Texte intégral
Madame et messieurs les ministres,
Messieurs les Parlementaires,
Mesdames et Messieurs les Présidents,
Mesdames, Messieurs,
Je me réjouis de la tenue des Assises du commerce et de la distribution, réunies par le Gouvernement à la demande des organisations professionnelles agricoles. Je n'ai pu assister à vos débats mais les trois interventions dans les tables rondes, qui viennent de se faire devant moi, m'ont presque suffi pour mesurer la nécessité et l'utilité de cette confrontation. L'été dernier, en effet, les difficultés apparues plus particulièrement dans des filières agricoles mais aussi dans certains secteurs industriels avaient souligné le besoin d'une réflexion sur les règles organisant les relations entre fournisseurs et distributeurs. Des relations équilibrées sont un élément essentiel au bon fonctionnement de notre économie, et donc un atout pour la croissance. Ces Assises constituent un point d'application concret et utile dans la préparation du projet de loi sur les nouvelles régulations économiques qui sera présenté au Parlement par le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, Christian SAUTTER. Je tiens à remercier tous ceux - entrepreneurs, agriculteurs, commerçants et consommateurs - qui ont rejoint des groupes de travail préparatoires pour faire de ces Assises un succès. La concertation organisée par le ministre de l'Agriculture et de la Pêche, Jean GLAVANY, la secrétaire d'Etat aux PME, au Commerce et à l'Artisanat, Marylise LEBRANCHU, et le secrétaire d'Etat à l'Industrie, Christian PIERRET, vous a conduit à formuler des propositions importantes que nous devons intégrer.
Les orientations dégagées découlent d'une exigence essentielle : définir, entre producteurs, consommateurs et commerçants, les conditions d'un équilibre plus juste. Nous voulons prémunir les producteurs et leurs salariés contre les effets de relations commerciales parfois déséquilibrées. Nous voulons garantir la liberté de choix du consommateur, en assurant son information dans la transparence. Nous voulons que les distributeurs français puissent poursuivre leur développement à travers le monde. Ainsi, en confortant les règles communes à tous les acteurs du marché, en développant des conditions favorables à l'emploi, nous réunirons les conditions d'un partage plus équitable des fruits de la croissance.
Cette exigence est d'autant plus pressante que la croissance est forte. Les performances de l'économie française sont remarquables : confiance des consommateurs, succès de nos entreprises, recul continu du chômage sur vingt-huit mois, inflation maîtrisée. Le commerce est un des premiers gagnants de cette conjoncture favorable. Les grandes enseignes françaises s'imposent de par le monde, entraînant avec elles l'exportation des produits de nos entreprises et de notre agriculture. Notre industrie agro-alimentaire est devenue le premier exportateur mondial. Dans le même temps, les nouvelles technologies, les nouveaux produits et services tiennent une place croissante dans votre activité, modifiant l'organisation de votre travail. Le commerce électronique a commencé de modifier profondément vos métiers. De nouveaux concurrents interviennent. Les positions acquises sur ce marché en pleine émergence seront déterminantes pour le succès du commerce français à l'avenir. Pour vous aider, le Gouvernement a constitué une mission chargée de préparer des mesures favorisant le développement du commerce électronique.
Ce dynamisme retrouvé doit bénéficier à tous. Ce n'est pas toujours le cas. La tentation de l'abus de puissance existe. Des opérateurs de taille modeste souffrent de décisions unilatérales prises par des partenaires plus puissants. Le travail des uns n'est pas toujours récompensé à sa juste valeur. Les difficultés rencontrées par les PME et dans plusieurs filières agricoles en témoignent. Les députés Jean-Paul CHARIE et Jean-Yves LE DEAUT ont confirmé ce diagnostic dans le rapport de la mission d'information sur l'évolution de la distribution.
Il nous faut remédier à ces déséquilibres. Une nouvelle régulation est donc nécessaire, pour réaffirmer les règles d'une concurrence saine, où la compétition joue son rôle, mais où les intérêts de chacun soient respectés. Elle doit prévoir des moyens de recours renforcés pour régler les conflits. En améliorant le fonctionnement du marché, cette régulation bénéficiera à tous : au choix des consommateurs et à la qualité des produits, à l'activité des producteurs, à l'innovation d'entreprises mieux assurées de leurs ressources, à l'emploi.
