Texte intégral
Bonsoir, Monsieur Pasqua.
Bonsoir.
Le président de la République doit annoncer demain soir son projet sur le quinquennat et vous, vous vous préparez à engager une campagne contre le quinquennat, vous nous direz pourquoi.
Autre campagne pour vous, que vous menez à l'heure actuelle au sein du RPF, votre parti, dont vous êtes le Président, vous vous heurtez au scepticisme pour ne pas dire plus, des amis de Philippe de Villiers, le vice président du RPF, qui affirme ne pas comprendre la manière dont vous voulez diriger le parti et quels sont vos objectifs.
Nous parlerons aussi ce soir de l'Europe alors que la France doit en prendre la présidence dans moins d'un mois, vous voulez pour votre part l'abrogation du traité de Maastricht.
Je vous vois sourire, tout cela a l'air de vous mettre en joie, alors tout de suite la première question. Monsieur Pasqua, vous avez rencontré récemment le président de la République, croyez vous qu'il ira au référendum sur le quinquennat ou bien au contraire qu'il convoquera le Parlement en Congrès et s'il y a le référendum, croyez vous vraiment la victoire du non possible ?
Tout cela ne peut se résumer ainsi que vous le présentez, je veux dire par là que j'ai effectivement rencontré le président de la République comme la plupart des leaders politiques auxquels il a parlé de deux sujets d'actualité : d'abord la CIG, la conférence intergouvernementale qui doit en principe adapter ou présenter des propositions d'adaptation des institutions européennes, pour permettre l'arrivée de nouveaux membres puisque nous devons passer de quinze à vingt sept ou à trente, je ne sais plus combien, et puis sur ce sujet est venu se greffer le quinquennat, la proposition de quinquennat proposée par Valéry Giscard d'Estaing, avec la gourmandise que l'on a vue.
L'idée d'ennuyer Jacques Chirac le remplissait de joie à l'avance, idée reprise au vol par Lionel Jospin, puis le président de la République s'est lancé dans une série de consultations. Je dirais que de deux choses l'une, ou le président de la République considère qu'il s'agit d'une modification mineure, ce qui n'est pas du tout mon avis bien entendu, et à ce moment là il nous expliquera quel est l'intérêt de cette modification ou bien il considérait ou il aurait pu considérer qu'en réalité il s'agissait d'une modification extrêmement importante des institutions et il aurait dû s'opposer quelles que soient les conséquences et non pas se déterminer en fonction de ce que j'entends ici ou là qui est la modernité ou l'air du temps. Je lui ai fait part de mon sentiment lorsque je l'ai vu.
Je lui ai dit que tous les arguments qui étaient avancés en faveur du quinquennat ne résistaient pas à un examen sérieux, je veux dire que le quinquennat n'empêchera pas la cohabitation, contrairement à ce qu'il dit, qu'en définitive le quinquennat s'il était adopté entraînerait à terme, inévitablement une modification profonde des institutions, soit avec certaines formes de retour au régime des partis, en tous les cas la prédominance du Parlement ou le passage au régime présidentiel.
Le fait de se contenter de modifier la durée du mandat du président de la République peut apparaître à certains comme anodin, il ne l'est pas.
Je pense que lorsque, à la fois en 1958 et en 1962, on a maintenu la durée du mandat présidentiel à sept ans, on peut discuter sur le renouvellement ou non du mandat présidentiel, moi je reste partisan d'un mandat de sept ans non renouvelable qui dégage le président de la République de tout souci concernant sa réélection au cours des deux dernières années de son mandat et qui lui permet de se consacrer à l'essentiel. Lorsque j'ai vu le président de la République, je l'ai trouvé en quelque sorte, je ne dirais pas résigné, le mot est un peu excessif, mais enfin s'accommodant de ce passage au quinquennat.
Il s'y est rallié par nécessité.
Oui, ou par convenance, comme l'on voudra. Moi, je lui ai dit que je n'imaginais pas que l'on puisse procéder à une telle réforme, parce que là il s'agit du coeur des institutions, sans revenir devant le peuple. La Constitution de 1958 a été adoptée par référendum, les modifications de 1962 l'ont été également par référendum, je n'imagine pas que l'on puisse faire l'économie de venir devant le peuple. Il est bien évident que s'il y a un référendum, j'occuperais au premier rang la place de ceux qui feront campagne contre ce référendum.
Est ce que le président vous a laissé paraître son intention à ce sujet ?
Non.
Et quand vous parlez de modification des institutions, est ce que vous seriez favorable au quinquennat s'il entraînait une refonte en cascade de la durée des autres mandats ?
Non, pas du tout. Moi je suis contre le quinquennat. Je crois qu'il faut déconnecter la durée du mandat présidentiel de celle des membres des assemblées parlementaires, en tous les cas de l'Assemblée Nationale, je pense que ceux dont un gouvernement et à plus forte raison le chef de l'Etat ont le plus besoin c'est de durer. Et je pense qu'un chef de l'Etat qui vient d'être élu, il lui faut un an pour prendre ses marques, il aura en réalité si c'est un mandat de cinq ans deux ans pour commencer à engager les réformes qu'il juge indispensables et puis les deux années suivantes, il fera campagne pour sa réélection, non, ce n'est pas sérieux, je considère que c'est une erreur.
Mais que devrait il se passer si le non l'emportait ?
Si le non l'emportait, le mandat resterait fixé à sept ans. Monsieur Chirac continuerait son mandat jusqu'en 2002 et en 2002 nous aviserions.
Vous n'avez pas l'air de trop y croire que le non va l'emporter ?
Vous savez, on ne peut jurer de rien. Regardez Maastricht.
Vous avez publié il y a quelques années un livre qui s'appelait " que demande le peuple " et si l'on en croit les sondages sur cette question, le peuple est tout à fait catégorique : il est pour le quinquennat.
Les sondages, on a vu ce que cela donnait pour Maastricht. Avant le référendum, il y avait 70 % en faveur du oui et c'est passé au ras des moustaches si j'ose dire.
Non, je crois que les sondages sont une chose, les élections en sont une autre et puis il y aura une campagne. L'intérêt du référendum, c'est qu'il y a une campagne et que l'on s'explique contrairement au Congrès où les choses se font dans le calme douillet du Parlement et en dehors du peuple. J'espère que cette fois, ce sera le peuple qui aura le dernier mot.
Vous ne craignez pas d'apparaître comme l'homme politique ou le chef d'un parti qui dit systématiquement non, qui dit non à Maastricht, qui dit non à Amsterdam, qui dit non au quinquennat.
Il suffit que l'on me présente des choses qui me paraissent aller de soit dans l'intérêt de notre pays pour que je dise oui, je ne dis pas non par plaisir.
A quoi par exemple ?
Par exemple, la réduction générale du déficit budgétaire, des réformes dignes de ce nom concernant la sécurité et la justice, etc... Je dirais oui, j'applaudirais des deux mains. Nous n'en sommes pas là.
On vient de passer le cap des trois premières années de Lionel Jospin comme Premier ministre. Il est au plus haut dans les sondages, les Français lui trouvent des tas de qualités et à votre avis pourquoi est il le Premier ministre qui est dans l'histoire de la cinquième République est au plus haut dans les sondages après trois ans de pouvoir ?
Alors, Philippe de Villiers dit " mais ce référendum, s'il a lieu, ce sera une claque pour Chirac et Jospin " ?
Je ne m'exprimerais pas tout à fait comme cela, mais en tout cas nous ferons tout que ce soit un échec. J'ajouterais que, qu'il y ait un référendum ou pas, actuellement ce qui est amusant c'est d'assister à la recherche de paternité. Qui est à l'origine du quinquennat ?
Vous l'avez trouvé, vous ?
Non, mais moi je ne cherche pas. Je mets tous ceux qui sont pour le quinquennat dans le même panier.
Mais à l'origine, c'était Georges Pompidou quand même...
Oui, mais là aussi c'était pour des raisons bien précises. Je crois que pour lui s'exprimaient peut être un peu différemment. Il était malade et il avait souhaité la réduction du mandat présidentiel. Je ne crois pas que l'on doive se déterminer de cette manière.
En tout cas, si vous faites campagne pour le non comme vous nous le dites, vous aurez des drôles d'alliés, vous aurez le Front National, vous aurez Bruno Mégret et c'est à peu près tout parce que le parti communiste est en train d'hésiter.
Un certain nombre de communistes certainement, quelques UDF, parce qu'à ma connaissance il y en a même certains qui ont déposé ou qui vont déposer un projet de loi constitutionnel pour un mandat de sept ans, non renouvelable, et puis tous les Français qui seront contre et puis ce sera comme pour Maastricht, on ne vas pas faire le cartel des noms, chacun fera sa campagne de son côté, nous irons dans la même direction.
Ce sera une campagne pour ou contre l'exécutif ?
Nous serons en face de l'exécutif à deux têtes. Ce sera la campagne contre les responsables de la cohabitation, par rapport à Monsieur Chirac et Monsieur Jospin.
Donc ça sera une campagne contre la cohabitation ?
En quelque sorte, oui. En tous les cas, elle aura montré à l'occasion de cette réforme, ce qu'elle peut avoir de plus nocif. Probablement parce qu'il bénéficie de circonstances extérieures exceptionnelles que n'ont pas eu ses prédécesseurs. Il y a une reprise économique dont on ne peut pas dire qu'elles doivent être portées totalement à son crédit et puis il y a un certain nombre d'évènements qui lui ont permis d'apparaître comme incarnant certaines réformes bien que de mon point de vue ce soit illusoire.
Est-ce que, outre les exemples de réforme qui lui sont abusivement attribuées, est-ce que vous pourriez nous dire si d'après vous il se débrouille comme Premier ministre mieux qu' Alain Juppé pour lequel vous avez eu des propos très sévères ?
Ecoutez, je vais pas me mettre à faire ce genre de comparaison, je dirais plutôt ceci. Il a semblé engager un certain nombre de réformes dont les Français l'ont crédité mais chaque fois qu'il y a eu une difficulté majeure ou ce qui est apparu comme difficulté majeure il a reculé, ce qui fait qu'à mon avis il n'est pas un homme d'Etat et il n'a pas les qualités d'un homme d'Etat. Il a reculé sur l'éducation nationale, il a reculé devant les agents des impôts et leur hostilité à la réforme de Bercy, il n'a pas hésité à abandonner des amis de trente ans, décidément les amis de trente ans c'est pas terrible, faut bien le reconnaître.
Je ne crois pas que ce soit un homme d'Etat et je crois qu'en réalité et cela c'est le propre de la cohabitation, l'exercice dans lequel ils ont lancés le président de la République et le Premier ministre, qui consiste à se marquer et à essayer de faire le moins de faux pas ou de bêtises possibles, font qu'en réalité ils ne font pas grand chose, ce qui pour le président de la République est assez normal compte tenu de la situation dans laquelle il se trouve, ce qui l'est moins pour le Premier ministre.
Alors, je voudrais vous poser une question. Est-ce que vous pensez que dans les deux années qui viennent les Français vont se rendre compte que finalement le Premier ministre a assez peu agi, d'après ce que vous dites ?
Mais vous parliez d'un sondage tout à l'heure ?
Il y en a plusieurs.
Oui, je sais, je les lis, mais même dans celui auquel vous faites allusion, il y a deux parties dans un sondage. Il y a ce dont il est crédité comme Premier ministre, et ensuite lorsqu'on passe à la deuxième phase "pourrait-il faire un bon président de la République ou quels sont vos souhaits ?", on est dans une toute autre situation. Donc je ne crois pas que Monsieur Jospin soit dans une situation idéale, mais nous n'en sommes pas encore là. Ils peuvent parfaitement être sanctionnés tous les deux, Jospin et le président de la République. Vous croyez que, par exemple, la campagne sur le quinquennat pourrait contribuer à les faire sanctionner tous les deux ? Cela peut être une étape. En tous les cas ce sont eux qui l'auront choisi, ce n'est pas moi.
Et vous allez enfoncer le clou sur ce thème Chirac-Jospin, finalement associés ?
Ecoutez, dans cette affaire là oui Chirac-Jospin , même combat.
