Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les membres du comité,
Mesdames, Messieurs,
Pour la deuxième année consécutive, nous vous présentons, avec mon collègue Alain Lambert, les grandes lignes du projet de loi de finances pour 2004 et plus particulièrement son volet "collectivités territoriales". Ce rendez-vous traditionnel, prévu par la loi, qui fait de votre comité l'interlocuteur privilégié du Gouvernement sur tous ces sujets financiers, prend cette année un relief particulier.
Le contexte dans lequel doit s'inscrire la loi de finances a en effet profondément changé depuis l'année dernière.
La Constitution révisée le 28 mars dernier prévoit en effet un nouveau corpus de règles qui s'imposent à l'État dans ses relations financières avec les collectivités locales et qui sont, pour ces dernières, autant de garanties fondamentales. Je les rappelle brièvement : liberté d'emploi de leurs ressources par les collectivités locales, préservation de leur autonomie financière, compensation loyale des transferts de compétences et relance de la péréquation.
Cette révision constitutionnelle a été suivie de l'adoption des deux lois organiques sur le référendum et l'expérimentation. Celle sur l'autonomie financière des collectivités territoriales est actuellement examinée par le Conseil d'État. Elle sera présentée au Conseil des ministres avant la fin octobre et discutée au Parlement aussitôt après.
Les lois qui organisent les transferts de compétences sont, elles aussi, sur le point d'être adoptées. La loi qui confie aux départements la gestion du RMI et qui institue le RMA est en cours de discussion au Parlement et devrait entrer en vigueur au 1er janvier 2004. L'Assemblée générale du Conseil d'État examinera demain le projet de loi de décentralisation lui-même qui sera présenté le 1er octobre au Conseil des ministres. Le Sénat en sera saisi dans la deuxième quinzaine d'octobre et l'Assemblée nationale un mois plus tard environ. Le texte devrait ainsi entrer en vigueur au 1er janvier 2005. Il permettra à notre pays de franchir une étape fondamentale dans l'organisation d'une République décentralisée conformément à l'article 1er de notre Constitution.
Nous sommes aujourd'hui confrontés à des enjeux financiers d'une ampleur rarement atteinte. Et je sais que beaucoup appréhendent les conséquences financières de cette décentralisation. Ils craignent que l'État saisisse cette occasion pour se défausser sur les collectivités locales de ses déficits. Il n'en sera rien.
Les transferts de compétences seront loyalement compensés. Ils seront aussi loyalement évalués. C'est dorénavant la Constitution qui l'impose. La loi confie cette dernière mission à la commission consultative d'évaluation des charges (CCEC) dont un grand nombre d'entre vous sont membres. Cette commission doit être rénovée si on veut qu'elle puisse accomplir une tâche aussi lourde correctement. Il me semble notamment qu'elle doit être présidée par un élu. Je me demande aussi s'il ne serait pas souhaitable de fusionner la CCEC avec votre comité qui deviendrait ainsi l'interlocuteur financier unique de l'État en matière de décentralisation. J'ai demandé à M. BUR d'étudier cette question et de me faire des propositions en ce sens. J'attends votre avis avec beaucoup d'intérêt sur cette question.
Comme je vous l'indiquais tout à l'heure l'exercice auquel nous nous livrons aujourd'hui devant vous avec Alain Lambert prend un relief particulier. Il nous faut traduire concrètement dans le projet de loi de finances pour 2004 les grands principes constitutionnels qui trouveront à s'appliquer dans cette nouvelle étape de la décentralisation.
Si je voulais schématiser, je dirais que les trois engagements du Gouvernement sont tenus dans le PLF 2004 :
- 1°) En dépit d'un contexte budgétaire très difficile, l'État n'a pas remis en cause les règles du jeu et a décidé de reconduire le contrat de croissance et de solidarité selon exactement les mêmes modalités qu'en 2003.
- 2°) Le PLF engage la réforme de la DGF afin de dégager les marges de manoeuvre pour une vraie politique de péréquation et prépare ainsi la réforme d'ensemble qui devra être conduite en 2004.
- 3°) Conformément au principe d'autonomie financière, le transfert de compétences aux départements en matière de RMI leur sera compensé par l'attribution d'une part de fiscalité d'État et non par une dotation.