Cette nouvelle régulation pourrait être le fruit d'une discipline que s'imposeraient collectivement et de manière concertée les principaux acteurs du marché. Tel n'est pas encore suffisamment le cas dans tous les secteurs.
Il revient donc à l'Etat de bâtir les instruments de la régulation dont le commerce a besoin, dont les partenaires commerciaux ont besoin.
Pour élaborer ces règles nouvelles, le Gouvernement a retenu trois orientations : corriger les déséquilibres les plus marqués, prévenir les abus qu'ils rendent possibles, garantir que ces actes soient sanctionnés.
Remédier aux plus graves inégalités entre acteurs économiques : tel est notre objectif premier. Un important mouvement de concentration est en cours. Chacun en conviendra : le phénomène atteint aujourd'hui une acuité inégalée : le Gouvernement entend le maîtriser en améliorant l'efficacité de la régulation des concentrations.
Pour ce qui concerne les rapprochements de centrales d'achats, le ministre de l'Economie a saisi le Conseil de la Concurrence. Celui-ci déterminera si ces ententes sont anticoncurrentielles et si leurs pratiques doivent être qualifiées d'abus de dépendance économique.
La fusion entre deux des plus grands groupes français qui s'est engagée en septembre dernier relève, quant à elle, de la compétence de l'Union européenne. Mais le Gouvernement a demandé à la Commission de pouvoir lui-même vérifier que la distribution ne sera pas assurée localement par une enseigne en position dominante. Il est en effet impératif que le consommateur puisse exercer une réelle liberté de choix. Il est également nécessaire de donner un meilleur débouché aux productions locales. Il en va de l'équilibre même de l'aménagement du territoire.
Nous voulons également conforter l'autorité chargée de cette régulation. Le rôle du Conseil de la Concurrence sera élargi. Ses moyens seront sensiblement renforcés pour qu'il puisse agir rapidement, dans le respect des droits de la défense, contre les anomalies dont il aura connaissance.
Deuxième orientation, la loi doit prévenir les abus qui peuvent découler des positions dominantes. Moins il y a de distributeurs, plus grand est leur pouvoir sur les fournisseurs. Ce déséquilibre appelle, de la part des distributeurs, une responsabilité accrue. On ne peut pas tout faire au nom de ce qu'il est convenu d'appeler la " coopération commerciale ". Il n'est pas admissible, par exemple, que des fournisseurs soient contraints de payer leur inscription à une centrale d'achat sans être certains que leurs produits seront vendus -et donc sans qu'une juste contrepartie soit assurée. De telles pratiques sont prohibées et seront sévèrement sanctionnées.
Décidées unilatéralement, les opérations promotionnelles désorganisent fréquemment les marchés. Certaines privent les agriculteurs de la rémunération qu'ils peuvent légitimement attendre de la précocité ou de la qualité de leurs produits. Leur cadre juridique sera donc précisé. Dans le secteur des fruits et légumes, elles seront assujetties dans certains cas à la conclusion d'accords interprofessionnels. En l'absence d'accord, elles seront encadrées par des décisions réglementaires.
Dans le même esprit, le droit des distributeurs de mettre unilatéralement fin au contrat doit être mieux encadré. Le Gouvernement entend que la rupture - totale ou partielle - des relations commerciales décidée par le fournisseur ou le distributeur fasse l'objet de délais. La loi prévoira, comme pour le code du travail ou celui du logement, des délais de préavis obligatoire. Leur durée sera précisée, par voie réglementaire, en fonction des exigences propres à chaque production. Ce préavis permettra de limiter le préjudice subi par le fournisseur, notamment les variations inattendues de chiffre d'affaires qui ont trop souvent des répercussions négatives sur l'emploi. En outre, les distributeurs imposent parfois des cahiers des charges trop contraignants voire inapplicables. La dépendance des producteurs est alors très forte. La difficulté, voire l'impossibilité pour certains d'entre eux d'amortir leurs investissements devra être prise en compte. Si des modifications unilatérales interviennent au contrat, elles devront faire l'objet de contreparties.
Il n'est pas non plus acceptable que le plus fort choisisse sans considération pour le plus faible le jour et l'heure où il le rémunère. La directive communautaire relative aux délais de paiement fait l'objet d'une seconde lecture par le Parlement européen. Elle devrait être prochainement adoptée. Sa transposition en droit national permettra, là aussi, de réduire des excès préjudiciables le plus souvent aux fournisseurs.
