Texte intégral
Monsieur le Président,
Messieurs les Présidents de Commissions,
Messieurs les Rapporteurs,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
L'examen du projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique est une occasion pour le Gouvernement de témoigner de l'importance qu'il accorde aux nouvelles technologies et à leurs usages. Le Premier ministre a présenté en novembre 2002 le plan RESO 2007 décrivant notre politique pour en favoriser le développement. Une vraie révolution est en train de se produire et nous n'en sommes qu'au début. L'explosion de la bulle financière de l'Internet et des télécommunications ne doit pas occulter le développement fulgurant de ses usages réels, qui s'impose comme un phénomène mondial majeur.
Or la France est en retard. Durant les dernières années, elle a progressé, mais elle n'a pas encore comblé son retard. Selon un classement établi en décembre 2002 par l'Union Internationale des Télécommunications, notre pays ne figurait qu'à la 21ème place des pays les plus avancés sur le plan de la diffusion et de l'utilisation des TIC.
Ce retard est un handicap pour notre croissance, et pour l'emploi. Rien ne le justifie - ni des raisons culturelles, ni la qualité de nos industriels, ni l'état de nos réseaux de communication. C'est ainsi qu'à l'automne 2002, Francis Mer et moi-même avions eu largement l'occasion d'exprimer notre volonté politique de le rattraper et de donner une forte impulsion à plusieurs domaines de l'économie numérique. La fin de l'année 2002 et le début de l'année 2003 nous ont confirmé le dynamisme de ce secteur.
En matière de commerce électronique, en 2002 le montant des transactions sur Internet aura connu un développement de 61%. Cette tendance s'est poursuivie au rythme de 50% au premier trimestre 2003. Des secteurs entiers voient leur activité transformée. Ainsi dans la vente à distance, plus de 10% des commandes se font aujourd'hui par Internet. Dans les voyages, ce chiffre atteint près de 15%, et d'ailleurs, pour certaines compagnies aériennes, notamment celles à bas coût, la réservation n'est pratiquement possible que par Internet. Pour la seule SNCF, c'est 6% du chiffre d'affaires qui est réalisé aujourd'hui par Internet.
Le ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie n'est pas en reste : en 2003, plus de 600 000 personnes ont fait leurs déclarations d'impôt par Internet, pour 120 000 télé-déclarants en 2002.
Peu de secteurs économiques peuvent se prévaloir d'afficher de telles performances ! Pour autant, si certains secteurs ont particulièrement su tirer parti du commerce électronique, d'autres sont encore en attente d'une plus grande réussite. Le présent projet de loi confortera le cadre juridique de leur développement, renforçant la confiance et donc la croissance, dans ces nouveaux canaux de distribution.
Mais développer l'économie numérique suppose aussi d'élargir considérablement le nombre d'agents économiques, entreprises et ménages, pouvant y accéder dans des conditions optimales de confort d'utilisation et de coût.
S'agissant de l'équipement des ménages en micro-informatique, je viens ainsi de faire réaliser une étude pour identifier les principaux freins. Ses résultats nous indiquent que le taux d'équipement des ménages en ordinateurs atteint 42%. La barre des 10 millions de ménages équipés a été franchie au cours du premier trimestre 2003. C'est un résultat qui est encourageant mais qui nous place encore derrière certains de nos partenaires européens. Je me félicite ainsi du fait qu'une majorité de Français aient désormais une attitude plus positive et un intérêt pour le micro-ordinateur. Ce progrès dans la perception de son utilité effective résulte, à n'en point douter, de l'émergence de services attractifs tels que les accès à Internet à haut débit.
En matière d'accès au haut débit, j'ai décidé à l'été 2002 une baisse des tarifs de revente en gros de l'ADSL. Cela a marqué un tournant majeur dans le développement du marché français. Grâce à la baisse des tarifs et à l'émergence d'une offre grand public, sous forme d'un abonnement mensuel illimité au prix de 30 euros environ, la France a rattrapé rapidement le retard qu'elle avait dans ce domaine et connaît une croissance " fulgurante ", la plus forte d'Europe. Avec plus de 2 millions d'abonnés et probablement 3 millions à la fin de l'année 2003, nous sommes désormais le deuxième pays européen en matière de pénétration du haut débit.
Nous sommes en route vers notre objectif de 10 millions d'abonnés à l'Internet haut débit d'ici cinq ans. Cet objectif est certes ambitieux mais il est réalisable. La croissance du nombre des abonnés crée un cercle vertueux pour l'ensemble de l'économie numérique. Grâce à ce fort potentiel de clients, les investissements lourds et coûteux de ce secteur seront largement amortis et de nouveaux services et usages pourront émerger. Le développement du haut débit donne aussi à nos concitoyens l'accès à de nouveaux usages de l'Internet, dans des domaines tels que la santé, l'éducation ou les divertissements.