LE RESPECT DES REGLES DU CONTRAT DE CROISSANCE ET DE SOLIDARITE
Alain Lambert vient de vous rappeler le contexte dans lequel s'inscrit la loi de finances et les difficultés auxquelles nous sommes confrontés. Avec près de 59,4 milliards d'euros en 2004, soit un cinquième du budget de l'État, l'effort financier en faveur des collectivités locales représente une composante essentielle de l'équilibre de nos finances publiques.
A l'heure où le Premier ministre a posé comme règle le gel en euros constants des dépenses de l'État, c'est-à-dire une progression limitée à la seule inflation, je ne vous cacherai pas qu'il y a eu au sein du Gouvernement un débat sur le niveau de l'indexation des concours financiers aux collectivités territoriales et notamment du contrat de croissance et de solidarité. Ce débat a été très intense. Les différentes positions en présence pouvaient d'ailleurs parfaitement se justifier. Il aurait en effet été compréhensible que la règle appliquée à l'État d'indexation sur l'inflation le soit aussi pour les collectivités locales.
Le Premier ministre en a néanmoins décidé autrement.
Il a souhaité très clairement que soient préservées les règles auxquelles je vous sais très attachés. La contribution des collectivités locales à la croissance économique est en effet essentielle. Nous le savons tous. Il est donc légitime que les dotations qui leur reviennent soient indexées sur cette croissance du PIB, même lorsque les temps sont difficiles. Mais surtout, alors que s'engagera concrètement en 2004 cette nouvelle étape de la décentralisation, il aurait été inconcevable que l'État reprenne d'une main, en baissant ses dotations, ce qu'il donnait de l'autre en attribuant de la TIPP.
Le contrat de croissance et de solidarité continuera ainsi de progresser, comme en 2002 et en 2003, sur les prix majorés de 33 % du taux de croissance du PIB. Compte tenu d'une hypothèse d'inflation hors tabac de 1,5 % en 2004 et d'un taux de croissance du PIB pour 2003 estimé à 0,5 %, le taux d'indexation de l'enveloppe normée s'établit ainsi cette année à
+1,67 %.
La dotation de compensation de la taxe professionnelle (DCTP), qui conserve son rôle de variable d'ajustement du contrat, connaîtra en 2004 une baisse assez limitée de 3,5 %, soit un niveau assez faible et en tout cas nettement inférieur à celui de 2003 où elle diminuait de plus de 5 %.
La DGF pour sa part verra son assiette élargie par l'intégration d'un grand nombre de dotations aujourd'hui disparates. M. BUR vous a présenté l'économie de cette réforme lors de votre réunion du 3 septembre dernier. Passant de 19 à 36,5 milliards d'euros, la DGF augmentera par ailleurs en 2004, à structure constante, de près de 400 Md'euros, soit 1,93 %.
En dépit de ces résultats très favorables pour les collectivités locales, je ne doute pas que certains esprits chagrins regretteront que l'on ne soit pas allé plus loin dans l'indexation du contrat de croissance et de solidarité, en passant à 50 % du taux de croissance du PIB par exemple. On peut toujours souhaiter faire plus. Mais il nous a semblé que la préservation des règles existantes était déjà une garantie importante donnée aux collectivités territoriales dans le contexte actuel.
Les tableaux qui vous sont distribués ce matin vous donnent tous les chiffres ainsi que le détail des différentes composantes du contrat de croissance et de solidarité. Sa lecture est cette année plus délicate que par le passé en raison de la réforme d'architecture de la DGF dont les grandes lignes vous ont déjà été présentées par M. BUR. Je n'y reviendrai donc pas dans le détail, mais je répondrai bien volontiers à vos questions à la fin de notre rencontre.
REFORMER LA DGF POUR SOUTENIR LA PEREQUATION
A côté du souci de préserver le niveau global de l'effort financier de l'État aux collectivités territoriales, il nous est apparu indispensable d'engager dès à présent une vraie politique de péréquation, conformément à la lettre de la Constitution qui s'impose à nous dorénavant. Vous l'avez compris, je fais ici référence au chantier capital que représente la réforme d'ensemble de la DGF et des critères de répartition des dotations de péréquation.
A cet égard, je voudrais tout d'abord vous rappeler la démarche équilibrée que nous avons retenue.
Le Gouvernement a en effet exclu toute réforme précipitée des dotations. Il fallait que le cadre juridique et financier de la décentralisation soit d'abord posé. C'est aujourd'hui chose faite avec la révision constitutionnelle de mars dernier.