Sur un sujet quand même que vous connaissez bien puisque vous l'avez connu à la fois comme ministre de l'Intérieur et comme corse vous-même, est-ce que le président, est-ce que le Premier ministre d'après vous a pris la bonne voie avec ce qu'on appelle le processus de Matignon et la recherche de ce consensus parmi les élus corses ?
Ecoutez, il faudrait d'abord savoir quel est, quelles sont les idées du Premier ministre concernant la Corse, quel est son but ? Parce que quelle est la situation en Corse ? Nous avons une immense majorité de corses qui ne demandent rien, qui ne demandent ni la réforme des institutions, ni l'évolution du statut, ni la réforme du système électoral, ni la réforme du système politique représentatif c'est-à-dire département, région, ils ne demandent rien de tout cela.
Mais votre avis, c'est qu'il ne faut rien faire ?
Je ne dis pas cela. Que demande la majorité des corses ? La majorité des corses demande à ce que l'Etat joue son rôle et qu'il assume ses responsabilités, voilà.
Alors on se lance dans une fuite en avant pour satisfaire 15 à 20 % de la population que représentent les nationalistes. La réalité elle est là.
Que veut Monsieur Jospin ? Il faudrait le lui demander, moi je ne suis pas en mesure de répondre à sa place. Je pense qu'il ne le sait pas. Voilà la vérité elle est là, je pense qu'il ne le sait pas, il s'est lancé dans cette affaire parce qu'il sentait qu'il fallait faire quelque chose et il s'est dit,"organisons des tables rondes et nous verrons bien ce qu'il en sortira".
Et ce que vous avez dit sur les nationalistes, c'est-à-dire que vous n'êtes pas d'accord avec la motion autonomiste qui a été votée par une minorité de l'Assemblée de Corse autour de José Rossi, mais aussi de vos amis ?
Oui, je ne suis pas d'accord.
Vous êtes plutôt sur l'autre opposition qui est de rester dans le cadre du statut actuel de la Corse ?
On peut parfaitement dans le cadre du statut actuel, pousser les réformes et notamment attribuer un certain nombre de compétence en matière dans le cadre de la décentralisation. C'est parfaitement réalisable.
En réalité ce qu'il faudrait c'est savoir, est-ce qu'on est en mesure d'obtenir que les Corses et notamment l'Assemblée se mette d'accord sur un projet de développement.
Alors s'il y a un tel projet de développement, c'est ce que j'avais dit à l'époque, on pourrait consulter les Corses pour qu'ils en fassent leur projet et que ce ne soit pas uniquement l'affaire des politiques. Mais je ne crois pas du tout que la réforme telle qu'elle est envisagée à l'heure actuelle résoudrait quoi que ce soit.
L'unité de la nation est remise en question ?
L'unité de la nation est prioritaire. Tout ce qui peut lui porter atteinte ne doit pas être acceptée.
Et on va dans ce sens ?
On va dans ce sens.
Monsieur Pasqua, parlons du RPF, votre parti, dont vous êtes le Président. On ne comprend plus très bien où vous en êtes par ce qu'on a le sentiment qu'il y a une guerre ouverte, déclarée, publique avec votre vice président, Philippe de Villiers qui conteste votre projet de référendum pour savoir comment doit fonctionner le parti, qui parle de "putsch raté". "On voulait un mouvement démocratique" dit-il, "or maintenant on est tombé sous une chape de plomb" ?
Vous n'êtes pas obligé de lire.
Oui, je lis toutes ses déclarations. Chappe de plomb, de la terreur, dit-il ?
Oui, tout ce qui est excessif ne compte pas. La réalité est beaucoup plus simple. C'est vrai que compte tenu de la sensibilité que je représente, je suis attaché à la consultation de la base qu'il s'agisse, dans un mouvement politique, des adhérents, et lorsqu'il s'agit d'un pays, des Français eux-mêmes, du peuple. J'ai donc décidé de consulter les adhérents ainsi que les statuts m'en donnent le pouvoir.
Et vous avez eu beaucoup de réponses ?
60 % environ, c'est-à-dire que sur 32 000 adhérents à jour de cotisation, plus de 18000 ont répondu. Ce qui est un grand succès. Je ne sais pas du tout ce qu'il y a dans les réponses puisque ce n'est pas dépouillé.
Ce référendum a été contesté.
Oui mais il a été contesté pourquoi ? Pas du tout pour ce que vous dites là, parce que ce qui est dit, les déclarations publiques et les arguments qui sont avancés devant la justice n'ont strictement rien à voir, mais c'est un détail à la limite. A partir du moment où vous consultez l'ensemble des adhérents et vous en avez plus de 60 % qui répondent, la sagesse voudrait que chacun en prenne acte.
Ce n'est pas un taux de participation faramineux quand même 60 %...
Non, ce n'est pas un taux de participation faramineux ? C'est la première fois que l'on fait cela dans un mouvement politique, c'est la première fois qu'il y a un contrôle permanent depuis le nombre des adhérents, les votants, la réception des bulletins, etc... c'est la première fois que cela se fait.
Allez donc voir dans les autres partis les taux qu'ils ont, ou qu'ils auront, lorsqu'ils font des réunions. Mais à la limite c'est secondaire.
Je veux dire par là que le problème auquel nous sommes confrontés, il est le suivant, j'ai eu tort de créer un parti politique, voilà, c'est clair.
J'ai eu tort de créer un parti politique parce que les partis politiques portent en germe la contestation, la compétition interne, etc...Et que par rapport aux problèmes auxquels nous sommes confrontés aujourd'hui c'est-à-dire le quinquennat d'une part et la modification profonde des institutions, d'autre part, la CIG. avec l'abandon de nouveaux pans de souveraineté nationale, tout cela fait apparaître notre affaire comme un peu dérisoire.
Mais il y a compétition entre vous et Philippe de Villiers ?
Mais non ce n'est pas entre Philippe de Villiers et moi, essayez donc de regarder les choses d'un peu plus haut et d'un peu plus loin.
Partant de là que faut-il faire ? Il faut prendre acte de la réalité. Quelle est la réalité ? La réalité est simple, il y a à l'intérieur du RPF des sensibilités diverses et il y a notamment de la part de Philippe de Villiers un maintien de son organisation d'origine. Ce qui fait qu'en réalité, nous sommes déjà dans un système de confédération.
Dont lui ne veut pas entendre parler ?
Mais qu'il ne veuille pas en entendre parler, cela est une autre affaire, nous y sommes de toute façon et c'est la raison pour laquelle j'ai donné comme mission au Secrétaire général du RPF et à la commission administrative d'aller dans cette voie, d'aller dans cette direction, ce qui permettra à chacun tout en restant dans le même mouvement, de s'affirmer comme il l'entend et je crois que ce sera très bien ainsi, voilà.
Mais quelle sera la différence entre ce qui existe aujourd'hui ? En quoi dans une confédération vous pourriez mieux vous entendre avec Philippe de Villiers, parce qu'on comprend pas bien. Qu'est-ce qui vous oppose quand même ? C'est quoi, ce sont les objectifs ? Quand vous rencontrez Jacques Chirac il dit, "mais attendez qu'est-ce que c'est que cette histoire, Charles Pasqua entre l'amitié et les convictions il ne sait plus où il en est, nous on veut un candidat de rupture".
Ecoutez, moi je n'ai pas de leçon à recevoir de qui que ce soit sur le plan des convictions. Les convictions que j'ai, je les ai depuis longtemps et je n'en ai jamais changé et j'ai eu l'occasion de dire que s'il suffisait d'un déjeuner ou d'une rencontre pour changer de convictions, cela voudrait dire que ces convictions ne sont pas très solides. Donc, de ce point de vue je n'ai pas à recevoir de leçon de qui que ce soit.
Deuxièmement, je redis que nous avons des sensibilités diverses, il vaut mieux que ces sensibilités s'expriment, nous ne pouvons pas être d'accord sur tout de la même manière. Il y a un courant classique conservateur et il y a un courant patriote national républicain. Que chacun s'exprime.
Nous restons dans le même mouvement parce que pour l'essentiel : la souveraineté nationale, l'indépendance nationale, nous sommes d'accord, point final. Il n'y a pas de drame.
Mais les choses sont ainsi. Tant qu'à accepter que d'autres nous imposent leur point de vue, ou que l'on veuille me mettre en tutelle et m'empêcher de nommer les gens qu'il me paraît important d'appeler auprès de moi, je ne l'accepte pas. Le problème est là, il n'est pas ailleurs.
Mais cela veut dire quoi concrètement. Dans la confédération que vous préconisez, il y aura deux organisations, il y aura un secrétaire général proche de vous, un autre proche de Philippe de Villiers et la même chose dans les départements ?
Non, pas du tout. Enfin, le détail de l'organisation de la confédération on le verra. Mais de toute façon remarquez une chose, nous allons maintenant être confrontés, je le redis, au problème le plus urgent qui se pose à nous c'est le quinquennat et au travers de ce quinquennat la réforme éventuelle des institutions en tous les cas leur dérive. Tout le reste est secondaire, voilà. Donc c'est là-dessus qu'il faut se rassembler. Pourquoi voulez-vous que nous ne soyons que deux sensibilités, il y en a bien d'autres. Si nous sommes dans le cadre d'une confédération il n'y aura pas seulement deux sensibilités il y en aura quatre, cinq, six, sept.
En ayant une vue un peu courte, Monsieur Pasqua, donc le référendum est terminé puisqu'il devait se terminer le 30 mai. Qui va dépouiller et est-ce que vous en tirerez les conséquences, comme vous avez dit, si jamais le "Non" l'emportait ?
C'est évident. Qui va dépouiller ? Moi je me suis adressé à la masse des adhérents, je leur ai demandé de s'exprimer. 60 % d'entre eux ont répondu, ce qui est considérable. Partant de là, certains amis de Philippe de Villiers, il dit que ce n'est pas lui, je le crois mais certains de ses amis ont saisi la justice. Et bien attendons que la justice se prononce. C'est à elle de dire maintenant.
La justice a gelé le référendum.
Non, elle a gelé le dépouillement en attendant le jugement au fond.
Mais ça peut durer longtemps.
Ah ben nous allons faire en sorte que ça dure le moins possible.
Comment ?
Nous nous adressons à la justice pour accélérer les choses, j'espère que de Villiers va faire pareil, qu'il aura le même sentiment que moi. Il faut que tout cela soit réglé le plus vite possible. C'est l'intérêt de tout le monde. Ecoutez moi, je ne parle plus de cela maintenant, j'ai assez parlé.
Mais du point de vue de vos électeurs ou de vos électeurs potentiels ou des militants qui se sont dit "tiens Charles Pasqua est en train de faire quelque chose, ça nous intéresse", c'est une cruelle déception ce qui est en train de se passer, parce que voilà un parti politique qui a obtenu un bon score aux élections européennes et puis là maintenant, vous faites un constat que c'était une erreur de le créer ?
Ca ne change rien. Non, ce n'était pas une erreur de créer un mouvement politique, nous en avions besoin mais un parti politique demeure et il doit se consacrer à l'essentiel. Quant à moi je continuerai l'action que j'ai entamée, il n'y a aucun problème.
Vous ne croyez pas, quand même, que de électeurs peuvent se dire "oh ben finalement si au bout d'un an ils se disputent comme ça..."
Mais il ne s'agit pas de se disputer, qu'est-ce que c'est que cette vision des choses, il n'y a pas de dispute entre lui et moi. Et d'ailleurs je ne veux même pas répondre, je ne répondrai plus désormais à quelque parole qui sera prêtée aux uns ou aux autres, ça ne m'intéresse pas.
Il était prévu qu'il y ait un conseil national le 24 juin du RPF, il aura lieu ?
Demandez au secrétaire général. Ca le regarde.
Ah bon, mais vous êtes le président quand même ?
Je lui ai délégué les pouvoirs.
Vous avez bien une idée sur la question ?
Le conseil national est convoqué et je lui ai confié les pouvoirs nécessaires.
Le fait que Philippe Seguin ait été désigné donc comme candidat du RPR et vraisemblablement de la droite à Paris, est-ce que ça vous inspire.
Cela a mis fin à un suspense assez...
Insoutenable, mais est-ce que ça vous inspire de la sympathie puisque vous avez eu l'occasion de déjeuner aussi avec lui peu avant sa désignation ?