Dans le domaine des TIC et de l'économie numérique, le Gouvernement a choisi de sortir de la logique des " grands plans ", qui créent plus d'attentes qu'ils ne règlent de problèmes, et des " grandes lois " qui mettent tellement de temps à être votées qu'elles sont déjà en décalage avec les technologies et les pratiques quand elles entrent en vigueur. Pour autant, je voudrais rappeler néanmoins que le projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique est le premier texte français d'ensemble sur la société de l'information.
J'aurai bientôt l'honneur de vous présenter un autre texte législatif transposant les directives sur les communications électroniques, le " paquet télécoms ", dans lequel des réponses seront apportées à plusieurs questions importantes, d'actualité, concernant les infrastructures de réseaux et les autorités de régulation. Ces deux textes sont complémentaires et l'Assemblée Nationale a d'ailleurs intégré au projet de loi sur l'économie numérique plusieurs dispositions concernant les télécommunications.
L'adoption de la loi est indispensable pour créer un climat de confiance résultant de la fixation de règles du jeu claires pour les fournisseurs et d'une protection efficace des utilisateurs. Car la législation actuelle ne répond pas aux problèmes nouveaux surgis dans une période très courte. Il devient urgent d'en combler les vides actuels, pour assurer la sécurité juridique sans laquelle les énergies ne pourront se développer dans ce secteur particulièrement porteur.
Dans ce domaine, la France accuse, une fois de plus, un retard dommageable dans la transposition des directives européennes. La directive du 8 juin 2000 sur le Commerce Electronique aurait dû être transposée avant le 17 janvier 2002. Le projet de loi que je vous présente mettra fin à ce retard pour lequel la France a reçu un avis motivé de la Commission Européenne. S'agissant du sujet particulier de la publicité par voie électronique, le projet de loi transpose dès maintenant l'article 13 de la directive du 12 juillet 2002 sur les données personnelles, qui fait partie des directives du " paquet télécoms ".
Avant de détailler le contenu du projet que nous vous soumettons, je souhaiterais souligner la qualité des échanges au cours des travaux préparatoires entre les Commissions du Sénat et le Gouvernement. Mes remerciements iront ainsi tout particulièrement aux rapporteurs, Mr Alex Türk pour la Commission des Lois, Mr Louis de Broissia pour la Commission des Affaires Culturelles et Mrs Bruno Sido et Pierre Hérisson au titre de la Commission des Affaires Economiques. Je crois que le caractère très complet de leurs rapports et les nombreux amendements qu'ils vous proposent témoignent de leur investissement sur ce projet.
Conformément aux orientation du Conseil d'Etat dans son rapport de 1998 sur Internet, le projet de loi n'a pas cherché à créer de toutes pièces un droit spécifique pour l'économie numérique mais à l'insérer dans les textes existants en les adaptant. C'est ainsi qu'il vous est proposé de modifier de nombreux codes : communication, consommation, commerce, civil, pénal, postes et télécommunications.
Les dispositions du projet initial du Gouvernement s'articulaient autour de quatre grands thèmes :
- le cadre d'exercice de la liberté de la communication en ligne,
- le commerce électronique et la publicité,
- la sécurité, en particulier la cryptologie et la cybercriminalité,
- les systèmes satellitaires.
Lors du débat à l'Assemblée Nationale les 25 et 26 février derniers, le Gouvernement a aussi complété le texte par un amendement permettant aux collectivités territoriales d'intervenir désormais dans le secteur des télécommunications. Je suis certaine qu'au cours de notre débat, nous aurons l'occasion de revenir sur cette question dont je sais qu'elle revêt une importance particulière pour de nombreux sénateurs.
1er thème : la définition et la régulation de la communication publique en ligne
Le projet de loi définit pour la première fois la communication publique en ligne. Cette notion était utilisée mais non définie dans la loi du 1er août 2000 relative à liberté de la communication. Les dispositions la concernant s'inséraient dans les chapitres relatifs à l'audiovisuel, ce qui rendait de fait le CSA compétent en matière d'Internet.
Le Gouvernement, guidé par la philosophie de ne pas bouleverser l'architecture légale actuelle, a choisi au cours des travaux interministériels de conserver ce rattachement à la communication audiovisuelle en en précisant les limites et les spécificités. Ce sujet a fait l'objet de nombreux débats à l'Assemblée Nationale et je me dois de vous faire part des réflexions intervenues, depuis, au sein du Gouvernement. La solution légale que nous envisageons consiste à conserver en l'état la définition de la communication publique en ligne tout en limitant les pouvoirs de régulation du CSA au champ des services de radio et de télévision. Cette limitation, faite en accord avec le CSA, est ainsi inscrite dans le projet de loi sur les " communications électroniques " et a fait l'objet d'amendements parlementaires.