Il fallait ensuite que les contours des transferts de compétences soient mieux définis, afin de pouvoir évaluer les mouvements financiers qui en découleront pour les différentes collectivités. Là aussi, les choses sont aujourd'hui précisées. Avec la loi sur le RMI et le projet de loi de décentralisation, ce sont plus de 11,5 milliards d'euros de compétences qui seront transférés en 2004 et en 2005, dont environ 8 Mds d'euros pour les départements et 3 Mds d'euros pour les régions.
C'est une fois définis ces grands équilibres financiers que le Gouvernement a engagé la concertation. Et vous avez été les premiers à être saisis. Le 8 juillet, Alain Lambert et moi-même, nous vous avons présenté les grandes lignes de nos propositions en ce domaine. Vous vous êtes réunis pour en débattre le 3 septembre au sein d'un groupe de travail. Cette réunion a été très suivie et vos débats ont été très riches. Une prochaine rencontre est programmée dans quelques semaines.
Quelle est donc la méthode que nous vous proposons ? Il s'agit d'une démarche en deux temps :
- En loi de finances pour 2004, nous souhaitons une vaste réorganisation de l'architecture des dotations qui sont aujourd'hui disparates et dont l'enchevêtrement aboutit à une totale illisibilité, hormis peut-être pour quelques spécialistes dont la plupart sont réunis dans cette pièce. Cette DGF élargie de 36,5 milliards d'euros sera répartie entre les communes, les départements et - pour la première fois - les régions, selon une même structure, c'est-à-dire avec une dotation de base et une dotation de péréquation. En jouant sur des masses aussi considérables, on parvient à dégager des marges de manoeuvre financières qui viennent alimenter les dotations de solidarité.
- Dans un deuxième temps, une loi sera préparée courant 2004, après la concertation que vous avez inaugurée. Il s'agira là de passer des questions d'architecture d'ensemble aux modalités fines de répartition des dotations, collectivité par collectivité. Et dans ce domaine, votre expertise nous sera très précieuse quand il faudra faire des choix sur les critères de la péréquation, le mode de calcul du potentiel fiscal ou encore la réforme du CIF.
Grâce à cette réforme d'architecture, les dotations de péréquation au sein de la DGF sont préservées et connaissent en 2004 une progression sur l'inflation. Néanmoins, en raison de la faiblesse de la croissance cette année, l'État devra encore injecter une quarantaine de millions d'euros d'abondements pour soutenir la progression de la DSU et de la DSR, en complément des reliquats de la dotation spéciale instituteur. De même, et comme cela avait été fait en 2002 et en 2003, la quote-part de la régularisation de la DGF revenant aux communes et intercommunalités sera ciblée, à hauteur de 45 Md'euros, sur le soutien à la péréquation. La part revenant aux départements, soit 15 Md'euros, leur sera toutefois maintenue, afin de les aider à faire face à l'augmentation des charges qu'ils ont héritées de la précédente législature.
Le projet de loi de finances pour 2004 ne préjuge donc pas des décisions qu'il nous faudra prendre l'année prochaine en matière de réforme des dotations. Il aménage simplement les règles actuelles pour donner de l'air à la péréquation. Mais le travail qui nous attend est encore très important.
Si j'en crois le compte rendu de vos débats du 3 septembre dernier, la plupart d'entre vous ont entendu l'esprit général de cette réforme.
Je voudrais enfin rassurer ceux qui se méfient toujours des grands mouvements d'architecture et qui craignent à cette occasion une certaine "perte en ligne". J'ai veillé, avec mon collègue du Budget, à ce que les décomptes soient précis.
Ainsi, concernant la compensation de la part salaires dont je sais que le devenir avait suscité quelques inquiétudes, je peux vous assurer qu'aucune collectivité - commune, EPCI, département ou région - ne percevra en 2004 un montant inférieur à celui reçu en 2003. Seule une partie de l'augmentation de cette compensation sera affectée à la péréquation, au choix de votre comité.