Oui, je déjeune avec Monsieur Chirac, ça ne m'empêche pas de combattre la réforme du quinquennat, je déjeune avec Monsieur Seguin et ça ne m'empêchera pas de ne pas le soutenir à Paris.
Vous n'êtes pas un bon convive ?
Ah ça quand on m'invite il ne faut pas s'attendre à ce que je sois convaincu à la fin du déjeuner.
Est-ce qu'il a raison de demander la révision générale des listes d'électeurs à Paris. Parce que peut-être que le RPF aura ses candidats à Paris, donc ça peut l'intéresser ?
Oui, la révision générale des listes électorales, d'abord dans les listes électorales il y a toujours quelle que soit la commune, il y a toujours à peu près 20 % des listes électorales qui devraient être expurgés.
20 % ?
Oui, pratiquement.
Donc à Paris, on est dans la normale.
Question technique, en tant qu'ancien ministre de l'intérieur, est-ce que ça serait possible ? Pas d'attaque. Est-ce que ce serait possible ?
De réviser les listes, d'ici les municipales ?
Oui, tout est possible, c'est compliqué.
Techniquement, c'est ce que je voulais dire ?
C'est compliqué mais c'est possible. Mais seulement voilà, vous comprenez dans le midi que connaît bien Monsieur Mazerolle, puisqu'il est né Boulevard National à Marseille.
Voilà, vous savez tout. Le ministre de l'intérieur est en forme.
On disait que, je ne vais pas reprendre l'expression marseillaise parce que je choquerais beaucoup de monde, je me contenterais, ben peut être que certains comprendront, je dirais simplement que lorsqu'on met en marche la lance à arrosage, il y en a pour tout le monde, si vous voyez ce que je veux dire. Bon, alors la réforme des listes électorales de Paris, ça risque de réserver bien des surprises parce que il y a d'autres exemples de gens qui habitent dans d'autres arrondissements que celui dans lequel ils votent. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle probablement la gauche souhaite que l'on s'intéresse qu'à deux arrondissements. En cela, Seguin a raison c'est amusant, si on fait une révision il faut qu'elle ait lieu partout, ça rend les choses amusantes.
Alors nous marquons une pause pour les informations de 19 heures puis on continue quand même à parler un peu de Paris, notamment de Monsieur Tibéri pour savoir en quel terme vous êtes avec lui et puis ensuite on parlera de l'Europe.
Et tout de suite une question d'Anita Hausser.
Pour revenir à la campagne de Paris, Monsieur Pasqua, vous avez déploré que le RPR se soit aussi mal comporté avec Jean Tibéri, qui est maire de Paris. Est-ce qu'à terme, on peut imaginer que vous fassiez accord avec lui, que vous l'accueilliez au RPF ?
Non, je ne crois pas. D'abord, il n'a rien demandé. Il est resté au RPR et ensuite, le RPF, en ce qui le concerne, a clairement indiqué que le moment venu, il présenterait ses propositions.
Vous dites ça, mais vous ne dites pas qui ?
Il n'y a pas le feu.
Quand même !
Les élections ont lieu au mois de mars de l'année prochaine, jusqu'en automne, vous savez. Ce n'est pas la peine de s'exciter.
Ils sont tous partis en campagne là.
Oui, mais ça, ils ont raison. Avec le handicap qu'ils ont, ils ont raison de partir très tôt.
C'est valable pour tout le monde ça ?
Si Monsieur Tibéri vient vous voir et vous dit : "Bon, Charles, moi j'aimerais bien être au RPF".
Ecoutez, je crois que Jean Tibéri est maire de Paris. Il a été élu maire de Paris à la tête d'une coalition des partis de l'opposition parlementaire. Bon. Et au bout de quelques années, au bout de trois ans, un certain nombre de gens de sa propre majorité, se sont très mal conduits à son égard. Tout le monde le sait, tout le monde l' a vu. Tibéri a le sentiment d'avoir été non seulement mal traité par ses amis mais également livré en pâture en quelque sorte à l'opinion publique. Il a très mal vécu cela, ça se comprend. Il est donc décidé à être candidat et à aller jusqu'au bout. Mais sa démarche, pour l'instant, elle se situe dans le cadre de cette coalition. Il n'en est pas sorti. Alors, que le RPR règle ses affaires, règle ses problèmes et ça ne nous concerne pas directement, quelle que soit l'amitié que nous avons pour Jean Tibéri, il fait ses listes, s'il le souhaite. Le RPF fera probablement les siennes et puis voilà.
Alors, à l'Assemblée nationale, en parlant des problèmes des listes électorales, à Paris, Noël Mamère, Député Vert, a rappelé que le Président de la République est l'ancien maire de Paris et que tout cela avait commencé de son temps. Il a subi un rappel à l'ordre. Ca vous a choqué ce qu'il a dit à l'Assemblée nationale ?
Ah, oui tout à fait. Parce qu'il ne s'est pas contenté de dire que cette affaire de fraude supposée, puisque pour le moment nous en sommes à la première phase, il n'y a pas de preuve apportée. Il n'y a pas de jugement. Nous verrons ça le moment venu. Mais il est allé beaucoup plus loin, puisqu'il a dit qu'en réalité, tout ceci avait été fait pour le profit de Jacques Chirac et pour mettre son élection au poste de maire de Paris. Alors là, nous sommes devant des accusations précises et de mon point de vue, tout à fait scandaleuses. Donc, le rappel au règlement, c'était bien la moindre des choses qui pouvait lui arriver.
Est-ce que vous jugez qu'il fallait un rappel à l'ordre parce que ce qu'il disait était de votre point de vue inexact et abusif, ou bien, parce que vous êtes de ceux qui pensent qu'on ne doit pas prononcer le nom du président de la République à l'Assemblée nationale ?
Premièrement, on n'a pas à mettre en cause le Président de la république. Ca c'est une règle. A plus forte raison dans une affaire comme celle-là, où en définitive personne n'est en mesure de faire le lien entre ce qui a été constaté et l'ancien maire de Paris.
Est-ce que politiquement, Philippe Seguin a eu tort de prendre la balle au bond et de présenter sa proposition de loi ?
Philippe Seguin est candidat à la mairie de Paris et il a probablement pensé que c'était une bonne chose. Il l'a fait et c'est son problème, ce n'est pas le mien.
Alors, parlons de l'Europe. Vous avez peut être vu que vendredi, Monsieur Clinton, président des Etats-Unis, a reçu le prix Charlemagne pour sa contribution à la consolidation de l'Europe élargie, pour sa contribution à la paix sur le continent et il a donné un conseil aux Européens : "ne fermez pas la porte à la Russie, il faut qu'elle puisse éventuellement, même, être dans l'Union européenne" C'est un bon conseil ?
D'abord je ne suis pas obligé de répondre et de donner mon sentiment sur la proposition de Monsieur Clinton. Il est libre de proposer ce qu'il veut. Il est d'autant plus libre de le faire qu'il est à la fin de son mandat et qu'il n'engage que lui-même. Il peut donc se laisser aller.
Vous voyez ce que c'est, les mandats non renouvelables.
Il peut se laisser aller à toutes les facéties qu'il veut. Oui, cela fait le deuxième quand même. Tout à l'heure, quand on a parlé des mandats d'ailleurs, ceux qui sont pour le mandat de cinq ans en disant que sept ans c'est trop long, sont pour deux fois cinq ans, ce qui fait dix ans. Ce qui montre bien leur mauvaise foi dans cette affaire.
Par contre, il y a un point sur lequel Clinton a mis l'accent, qui celui-là, découvre un vrai débat. La Russie doit-elle être en Europe ou pas ? Autrement dit, faut-il accrocher la Russie à l'Europe ou non ? Les Russes, depuis des siècles souhaitent être en Europe. Ils le souhaitent.
Dans le même temps, une partie de la Russie n'est pas en Europe, tout le monde le sait. Alors, est-ce qu'on a intérêt, dans le contexte actuel, à laisser se creuser un fossé entre l'Union européenne et la Russie ? Mais ce débat a déjà eu lieu, lorsque l'organisation de l'alliance atlantique a décidé de pousser assez loin à l'Est puisqu'elle a incorporé la Pologne et un certain nombre d'autres Etats dans l'alliance atlantique, ce qui déjà, à l'époque, avait provoqué de la part de la Russie beaucoup de protestations. Je ne suis pas sûr qu'il faille intégrer la Russie à l'Union européenne. De toute façon, cela n'aura plus rien à voir. Ce ne sera plus l'Union européenne.
Déjà l'entrée éventuelle de la Turquie, on voit bien que l'Europe ça n'aura plus grand sens. Alors, peut-être que ce sera une grande zone de libre échange, un grand marché, on peut appeler cela comme on voudra. Mais enfin, sur le plan des équilibres et de l'intérêt de l'Europe, je crois que tout doit être fait pour ne pas se laisser se développer un fossé entre la Russie et l'Europe. Cela me paraît évident.
Alors, il y a peu de temps, vous vous plaigniez qu'il n'y avait aucun projet en Europe, qu'aucun homme politique d'envergure ne proposait quelque chose et puis là-dessus, est arrivée la proposition du ministre allemand des affaires étrangères, Joschka Fischer, pour ce qu'il appelé "une fédération européenne". Il a expliqué ensuite qu'en fait, c'était presque l'idée de fédération des Etats nations.
Cà c'est très intéressant. Comme je n'ai pas compris, peut être pouvez-vous m'expliquer en quoi cela consiste. Parce que j'ai bien entendu ce que disait Monsieur Joschka Fischer, où je l'ai lu. Dans une première étape, j'ai cru qu'il s'agissait à l'intérieur de l'Union européenne telle qu'elle est, c'est-à-dire à l'intérieur des 15, de créer entre quelques Etats qui le voudraient un système fédéral doté de deux chambres et d'un président élu. On aura donc eu une structure...
Un noyau dur.
Oui enfin, appelons cela un noyau dur. C'est comme les fusées. Ca a plusieurs étages... Et il était bien fait Etat d'un système fédéral. Et puis là-dessus, il semble bien qu'on se rende compte que le mot de nation, on ne peut pas le gommer aussi facilement cela.
Mais c'est la première fois qu'un homme d'Etat allemand parle des Etats nations.
Oui, ça c'est très intéressant. Mais alors, la fédération d'Etat-nations souveraine, ça c'est vachement intéressant. Parce que si on pouvait nous expliquer comment ça fonctionne. Parce que ou bien il y a des Etats nations et dans ce cas, ils sont souverains, ou bien, il y a une fédération d'Etats parce que ces Etats ont transféré une partie de leurs pouvoirs à un organisme supranational.
Mais c'est déjà le cas aujourd'hui.
Je ne vois pas comment cela peut marcher.
C'est déjà le cas aujourd'hui. L'euro par exemple, il y a une Banque Centrale Européenne. Voilà.
Cela marche très bien d'ailleurs.
Je ne sais pas si cela marche bien ou pas.
Vous avez l'air de dire que ça marche.
Le fait est qu'il y a une institution fédérale.
Il y a une banque centrale. On a transmis un certain nombre de pouvoirs à des banquiers, mais il n'y a pas d'autorité politique. En réalité, dans la proposition de Monsieur Joschka Fischer, il y a un seul point d'intéressant: c'est celui qui consiste à dire : "il faudrait se mettre d'accord sur la notion de subsidiarité et définir d'abord ce qui doit et ce qui peut rester au niveau de la responsabilité des Etats. Et ce qui peut éventuellement passer à un autre niveau. Ca, je dois dire que c'est une excellente idée.
Mais qu'est-ce que vous mettriez dans le pot commun ?
Alors, je sais déjà ce que je ne mettrai pas. Dans le pot commun, je ne mettrai pas l'huile d'olive. Je mettrai pas le fromage au lait cru.
Ni le chocolat ?
Ni le chocolat et je dirai à la Commission de Bruxelles de cesser de nous emmerder.
Les dates de la chasse non plus ?
Je ne mettrai pas non plus, voilà !
La défense ?
