Déclaration de M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique de la réforme de l'Etat et de la décentralisation, sur l'exercice des compétences des collectivités locales dans le cadre de la décentralisation, notamment dans la lutte contre l'exclusion sociale, l'aménagement du territoire, et le statut de la fonction publique locale, Paris le 3 avril 1998.

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  • Émile Zuccarelli - Ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation

Circonstance : Remise des prix de la Lettre du cadre territorial lors de la première Convention nationale de la fonction publique territoriale à Paris le 3 avril 1998

Texte intégral

Mesdames et Messieurs,

Je souhaiterais tout d'abord vivement remercier La Lettre du Cadre Territorial d'avoir bien voulu me convier à cette première Convention Nationale de la Fonction Publique Territoriale.
J'y suis très sensible et c'est avec beaucoup de plaisir que je prends part à cette manifestation qui, si j'en juge par le nombre des participants venus de toutes nos régions, a suscité un vif intérêt de la part des cadres et des élus des collectivités territoriales.
D'une part en tant que Ministre de la Fonction Publique, je ne peux que me féliciter de l'organisation de cette convention qui, au delà de sa dimension de rencontre conviviale, permet de mettre en valeur le rôle essentiel des fonctionnaires territoriaux dans la bonne marche du service public local et d'aborder les profondes évolutions que connait leur métier. J'aurai l'occasion d'y revenir tout à l'heure.
D'autre part en charge de la décentralisation, j'apprécie la place que vous avez prévu aujourd'hui de faire dans vos échanges à une réflexion sur le devenir de cette grande réforme politique et administrative à l'approche du troisième millénaire.
La décentralisation a seize ans cette année. Seize ans, c'est bien sûr très court à l'échelle de l'histoire de notre pays et de sa longue tradition de centralisme politique et administratif. Nous disposons maintenant du recul suffisant pour en apprécier les acquis.
La décentralisation a entraîné, à bien des égards, une vraie révolution des esprits tant pour l'Etat que pour les élus locaux et leurs collaborateurs ; révolution qui - il faut le souligner - s'est accomplie sans heurts majeurs, dans la sérénité, mais aussi avec la volonté d'aller de l'avant pour mieux répondre à des besoins nouveaux dictés par l'évolution de la société.
Dans l'exercice des compétences qui leur ont été confiées, les collectivités locales, désormais reconnues comme des acteurs à part entière de la vie économique et sociale de notre pays, ont su faire la preuve de leur vitalité, de leur capacité à mobiliser les énergies pour le développement local, à valoriser l'atout de la proximité et de leur aptitude à innover.
Les effets de la décentralisation sont manifestes lorsque l'on parcourt nos régions : par leurs investissements, les collectivités territoriales apportent une contribution déterminante à l'amélioration du cadre de vie. Songeons, par exemple, aux établissements scolaires, aux équipements culturels et sportifs créés ou rénovés depuis quinze ans.
Au delà d'un bilan flatteur dans le domaine des équipements collectifs, les collectivités ont développé des politiques nouvelles essentielles à la cohésion de notre société : développement des quartiers en difficulté, revitalisation du milieu rural, formation professionnelle...
Dans de nombreux domaines, les communes et leurs groupements, les départements et les régions ont su utiliser au mieux les techniques modernes de gestion offertes par les nouvelles technologies de l'information et de la communication. Beaucoup d'entre elles ont su, pour reprendre l'intitulé de votre table-ronde de cet après-midi, anticiper le troisième millénaire.
Cette capacité d'adaptation à un environnement qui change sans cesse est à mes yeux essentielle ; elle constitue d'ailleurs l'un des principes fondamentaux qui régissent le service public et elle conditionne sa pleine efficacité. Toujours mieux servir le citoyen, apporter la plus grande satisfaction à l'usager exigent imagination, évaluation critique des résultats obtenus et, quand il le faut, remise en cause.
Le concours de l'innovation et de la performance, organisé par la Lettre du Cadre Territorial, a permis de juger de l'importance du " gisement " des initiatives locales sur l'ensemble du territoire.
Je pense, tout particulièrement, aux nombreuses actions menées par les collectivités territoriales en faveur de l'emploi et de l'insertion professionnelle des jeunes. Beaucoup de projets voient le jour sur le terrain, portés avec conviction par les élus et leurs collaborateurs.
Le projet de loi sur les interventions économiques des collectivités locales, que j'ai préparé au cours de ces derniers mois et qui sera bientôt déposé au Parlement, a pour ambition de moderniser et simplifier le cadre juridique résultant d'une législation aujourd'hui inadaptée. Le Gouvernement attend de ce texte qu'il apporte aux gestionnaires locaux une meilleure lisibilité de la règle de droit et une plus grande sécurité dans leur action, ce qui ne pourra que les encourager à persévérer dans le dynamisme dont ils témoignent dans la lutte contre le chômage.
Je souhaiterais également exprimer devant vous aujourd'hui le voeu que se développent de plus en plus des initiatives en faveur de l'approfondissement de notre démocratie locale.
L'un des paris de la décentralisation était de rapprocher le pouvoir du citoyen. Soyons clairs : ce pari n'a pas, à ce jour, été complètement gagné ; le regain d'engagement civique attendu ne s'est pas affirmé, la montée de l'abstention pour les élections locales nous le rappelle. Nous devons donc réfléchir aux moyens permettant de favoriser une plus grande participation des citoyens à la vie locale.