De même, j'ai proposé la suppression du fonds national de péréquation de la taxe professionnelle (FNPTP) auquel plus personne ne comprenait rien. Là encore, les comptes ont été faits avec précision. Le FNP a été basculé dans la DGF, ainsi que les compensations de baisses de la DCTP. La dotation de développement rural (DDR) deviendra une dotation budgétaire sur le modèle de la dotation globale d'équipement (DGE). Et enfin, les pertes de bases de taxe professionnelle et de redevance des mines seront compensées par un prélèvement sur les recettes de l'État, selon les mêmes règles qu'aujourd'hui. Cela veut dire que le taux de compensation de la perte à 90 % la première année, auquel vous êtes très attachés, est préservé.
RENFORCER L'AUTONOMIE FINANCIERE DES COLLECTIVITES LOCALES
Le renforcement de l'autonomie financière des collectivités locales est à la base de notre politique de financement de la décentralisation. La LFI pour 2003 avait illustré cette volonté en leur restituant les bases de taxe professionnelle de France Télécom et en assouplissant les règles de lien entre les taux.
Le PLF pour 2004 poursuit cette démarche en transférant aux départements 5 milliards d'euros de TIPP au titre du financement du RMI-RMA, selon des modalités qui viennent de vous être présentées.
Je ne reviendrai pas sur le débat qu'a évoqué Alain Lambert sur la possibilité pour les départements de moduler les taux de cette TIPP.
Je crois simplement utile de rappeler que l'article 72-2 de la Constitution prévoit la possibilité de transférer aux collectivités territoriales des "impositions de toute nature" et que le Conseil d'État n'a fait aucune remarque sur les modalités de compensation du RMI par de la TIPP dans le PLF. Par ailleurs, à la différence d'une dotation, dont le taux d'évolution est fixé par la loi à l'avance, la TIPP que percevront les départements bénéficiera du dynamisme de la base fiscale.
Je veux en revanche insister sur l'engagement du Premier ministre devant l'assemblée générale de l'ADF la semaine dernière d'attribuer aux départements, en loi de finances pour 2005, une part de la taxe sur les conventions d'assurance en complément de la TIPP afin de renforcer significativement leur autonomie financière. Quant aux autres recettes fiscales, certains ont proposé une augmentation de la taxe départementale sur l'électricité. Cette piste est intéressante, mais il faut souligner que cela représente une augmentation nette des prélèvements obligatoires et une hausse sensible du tarif de l'électricité.
Le débat parlementaire pourra être l'occasion d'aborder ces différentes questions.
Enfin, le renforcement de l'autonomie financière des collectivités locales doit avoir pour corollaire une plus grande responsabilisation des élus locaux dans l'utilisation de l'outil fiscal. Il faut sortir du système actuel dans lequel l'État est devenu le premier contribuable local.
Aujourd'hui, le budget de l'État prend en effet à sa charge près de 8 Mds d'euros au titre des dégrèvements. Je sais bien que c'est la loi qui les a institués, qu'il s'agisse du plafonnement sur la valeur ajoutée pour la taxe professionnelle ou du dégrèvement en fonction du revenu en matière de taxe d'habitation, pour parler des principaux. Ce système a des effets pervers : un certain nombre de collectivités suppriment leurs abattements, tout en sachant que la majeure partie de l'augmentation des impôts qui en résulte sera payée par l'État et non par leurs contribuables qui sont déjà dégrevés.
C'est à mon sens malsain et profondément déresponsabilisant.
Je me félicite donc que les commissions des finances des deux assemblées aient soulevé cette question. Il est temps de mettre un frein à ces dérives.
Nous entrons à présent dans la phase opérationnelle de la décentralisation. Le cadre constitutionnel a été posé. Le projet de loi de transfert de compétences sera bientôt débattu au Parlement. La question du financement devient capitale.
Même si le projet de loi de finances pour 2004 s'inscrit dans une situation macro-économique très difficile, il a fait le choix clair d'accompagner les collectivités locales dans ce grand mouvement de décentralisation en préservant leurs finances et en renforçant leur autonomie. Cette démarche sera naturellement poursuivie l'année prochaine.
La décentralisation impose par ailleurs d'engager enfin la réforme des finances locales, et singulièrement de la DGF. Votre comité a déjà beaucoup travaillé sur cette question. J'attends beaucoup de vos propositions. Elles devront éclairer le Gouvernement dans les choix difficiles qu'il devra faire en 2004 pour faire émerger une péréquation à la hauteur des inégalités qui entravent le développement de nos territoires.
Je vous remercie.