Troisième orientation, l'Etat devra intervenir, quand c'est nécessaire, pour sanctionner les abus. Les recours introduits à l'encontre de pratiques déloyales sont peu nombreux. A tel point que certains feignent de s'interroger sur l'existence même des excès que je viens d'évoquer. Nous savons, par toutes sortes de témoignages, qu'ils sont bien réels. Mais, nouvel effet des inégalités que produit le marché, ceux qui en souffrent demeurent discrets et craignent d'engager des procédures. Souvent les fournisseurs acceptent de subir pour éviter de tout perdre. Contre cette injustice, l'Etat entend agir au nom de la partie la plus faible. Le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie sera doté, dans sa mission de défense de l'ordre public économique, d'une capacité d'action autonome lui permettant de se substituer au fournisseur pour obtenir la nullité des contrats illicites, la réparation des préjudices et des amendes civiles. Par ailleurs, les victimes d'abus de puissance d'achat pourront demander réparation devant le juge civil.
Toutes ces règles nouvelles concernent la liberté contractuelle et la liberté du commerce, au bénéfice d'un secteur important de notre économie. Elles ne pouvaient donc être élaborées sans votre participation. C'est l'objet de la large concertation que viennent clore ces Assises.
En effet, ces règles ne sauraient être efficacement mises en oeuvre sans votre concours.
C'est un véritable " civisme commercial " qu'il faut développer. Faire primer le respect du contrat, la réciprocité des obligations et l'équilibre entre les parties : c'est un des objectifs fondamentaux que le Gouvernement poursuit. La concertation entre les organisations professionnelles devrait permettre de définir les normes et les pratiques générales de ce " civisme commercial " qui a vocation à s'imposer à tous. L'établissement systématique de contrats, comportant des clauses précises, prévoyant l'ensemble des conditions d'échange et des obligations réciproques renforcera la position de chacun des partenaires en cas de litige. L'Etat, avec le concours des organisations professionnelles, s'emploiera à favoriser la généralisation des contrats, en aidant les exploitants agricoles et les PME a s'y préparer. Le respect, par les acheteurs, de clauses contractuelles sera plus efficacement contrôlé. La précarité, en matière commerciale comme en d'autres domaines, est préjudiciable au fonctionnement efficace de l'économie. La contractualisation permettra aux agriculteurs, aux entreprises et aux commerçants de nouer des relations fondées sur un partenariat stable et durable.
Rendre le marché plus efficace, c'est aussi un moyen de le rendre plus équitable.
Une plus grande transparence des pratiques est pour cela indispensable. C'est pourquoi les obligations des opérateurs doivent être renforcées. Les consommateurs veulent être informés sur la façon dont les prix se forment, sur leur lien avec la qualité des produits, sur les conditions dans lesquelles un profit équitable revient aux producteurs. Pour y veiller, une commission des pratiques commerciales et des relations contractuelles entre fournisseurs et distributeurs sera constituée. Un décret lui permettra de se réunir rapidement. La loi lui conférera ensuite toute l'autorité dont elle a besoin. Sa mission principale : faire la clarté sur les abus constatés et mettre en valeur les " bons usages commerciaux ". Elle publiera à cette fin des recommandations et des avis. Je souhaite qu'elle associe les opérateurs à la définition de ces bonnes pratiques, qui ont vocation à servir de référence à tous. Elle remettra chaque année au ministre chargé du Commerce un rapport qui sera porté à la connaissance du Parlement.
Mesdames et Messieurs,
Telles sont au total les premières orientations que je dégage de ces assises.
En travaillant, comme nous le faisons depuis plusieurs mois, à l'élaboration de nouvelles régulations, nous nous efforçons de rendre notre économie à la fois plus efficace et plus solidaire - et par là plus compétitive. En donnant à chacun, producteur et distributeur, la possibilité de retirer équitablement les bénéfices d'une relation commerciale plus équilibrée, nous voulons aussi permettre au commerce et à la distribution d'aborder avec confiance les profonds changements qui sont à l'oeuvre. J'ai la conviction que nous saurons, à l'image de ces Assises, travailler ensemble à la réalisation de cette entreprise commune.