Des collectivités ont su en ce domaine se montrer pionnières ; certaines d'entre elles en seront récompensées tout à l'heure. Leur exemple gagne à être suivi. Tout ce qui peut concourir à la promotion de la citoyenneté permettra à notre pays de mieux répondre aux défis auxquels il est confronté.
La limitation du cumul des mandats et des fonctions ainsi qu'une meilleure association des usagers à la gestion des services publics locaux - domaines dans lesquels le Gouvernement va prochainement prendre l'initiative - contribueront activement à rendre notre démocratie locale encore plus vivante et créative.
Dans cette perspective, les collectivités locales seront appelées à devenir encore plus des partenaires de l'État pour mettre en oeuvre les politiques publiques répondant aux demandes sociales prioritaires que sont la lutte contre l'exclusion, l'aménagement du territoire ou l'intégration de toutes les populations sur la base des valeurs de la République.
Dans ces domaines, l'intervention des fonctionnaires territoriaux, aux côtés des fonctionnaires des services déconcentrés de l'État, apparaît déterminante.
Depuis 1984, beaucoup a été fait pour permettre aux agents des collectivités locales de se situer sur un pied d'égalité dans leurs rapports avec leurs collègues des services de l'État.
La volonté politique de créer une véritable fonction publique de carrière a été tout d'abord fortement affirmée en 1984.
Depuis cette année de fondation, les débats techniques ont toutefois peu à peu occulté le sens de la construction initiale du cadre statutaire.
Plus que jamais, je crois nécessaire de souligner que le législateur a entendu mettre en place une fonction publique territoriale moderne et porteuse des valeurs du service public que sont l'égalité, la neutralité, la continuité et l'adaptabilité. Cette fonction publique, qui n'a encore que 14 ans, doit continuer à prospérer dans la logique de ces valeurs.
Ces valeurs républicaines constituent en effet les points de repères qui nous permettront de terminer la traversée de ce siècle troublé et d'aborder avec confiance un vingt et unième siècle lourd d'enjeux fondamentaux pour notre société et pour l'humanité.
Dans ce contexte historique, le travail qui reste à faire au service de la fonction publique territoriale doit se concentrer sur les thèmes de la formation, de la gestion des ressources humaines et de la mobilité.
Les fonctionnaires territoriaux auront en effet de plus en plus besoin d'être mobiles, à l'intérieur de leur fonction publique mais aussi au-delà de ses frontières.
C'est pourquoi les débats purement corporatistes sur les avantages comparés de telle ou telle catégorie de fonctionnaires devront céder le pas à une réflexion plus globale et plus fondamentale. Ouverture et professionnalisation, telles sont à mon sens les deux clés qui doivent nous permettre désormais d'entrer dans les débats relatifs à la fonction publique territoriale et à l'ensemble des trois fonctions publiques.
Cette approche répond à une demande sociale d'efficacité extrêmement forte et qui ne pourra que croître au cours du prochain siècle.
La vitalité de l'administration, qu'il s'agisse de l'administration de l'État ou des services des collectivités locales, passe par un brassage suffisant qui conduira les agents à effectuer une carrière dans plusieurs collectivités publiques.
L'un des enjeux du système de carrière unifié instauré en 1984 était bien de mettre un terme aux cloisonnements stériles, démobilisateurs et générateurs d'incompréhension.
Si les règles initiales ont été, parfois substantiellement, modifiées, l'objectif demeure. Je suis pour ma part convaincu que des échanges fréquents, réguliers entre collectivités locales et services de l'État contribueront à la fois à améliorer leurs relations et à enrichir l'ensemble des services publics de notre pays.
Le renforcement de la qualité du service public local passe, également, par la professionnalisation, en réponse aux exigences des citoyens, qui attendent du service public une intervention de plus en plus rapide, efficace et pertinente.
Cet enjeu détermine les évolutions statutaires en cours et justifie la recherche d'une meilleure adaptation des qualifications aux besoins des collectivités locales, tant au plan du recrutement que de la formation continue et professionnelle.
L'adaptation des cadres d'emplois aux nouveaux métiers se poursuivra donc progressivement, dans la concertation, pour permettre aux élus de trouver, à l'intérieur de la fonction publique, les personnels qualifiés dont ils ont besoin.
Mais, cette adaptation ne relèverait que d'un exercice de pure forme si elle n'était complétée par une réforme des procédures de gestion des recrutements et de la formation après recrutement. Elle perdrait également une partie de son efficacité si elle n'était assortie d'un effort de toutes les parties prenantes pour améliorer sans cesse la qualité de la formation continue.
Sur l'ensemble de ces sujets, je m'exprimerai dans les jours à venir lorsque je disposerai des conclusions de la mission que j'ai confiée à M.Rémy SCHWARTZ.
Sur cette base, dans les prochaines semaines, nous aurons ainsi l'occasion de travailler dans la concertation à l'amélioration des dispositions statutaires qui dessineront les contours de la fonction publique du prochain siècle, une fonction publique de carrière, une fonction publique mobile et dynamique, une fonction publique confiante en ses immenses potentialités.
Dans l'immédiat, je forme le voeu que les échanges nourris auxquels cette première Convention nationale donne lieu depuis ce matin contribuent à alimenter l'indispensable débat public sur l'avenir de notre administration locale et les services que, demain comme hier, elle rendra à la Nation.

(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 17 septembre 2001)