La défense on peut éventuellement, à condition qu'il s'agisse d'un accord entre Etats, on peut éventuellement décider de faire une défense commune. Ce n'est pas demain la veille, pour une raison simple, c'est que de toute façon vous avez en Europe, deux Etats, quoi qu'on nous raconte, qui privilégient les liens qu'ils ont avec les Etats-Unis, c'est l'Allemagne et la Grande-Bretagne. Je note d'ailleurs au passage, parce que ça c'est intéressant aussi. Lorsqu'on parle d'une défense éventuelle, il faut s'en donner les moyens. Est-ce que les Européens sont prêts à faire les efforts en termes financiers et autres, pour se doter d'une défense commune ? Est-ce que vous savez de combien le budget de la défense des Etats-Unis a progressé depuis la disparition de l'Union soviétique ? 20 %. Le budget militaire des Etats-Unis a augmenté de 20 %. Dans la même période, est-ce que vous savez de combien diminuait en moyenne le budget de la défense des pays de l'Union européenne ? 13 %. Voilà, vous avez déjà une première réponse. Non, je crois que la situation actuelle de l'Union européenne avec une Commission de Bruxelles qui est composée de fonctionnaires, qui est fédéraliste et qui veut absolument uniformiser la vie des européens. Faire en sorte que les Siciliens vivent comme les Finlandais. Ou les Suédois comme les Portugais. C'est complètement aberrant. Alors, qu'ils nous fichent la paix. Que les gouvernements voient quels sont les problèmes qui ne peuvent être traité qu'au niveau de l'Europe. Il y en a certains.
Oui, mais alors lesquels ?
Vous en avez un, par exemple, dont Monsieur de Villiers vous a parlé souvent.
La sécurité maritime.
Voilà, par exemple. La sécurité maritime, c'est un problème qui pourrait parfaitement être traité au niveau européen, pour peu qu'on en ait la volonté.
La justice ?
Naturellement, on ne le fait pas. La justice, non, certainement pas.
Mais regardez le cas de Sid Ahmed Rezala. Beaucoup de gens en France ne comprennent pas comment il n'est pas possible d'obtenir plus rapidement son rapatriement en France pour qu'il y soit jugé.
J'ai déjà eu l'occasion de m'exprimer sur ce point. Quand on a fait une demande d'extradition, dans un pays où l'on sait que la législation n'est pas la même que la vôtre, on sait également que ce pays refusera l'extradition. si la peine encourue par le prévenu ou le délinquant présumé est supérieure en France à celle encourue dans le pays où il se trouve. Donc, on le savait. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle, quand on a fait la demande d'extradition, on a indiqué, je crois que Madame Guigou, enfin les services de la Chancellerie ont indiqué, s'engager à ce qu'il n'encourt pas une peine supérieur à 25 ans.
Je crois que c'est dans un deuxième temps.
Ce qui est un risque considérable, parce que les Cours d'Assises sont libres de faire ce qu'elles veulent. Mais enfin, c'est ce qui a été décidé. Mais de toute façon, le problème se poserait de la même manière avec un autre pays que le Portugal. Sid Ahmed Rezala était parti au Paraguay, cela aurait été la même chose.
Bien sûr, mais là au niveau européen, précisément, il y a une demande de plus d'Europe, de l'opinion publique qui dit :"voilà, on aimerait bien que quelqu'un qui est accusé de crimes monstrueux, puisse être jugé chez nous".
La législation n'est pas la même dans chaque pays. Il faudrait harmoniser. C'est une affaire de longue haleine, parce que tout dépend dans quel sens irait l'harmonisation. Moi, je ne cache pas que je suis partisan d'une législation beaucoup plus ferme, beaucoup plus dure dans un certain nombre de domaines. Lorsque je vois les assassins d'enfants, les assassins de personnes âgées, etc... Qu'on ne vienne pas me raconter ou une affaire dont on parle actuellement, qui consiste à libérer prochainement quelqu'un qui a..
Vous voulez parler de l'affaire Patrick Jarreau Henry ?
Un détenu qui a assassiné un enfant. Je dois dire que ce sont des choses qui me hérissent.
Beaucoup plus ferme, cela veut dire la peine de mort ?
Cela veut dire que de toute façon, si nous allions dans le sens d'une harmonisation de la législation européenne, il ne faudrait pas que cela aille dans le sens d'un certain, je ne dirai pas laxisme, mais dans tous les cas, d'un certain allégement des peines, etc...
Mais Monsieur Pasqua, attendez. Est-ce que vous pensez qu'il est souhaitable de reposer la question de la peine de mort ?
Moi personnellement, oui. J'ai déjà eu l'occasion de le dire, je ne vais pas changer d'avis sur ce point.
Vous pensez que cette question devrait être posée de nouveau aux Français ?
Ecoutez. En définitive, on ne la leur a jamais posée. La décision de l'abandon de la peine de mort a été prise dans le cadre de la convention européenne des droits de l'homme et d'une loi qui a été votée par le Parlement. Mais les Français n'ont jamais eu à se prononcer. Mais c'est un autre débat. On peut l'avoir un jour. C'est un débat dans lequel il s'agit d'aborder ces problèmes avec beaucoup de réserve. Je ne veux pas faire de cette affaire un enjeu politique. Mais, moi, j'ai toujours été de cet avis. Je crois qu'il y a des circonstances dans lesquelles on ne peut pas ne pas recourir aux mesures les plus extrêmes. Quand des gens sont récidivistes, qu'ils ont assassiné des enfants, des personnes âgées, etc.. Ecoutez, il y a des choses absolument scandaleuses. De même dans un autre domaine, vous avez des gens qui se comportent comme des irresponsables au volant de leur voiture, qui grillent des feux rouges, qui refusent la priorité, qui en réalité, sont coupables d'assassinat. Et ces gens-là sont traduits en correctionnelle. Moi, je les enverrai en Cour d'Assises.
Monsieur Pasqua, pour en revenir aux institutions européennes, Monsieur Chirac a, à son tour, prononcé un discours dans lequel il a dit en gros, qu'il ne faut pas construire l'Europe politique de manière abstraite. Allons-y pas à pas et voyons ce que l'on peut faire. Considérez-vous qu'en l'occurrence , le président de la République a répondu à Monsieur Fischer ?
Je n'en sais rien. Moi, je ne sais pas du tout ce que le président de la République.
Mais c'était la réponse de la France.
Je ne sais pas. Je n'en sais rien. La France, le Président de la république est président de l'Union européenne, va assumer la présidence de l'Union Européenne à partir du 1er juillet. Il y aura un certain nombre de décisions qui vont intervenir. Est-ce qu'on va passer à la majorité qualifiée dans tous les domaines où à l'heure actuelle il y a la règle de l'unanimité. Si tel est le cas, c'est un mauvais coup porté contre les nations. Je ne suis pas sûr d'ailleurs que cela aboutisse parce que les petits pays se rendent bien compte que c'est la dernière occasion qu'ils ont de maintenir leur propre indépendance. Donc, je ne suis pas du tout sûr que cela aboutisse. Il y a autre chose aussi. Il y a la déclaration des droits fondamentaux dont personne nous parle. On a des belles envolées sur la déclaration des droits fondamentaux, mais personne ne sait ce qu'il y a dedans. Il y a notamment une disposition, si elle était adoptée, elle aurait pour conséquence de donner à tous les résidents qui se trouvent sur un des pays de l'Union européenne, le droit naturellement de se déplacer librement, de s'installer où ils veulent, mais de surcroît, tous les résidents auraient les mêmes droits que les nationaux. C'est-à-dire les droits sociaux et les droit politiques. Ce qui est une manière de régler le problème du droit de vote des étrangers qui ne serait certainement pas, je le crois, du goût de tous les Français.
Des résidents non européens ?
Oui, bien entendu. Bien évidemment. Les résidents européens ont le droit de vote, déjà.
Les élections locales.
Ils ont le droite de vote.
Tout de même, on a assisté...
Tout résident, au bout de quelques semaines qui serait dans un des pays de l'union européenne, a le droit de s'installer n'importe où, mais dans le même temps, il serait titulaire des mêmes droits sociaux et politiques que les nationaux. C'est une véritable révolution. Et ça, on va essayer de le faire à la sauvette. Alors, qu'est-ce qu'il va faire, Monsieur Chirac, là ? Il va essayer de le faire passer dans la CIG ? La déclaration des droits fondamentaux, elle va être inscrite au sommet. Alors, ils vont l'adoptée. Et après, qu'est-ce qu'ils vont venir nous dire ? Qu'ils défendent l'intérêt national ? Ils ne défendent pas du tout l'intérêt national. Il faudra bien qu'on en prenne acte et qu'on se comporte en conséquence. Alors moi, je veux bien tout ce que l'on veut. On peut faire moderne, on peut également jouer les girouettes, mais il y a des limites à tout.
Mais alors, est-ce qu'il faut d'après vous, puisque vous dites que vous en avez parlé avec le Président de la République, est-ce qu'il faut réformer les institutions européennes, ou pas ? Est-ce qu'il faut revoir les règles de présence des différents pays au sein de la commission ? Est-ce qu'il faut modifier, est-ce qu'il faut pondérer leur vote ?
Il faudrait peu de choses pour que l'Union européenne marche mieux. Il suffirait de faire en sorte que ses institutions jouent leur rôle. Vous avez le Conseil européen : il est composé des chefs d'Etat et de gouvernement. C'est la seule institution réellement légitime, puisque les chefs d'Etat ou les chefs de gouvernement sont élus directement. Ceux-là détiennent réellement le pouvoir. C'est ce qu'on pourrait appeler dans notre pays, le chef de l'Etat et le gouvernement. Ca, c'est légitime. En dessous d'eux, il y a le conseil des ministres. Le conseil des ministres qui ne joue pas du tout le rôle d'un conseil des ministres. Jusqu'à une date récente, il jouait le rôle d'une assemblée législative. Et ensuite, il y a la commission. Et la commission se prend de plus en plus pour un gouvernement fédéral et c'est là que le bât blesse, parce que la conférence des chefs d'Etat et de gouvernement, c'est une structure qui, manifestement, est de nature confédérale, les Etats. La commission se veut une structure fédérale. Elle se mêle de tout. Elle intervient sur tout. Elle veut réglementer la vie dans tous les domaines, ce qui est inacceptable. Bon, il suffirait de faire en sorte que le conseil européen ait à sa disposition, appelons cela la Commission, mais alors, il faudrait la réformer et faire en sorte qu'elle ne soit composée que de ministres ou le Conseil des ministres, qui se comporte réellement comme un conseil des ministres. Et qui traite les affaires que lui donne à traiter le Conseil européen.
Toujours à l'unanimité ?
Pour moi, c'est indispensable. J'imagine mal d'ailleurs, je constate que la règle de l'unanimité ne nous a pas empêché de progresser dans un certain nombre de domaines, de même que cela n'a pas empêché les coopérations privilégiées, comme on dit aujourd'hui. Mais je vois mal comment demain un peuple accepterait que ses droits vitaux soient sacrifiés, parce qu'il a eu une majorité d'autres Etats pour avoir une autre démarche. D'ailleurs, qu'a fait Monsieur Jospin ? Et Monsieur Glavagny ? Qu'est-ce qu'ils ont fait dans l'affaire de la vache folle ? Ils ont fait passé l'intérêt national avant les injonctions de Bruxelles, parce qu'ils ont considéré que le principe de précaution n'était pas respecté.
Alors, s'il y a échec de la CIG, qu'est-ce qui se passe ?
On ne se portera pas plus mal et on remettra l'Europe sur les rails. On réfléchira. Peut être on trouvera qu'avant de faire du bla-bla, il faudrait savoir quel type d'Europe on veut. L'Europe veut-elle exister ? Première question. L'Europe veut-elle être indépendante ? Oui ou non. Mais pour que l'Europe soit indépendante, il faut qu'elle se dégage de la tutelle des Etats-Unis. Moi, je n'ai rien contre les Etats-Unis, mais l'Europe doit vivre par elle-même. Les Etats-Unis ont beau jeu, puisque chaque fois que quelque chose va mal, on leur demande de régler les problèmes à notre place. Donc, l'Europe n'existe pas en réalité. L'Europe politique, l'Europe indépendante n'existe pas. Posons la question. Voulez-vous qu'elle existe ? Si oui, êtes-vous prêt à vous en donner les moyens ? Moi, je dis oui. Même si demain on devait me dire : "il faut augmenter les impôts pour qu'il y ait une défense digne de ce nom", je dirai "oui". Voilà ! Les autres, qu'est-ce qu'ils disent ? Posez-leur la question ? Ils verront d'abord si cela fait moderne ou pas avant de vous répondre.