(Source : http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 14 janvier 2000)
Messieurs les Parlementaires,
Mesdames et Messieurs les Présidents,
Mesdames, Messieurs,
Je me réjouis de la tenue des Assises du commerce et de la distribution, réunies par le Gouvernement à la demande des organisations professionnelles agricoles. Je n'ai pu assister à vos débats mais les trois interventions dans les tables rondes, qui viennent de se faire devant moi, m'ont presque suffi pour mesurer la nécessité et l'utilité de cette confrontation. L'été dernier, en effet, les difficultés apparues plus particulièrement dans des filières agricoles mais aussi dans certains secteurs industriels avaient souligné le besoin d'une réflexion sur les règles organisant les relations entre fournisseurs et distributeurs. Des relations équilibrées sont un élément essentiel au bon fonctionnement de notre économie, et donc un atout pour la croissance. Ces Assises constituent un point d'application concret et utile dans la préparation du projet de loi sur les nouvelles régulations économiques qui sera présenté au Parlement par le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, Christian SAUTTER. Je tiens à remercier tous ceux - entrepreneurs, agriculteurs, commerçants et consommateurs - qui ont rejoint des groupes de travail préparatoires pour faire de ces Assises un succès. La concertation organisée par le ministre de l'Agriculture et de la Pêche, Jean GLAVANY, la secrétaire d'Etat aux PME, au Commerce et à l'Artisanat, Marylise LEBRANCHU, et le secrétaire d'Etat à l'Industrie, Christian PIERRET, vous a conduit à formuler des propositions importantes que nous devons intégrer.
Les orientations dégagées découlent d'une exigence essentielle : définir, entre producteurs, consommateurs et commerçants, les conditions d'un équilibre plus juste. Nous voulons prémunir les producteurs et leurs salariés contre les effets de relations commerciales parfois déséquilibrées. Nous voulons garantir la liberté de choix du consommateur, en assurant son information dans la transparence. Nous voulons que les distributeurs français puissent poursuivre leur développement à travers le monde. Ainsi, en confortant les règles communes à tous les acteurs du marché, en développant des conditions favorables à l'emploi, nous réunirons les conditions d'un partage plus équitable des fruits de la croissance.
Cette exigence est d'autant plus pressante que la croissance est forte. Les performances de l'économie française sont remarquables : confiance des consommateurs, succès de nos entreprises, recul continu du chômage sur vingt-huit mois, inflation maîtrisée. Le commerce est un des premiers gagnants de cette conjoncture favorable. Les grandes enseignes françaises s'imposent de par le monde, entraînant avec elles l'exportation des produits de nos entreprises et de notre agriculture. Notre industrie agro-alimentaire est devenue le premier exportateur mondial. Dans le même temps, les nouvelles technologies, les nouveaux produits et services tiennent une place croissante dans votre activité, modifiant l'organisation de votre travail. Le commerce électronique a commencé de modifier profondément vos métiers. De nouveaux concurrents interviennent. Les positions acquises sur ce marché en pleine émergence seront déterminantes pour le succès du commerce français à l'avenir. Pour vous aider, le Gouvernement a constitué une mission chargée de préparer des mesures favorisant le développement du commerce électronique.
Ce dynamisme retrouvé doit bénéficier à tous. Ce n'est pas toujours le cas. La tentation de l'abus de puissance existe. Des opérateurs de taille modeste souffrent de décisions unilatérales prises par des partenaires plus puissants. Le travail des uns n'est pas toujours récompensé à sa juste valeur. Les difficultés rencontrées par les PME et dans plusieurs filières agricoles en témoignent. Les députés Jean-Paul CHARIE et Jean-Yves LE DEAUT ont confirmé ce diagnostic dans le rapport de la mission d'information sur l'évolution de la distribution.
Il nous faut remédier à ces déséquilibres. Une nouvelle régulation est donc nécessaire, pour réaffirmer les règles d'une concurrence saine, où la compétition joue son rôle, mais où les intérêts de chacun soient respectés. Elle doit prévoir des moyens de recours renforcés pour régler les conflits. En améliorant le fonctionnement du marché, cette régulation bénéficiera à tous : au choix des consommateurs et à la qualité des produits, à l'activité des producteurs, à l'innovation d'entreprises mieux assurées de leurs ressources, à l'emploi.