(Source http://www.interieur.gouv.fr, le 25 septembre 2003)
Mesdames et Messieurs les membres du comité,
Mesdames, Messieurs,
Pour la deuxième année consécutive, nous vous présentons, avec mon collègue Alain Lambert, les grandes lignes du projet de loi de finances pour 2004 et plus particulièrement son volet "collectivités territoriales". Ce rendez-vous traditionnel, prévu par la loi, qui fait de votre comité l'interlocuteur privilégié du Gouvernement sur tous ces sujets financiers, prend cette année un relief particulier.
Le contexte dans lequel doit s'inscrire la loi de finances a en effet profondément changé depuis l'année dernière.
La Constitution révisée le 28 mars dernier prévoit en effet un nouveau corpus de règles qui s'imposent à l'État dans ses relations financières avec les collectivités locales et qui sont, pour ces dernières, autant de garanties fondamentales. Je les rappelle brièvement : liberté d'emploi de leurs ressources par les collectivités locales, préservation de leur autonomie financière, compensation loyale des transferts de compétences et relance de la péréquation.
Cette révision constitutionnelle a été suivie de l'adoption des deux lois organiques sur le référendum et l'expérimentation. Celle sur l'autonomie financière des collectivités territoriales est actuellement examinée par le Conseil d'État. Elle sera présentée au Conseil des ministres avant la fin octobre et discutée au Parlement aussitôt après.
Les lois qui organisent les transferts de compétences sont, elles aussi, sur le point d'être adoptées. La loi qui confie aux départements la gestion du RMI et qui institue le RMA est en cours de discussion au Parlement et devrait entrer en vigueur au 1er janvier 2004. L'Assemblée générale du Conseil d'État examinera demain le projet de loi de décentralisation lui-même qui sera présenté le 1er octobre au Conseil des ministres. Le Sénat en sera saisi dans la deuxième quinzaine d'octobre et l'Assemblée nationale un mois plus tard environ. Le texte devrait ainsi entrer en vigueur au 1er janvier 2005. Il permettra à notre pays de franchir une étape fondamentale dans l'organisation d'une République décentralisée conformément à l'article 1er de notre Constitution.
Nous sommes aujourd'hui confrontés à des enjeux financiers d'une ampleur rarement atteinte. Et je sais que beaucoup appréhendent les conséquences financières de cette décentralisation. Ils craignent que l'État saisisse cette occasion pour se défausser sur les collectivités locales de ses déficits. Il n'en sera rien.
Les transferts de compétences seront loyalement compensés. Ils seront aussi loyalement évalués. C'est dorénavant la Constitution qui l'impose. La loi confie cette dernière mission à la commission consultative d'évaluation des charges (CCEC) dont un grand nombre d'entre vous sont membres. Cette commission doit être rénovée si on veut qu'elle puisse accomplir une tâche aussi lourde correctement. Il me semble notamment qu'elle doit être présidée par un élu. Je me demande aussi s'il ne serait pas souhaitable de fusionner la CCEC avec votre comité qui deviendrait ainsi l'interlocuteur financier unique de l'État en matière de décentralisation. J'ai demandé à M. BUR d'étudier cette question et de me faire des propositions en ce sens. J'attends votre avis avec beaucoup d'intérêt sur cette question.
Comme je vous l'indiquais tout à l'heure l'exercice auquel nous nous livrons aujourd'hui devant vous avec Alain Lambert prend un relief particulier. Il nous faut traduire concrètement dans le projet de loi de finances pour 2004 les grands principes constitutionnels qui trouveront à s'appliquer dans cette nouvelle étape de la décentralisation.
Si je voulais schématiser, je dirais que les trois engagements du Gouvernement sont tenus dans le PLF 2004 :
- 1°) En dépit d'un contexte budgétaire très difficile, l'État n'a pas remis en cause les règles du jeu et a décidé de reconduire le contrat de croissance et de solidarité selon exactement les mêmes modalités qu'en 2003.
- 2°) Le PLF engage la réforme de la DGF afin de dégager les marges de manoeuvre pour une vraie politique de péréquation et prépare ainsi la réforme d'ensemble qui devra être conduite en 2004.
- 3°) Conformément au principe d'autonomie financière, le transfert de compétences aux départements en matière de RMI leur sera compensé par l'attribution d'une part de fiscalité d'État et non par une dotation.