Les conditions de la responsabilité des acteurs (hébergeurs de sites, des fournisseurs d'accès et des opérateurs de télécommunications) sont précisées
Depuis la sanction partielle par le Conseil Constitutionnel de la loi du 1er août 2000, une incertitude juridique demeurait en ce domaine. Par ailleurs, la directive sur le commerce électronique intègre aussi des dispositions sur leur régime de responsabilité. Il convenait de proposer une solution conforme à la fois aux exigences de la directive et à la décision du Conseil Constitutionnel.
Ainsi, le projet de loi pose un principe général de limitation des responsabilités civile et pénale des prestataires de l'économie numérique du fait des contenus qu'ils hébergent, stockent ou transmettent. S'agissant des prestataires d'hébergement et de stockage, la mise en cause de leur responsabilité est limitée au seul cas où, ayant effectivement connaissance d'activités ou d'informations illicites hébergées, ils n'auraient pas agi promptement pour rendre impossible l'accès aux informations. Le dispositif retenu est conforme au Code pénal qui renvoie la responsabilité du contenu sur celui qui le crée et qui doit en assumer les conséquences. Mais les intermédiaires hébergeant ou transmettant un contenu, ne peuvent pas, de leur côté, être complices de la diffusion d'un contenu illicite ; leur responsabilité serait aussi engagée, le cas échéant.
S'agissant des adresses françaises sur Internet, c'est-à-dire toutes celles dont la syntaxe se décline en " www.nom.fr ", il était nécessaire d'en définir légalement les règles de gestion et d'attribution. La délégation de cette gestion à des organismes par le Gouvernement garantira un cadre clair de développement à ces adresses, qui sont au nombre de 160 000 aujourd'hui.
2ème thème : le projet de loi renforce la confiance dans le commerce électronique et la lutte contre les publicités indésirables.
Le commerce électronique ne pourra se développer massivement que si les consommateurs ont une entière confiance dans les procédures électroniques associées. Pour créer cette confiance, en transposant la directive européenne, le projet de loi définit le cadre juridique applicable aux commerçants électroniques.
La " mécanique européenne " de la directive du 8 juin 2000 harmonise les dispositions déterminantes pour le développement d'un commerce électronique sécurisé sur l'ensemble de l'Union européenne, telles que les informations à fournir à l'attention des consommateurs ou les modes de conclusion des contrats par voie électronique.
L'harmonisation de ces différents " points clés " permet de considérer que les législations des Etats membres dans ce domaine seront désormais globalement équivalentes, même si elles ne sont pas identiques dans le détail. Une entreprise opérant à partir d'un Etat membre respectera les exigences des autres Etats membres, et n'aura que peu d'obligations complémentaires à satisfaire. Il s'agit d'un progrès majeur vers un espace européen de liberté pour le commerce électronique.
Parmi les dispositions prévues, le projet de loi renforce la protection des consommateurs qui doivent être largement et complètement renseignés sur l'identité des marchands électroniques. Les informations (nom, adresse, RCS, capital social..) devront être accessibles facilement et en permanence au cours des transactions.
Parmi les problèmes épineux auxquels sont confrontés les internautes, il y a celui appelé communément le " spam ", c'est-à-dire ces millions, voire milliards de courriers électroniques publicitaires non sollicités. Il s'agit d'un phénomène de grande ampleur générateur de nombreuses plaintes auprès de la CNIL. N'oublions pas de plus que l'utilisateur internaute supporte des frais pour sa connexion. Je ne pense pas qu'il souhaite qu'elle soit engorgée inutilement.
Des règles de transparence et de protection des consommateurs sont donc instaurées. L'envoi de courriers électroniques ayant pour but la prospection commerciale directe est interdit sans l'accord préalable des consommateurs. De plus, lorsque ces derniers reçoivent ces courriers électroniques à caractère publicitaire, ils doivent pouvoir en identifier facilement l'émetteur et avoir la faculté, à tout moment, de s'opposer à tout envoi ultérieur.
L'Assemblée Nationale, après une lecture stricte de la directive européenne, a souhaité autoriser la publicité électronique sans consentement préalable, à l'exception de celle faite par fax, quand elle destinée aux entreprises inscrites au Registre du Commerce. Et le gouvernement avait considéré positivement cet amendement.