Cette nouvelle régulation pourrait être le fruit d'une discipline que s'imposeraient collectivement et de manière concertée les principaux acteurs du marché. Tel n'est pas encore suffisamment le cas dans tous les secteurs.
Il revient donc à l'Etat de bâtir les instruments de la régulation dont le commerce a besoin, dont les partenaires commerciaux ont besoin.
Pour élaborer ces règles nouvelles, le Gouvernement a retenu trois orientations : corriger les déséquilibres les plus marqués, prévenir les abus qu'ils rendent possibles, garantir que ces actes soient sanctionnés.
Remédier aux plus graves inégalités entre acteurs économiques : tel est notre objectif premier. Un important mouvement de concentration est en cours. Chacun en conviendra : le phénomène atteint aujourd'hui une acuité inégalée : le Gouvernement entend le maîtriser en améliorant l'efficacité de la régulation des concentrations.
Pour ce qui concerne les rapprochements de centrales d'achats, le ministre de l'Economie a saisi le Conseil de la Concurrence. Celui-ci déterminera si ces ententes sont anticoncurrentielles et si leurs pratiques doivent être qualifiées d'abus de dépendance économique.
La fusion entre deux des plus grands groupes français qui s'est engagée en septembre dernier relève, quant à elle, de la compétence de l'Union européenne. Mais le Gouvernement a demandé à la Commission de pouvoir lui-même vérifier que la distribution ne sera pas assurée localement par une enseigne en position dominante. Il est en effet impératif que le consommateur puisse exercer une réelle liberté de choix. Il est également nécessaire de donner un meilleur débouché aux productions locales. Il en va de l'équilibre même de l'aménagement du territoire.
Nous voulons également conforter l'autorité chargée de cette régulation. Le rôle du Conseil de la Concurrence sera élargi. Ses moyens seront sensiblement renforcés pour qu'il puisse agir rapidement, dans le respect des droits de la défense, contre les anomalies dont il aura connaissance.
Deuxième orientation, la loi doit prévenir les abus qui peuvent découler des positions dominantes. Moins il y a de distributeurs, plus grand est leur pouvoir sur les fournisseurs. Ce déséquilibre appelle, de la part des distributeurs, une responsabilité accrue. On ne peut pas tout faire au nom de ce qu'il est convenu d'appeler la " coopération commerciale ". Il n'est pas admissible, par exemple, que des fournisseurs soient contraints de payer leur inscription à une centrale d'achat sans être certains que leurs produits seront vendus -et donc sans qu'une juste contrepartie soit assurée. De telles pratiques sont prohibées et seront sévèrement sanctionnées.
Décidées unilatéralement, les opérations promotionnelles désorganisent fréquemment les marchés. Certaines privent les agriculteurs de la rémunération qu'ils peuvent légitimement attendre de la précocité ou de la qualité de leurs produits. Leur cadre juridique sera donc précisé. Dans le secteur des fruits et légumes, elles seront assujetties dans certains cas à la conclusion d'accords interprofessionnels. En l'absence d'accord, elles seront encadrées par des décisions réglementaires.
Dans le même esprit, le droit des distributeurs de mettre unilatéralement fin au contrat doit être mieux encadré. Le Gouvernement entend que la rupture - totale ou partielle - des relations commerciales décidée par le fournisseur ou le distributeur fasse l'objet de délais. La loi prévoira, comme pour le code du travail ou celui du logement, des délais de préavis obligatoire. Leur durée sera précisée, par voie réglementaire, en fonction des exigences propres à chaque production. Ce préavis permettra de limiter le préjudice subi par le fournisseur, notamment les variations inattendues de chiffre d'affaires qui ont trop souvent des répercussions négatives sur l'emploi. En outre, les distributeurs imposent parfois des cahiers des charges trop contraignants voire inapplicables. La dépendance des producteurs est alors très forte. La difficulté, voire l'impossibilité pour certains d'entre eux d'amortir leurs investissements devra être prise en compte. Si des modifications unilatérales interviennent au contrat, elles devront faire l'objet de contreparties.
Il n'est pas non plus acceptable que le plus fort choisisse sans considération pour le plus faible le jour et l'heure où il le rémunère. La directive communautaire relative aux délais de paiement fait l'objet d'une seconde lecture par le Parlement européen. Elle devrait être prochainement adoptée. Sa transposition en droit national permettra, là aussi, de réduire des excès préjudiciables le plus souvent aux fournisseurs.