LE RESPECT DES REGLES DU CONTRAT DE CROISSANCE ET DE SOLIDARITE
Alain Lambert vient de vous rappeler le contexte dans lequel s'inscrit la loi de finances et les difficultés auxquelles nous sommes confrontés. Avec près de 59,4 milliards d'euros en 2004, soit un cinquième du budget de l'État, l'effort financier en faveur des collectivités locales représente une composante essentielle de l'équilibre de nos finances publiques.
A l'heure où le Premier ministre a posé comme règle le gel en euros constants des dépenses de l'État, c'est-à-dire une progression limitée à la seule inflation, je ne vous cacherai pas qu'il y a eu au sein du Gouvernement un débat sur le niveau de l'indexation des concours financiers aux collectivités territoriales et notamment du contrat de croissance et de solidarité. Ce débat a été très intense. Les différentes positions en présence pouvaient d'ailleurs parfaitement se justifier. Il aurait en effet été compréhensible que la règle appliquée à l'État d'indexation sur l'inflation le soit aussi pour les collectivités locales.
Le Premier ministre en a néanmoins décidé autrement.
Il a souhaité très clairement que soient préservées les règles auxquelles je vous sais très attachés. La contribution des collectivités locales à la croissance économique est en effet essentielle. Nous le savons tous. Il est donc légitime que les dotations qui leur reviennent soient indexées sur cette croissance du PIB, même lorsque les temps sont difficiles. Mais surtout, alors que s'engagera concrètement en 2004 cette nouvelle étape de la décentralisation, il aurait été inconcevable que l'État reprenne d'une main, en baissant ses dotations, ce qu'il donnait de l'autre en attribuant de la TIPP.
Le contrat de croissance et de solidarité continuera ainsi de progresser, comme en 2002 et en 2003, sur les prix majorés de 33 % du taux de croissance du PIB. Compte tenu d'une hypothèse d'inflation hors tabac de 1,5 % en 2004 et d'un taux de croissance du PIB pour 2003 estimé à 0,5 %, le taux d'indexation de l'enveloppe normée s'établit ainsi cette année à
+1,67 %.
La dotation de compensation de la taxe professionnelle (DCTP), qui conserve son rôle de variable d'ajustement du contrat, connaîtra en 2004 une baisse assez limitée de 3,5 %, soit un niveau assez faible et en tout cas nettement inférieur à celui de 2003 où elle diminuait de plus de 5 %.
La DGF pour sa part verra son assiette élargie par l'intégration d'un grand nombre de dotations aujourd'hui disparates. M. BUR vous a présenté l'économie de cette réforme lors de votre réunion du 3 septembre dernier. Passant de 19 à 36,5 milliards d'euros, la DGF augmentera par ailleurs en 2004, à structure constante, de près de 400 Md'euros, soit 1,93 %.
En dépit de ces résultats très favorables pour les collectivités locales, je ne doute pas que certains esprits chagrins regretteront que l'on ne soit pas allé plus loin dans l'indexation du contrat de croissance et de solidarité, en passant à 50 % du taux de croissance du PIB par exemple. On peut toujours souhaiter faire plus. Mais il nous a semblé que la préservation des règles existantes était déjà une garantie importante donnée aux collectivités territoriales dans le contexte actuel.
Les tableaux qui vous sont distribués ce matin vous donnent tous les chiffres ainsi que le détail des différentes composantes du contrat de croissance et de solidarité. Sa lecture est cette année plus délicate que par le passé en raison de la réforme d'architecture de la DGF dont les grandes lignes vous ont déjà été présentées par M. BUR. Je n'y reviendrai donc pas dans le détail, mais je répondrai bien volontiers à vos questions à la fin de notre rencontre.
REFORMER LA DGF POUR SOUTENIR LA PEREQUATION
A côté du souci de préserver le niveau global de l'effort financier de l'État aux collectivités territoriales, il nous est apparu indispensable d'engager dès à présent une vraie politique de péréquation, conformément à la lettre de la Constitution qui s'impose à nous dorénavant. Vous l'avez compris, je fais ici référence au chantier capital que représente la réforme d'ensemble de la DGF et des critères de répartition des dotations de péréquation.
A cet égard, je voudrais tout d'abord vous rappeler la démarche équilibrée que nous avons retenue.
Le Gouvernement a en effet exclu toute réforme précipitée des dotations. Il fallait que le cadre juridique et financier de la décentralisation soit d'abord posé. C'est aujourd'hui chose faite avec la révision constitutionnelle de mars dernier.