La reconnaissance de la valeur juridique des échanges électronique a déjà fait l'objet de plusieurs textes, et notamment de la loi du 13 mars 2000 portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de l'information et relative à la signature électronique.
Le projet de loi ira plus loin dans l'adaptation de notre droit avec une innovation majeure introduite dans le Code Civil permettant à tous les contrats (sauf ceux concernant les droits sur des biens immobiliers, ceux qui requièrent l'intervention de tribunaux ou d'autorités publiques, ou ceux relatifs au droit de la famille) d'être réalisés sous forme électronique.
Dans le cadre d'un contrat de commerce par voie électronique, afin de protéger le consommateur contre les fausses manipulations, toute acceptation d'une offre doit prendre la forme d'un " double clic ", c'est-à-dire qu'après avoir passé sa commande, l'utilisateur doit vérifier et confirmer son acceptation au vu des informations récapitulatives qui lui sont présentées par le marchand.
3ème thème : la libéralisation des moyens de chiffrement
Pour accroître la confiance des consommateurs, les transactions et les contrats de commerce électronique utilisent des d'outils cryptographiques de signature électronique et de confidentialité des échanges. L'émergence des services de la société de l'information en a développé ainsi de très nombreux usages civils, alors qu'auparavant la cryptographie était assimilée à une arme de guerre. Du fait de ces usages civils, une nécessité de libéralisation est apparue au cours des années 90.
La réglementation relative aux moyens et aux prestations de cryptologie a toujours été très encadrée. Elle avait été modifiée par la loi sur la réglementation des télécommunications de 1990 et révisée par celle de 1996. Une première étape de libéralisation avait été d'élever en 1998 à 40 bits puis en 1999 à 128 bits les longueurs des clés au-dessus desquelles une autorisation est nécessaire pour les utilisateurs.
Le projet de loi rend désormais complètement libre l'utilisation de tout moyen de cryptologie. Il rend libre également la fourniture, l'importation et l'exportation des moyens de cryptologie n'assurant que des fonctions de signature. La fourniture et l'importation de moyens de cryptologie assurant des fonctions de confidentialité sont maintenant soumises à simple déclaration. L'exportation des moyens de cryptologie assurant des fonctions de confidentialité, est soumise à autorisation conformément au règlement européen du Conseil de juin 2000.
Un des grands freins identifiés dans le développement du commerce électronique est bien sûr la sécurité des paiements par carte bancaire. Dans le cas d'une vente à distance, ce qui est le cas sur Internet, la loi sur la sécurité quotidienne (LSQ) du 18/11/2001 a apporté une réponse en accroissant de manière très sensible la protection des consommateurs, qui peuvent faire opposition en cas de fraude à distance, alors qu'auparavant, cela n'était possible qu'en cas de vol ou de perte.
Le cadre législatif ayant déjà été adapté, il n'a donc pas été jugé utile d'inclure des dispositions spécifiques dans le projet de loi que je vous soumets. Néanmoins, la libéralisation de l'usage de la cryptologie autorise la mise en place de systèmes de chiffrement plus performants que ceux existant aujourd'hui et qui sont utilisés fréquemment dans les transactions de commerce électronique.
Le développement de l'économie numérique va de pair avec la nécessaire garantie donnée à nos concitoyens concernant leur sécurité. C'est pourquoi les moyens des pouvoirs publics pour lutter contre la cybercriminalité sont renforcés. Ainsi les sanctions pénales en cas d'accès frauduleux à un système informatique, ou de modification de ses données sont doublées. De plus un délit est instauré en cas de diffusion intentionnelle de virus informatiques.
Dernier thème : la réglementation des systèmes satellitaires
Les systèmes satellitaires ont plusieurs rôles majeurs à jouer, parmi lesquels celui de permettre à l'avenir l'accès à Internet haut débit dans les zones qui sont mal desservies. Pour en conforter le rôle, le projet de loi prévoit des dispositions de nature technique qui n'appellent pas de commentaires particuliers.
En conclusion, ce projet de loi contribuera à dynamiser l'économie numérique. Il se veut un pas supplémentaire pour renforcer la sécurité des acteurs et des consommateurs, ainsi que pour clarifier les règles du jeu pour les entreprises fournissant des prestations par voie électronique. Je sais naturellement l'intérêt que vous portez à plusieurs questions complémentaires importantes. Elles ont aussi fait l'objet de discussions en particulier la réforme du financement du service universel ou encore la couverture du territoire en téléphonie mobile. Nous aurons l'occasion d'approfondir ensemble ces sujets.
Je vous remercie de votre attention.
