. Les expatriés semblent inquiets. Qu'en est-il sur la situation à Abidjan ?
R - Nous sommes dans une situation qui est issue d'un coup de force contre un président et un gouvernement légal, donc nous l'avons condamné dès le début, dès l'origine. Nous avons pris des dispositions nécessaires pour assurer la sécurité des Français et des ressortissants étrangers dans l'hypothèse où elle aurait été menacée. Nous ne nous sommes pas ingérés, cela fait d'ailleurs un temps considérable, depuis 20 ans, que la France ne s'est pas ingérée dans des affaires africaines strictement intérieures. Il y a des cas où la France dans le cadre d'accords de coopération de défense a joué un rôle mais c'était toujours dans un cas où cela concernant toujours plusieurs pays africains, avec des agressions de pays l'un contre l'autre, des combinaisons, des drames internes ou des implications extérieures. Nous avons été tout à fait rigoureux quant à nos principes par rapport à cela, mais cela n'enlève rien à la condamnation, condamnation du fait qu'on ne peut pas admettre qu'un gouvernement, et un président légal soient renversés dans ces conditions. J'ai pris personnellement l'initiative très tôt de demander à l'Union européenne d'entamer une procédure, qui s'appelle la procédure de l'article 366 bis, qui est un article des Accords de Lomé, inséré à la demande de la France pour savoir quoi faire dans ce type de situation. Dans ce cas, on met en place un dialogue ; c'est un dialogue récent avec, d'une part, d'un côté une troïka européenne, de l'autre une troïka des pays ACP, d'autre part les autorités du pays, et le but de ce dialogue est d'obtenir, d'exiger en fait, des autorités du pays, qu'elles fixent à nouveau un calendrier de retour à une situation institutionnelle normale. En clair, refaire des élections. Nous sommes le premier mois dans lequel ce dialogue est en train de s'organiser et nous allons très prochainement dans une réunion des ministres des Affaires étrangères des Quinze décider des modalités de ce dialogue. Pendant ce temps là, nous passons en revue nos différentes activités de coopération avec ce pays et nous allons suspendre ou reporter les coopérations qui nous semblent incompatibles avec cette situation politique. Après, le dialogue s'engagera et je vous le redis, l'objectif est d'obtenir un engagement précis sur le calendrier électoral. Ca c'est ce qui dépend de nous. Pour le reste, la situation est forcément potentiellement instable parce que c'est une situation politique instable, après la chute de ce président et de ce gouvernement, en attendant qu'une situation normale se rétablisse. Je vous ai répondu sur ce qui dépend de nous. Je ne peux pas vous répondre sur ce qui dépend des Ivoiriens. C'est un pays indépendant depuis quarante ans.
Q - Mais la situation des Français dans ce pays ne paraît-elle pas réellement inquiétante ?
R - Je n'ai pas eu d'indications très récentes. Il y a eu beaucoup de rumeurs hier, mais ce matin, tout paraissait calme. Nous avons fait un gros effort concernant la localisation des Français dans des pays avec une situation instable comme la Côte d'Ivoire. Nous avons des plans très précis, nous savons localiser tous les Français, en tout cas ceux qui se déclarent et qui se sont recensés dans le consulat. On sait où ils habitent, et nous avons énormément augmenté les moyens les ambassades, en tout cas dans tous les pays sensibles pour être capable de les joindre très vite. C'est la situation de base et cela a joué au moment de Noël et après, et nous restons très vigilants. Mais, il y a une ambiance qui se prête à ce type de nervosité, d'inquiétude et de rumeurs. Mais il faut revenir au fond de la situation. C'est une situation politique anormale, de transition et la pression des Européens et je crois de la plupart des chefs d'Etats africains qui commencent eux-mêmes à réagir très mal à ce type de coups de force, parce que cela se répercute injustement sur l'image de l'ensemble de l'Afrique. La pression doit permettre d'obtenir un nouveau calendrier électoral./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 12 janvier 2000)