Il fallait ensuite que les contours des transferts de compétences soient mieux définis, afin de pouvoir évaluer les mouvements financiers qui en découleront pour les différentes collectivités. Là aussi, les choses sont aujourd'hui précisées. Avec la loi sur le RMI et le projet de loi de décentralisation, ce sont plus de 11,5 milliards d'euros de compétences qui seront transférés en 2004 et en 2005, dont environ 8 Mds d'euros pour les départements et 3 Mds d'euros pour les régions.
C'est une fois définis ces grands équilibres financiers que le Gouvernement a engagé la concertation. Et vous avez été les premiers à être saisis. Le 8 juillet, Alain Lambert et moi-même, nous vous avons présenté les grandes lignes de nos propositions en ce domaine. Vous vous êtes réunis pour en débattre le 3 septembre au sein d'un groupe de travail. Cette réunion a été très suivie et vos débats ont été très riches. Une prochaine rencontre est programmée dans quelques semaines.
Quelle est donc la méthode que nous vous proposons ? Il s'agit d'une démarche en deux temps :
- En loi de finances pour 2004, nous souhaitons une vaste réorganisation de l'architecture des dotations qui sont aujourd'hui disparates et dont l'enchevêtrement aboutit à une totale illisibilité, hormis peut-être pour quelques spécialistes dont la plupart sont réunis dans cette pièce. Cette DGF élargie de 36,5 milliards d'euros sera répartie entre les communes, les départements et - pour la première fois - les régions, selon une même structure, c'est-à-dire avec une dotation de base et une dotation de péréquation. En jouant sur des masses aussi considérables, on parvient à dégager des marges de manoeuvre financières qui viennent alimenter les dotations de solidarité.
- Dans un deuxième temps, une loi sera préparée courant 2004, après la concertation que vous avez inaugurée. Il s'agira là de passer des questions d'architecture d'ensemble aux modalités fines de répartition des dotations, collectivité par collectivité. Et dans ce domaine, votre expertise nous sera très précieuse quand il faudra faire des choix sur les critères de la péréquation, le mode de calcul du potentiel fiscal ou encore la réforme du CIF.
Grâce à cette réforme d'architecture, les dotations de péréquation au sein de la DGF sont préservées et connaissent en 2004 une progression sur l'inflation. Néanmoins, en raison de la faiblesse de la croissance cette année, l'État devra encore injecter une quarantaine de millions d'euros d'abondements pour soutenir la progression de la DSU et de la DSR, en complément des reliquats de la dotation spéciale instituteur. De même, et comme cela avait été fait en 2002 et en 2003, la quote-part de la régularisation de la DGF revenant aux communes et intercommunalités sera ciblée, à hauteur de 45 Md'euros, sur le soutien à la péréquation. La part revenant aux départements, soit 15 Md'euros, leur sera toutefois maintenue, afin de les aider à faire face à l'augmentation des charges qu'ils ont héritées de la précédente législature.
Le projet de loi de finances pour 2004 ne préjuge donc pas des décisions qu'il nous faudra prendre l'année prochaine en matière de réforme des dotations. Il aménage simplement les règles actuelles pour donner de l'air à la péréquation. Mais le travail qui nous attend est encore très important.
Si j'en crois le compte rendu de vos débats du 3 septembre dernier, la plupart d'entre vous ont entendu l'esprit général de cette réforme.
Je voudrais enfin rassurer ceux qui se méfient toujours des grands mouvements d'architecture et qui craignent à cette occasion une certaine "perte en ligne". J'ai veillé, avec mon collègue du Budget, à ce que les décomptes soient précis.
Ainsi, concernant la compensation de la part salaires dont je sais que le devenir avait suscité quelques inquiétudes, je peux vous assurer qu'aucune collectivité - commune, EPCI, département ou région - ne percevra en 2004 un montant inférieur à celui reçu en 2003. Seule une partie de l'augmentation de cette compensation sera affectée à la péréquation, au choix de votre comité.