(Source http://www.minefi.gouv.fr, le 30 juin 2003)
Messieurs les Présidents de Commissions,
Messieurs les Rapporteurs,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
L'examen du projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique est une occasion pour le Gouvernement de témoigner de l'importance qu'il accorde aux nouvelles technologies et à leurs usages. Le Premier ministre a présenté en novembre 2002 le plan RESO 2007 décrivant notre politique pour en favoriser le développement. Une vraie révolution est en train de se produire et nous n'en sommes qu'au début. L'explosion de la bulle financière de l'Internet et des télécommunications ne doit pas occulter le développement fulgurant de ses usages réels, qui s'impose comme un phénomène mondial majeur.
Or la France est en retard. Durant les dernières années, elle a progressé, mais elle n'a pas encore comblé son retard. Selon un classement établi en décembre 2002 par l'Union Internationale des Télécommunications, notre pays ne figurait qu'à la 21ème place des pays les plus avancés sur le plan de la diffusion et de l'utilisation des TIC.
Ce retard est un handicap pour notre croissance, et pour l'emploi. Rien ne le justifie - ni des raisons culturelles, ni la qualité de nos industriels, ni l'état de nos réseaux de communication. C'est ainsi qu'à l'automne 2002, Francis Mer et moi-même avions eu largement l'occasion d'exprimer notre volonté politique de le rattraper et de donner une forte impulsion à plusieurs domaines de l'économie numérique. La fin de l'année 2002 et le début de l'année 2003 nous ont confirmé le dynamisme de ce secteur.
En matière de commerce électronique, en 2002 le montant des transactions sur Internet aura connu un développement de 61%. Cette tendance s'est poursuivie au rythme de 50% au premier trimestre 2003. Des secteurs entiers voient leur activité transformée. Ainsi dans la vente à distance, plus de 10% des commandes se font aujourd'hui par Internet. Dans les voyages, ce chiffre atteint près de 15%, et d'ailleurs, pour certaines compagnies aériennes, notamment celles à bas coût, la réservation n'est pratiquement possible que par Internet. Pour la seule SNCF, c'est 6% du chiffre d'affaires qui est réalisé aujourd'hui par Internet.
Le ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie n'est pas en reste : en 2003, plus de 600 000 personnes ont fait leurs déclarations d'impôt par Internet, pour 120 000 télé-déclarants en 2002.
Peu de secteurs économiques peuvent se prévaloir d'afficher de telles performances ! Pour autant, si certains secteurs ont particulièrement su tirer parti du commerce électronique, d'autres sont encore en attente d'une plus grande réussite. Le présent projet de loi confortera le cadre juridique de leur développement, renforçant la confiance et donc la croissance, dans ces nouveaux canaux de distribution.
Mais développer l'économie numérique suppose aussi d'élargir considérablement le nombre d'agents économiques, entreprises et ménages, pouvant y accéder dans des conditions optimales de confort d'utilisation et de coût.
S'agissant de l'équipement des ménages en micro-informatique, je viens ainsi de faire réaliser une étude pour identifier les principaux freins. Ses résultats nous indiquent que le taux d'équipement des ménages en ordinateurs atteint 42%. La barre des 10 millions de ménages équipés a été franchie au cours du premier trimestre 2003. C'est un résultat qui est encourageant mais qui nous place encore derrière certains de nos partenaires européens. Je me félicite ainsi du fait qu'une majorité de Français aient désormais une attitude plus positive et un intérêt pour le micro-ordinateur. Ce progrès dans la perception de son utilité effective résulte, à n'en point douter, de l'émergence de services attractifs tels que les accès à Internet à haut débit.
En matière d'accès au haut débit, j'ai décidé à l'été 2002 une baisse des tarifs de revente en gros de l'ADSL. Cela a marqué un tournant majeur dans le développement du marché français. Grâce à la baisse des tarifs et à l'émergence d'une offre grand public, sous forme d'un abonnement mensuel illimité au prix de 30 euros environ, la France a rattrapé rapidement le retard qu'elle avait dans ce domaine et connaît une croissance " fulgurante ", la plus forte d'Europe. Avec plus de 2 millions d'abonnés et probablement 3 millions à la fin de l'année 2003, nous sommes désormais le deuxième pays européen en matière de pénétration du haut débit.
Nous sommes en route vers notre objectif de 10 millions d'abonnés à l'Internet haut débit d'ici cinq ans. Cet objectif est certes ambitieux mais il est réalisable. La croissance du nombre des abonnés crée un cercle vertueux pour l'ensemble de l'économie numérique. Grâce à ce fort potentiel de clients, les investissements lourds et coûteux de ce secteur seront largement amortis et de nouveaux services et usages pourront émerger. Le développement du haut débit donne aussi à nos concitoyens l'accès à de nouveaux usages de l'Internet, dans des domaines tels que la santé, l'éducation ou les divertissements.