Monsieur Pasqua, vous avez dit vouloir souhaiter l'abrogation du traité de Maastricht. Mais qu'est-ce que ça veut dire, concrètement l'abrogation du traité de Maastricht ? L'abandon de l'euro ?
Bien, par exemple !
Vous croyez vraiment qu'on peut abandonner l'euro ?
Ecoutez, Monsieur Prodi recevant un honorable parlementaire britannique, lui a dit : "La Grande Bretagne pourrait parfaitement entrer dans l'Euro. D'ailleurs, elle pourrait en partir quand elle le voudrait".
Il s'en est un peu mordu les doigts depuis.
Je ne sais pas, mais dans tous les cas, c'est lui qui l'a dit, ce n'est pas moi. Bon. Alors, d'autre part, l'euro étant ce qu'il est, ou bien on l'abandonne parce que manifestement il ne joue pas son rôle. Il devait être une monnaie de réserve, il ne l'est pas.
On vous dira que c'est toute la stabilité dans la zone euro qui crée la croissance, etc...
Oui, par exemple la Grande Bretagne.
Elle n'en fait pas partie.
Oui, je vous remercie d'avoir apporté la réponse. En réalité, l'euro n'a pas joué son rôle pour une raison simple, c'est qu'on ne peut pas confier à des banquiers et à des responsables d'organismes financiers le soin de décider de la politique monétaire. C'est complètement aberrant. Sans qu'en même temps il y ait un pouvoir politique digne de ce nom. Or, ce pouvoir politique existe. C'est le Conseil européen. Il lui suffit de se manifester. Il ne s'est jamais manifesté. Est-ce qu'on a entendu le Conseil européen dire qu'il était -oui, maintenant, ils sont en train de le dire, parce qu'on approche des élections- qu'il était aussi important d'assurer le développement économique que la stabilité monétaire ?
Mais Monsieur Pasqua, vous allez mener campagne pour demander que la France sorte de l'euro ?
En tous les cas, nous mènerons campagne certainement pour que le franc ne disparaisse pas. Traduisez cela comme vous voudrez.
C'est une litote ou une manière un peu elliptique de vous exprimer qui n'est pas dans votre genre.
Non, pas du tout.
Vous ne souhaitez pas que l'euro, arrive sur le marché et dans le porte-monnaie des Français ?
Non, je ne le souhaite pas. Je ne le souhaite pas et j'espère que je ne le verrai pas. Dans tous les cas, je ferai tout pour que cela ne se produise pas. Qu'on garde l'euro comme unité de compte si on le veut, mais je ne vois pas pourquoi le franc devrait disparaître. Le franc ou le mark ou la lire, etc...
Merci Monsieur Pasqua. C'était votre grand jury.
Merci.
(source http://www,rpfie,org, le 05 juin 2000)
Bonsoir.
Le président de la République doit annoncer demain soir son projet sur le quinquennat et vous, vous vous préparez à engager une campagne contre le quinquennat, vous nous direz pourquoi.
Autre campagne pour vous, que vous menez à l'heure actuelle au sein du RPF, votre parti, dont vous êtes le Président, vous vous heurtez au scepticisme pour ne pas dire plus, des amis de Philippe de Villiers, le vice président du RPF, qui affirme ne pas comprendre la manière dont vous voulez diriger le parti et quels sont vos objectifs.
Nous parlerons aussi ce soir de l'Europe alors que la France doit en prendre la présidence dans moins d'un mois, vous voulez pour votre part l'abrogation du traité de Maastricht.
Je vous vois sourire, tout cela a l'air de vous mettre en joie, alors tout de suite la première question. Monsieur Pasqua, vous avez rencontré récemment le président de la République, croyez vous qu'il ira au référendum sur le quinquennat ou bien au contraire qu'il convoquera le Parlement en Congrès et s'il y a le référendum, croyez vous vraiment la victoire du non possible ?
Tout cela ne peut se résumer ainsi que vous le présentez, je veux dire par là que j'ai effectivement rencontré le président de la République comme la plupart des leaders politiques auxquels il a parlé de deux sujets d'actualité : d'abord la CIG, la conférence intergouvernementale qui doit en principe adapter ou présenter des propositions d'adaptation des institutions européennes, pour permettre l'arrivée de nouveaux membres puisque nous devons passer de quinze à vingt sept ou à trente, je ne sais plus combien, et puis sur ce sujet est venu se greffer le quinquennat, la proposition de quinquennat proposée par Valéry Giscard d'Estaing, avec la gourmandise que l'on a vue.
L'idée d'ennuyer Jacques Chirac le remplissait de joie à l'avance, idée reprise au vol par Lionel Jospin, puis le président de la République s'est lancé dans une série de consultations. Je dirais que de deux choses l'une, ou le président de la République considère qu'il s'agit d'une modification mineure, ce qui n'est pas du tout mon avis bien entendu, et à ce moment là il nous expliquera quel est l'intérêt de cette modification ou bien il considérait ou il aurait pu considérer qu'en réalité il s'agissait d'une modification extrêmement importante des institutions et il aurait dû s'opposer quelles que soient les conséquences et non pas se déterminer en fonction de ce que j'entends ici ou là qui est la modernité ou l'air du temps. Je lui ai fait part de mon sentiment lorsque je l'ai vu.
Je lui ai dit que tous les arguments qui étaient avancés en faveur du quinquennat ne résistaient pas à un examen sérieux, je veux dire que le quinquennat n'empêchera pas la cohabitation, contrairement à ce qu'il dit, qu'en définitive le quinquennat s'il était adopté entraînerait à terme, inévitablement une modification profonde des institutions, soit avec certaines formes de retour au régime des partis, en tous les cas la prédominance du Parlement ou le passage au régime présidentiel.
Le fait de se contenter de modifier la durée du mandat du président de la République peut apparaître à certains comme anodin, il ne l'est pas.
Je pense que lorsque, à la fois en 1958 et en 1962, on a maintenu la durée du mandat présidentiel à sept ans, on peut discuter sur le renouvellement ou non du mandat présidentiel, moi je reste partisan d'un mandat de sept ans non renouvelable qui dégage le président de la République de tout souci concernant sa réélection au cours des deux dernières années de son mandat et qui lui permet de se consacrer à l'essentiel. Lorsque j'ai vu le président de la République, je l'ai trouvé en quelque sorte, je ne dirais pas résigné, le mot est un peu excessif, mais enfin s'accommodant de ce passage au quinquennat.
Il s'y est rallié par nécessité.
Oui, ou par convenance, comme l'on voudra. Moi, je lui ai dit que je n'imaginais pas que l'on puisse procéder à une telle réforme, parce que là il s'agit du coeur des institutions, sans revenir devant le peuple. La Constitution de 1958 a été adoptée par référendum, les modifications de 1962 l'ont été également par référendum, je n'imagine pas que l'on puisse faire l'économie de venir devant le peuple. Il est bien évident que s'il y a un référendum, j'occuperais au premier rang la place de ceux qui feront campagne contre ce référendum.
Est ce que le président vous a laissé paraître son intention à ce sujet ?
Non.
Et quand vous parlez de modification des institutions, est ce que vous seriez favorable au quinquennat s'il entraînait une refonte en cascade de la durée des autres mandats ?
Non, pas du tout. Moi je suis contre le quinquennat. Je crois qu'il faut déconnecter la durée du mandat présidentiel de celle des membres des assemblées parlementaires, en tous les cas de l'Assemblée Nationale, je pense que ceux dont un gouvernement et à plus forte raison le chef de l'Etat ont le plus besoin c'est de durer. Et je pense qu'un chef de l'Etat qui vient d'être élu, il lui faut un an pour prendre ses marques, il aura en réalité si c'est un mandat de cinq ans deux ans pour commencer à engager les réformes qu'il juge indispensables et puis les deux années suivantes, il fera campagne pour sa réélection, non, ce n'est pas sérieux, je considère que c'est une erreur.
Mais que devrait il se passer si le non l'emportait ?
Si le non l'emportait, le mandat resterait fixé à sept ans. Monsieur Chirac continuerait son mandat jusqu'en 2002 et en 2002 nous aviserions.
Vous n'avez pas l'air de trop y croire que le non va l'emporter ?
Vous savez, on ne peut jurer de rien. Regardez Maastricht.
Vous avez publié il y a quelques années un livre qui s'appelait " que demande le peuple " et si l'on en croit les sondages sur cette question, le peuple est tout à fait catégorique : il est pour le quinquennat.
Les sondages, on a vu ce que cela donnait pour Maastricht. Avant le référendum, il y avait 70 % en faveur du oui et c'est passé au ras des moustaches si j'ose dire.
Non, je crois que les sondages sont une chose, les élections en sont une autre et puis il y aura une campagne. L'intérêt du référendum, c'est qu'il y a une campagne et que l'on s'explique contrairement au Congrès où les choses se font dans le calme douillet du Parlement et en dehors du peuple. J'espère que cette fois, ce sera le peuple qui aura le dernier mot.
Vous ne craignez pas d'apparaître comme l'homme politique ou le chef d'un parti qui dit systématiquement non, qui dit non à Maastricht, qui dit non à Amsterdam, qui dit non au quinquennat.
Il suffit que l'on me présente des choses qui me paraissent aller de soit dans l'intérêt de notre pays pour que je dise oui, je ne dis pas non par plaisir.
A quoi par exemple ?
Par exemple, la réduction générale du déficit budgétaire, des réformes dignes de ce nom concernant la sécurité et la justice, etc... Je dirais oui, j'applaudirais des deux mains. Nous n'en sommes pas là.
On vient de passer le cap des trois premières années de Lionel Jospin comme Premier ministre. Il est au plus haut dans les sondages, les Français lui trouvent des tas de qualités et à votre avis pourquoi est il le Premier ministre qui est dans l'histoire de la cinquième République est au plus haut dans les sondages après trois ans de pouvoir ?
Alors, Philippe de Villiers dit " mais ce référendum, s'il a lieu, ce sera une claque pour Chirac et Jospin " ?
Je ne m'exprimerais pas tout à fait comme cela, mais en tout cas nous ferons tout que ce soit un échec. J'ajouterais que, qu'il y ait un référendum ou pas, actuellement ce qui est amusant c'est d'assister à la recherche de paternité. Qui est à l'origine du quinquennat ?
Vous l'avez trouvé, vous ?
Non, mais moi je ne cherche pas. Je mets tous ceux qui sont pour le quinquennat dans le même panier.
Mais à l'origine, c'était Georges Pompidou quand même...
Oui, mais là aussi c'était pour des raisons bien précises. Je crois que pour lui s'exprimaient peut être un peu différemment. Il était malade et il avait souhaité la réduction du mandat présidentiel. Je ne crois pas que l'on doive se déterminer de cette manière.
En tout cas, si vous faites campagne pour le non comme vous nous le dites, vous aurez des drôles d'alliés, vous aurez le Front National, vous aurez Bruno Mégret et c'est à peu près tout parce que le parti communiste est en train d'hésiter.
Un certain nombre de communistes certainement, quelques UDF, parce qu'à ma connaissance il y en a même certains qui ont déposé ou qui vont déposer un projet de loi constitutionnel pour un mandat de sept ans, non renouvelable, et puis tous les Français qui seront contre et puis ce sera comme pour Maastricht, on ne vas pas faire le cartel des noms, chacun fera sa campagne de son côté, nous irons dans la même direction.
Ce sera une campagne pour ou contre l'exécutif ?
Nous serons en face de l'exécutif à deux têtes. Ce sera la campagne contre les responsables de la cohabitation, par rapport à Monsieur Chirac et Monsieur Jospin.
Donc ça sera une campagne contre la cohabitation ?
En quelque sorte, oui. En tous les cas, elle aura montré à l'occasion de cette réforme, ce qu'elle peut avoir de plus nocif. Probablement parce qu'il bénéficie de circonstances extérieures exceptionnelles que n'ont pas eu ses prédécesseurs. Il y a une reprise économique dont on ne peut pas dire qu'elles doivent être portées totalement à son crédit et puis il y a un certain nombre d'évènements qui lui ont permis d'apparaître comme incarnant certaines réformes bien que de mon point de vue ce soit illusoire.