Troisième orientation, l'Etat devra intervenir, quand c'est nécessaire, pour sanctionner les abus. Les recours introduits à l'encontre de pratiques déloyales sont peu nombreux. A tel point que certains feignent de s'interroger sur l'existence même des excès que je viens d'évoquer. Nous savons, par toutes sortes de témoignages, qu'ils sont bien réels. Mais, nouvel effet des inégalités que produit le marché, ceux qui en souffrent demeurent discrets et craignent d'engager des procédures. Souvent les fournisseurs acceptent de subir pour éviter de tout perdre. Contre cette injustice, l'Etat entend agir au nom de la partie la plus faible. Le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie sera doté, dans sa mission de défense de l'ordre public économique, d'une capacité d'action autonome lui permettant de se substituer au fournisseur pour obtenir la nullité des contrats illicites, la réparation des préjudices et des amendes civiles. Par ailleurs, les victimes d'abus de puissance d'achat pourront demander réparation devant le juge civil.
Toutes ces règles nouvelles concernent la liberté contractuelle et la liberté du commerce, au bénéfice d'un secteur important de notre économie. Elles ne pouvaient donc être élaborées sans votre participation. C'est l'objet de la large concertation que viennent clore ces Assises.
En effet, ces règles ne sauraient être efficacement mises en oeuvre sans votre concours.
C'est un véritable " civisme commercial " qu'il faut développer. Faire primer le respect du contrat, la réciprocité des obligations et l'équilibre entre les parties : c'est un des objectifs fondamentaux que le Gouvernement poursuit. La concertation entre les organisations professionnelles devrait permettre de définir les normes et les pratiques générales de ce " civisme commercial " qui a vocation à s'imposer à tous. L'établissement systématique de contrats, comportant des clauses précises, prévoyant l'ensemble des conditions d'échange et des obligations réciproques renforcera la position de chacun des partenaires en cas de litige. L'Etat, avec le concours des organisations professionnelles, s'emploiera à favoriser la généralisation des contrats, en aidant les exploitants agricoles et les PME a s'y préparer. Le respect, par les acheteurs, de clauses contractuelles sera plus efficacement contrôlé. La précarité, en matière commerciale comme en d'autres domaines, est préjudiciable au fonctionnement efficace de l'économie. La contractualisation permettra aux agriculteurs, aux entreprises et aux commerçants de nouer des relations fondées sur un partenariat stable et durable.
Rendre le marché plus efficace, c'est aussi un moyen de le rendre plus équitable.
Une plus grande transparence des pratiques est pour cela indispensable. C'est pourquoi les obligations des opérateurs doivent être renforcées. Les consommateurs veulent être informés sur la façon dont les prix se forment, sur leur lien avec la qualité des produits, sur les conditions dans lesquelles un profit équitable revient aux producteurs. Pour y veiller, une commission des pratiques commerciales et des relations contractuelles entre fournisseurs et distributeurs sera constituée. Un décret lui permettra de se réunir rapidement. La loi lui conférera ensuite toute l'autorité dont elle a besoin. Sa mission principale : faire la clarté sur les abus constatés et mettre en valeur les " bons usages commerciaux ". Elle publiera à cette fin des recommandations et des avis. Je souhaite qu'elle associe les opérateurs à la définition de ces bonnes pratiques, qui ont vocation à servir de référence à tous. Elle remettra chaque année au ministre chargé du Commerce un rapport qui sera porté à la connaissance du Parlement.
Mesdames et Messieurs,
Telles sont au total les premières orientations que je dégage de ces assises.
En travaillant, comme nous le faisons depuis plusieurs mois, à l'élaboration de nouvelles régulations, nous nous efforçons de rendre notre économie à la fois plus efficace et plus solidaire - et par là plus compétitive. En donnant à chacun, producteur et distributeur, la possibilité de retirer équitablement les bénéfices d'une relation commerciale plus équilibrée, nous voulons aussi permettre au commerce et à la distribution d'aborder avec confiance les profonds changements qui sont à l'oeuvre. J'ai la conviction que nous saurons, à l'image de ces Assises, travailler ensemble à la réalisation de cette entreprise commune.
(Source : http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 14 janvier 2000)