Dans le domaine des TIC et de l'économie numérique, le Gouvernement a choisi de sortir de la logique des " grands plans ", qui créent plus d'attentes qu'ils ne règlent de problèmes, et des " grandes lois " qui mettent tellement de temps à être votées qu'elles sont déjà en décalage avec les technologies et les pratiques quand elles entrent en vigueur. Pour autant, je voudrais rappeler néanmoins que le projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique est le premier texte français d'ensemble sur la société de l'information.
J'aurai bientôt l'honneur de vous présenter un autre texte législatif transposant les directives sur les communications électroniques, le " paquet télécoms ", dans lequel des réponses seront apportées à plusieurs questions importantes, d'actualité, concernant les infrastructures de réseaux et les autorités de régulation. Ces deux textes sont complémentaires et l'Assemblée Nationale a d'ailleurs intégré au projet de loi sur l'économie numérique plusieurs dispositions concernant les télécommunications.
L'adoption de la loi est indispensable pour créer un climat de confiance résultant de la fixation de règles du jeu claires pour les fournisseurs et d'une protection efficace des utilisateurs. Car la législation actuelle ne répond pas aux problèmes nouveaux surgis dans une période très courte. Il devient urgent d'en combler les vides actuels, pour assurer la sécurité juridique sans laquelle les énergies ne pourront se développer dans ce secteur particulièrement porteur.
Dans ce domaine, la France accuse, une fois de plus, un retard dommageable dans la transposition des directives européennes. La directive du 8 juin 2000 sur le Commerce Electronique aurait dû être transposée avant le 17 janvier 2002. Le projet de loi que je vous présente mettra fin à ce retard pour lequel la France a reçu un avis motivé de la Commission Européenne. S'agissant du sujet particulier de la publicité par voie électronique, le projet de loi transpose dès maintenant l'article 13 de la directive du 12 juillet 2002 sur les données personnelles, qui fait partie des directives du " paquet télécoms ".
Avant de détailler le contenu du projet que nous vous soumettons, je souhaiterais souligner la qualité des échanges au cours des travaux préparatoires entre les Commissions du Sénat et le Gouvernement. Mes remerciements iront ainsi tout particulièrement aux rapporteurs, Mr Alex Türk pour la Commission des Lois, Mr Louis de Broissia pour la Commission des Affaires Culturelles et Mrs Bruno Sido et Pierre Hérisson au titre de la Commission des Affaires Economiques. Je crois que le caractère très complet de leurs rapports et les nombreux amendements qu'ils vous proposent témoignent de leur investissement sur ce projet.
Conformément aux orientation du Conseil d'Etat dans son rapport de 1998 sur Internet, le projet de loi n'a pas cherché à créer de toutes pièces un droit spécifique pour l'économie numérique mais à l'insérer dans les textes existants en les adaptant. C'est ainsi qu'il vous est proposé de modifier de nombreux codes : communication, consommation, commerce, civil, pénal, postes et télécommunications.
Les dispositions du projet initial du Gouvernement s'articulaient autour de quatre grands thèmes :
- le cadre d'exercice de la liberté de la communication en ligne,
- le commerce électronique et la publicité,
- la sécurité, en particulier la cryptologie et la cybercriminalité,
- les systèmes satellitaires.
Lors du débat à l'Assemblée Nationale les 25 et 26 février derniers, le Gouvernement a aussi complété le texte par un amendement permettant aux collectivités territoriales d'intervenir désormais dans le secteur des télécommunications. Je suis certaine qu'au cours de notre débat, nous aurons l'occasion de revenir sur cette question dont je sais qu'elle revêt une importance particulière pour de nombreux sénateurs.
1er thème : la définition et la régulation de la communication publique en ligne
Le projet de loi définit pour la première fois la communication publique en ligne. Cette notion était utilisée mais non définie dans la loi du 1er août 2000 relative à liberté de la communication. Les dispositions la concernant s'inséraient dans les chapitres relatifs à l'audiovisuel, ce qui rendait de fait le CSA compétent en matière d'Internet.
Le Gouvernement, guidé par la philosophie de ne pas bouleverser l'architecture légale actuelle, a choisi au cours des travaux interministériels de conserver ce rattachement à la communication audiovisuelle en en précisant les limites et les spécificités. Ce sujet a fait l'objet de nombreux débats à l'Assemblée Nationale et je me dois de vous faire part des réflexions intervenues, depuis, au sein du Gouvernement. La solution légale que nous envisageons consiste à conserver en l'état la définition de la communication publique en ligne tout en limitant les pouvoirs de régulation du CSA au champ des services de radio et de télévision. Cette limitation, faite en accord avec le CSA, est ainsi inscrite dans le projet de loi sur les " communications électroniques " et a fait l'objet d'amendements parlementaires.