Est-ce que, outre les exemples de réforme qui lui sont abusivement attribuées, est-ce que vous pourriez nous dire si d'après vous il se débrouille comme Premier ministre mieux qu' Alain Juppé pour lequel vous avez eu des propos très sévères ?
Ecoutez, je vais pas me mettre à faire ce genre de comparaison, je dirais plutôt ceci. Il a semblé engager un certain nombre de réformes dont les Français l'ont crédité mais chaque fois qu'il y a eu une difficulté majeure ou ce qui est apparu comme difficulté majeure il a reculé, ce qui fait qu'à mon avis il n'est pas un homme d'Etat et il n'a pas les qualités d'un homme d'Etat. Il a reculé sur l'éducation nationale, il a reculé devant les agents des impôts et leur hostilité à la réforme de Bercy, il n'a pas hésité à abandonner des amis de trente ans, décidément les amis de trente ans c'est pas terrible, faut bien le reconnaître.
Je ne crois pas que ce soit un homme d'Etat et je crois qu'en réalité et cela c'est le propre de la cohabitation, l'exercice dans lequel ils ont lancés le président de la République et le Premier ministre, qui consiste à se marquer et à essayer de faire le moins de faux pas ou de bêtises possibles, font qu'en réalité ils ne font pas grand chose, ce qui pour le président de la République est assez normal compte tenu de la situation dans laquelle il se trouve, ce qui l'est moins pour le Premier ministre.
Alors, je voudrais vous poser une question. Est-ce que vous pensez que dans les deux années qui viennent les Français vont se rendre compte que finalement le Premier ministre a assez peu agi, d'après ce que vous dites ?
Mais vous parliez d'un sondage tout à l'heure ?
Il y en a plusieurs.
Oui, je sais, je les lis, mais même dans celui auquel vous faites allusion, il y a deux parties dans un sondage. Il y a ce dont il est crédité comme Premier ministre, et ensuite lorsqu'on passe à la deuxième phase "pourrait-il faire un bon président de la République ou quels sont vos souhaits ?", on est dans une toute autre situation. Donc je ne crois pas que Monsieur Jospin soit dans une situation idéale, mais nous n'en sommes pas encore là. Ils peuvent parfaitement être sanctionnés tous les deux, Jospin et le président de la République. Vous croyez que, par exemple, la campagne sur le quinquennat pourrait contribuer à les faire sanctionner tous les deux ? Cela peut être une étape. En tous les cas ce sont eux qui l'auront choisi, ce n'est pas moi.
Et vous allez enfoncer le clou sur ce thème Chirac-Jospin, finalement associés ?
Ecoutez, dans cette affaire là oui Chirac-Jospin , même combat.
Sur un sujet quand même que vous connaissez bien puisque vous l'avez connu à la fois comme ministre de l'Intérieur et comme corse vous-même, est-ce que le président, est-ce que le Premier ministre d'après vous a pris la bonne voie avec ce qu'on appelle le processus de Matignon et la recherche de ce consensus parmi les élus corses ?
Ecoutez, il faudrait d'abord savoir quel est, quelles sont les idées du Premier ministre concernant la Corse, quel est son but ? Parce que quelle est la situation en Corse ? Nous avons une immense majorité de corses qui ne demandent rien, qui ne demandent ni la réforme des institutions, ni l'évolution du statut, ni la réforme du système électoral, ni la réforme du système politique représentatif c'est-à-dire département, région, ils ne demandent rien de tout cela.
Mais votre avis, c'est qu'il ne faut rien faire ?
Je ne dis pas cela. Que demande la majorité des corses ? La majorité des corses demande à ce que l'Etat joue son rôle et qu'il assume ses responsabilités, voilà.
Alors on se lance dans une fuite en avant pour satisfaire 15 à 20 % de la population que représentent les nationalistes. La réalité elle est là.
Que veut Monsieur Jospin ? Il faudrait le lui demander, moi je ne suis pas en mesure de répondre à sa place. Je pense qu'il ne le sait pas. Voilà la vérité elle est là, je pense qu'il ne le sait pas, il s'est lancé dans cette affaire parce qu'il sentait qu'il fallait faire quelque chose et il s'est dit,"organisons des tables rondes et nous verrons bien ce qu'il en sortira".
Et ce que vous avez dit sur les nationalistes, c'est-à-dire que vous n'êtes pas d'accord avec la motion autonomiste qui a été votée par une minorité de l'Assemblée de Corse autour de José Rossi, mais aussi de vos amis ?
Oui, je ne suis pas d'accord.
Vous êtes plutôt sur l'autre opposition qui est de rester dans le cadre du statut actuel de la Corse ?
On peut parfaitement dans le cadre du statut actuel, pousser les réformes et notamment attribuer un certain nombre de compétence en matière dans le cadre de la décentralisation. C'est parfaitement réalisable.
En réalité ce qu'il faudrait c'est savoir, est-ce qu'on est en mesure d'obtenir que les Corses et notamment l'Assemblée se mette d'accord sur un projet de développement.
Alors s'il y a un tel projet de développement, c'est ce que j'avais dit à l'époque, on pourrait consulter les Corses pour qu'ils en fassent leur projet et que ce ne soit pas uniquement l'affaire des politiques. Mais je ne crois pas du tout que la réforme telle qu'elle est envisagée à l'heure actuelle résoudrait quoi que ce soit.
L'unité de la nation est remise en question ?
L'unité de la nation est prioritaire. Tout ce qui peut lui porter atteinte ne doit pas être acceptée.
Et on va dans ce sens ?
On va dans ce sens.
Monsieur Pasqua, parlons du RPF, votre parti, dont vous êtes le Président. On ne comprend plus très bien où vous en êtes par ce qu'on a le sentiment qu'il y a une guerre ouverte, déclarée, publique avec votre vice président, Philippe de Villiers qui conteste votre projet de référendum pour savoir comment doit fonctionner le parti, qui parle de "putsch raté". "On voulait un mouvement démocratique" dit-il, "or maintenant on est tombé sous une chape de plomb" ?
Vous n'êtes pas obligé de lire.
Oui, je lis toutes ses déclarations. Chappe de plomb, de la terreur, dit-il ?
Oui, tout ce qui est excessif ne compte pas. La réalité est beaucoup plus simple. C'est vrai que compte tenu de la sensibilité que je représente, je suis attaché à la consultation de la base qu'il s'agisse, dans un mouvement politique, des adhérents, et lorsqu'il s'agit d'un pays, des Français eux-mêmes, du peuple. J'ai donc décidé de consulter les adhérents ainsi que les statuts m'en donnent le pouvoir.
Et vous avez eu beaucoup de réponses ?
60 % environ, c'est-à-dire que sur 32 000 adhérents à jour de cotisation, plus de 18000 ont répondu. Ce qui est un grand succès. Je ne sais pas du tout ce qu'il y a dans les réponses puisque ce n'est pas dépouillé.
Ce référendum a été contesté.
Oui mais il a été contesté pourquoi ? Pas du tout pour ce que vous dites là, parce que ce qui est dit, les déclarations publiques et les arguments qui sont avancés devant la justice n'ont strictement rien à voir, mais c'est un détail à la limite. A partir du moment où vous consultez l'ensemble des adhérents et vous en avez plus de 60 % qui répondent, la sagesse voudrait que chacun en prenne acte.
Ce n'est pas un taux de participation faramineux quand même 60 %...
Non, ce n'est pas un taux de participation faramineux ? C'est la première fois que l'on fait cela dans un mouvement politique, c'est la première fois qu'il y a un contrôle permanent depuis le nombre des adhérents, les votants, la réception des bulletins, etc... c'est la première fois que cela se fait.
Allez donc voir dans les autres partis les taux qu'ils ont, ou qu'ils auront, lorsqu'ils font des réunions. Mais à la limite c'est secondaire.
Je veux dire par là que le problème auquel nous sommes confrontés, il est le suivant, j'ai eu tort de créer un parti politique, voilà, c'est clair.
J'ai eu tort de créer un parti politique parce que les partis politiques portent en germe la contestation, la compétition interne, etc...Et que par rapport aux problèmes auxquels nous sommes confrontés aujourd'hui c'est-à-dire le quinquennat d'une part et la modification profonde des institutions, d'autre part, la CIG. avec l'abandon de nouveaux pans de souveraineté nationale, tout cela fait apparaître notre affaire comme un peu dérisoire.
Mais il y a compétition entre vous et Philippe de Villiers ?
Mais non ce n'est pas entre Philippe de Villiers et moi, essayez donc de regarder les choses d'un peu plus haut et d'un peu plus loin.
Partant de là que faut-il faire ? Il faut prendre acte de la réalité. Quelle est la réalité ? La réalité est simple, il y a à l'intérieur du RPF des sensibilités diverses et il y a notamment de la part de Philippe de Villiers un maintien de son organisation d'origine. Ce qui fait qu'en réalité, nous sommes déjà dans un système de confédération.
Dont lui ne veut pas entendre parler ?
Mais qu'il ne veuille pas en entendre parler, cela est une autre affaire, nous y sommes de toute façon et c'est la raison pour laquelle j'ai donné comme mission au Secrétaire général du RPF et à la commission administrative d'aller dans cette voie, d'aller dans cette direction, ce qui permettra à chacun tout en restant dans le même mouvement, de s'affirmer comme il l'entend et je crois que ce sera très bien ainsi, voilà.
Mais quelle sera la différence entre ce qui existe aujourd'hui ? En quoi dans une confédération vous pourriez mieux vous entendre avec Philippe de Villiers, parce qu'on comprend pas bien. Qu'est-ce qui vous oppose quand même ? C'est quoi, ce sont les objectifs ? Quand vous rencontrez Jacques Chirac il dit, "mais attendez qu'est-ce que c'est que cette histoire, Charles Pasqua entre l'amitié et les convictions il ne sait plus où il en est, nous on veut un candidat de rupture".
Ecoutez, moi je n'ai pas de leçon à recevoir de qui que ce soit sur le plan des convictions. Les convictions que j'ai, je les ai depuis longtemps et je n'en ai jamais changé et j'ai eu l'occasion de dire que s'il suffisait d'un déjeuner ou d'une rencontre pour changer de convictions, cela voudrait dire que ces convictions ne sont pas très solides. Donc, de ce point de vue je n'ai pas à recevoir de leçon de qui que ce soit.
Deuxièmement, je redis que nous avons des sensibilités diverses, il vaut mieux que ces sensibilités s'expriment, nous ne pouvons pas être d'accord sur tout de la même manière. Il y a un courant classique conservateur et il y a un courant patriote national républicain. Que chacun s'exprime.
Nous restons dans le même mouvement parce que pour l'essentiel : la souveraineté nationale, l'indépendance nationale, nous sommes d'accord, point final. Il n'y a pas de drame.
Mais les choses sont ainsi. Tant qu'à accepter que d'autres nous imposent leur point de vue, ou que l'on veuille me mettre en tutelle et m'empêcher de nommer les gens qu'il me paraît important d'appeler auprès de moi, je ne l'accepte pas. Le problème est là, il n'est pas ailleurs.
Mais cela veut dire quoi concrètement. Dans la confédération que vous préconisez, il y aura deux organisations, il y aura un secrétaire général proche de vous, un autre proche de Philippe de Villiers et la même chose dans les départements ?
Non, pas du tout. Enfin, le détail de l'organisation de la confédération on le verra. Mais de toute façon remarquez une chose, nous allons maintenant être confrontés, je le redis, au problème le plus urgent qui se pose à nous c'est le quinquennat et au travers de ce quinquennat la réforme éventuelle des institutions en tous les cas leur dérive. Tout le reste est secondaire, voilà. Donc c'est là-dessus qu'il faut se rassembler. Pourquoi voulez-vous que nous ne soyons que deux sensibilités, il y en a bien d'autres. Si nous sommes dans le cadre d'une confédération il n'y aura pas seulement deux sensibilités il y en aura quatre, cinq, six, sept.
En ayant une vue un peu courte, Monsieur Pasqua, donc le référendum est terminé puisqu'il devait se terminer le 30 mai. Qui va dépouiller et est-ce que vous en tirerez les conséquences, comme vous avez dit, si jamais le "Non" l'emportait ?