De même, j'ai proposé la suppression du fonds national de péréquation de la taxe professionnelle (FNPTP) auquel plus personne ne comprenait rien. Là encore, les comptes ont été faits avec précision. Le FNP a été basculé dans la DGF, ainsi que les compensations de baisses de la DCTP. La dotation de développement rural (DDR) deviendra une dotation budgétaire sur le modèle de la dotation globale d'équipement (DGE). Et enfin, les pertes de bases de taxe professionnelle et de redevance des mines seront compensées par un prélèvement sur les recettes de l'État, selon les mêmes règles qu'aujourd'hui. Cela veut dire que le taux de compensation de la perte à 90 % la première année, auquel vous êtes très attachés, est préservé.
RENFORCER L'AUTONOMIE FINANCIERE DES COLLECTIVITES LOCALES
Le renforcement de l'autonomie financière des collectivités locales est à la base de notre politique de financement de la décentralisation. La LFI pour 2003 avait illustré cette volonté en leur restituant les bases de taxe professionnelle de France Télécom et en assouplissant les règles de lien entre les taux.
Le PLF pour 2004 poursuit cette démarche en transférant aux départements 5 milliards d'euros de TIPP au titre du financement du RMI-RMA, selon des modalités qui viennent de vous être présentées.
Je ne reviendrai pas sur le débat qu'a évoqué Alain Lambert sur la possibilité pour les départements de moduler les taux de cette TIPP.
Je crois simplement utile de rappeler que l'article 72-2 de la Constitution prévoit la possibilité de transférer aux collectivités territoriales des "impositions de toute nature" et que le Conseil d'État n'a fait aucune remarque sur les modalités de compensation du RMI par de la TIPP dans le PLF. Par ailleurs, à la différence d'une dotation, dont le taux d'évolution est fixé par la loi à l'avance, la TIPP que percevront les départements bénéficiera du dynamisme de la base fiscale.
Je veux en revanche insister sur l'engagement du Premier ministre devant l'assemblée générale de l'ADF la semaine dernière d'attribuer aux départements, en loi de finances pour 2005, une part de la taxe sur les conventions d'assurance en complément de la TIPP afin de renforcer significativement leur autonomie financière. Quant aux autres recettes fiscales, certains ont proposé une augmentation de la taxe départementale sur l'électricité. Cette piste est intéressante, mais il faut souligner que cela représente une augmentation nette des prélèvements obligatoires et une hausse sensible du tarif de l'électricité.
Le débat parlementaire pourra être l'occasion d'aborder ces différentes questions.
Enfin, le renforcement de l'autonomie financière des collectivités locales doit avoir pour corollaire une plus grande responsabilisation des élus locaux dans l'utilisation de l'outil fiscal. Il faut sortir du système actuel dans lequel l'État est devenu le premier contribuable local.
Aujourd'hui, le budget de l'État prend en effet à sa charge près de 8 Mds d'euros au titre des dégrèvements. Je sais bien que c'est la loi qui les a institués, qu'il s'agisse du plafonnement sur la valeur ajoutée pour la taxe professionnelle ou du dégrèvement en fonction du revenu en matière de taxe d'habitation, pour parler des principaux. Ce système a des effets pervers : un certain nombre de collectivités suppriment leurs abattements, tout en sachant que la majeure partie de l'augmentation des impôts qui en résulte sera payée par l'État et non par leurs contribuables qui sont déjà dégrevés.
C'est à mon sens malsain et profondément déresponsabilisant.
Je me félicite donc que les commissions des finances des deux assemblées aient soulevé cette question. Il est temps de mettre un frein à ces dérives.
Nous entrons à présent dans la phase opérationnelle de la décentralisation. Le cadre constitutionnel a été posé. Le projet de loi de transfert de compétences sera bientôt débattu au Parlement. La question du financement devient capitale.
Même si le projet de loi de finances pour 2004 s'inscrit dans une situation macro-économique très difficile, il a fait le choix clair d'accompagner les collectivités locales dans ce grand mouvement de décentralisation en préservant leurs finances et en renforçant leur autonomie. Cette démarche sera naturellement poursuivie l'année prochaine.
La décentralisation impose par ailleurs d'engager enfin la réforme des finances locales, et singulièrement de la DGF. Votre comité a déjà beaucoup travaillé sur cette question. J'attends beaucoup de vos propositions. Elles devront éclairer le Gouvernement dans les choix difficiles qu'il devra faire en 2004 pour faire émerger une péréquation à la hauteur des inégalités qui entravent le développement de nos territoires.
Je vous remercie.
(Source http://www.interieur.gouv.fr, le 25 septembre 2003)