Les conditions de la responsabilité des acteurs (hébergeurs de sites, des fournisseurs d'accès et des opérateurs de télécommunications) sont précisées
Depuis la sanction partielle par le Conseil Constitutionnel de la loi du 1er août 2000, une incertitude juridique demeurait en ce domaine. Par ailleurs, la directive sur le commerce électronique intègre aussi des dispositions sur leur régime de responsabilité. Il convenait de proposer une solution conforme à la fois aux exigences de la directive et à la décision du Conseil Constitutionnel.
Ainsi, le projet de loi pose un principe général de limitation des responsabilités civile et pénale des prestataires de l'économie numérique du fait des contenus qu'ils hébergent, stockent ou transmettent. S'agissant des prestataires d'hébergement et de stockage, la mise en cause de leur responsabilité est limitée au seul cas où, ayant effectivement connaissance d'activités ou d'informations illicites hébergées, ils n'auraient pas agi promptement pour rendre impossible l'accès aux informations. Le dispositif retenu est conforme au Code pénal qui renvoie la responsabilité du contenu sur celui qui le crée et qui doit en assumer les conséquences. Mais les intermédiaires hébergeant ou transmettant un contenu, ne peuvent pas, de leur côté, être complices de la diffusion d'un contenu illicite ; leur responsabilité serait aussi engagée, le cas échéant.
S'agissant des adresses françaises sur Internet, c'est-à-dire toutes celles dont la syntaxe se décline en " www.nom.fr ", il était nécessaire d'en définir légalement les règles de gestion et d'attribution. La délégation de cette gestion à des organismes par le Gouvernement garantira un cadre clair de développement à ces adresses, qui sont au nombre de 160 000 aujourd'hui.
2ème thème : le projet de loi renforce la confiance dans le commerce électronique et la lutte contre les publicités indésirables.
Le commerce électronique ne pourra se développer massivement que si les consommateurs ont une entière confiance dans les procédures électroniques associées. Pour créer cette confiance, en transposant la directive européenne, le projet de loi définit le cadre juridique applicable aux commerçants électroniques.
La " mécanique européenne " de la directive du 8 juin 2000 harmonise les dispositions déterminantes pour le développement d'un commerce électronique sécurisé sur l'ensemble de l'Union européenne, telles que les informations à fournir à l'attention des consommateurs ou les modes de conclusion des contrats par voie électronique.
L'harmonisation de ces différents " points clés " permet de considérer que les législations des Etats membres dans ce domaine seront désormais globalement équivalentes, même si elles ne sont pas identiques dans le détail. Une entreprise opérant à partir d'un Etat membre respectera les exigences des autres Etats membres, et n'aura que peu d'obligations complémentaires à satisfaire. Il s'agit d'un progrès majeur vers un espace européen de liberté pour le commerce électronique.
Parmi les dispositions prévues, le projet de loi renforce la protection des consommateurs qui doivent être largement et complètement renseignés sur l'identité des marchands électroniques. Les informations (nom, adresse, RCS, capital social..) devront être accessibles facilement et en permanence au cours des transactions.
Parmi les problèmes épineux auxquels sont confrontés les internautes, il y a celui appelé communément le " spam ", c'est-à-dire ces millions, voire milliards de courriers électroniques publicitaires non sollicités. Il s'agit d'un phénomène de grande ampleur générateur de nombreuses plaintes auprès de la CNIL. N'oublions pas de plus que l'utilisateur internaute supporte des frais pour sa connexion. Je ne pense pas qu'il souhaite qu'elle soit engorgée inutilement.
Des règles de transparence et de protection des consommateurs sont donc instaurées. L'envoi de courriers électroniques ayant pour but la prospection commerciale directe est interdit sans l'accord préalable des consommateurs. De plus, lorsque ces derniers reçoivent ces courriers électroniques à caractère publicitaire, ils doivent pouvoir en identifier facilement l'émetteur et avoir la faculté, à tout moment, de s'opposer à tout envoi ultérieur.
L'Assemblée Nationale, après une lecture stricte de la directive européenne, a souhaité autoriser la publicité électronique sans consentement préalable, à l'exception de celle faite par fax, quand elle destinée aux entreprises inscrites au Registre du Commerce. Et le gouvernement avait considéré positivement cet amendement.