C'est évident. Qui va dépouiller ? Moi je me suis adressé à la masse des adhérents, je leur ai demandé de s'exprimer. 60 % d'entre eux ont répondu, ce qui est considérable. Partant de là, certains amis de Philippe de Villiers, il dit que ce n'est pas lui, je le crois mais certains de ses amis ont saisi la justice. Et bien attendons que la justice se prononce. C'est à elle de dire maintenant.
La justice a gelé le référendum.
Non, elle a gelé le dépouillement en attendant le jugement au fond.
Mais ça peut durer longtemps.
Ah ben nous allons faire en sorte que ça dure le moins possible.
Comment ?
Nous nous adressons à la justice pour accélérer les choses, j'espère que de Villiers va faire pareil, qu'il aura le même sentiment que moi. Il faut que tout cela soit réglé le plus vite possible. C'est l'intérêt de tout le monde. Ecoutez moi, je ne parle plus de cela maintenant, j'ai assez parlé.
Mais du point de vue de vos électeurs ou de vos électeurs potentiels ou des militants qui se sont dit "tiens Charles Pasqua est en train de faire quelque chose, ça nous intéresse", c'est une cruelle déception ce qui est en train de se passer, parce que voilà un parti politique qui a obtenu un bon score aux élections européennes et puis là maintenant, vous faites un constat que c'était une erreur de le créer ?
Ca ne change rien. Non, ce n'était pas une erreur de créer un mouvement politique, nous en avions besoin mais un parti politique demeure et il doit se consacrer à l'essentiel. Quant à moi je continuerai l'action que j'ai entamée, il n'y a aucun problème.
Vous ne croyez pas, quand même, que de électeurs peuvent se dire "oh ben finalement si au bout d'un an ils se disputent comme ça..."
Mais il ne s'agit pas de se disputer, qu'est-ce que c'est que cette vision des choses, il n'y a pas de dispute entre lui et moi. Et d'ailleurs je ne veux même pas répondre, je ne répondrai plus désormais à quelque parole qui sera prêtée aux uns ou aux autres, ça ne m'intéresse pas.
Il était prévu qu'il y ait un conseil national le 24 juin du RPF, il aura lieu ?
Demandez au secrétaire général. Ca le regarde.
Ah bon, mais vous êtes le président quand même ?
Je lui ai délégué les pouvoirs.
Vous avez bien une idée sur la question ?
Le conseil national est convoqué et je lui ai confié les pouvoirs nécessaires.
Le fait que Philippe Seguin ait été désigné donc comme candidat du RPR et vraisemblablement de la droite à Paris, est-ce que ça vous inspire.
Cela a mis fin à un suspense assez...
Insoutenable, mais est-ce que ça vous inspire de la sympathie puisque vous avez eu l'occasion de déjeuner aussi avec lui peu avant sa désignation ?
Oui, je déjeune avec Monsieur Chirac, ça ne m'empêche pas de combattre la réforme du quinquennat, je déjeune avec Monsieur Seguin et ça ne m'empêchera pas de ne pas le soutenir à Paris.
Vous n'êtes pas un bon convive ?
Ah ça quand on m'invite il ne faut pas s'attendre à ce que je sois convaincu à la fin du déjeuner.
Est-ce qu'il a raison de demander la révision générale des listes d'électeurs à Paris. Parce que peut-être que le RPF aura ses candidats à Paris, donc ça peut l'intéresser ?
Oui, la révision générale des listes électorales, d'abord dans les listes électorales il y a toujours quelle que soit la commune, il y a toujours à peu près 20 % des listes électorales qui devraient être expurgés.
20 % ?
Oui, pratiquement.
Donc à Paris, on est dans la normale.
Question technique, en tant qu'ancien ministre de l'intérieur, est-ce que ça serait possible ? Pas d'attaque. Est-ce que ce serait possible ?
De réviser les listes, d'ici les municipales ?
Oui, tout est possible, c'est compliqué.
Techniquement, c'est ce que je voulais dire ?
C'est compliqué mais c'est possible. Mais seulement voilà, vous comprenez dans le midi que connaît bien Monsieur Mazerolle, puisqu'il est né Boulevard National à Marseille.
Voilà, vous savez tout. Le ministre de l'intérieur est en forme.
On disait que, je ne vais pas reprendre l'expression marseillaise parce que je choquerais beaucoup de monde, je me contenterais, ben peut être que certains comprendront, je dirais simplement que lorsqu'on met en marche la lance à arrosage, il y en a pour tout le monde, si vous voyez ce que je veux dire. Bon, alors la réforme des listes électorales de Paris, ça risque de réserver bien des surprises parce que il y a d'autres exemples de gens qui habitent dans d'autres arrondissements que celui dans lequel ils votent. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle probablement la gauche souhaite que l'on s'intéresse qu'à deux arrondissements. En cela, Seguin a raison c'est amusant, si on fait une révision il faut qu'elle ait lieu partout, ça rend les choses amusantes.
Alors nous marquons une pause pour les informations de 19 heures puis on continue quand même à parler un peu de Paris, notamment de Monsieur Tibéri pour savoir en quel terme vous êtes avec lui et puis ensuite on parlera de l'Europe.
Et tout de suite une question d'Anita Hausser.
Pour revenir à la campagne de Paris, Monsieur Pasqua, vous avez déploré que le RPR se soit aussi mal comporté avec Jean Tibéri, qui est maire de Paris. Est-ce qu'à terme, on peut imaginer que vous fassiez accord avec lui, que vous l'accueilliez au RPF ?
Non, je ne crois pas. D'abord, il n'a rien demandé. Il est resté au RPR et ensuite, le RPF, en ce qui le concerne, a clairement indiqué que le moment venu, il présenterait ses propositions.
Vous dites ça, mais vous ne dites pas qui ?
Il n'y a pas le feu.
Quand même !
Les élections ont lieu au mois de mars de l'année prochaine, jusqu'en automne, vous savez. Ce n'est pas la peine de s'exciter.
Ils sont tous partis en campagne là.
Oui, mais ça, ils ont raison. Avec le handicap qu'ils ont, ils ont raison de partir très tôt.
C'est valable pour tout le monde ça ?
Si Monsieur Tibéri vient vous voir et vous dit : "Bon, Charles, moi j'aimerais bien être au RPF".
Ecoutez, je crois que Jean Tibéri est maire de Paris. Il a été élu maire de Paris à la tête d'une coalition des partis de l'opposition parlementaire. Bon. Et au bout de quelques années, au bout de trois ans, un certain nombre de gens de sa propre majorité, se sont très mal conduits à son égard. Tout le monde le sait, tout le monde l' a vu. Tibéri a le sentiment d'avoir été non seulement mal traité par ses amis mais également livré en pâture en quelque sorte à l'opinion publique. Il a très mal vécu cela, ça se comprend. Il est donc décidé à être candidat et à aller jusqu'au bout. Mais sa démarche, pour l'instant, elle se situe dans le cadre de cette coalition. Il n'en est pas sorti. Alors, que le RPR règle ses affaires, règle ses problèmes et ça ne nous concerne pas directement, quelle que soit l'amitié que nous avons pour Jean Tibéri, il fait ses listes, s'il le souhaite. Le RPF fera probablement les siennes et puis voilà.
Alors, à l'Assemblée nationale, en parlant des problèmes des listes électorales, à Paris, Noël Mamère, Député Vert, a rappelé que le Président de la République est l'ancien maire de Paris et que tout cela avait commencé de son temps. Il a subi un rappel à l'ordre. Ca vous a choqué ce qu'il a dit à l'Assemblée nationale ?
Ah, oui tout à fait. Parce qu'il ne s'est pas contenté de dire que cette affaire de fraude supposée, puisque pour le moment nous en sommes à la première phase, il n'y a pas de preuve apportée. Il n'y a pas de jugement. Nous verrons ça le moment venu. Mais il est allé beaucoup plus loin, puisqu'il a dit qu'en réalité, tout ceci avait été fait pour le profit de Jacques Chirac et pour mettre son élection au poste de maire de Paris. Alors là, nous sommes devant des accusations précises et de mon point de vue, tout à fait scandaleuses. Donc, le rappel au règlement, c'était bien la moindre des choses qui pouvait lui arriver.
Est-ce que vous jugez qu'il fallait un rappel à l'ordre parce que ce qu'il disait était de votre point de vue inexact et abusif, ou bien, parce que vous êtes de ceux qui pensent qu'on ne doit pas prononcer le nom du président de la République à l'Assemblée nationale ?
Premièrement, on n'a pas à mettre en cause le Président de la république. Ca c'est une règle. A plus forte raison dans une affaire comme celle-là, où en définitive personne n'est en mesure de faire le lien entre ce qui a été constaté et l'ancien maire de Paris.
Est-ce que politiquement, Philippe Seguin a eu tort de prendre la balle au bond et de présenter sa proposition de loi ?
Philippe Seguin est candidat à la mairie de Paris et il a probablement pensé que c'était une bonne chose. Il l'a fait et c'est son problème, ce n'est pas le mien.
Alors, parlons de l'Europe. Vous avez peut être vu que vendredi, Monsieur Clinton, président des Etats-Unis, a reçu le prix Charlemagne pour sa contribution à la consolidation de l'Europe élargie, pour sa contribution à la paix sur le continent et il a donné un conseil aux Européens : "ne fermez pas la porte à la Russie, il faut qu'elle puisse éventuellement, même, être dans l'Union européenne" C'est un bon conseil ?
D'abord je ne suis pas obligé de répondre et de donner mon sentiment sur la proposition de Monsieur Clinton. Il est libre de proposer ce qu'il veut. Il est d'autant plus libre de le faire qu'il est à la fin de son mandat et qu'il n'engage que lui-même. Il peut donc se laisser aller.
Vous voyez ce que c'est, les mandats non renouvelables.
Il peut se laisser aller à toutes les facéties qu'il veut. Oui, cela fait le deuxième quand même. Tout à l'heure, quand on a parlé des mandats d'ailleurs, ceux qui sont pour le mandat de cinq ans en disant que sept ans c'est trop long, sont pour deux fois cinq ans, ce qui fait dix ans. Ce qui montre bien leur mauvaise foi dans cette affaire.
Par contre, il y a un point sur lequel Clinton a mis l'accent, qui celui-là, découvre un vrai débat. La Russie doit-elle être en Europe ou pas ? Autrement dit, faut-il accrocher la Russie à l'Europe ou non ? Les Russes, depuis des siècles souhaitent être en Europe. Ils le souhaitent.
Dans le même temps, une partie de la Russie n'est pas en Europe, tout le monde le sait. Alors, est-ce qu'on a intérêt, dans le contexte actuel, à laisser se creuser un fossé entre l'Union européenne et la Russie ? Mais ce débat a déjà eu lieu, lorsque l'organisation de l'alliance atlantique a décidé de pousser assez loin à l'Est puisqu'elle a incorporé la Pologne et un certain nombre d'autres Etats dans l'alliance atlantique, ce qui déjà, à l'époque, avait provoqué de la part de la Russie beaucoup de protestations. Je ne suis pas sûr qu'il faille intégrer la Russie à l'Union européenne. De toute façon, cela n'aura plus rien à voir. Ce ne sera plus l'Union européenne.
Déjà l'entrée éventuelle de la Turquie, on voit bien que l'Europe ça n'aura plus grand sens. Alors, peut-être que ce sera une grande zone de libre échange, un grand marché, on peut appeler cela comme on voudra. Mais enfin, sur le plan des équilibres et de l'intérêt de l'Europe, je crois que tout doit être fait pour ne pas se laisser se développer un fossé entre la Russie et l'Europe. Cela me paraît évident.
Alors, il y a peu de temps, vous vous plaigniez qu'il n'y avait aucun projet en Europe, qu'aucun homme politique d'envergure ne proposait quelque chose et puis là-dessus, est arrivée la proposition du ministre allemand des affaires étrangères, Joschka Fischer, pour ce qu'il appelé "une fédération européenne". Il a expliqué ensuite qu'en fait, c'était presque l'idée de fédération des Etats nations.
Cà c'est très intéressant. Comme je n'ai pas compris, peut être pouvez-vous m'expliquer en quoi cela consiste. Parce que j'ai bien entendu ce que disait Monsieur Joschka Fischer, où je l'ai lu. Dans une première étape, j'ai cru qu'il s'agissait à l'intérieur de l'Union européenne telle qu'elle est, c'est-à-dire à l'intérieur des 15, de créer entre quelques Etats qui le voudraient un système fédéral doté de deux chambres et d'un président élu. On aura donc eu une structure...