La reconnaissance de la valeur juridique des échanges électronique a déjà fait l'objet de plusieurs textes, et notamment de la loi du 13 mars 2000 portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de l'information et relative à la signature électronique.
Le projet de loi ira plus loin dans l'adaptation de notre droit avec une innovation majeure introduite dans le Code Civil permettant à tous les contrats (sauf ceux concernant les droits sur des biens immobiliers, ceux qui requièrent l'intervention de tribunaux ou d'autorités publiques, ou ceux relatifs au droit de la famille) d'être réalisés sous forme électronique.
Dans le cadre d'un contrat de commerce par voie électronique, afin de protéger le consommateur contre les fausses manipulations, toute acceptation d'une offre doit prendre la forme d'un " double clic ", c'est-à-dire qu'après avoir passé sa commande, l'utilisateur doit vérifier et confirmer son acceptation au vu des informations récapitulatives qui lui sont présentées par le marchand.
3ème thème : la libéralisation des moyens de chiffrement
Pour accroître la confiance des consommateurs, les transactions et les contrats de commerce électronique utilisent des d'outils cryptographiques de signature électronique et de confidentialité des échanges. L'émergence des services de la société de l'information en a développé ainsi de très nombreux usages civils, alors qu'auparavant la cryptographie était assimilée à une arme de guerre. Du fait de ces usages civils, une nécessité de libéralisation est apparue au cours des années 90.
La réglementation relative aux moyens et aux prestations de cryptologie a toujours été très encadrée. Elle avait été modifiée par la loi sur la réglementation des télécommunications de 1990 et révisée par celle de 1996. Une première étape de libéralisation avait été d'élever en 1998 à 40 bits puis en 1999 à 128 bits les longueurs des clés au-dessus desquelles une autorisation est nécessaire pour les utilisateurs.
Le projet de loi rend désormais complètement libre l'utilisation de tout moyen de cryptologie. Il rend libre également la fourniture, l'importation et l'exportation des moyens de cryptologie n'assurant que des fonctions de signature. La fourniture et l'importation de moyens de cryptologie assurant des fonctions de confidentialité sont maintenant soumises à simple déclaration. L'exportation des moyens de cryptologie assurant des fonctions de confidentialité, est soumise à autorisation conformément au règlement européen du Conseil de juin 2000.
Un des grands freins identifiés dans le développement du commerce électronique est bien sûr la sécurité des paiements par carte bancaire. Dans le cas d'une vente à distance, ce qui est le cas sur Internet, la loi sur la sécurité quotidienne (LSQ) du 18/11/2001 a apporté une réponse en accroissant de manière très sensible la protection des consommateurs, qui peuvent faire opposition en cas de fraude à distance, alors qu'auparavant, cela n'était possible qu'en cas de vol ou de perte.
Le cadre législatif ayant déjà été adapté, il n'a donc pas été jugé utile d'inclure des dispositions spécifiques dans le projet de loi que je vous soumets. Néanmoins, la libéralisation de l'usage de la cryptologie autorise la mise en place de systèmes de chiffrement plus performants que ceux existant aujourd'hui et qui sont utilisés fréquemment dans les transactions de commerce électronique.
Le développement de l'économie numérique va de pair avec la nécessaire garantie donnée à nos concitoyens concernant leur sécurité. C'est pourquoi les moyens des pouvoirs publics pour lutter contre la cybercriminalité sont renforcés. Ainsi les sanctions pénales en cas d'accès frauduleux à un système informatique, ou de modification de ses données sont doublées. De plus un délit est instauré en cas de diffusion intentionnelle de virus informatiques.
Dernier thème : la réglementation des systèmes satellitaires
Les systèmes satellitaires ont plusieurs rôles majeurs à jouer, parmi lesquels celui de permettre à l'avenir l'accès à Internet haut débit dans les zones qui sont mal desservies. Pour en conforter le rôle, le projet de loi prévoit des dispositions de nature technique qui n'appellent pas de commentaires particuliers.
En conclusion, ce projet de loi contribuera à dynamiser l'économie numérique. Il se veut un pas supplémentaire pour renforcer la sécurité des acteurs et des consommateurs, ainsi que pour clarifier les règles du jeu pour les entreprises fournissant des prestations par voie électronique. Je sais naturellement l'intérêt que vous portez à plusieurs questions complémentaires importantes. Elles ont aussi fait l'objet de discussions en particulier la réforme du financement du service universel ou encore la couverture du territoire en téléphonie mobile. Nous aurons l'occasion d'approfondir ensemble ces sujets.
Je vous remercie de votre attention.
(Source http://www.minefi.gouv.fr, le 30 juin 2003)