Un noyau dur.
Oui enfin, appelons cela un noyau dur. C'est comme les fusées. Ca a plusieurs étages... Et il était bien fait Etat d'un système fédéral. Et puis là-dessus, il semble bien qu'on se rende compte que le mot de nation, on ne peut pas le gommer aussi facilement cela.
Mais c'est la première fois qu'un homme d'Etat allemand parle des Etats nations.
Oui, ça c'est très intéressant. Mais alors, la fédération d'Etat-nations souveraine, ça c'est vachement intéressant. Parce que si on pouvait nous expliquer comment ça fonctionne. Parce que ou bien il y a des Etats nations et dans ce cas, ils sont souverains, ou bien, il y a une fédération d'Etats parce que ces Etats ont transféré une partie de leurs pouvoirs à un organisme supranational.
Mais c'est déjà le cas aujourd'hui.
Je ne vois pas comment cela peut marcher.
C'est déjà le cas aujourd'hui. L'euro par exemple, il y a une Banque Centrale Européenne. Voilà.
Cela marche très bien d'ailleurs.
Je ne sais pas si cela marche bien ou pas.
Vous avez l'air de dire que ça marche.
Le fait est qu'il y a une institution fédérale.
Il y a une banque centrale. On a transmis un certain nombre de pouvoirs à des banquiers, mais il n'y a pas d'autorité politique. En réalité, dans la proposition de Monsieur Joschka Fischer, il y a un seul point d'intéressant: c'est celui qui consiste à dire : "il faudrait se mettre d'accord sur la notion de subsidiarité et définir d'abord ce qui doit et ce qui peut rester au niveau de la responsabilité des Etats. Et ce qui peut éventuellement passer à un autre niveau. Ca, je dois dire que c'est une excellente idée.
Mais qu'est-ce que vous mettriez dans le pot commun ?
Alors, je sais déjà ce que je ne mettrai pas. Dans le pot commun, je ne mettrai pas l'huile d'olive. Je mettrai pas le fromage au lait cru.
Ni le chocolat ?
Ni le chocolat et je dirai à la Commission de Bruxelles de cesser de nous emmerder.
Les dates de la chasse non plus ?
Je ne mettrai pas non plus, voilà !
La défense ?
La défense on peut éventuellement, à condition qu'il s'agisse d'un accord entre Etats, on peut éventuellement décider de faire une défense commune. Ce n'est pas demain la veille, pour une raison simple, c'est que de toute façon vous avez en Europe, deux Etats, quoi qu'on nous raconte, qui privilégient les liens qu'ils ont avec les Etats-Unis, c'est l'Allemagne et la Grande-Bretagne. Je note d'ailleurs au passage, parce que ça c'est intéressant aussi. Lorsqu'on parle d'une défense éventuelle, il faut s'en donner les moyens. Est-ce que les Européens sont prêts à faire les efforts en termes financiers et autres, pour se doter d'une défense commune ? Est-ce que vous savez de combien le budget de la défense des Etats-Unis a progressé depuis la disparition de l'Union soviétique ? 20 %. Le budget militaire des Etats-Unis a augmenté de 20 %. Dans la même période, est-ce que vous savez de combien diminuait en moyenne le budget de la défense des pays de l'Union européenne ? 13 %. Voilà, vous avez déjà une première réponse. Non, je crois que la situation actuelle de l'Union européenne avec une Commission de Bruxelles qui est composée de fonctionnaires, qui est fédéraliste et qui veut absolument uniformiser la vie des européens. Faire en sorte que les Siciliens vivent comme les Finlandais. Ou les Suédois comme les Portugais. C'est complètement aberrant. Alors, qu'ils nous fichent la paix. Que les gouvernements voient quels sont les problèmes qui ne peuvent être traité qu'au niveau de l'Europe. Il y en a certains.
Oui, mais alors lesquels ?
Vous en avez un, par exemple, dont Monsieur de Villiers vous a parlé souvent.
La sécurité maritime.
Voilà, par exemple. La sécurité maritime, c'est un problème qui pourrait parfaitement être traité au niveau européen, pour peu qu'on en ait la volonté.
La justice ?
Naturellement, on ne le fait pas. La justice, non, certainement pas.
Mais regardez le cas de Sid Ahmed Rezala. Beaucoup de gens en France ne comprennent pas comment il n'est pas possible d'obtenir plus rapidement son rapatriement en France pour qu'il y soit jugé.
J'ai déjà eu l'occasion de m'exprimer sur ce point. Quand on a fait une demande d'extradition, dans un pays où l'on sait que la législation n'est pas la même que la vôtre, on sait également que ce pays refusera l'extradition. si la peine encourue par le prévenu ou le délinquant présumé est supérieure en France à celle encourue dans le pays où il se trouve. Donc, on le savait. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle, quand on a fait la demande d'extradition, on a indiqué, je crois que Madame Guigou, enfin les services de la Chancellerie ont indiqué, s'engager à ce qu'il n'encourt pas une peine supérieur à 25 ans.
Je crois que c'est dans un deuxième temps.
Ce qui est un risque considérable, parce que les Cours d'Assises sont libres de faire ce qu'elles veulent. Mais enfin, c'est ce qui a été décidé. Mais de toute façon, le problème se poserait de la même manière avec un autre pays que le Portugal. Sid Ahmed Rezala était parti au Paraguay, cela aurait été la même chose.
Bien sûr, mais là au niveau européen, précisément, il y a une demande de plus d'Europe, de l'opinion publique qui dit :"voilà, on aimerait bien que quelqu'un qui est accusé de crimes monstrueux, puisse être jugé chez nous".
La législation n'est pas la même dans chaque pays. Il faudrait harmoniser. C'est une affaire de longue haleine, parce que tout dépend dans quel sens irait l'harmonisation. Moi, je ne cache pas que je suis partisan d'une législation beaucoup plus ferme, beaucoup plus dure dans un certain nombre de domaines. Lorsque je vois les assassins d'enfants, les assassins de personnes âgées, etc... Qu'on ne vienne pas me raconter ou une affaire dont on parle actuellement, qui consiste à libérer prochainement quelqu'un qui a..
Vous voulez parler de l'affaire Patrick Jarreau Henry ?
Un détenu qui a assassiné un enfant. Je dois dire que ce sont des choses qui me hérissent.
Beaucoup plus ferme, cela veut dire la peine de mort ?
Cela veut dire que de toute façon, si nous allions dans le sens d'une harmonisation de la législation européenne, il ne faudrait pas que cela aille dans le sens d'un certain, je ne dirai pas laxisme, mais dans tous les cas, d'un certain allégement des peines, etc...
Mais Monsieur Pasqua, attendez. Est-ce que vous pensez qu'il est souhaitable de reposer la question de la peine de mort ?
Moi personnellement, oui. J'ai déjà eu l'occasion de le dire, je ne vais pas changer d'avis sur ce point.
Vous pensez que cette question devrait être posée de nouveau aux Français ?
Ecoutez. En définitive, on ne la leur a jamais posée. La décision de l'abandon de la peine de mort a été prise dans le cadre de la convention européenne des droits de l'homme et d'une loi qui a été votée par le Parlement. Mais les Français n'ont jamais eu à se prononcer. Mais c'est un autre débat. On peut l'avoir un jour. C'est un débat dans lequel il s'agit d'aborder ces problèmes avec beaucoup de réserve. Je ne veux pas faire de cette affaire un enjeu politique. Mais, moi, j'ai toujours été de cet avis. Je crois qu'il y a des circonstances dans lesquelles on ne peut pas ne pas recourir aux mesures les plus extrêmes. Quand des gens sont récidivistes, qu'ils ont assassiné des enfants, des personnes âgées, etc.. Ecoutez, il y a des choses absolument scandaleuses. De même dans un autre domaine, vous avez des gens qui se comportent comme des irresponsables au volant de leur voiture, qui grillent des feux rouges, qui refusent la priorité, qui en réalité, sont coupables d'assassinat. Et ces gens-là sont traduits en correctionnelle. Moi, je les enverrai en Cour d'Assises.
Monsieur Pasqua, pour en revenir aux institutions européennes, Monsieur Chirac a, à son tour, prononcé un discours dans lequel il a dit en gros, qu'il ne faut pas construire l'Europe politique de manière abstraite. Allons-y pas à pas et voyons ce que l'on peut faire. Considérez-vous qu'en l'occurrence , le président de la République a répondu à Monsieur Fischer ?
Je n'en sais rien. Moi, je ne sais pas du tout ce que le président de la République.
Mais c'était la réponse de la France.
Je ne sais pas. Je n'en sais rien. La France, le Président de la république est président de l'Union européenne, va assumer la présidence de l'Union Européenne à partir du 1er juillet. Il y aura un certain nombre de décisions qui vont intervenir. Est-ce qu'on va passer à la majorité qualifiée dans tous les domaines où à l'heure actuelle il y a la règle de l'unanimité. Si tel est le cas, c'est un mauvais coup porté contre les nations. Je ne suis pas sûr d'ailleurs que cela aboutisse parce que les petits pays se rendent bien compte que c'est la dernière occasion qu'ils ont de maintenir leur propre indépendance. Donc, je ne suis pas du tout sûr que cela aboutisse. Il y a autre chose aussi. Il y a la déclaration des droits fondamentaux dont personne nous parle. On a des belles envolées sur la déclaration des droits fondamentaux, mais personne ne sait ce qu'il y a dedans. Il y a notamment une disposition, si elle était adoptée, elle aurait pour conséquence de donner à tous les résidents qui se trouvent sur un des pays de l'Union européenne, le droit naturellement de se déplacer librement, de s'installer où ils veulent, mais de surcroît, tous les résidents auraient les mêmes droits que les nationaux. C'est-à-dire les droits sociaux et les droit politiques. Ce qui est une manière de régler le problème du droit de vote des étrangers qui ne serait certainement pas, je le crois, du goût de tous les Français.
Des résidents non européens ?
Oui, bien entendu. Bien évidemment. Les résidents européens ont le droit de vote, déjà.
Les élections locales.
Ils ont le droite de vote.
Tout de même, on a assisté...
Tout résident, au bout de quelques semaines qui serait dans un des pays de l'union européenne, a le droit de s'installer n'importe où, mais dans le même temps, il serait titulaire des mêmes droits sociaux et politiques que les nationaux. C'est une véritable révolution. Et ça, on va essayer de le faire à la sauvette. Alors, qu'est-ce qu'il va faire, Monsieur Chirac, là ? Il va essayer de le faire passer dans la CIG ? La déclaration des droits fondamentaux, elle va être inscrite au sommet. Alors, ils vont l'adoptée. Et après, qu'est-ce qu'ils vont venir nous dire ? Qu'ils défendent l'intérêt national ? Ils ne défendent pas du tout l'intérêt national. Il faudra bien qu'on en prenne acte et qu'on se comporte en conséquence. Alors moi, je veux bien tout ce que l'on veut. On peut faire moderne, on peut également jouer les girouettes, mais il y a des limites à tout.
Mais alors, est-ce qu'il faut d'après vous, puisque vous dites que vous en avez parlé avec le Président de la République, est-ce qu'il faut réformer les institutions européennes, ou pas ? Est-ce qu'il faut revoir les règles de présence des différents pays au sein de la commission ? Est-ce qu'il faut modifier, est-ce qu'il faut pondérer leur vote ?
Il faudrait peu de choses pour que l'Union européenne marche mieux. Il suffirait de faire en sorte que ses institutions jouent leur rôle. Vous avez le Conseil européen : il est composé des chefs d'Etat et de gouvernement. C'est la seule institution réellement légitime, puisque les chefs d'Etat ou les chefs de gouvernement sont élus directement. Ceux-là détiennent réellement le pouvoir. C'est ce qu'on pourrait appeler dans notre pays, le chef de l'Etat et le gouvernement. Ca, c'est légitime. En dessous d'eux, il y a le conseil des ministres. Le conseil des ministres qui ne joue pas du tout le rôle d'un conseil des ministres. Jusqu'à une date récente, il jouait le rôle d'une assemblée législative. Et ensuite, il y a la commission. Et la commission se prend de plus en plus pour un gouvernement fédéral et c'est là que le bât blesse, parce que la conférence des chefs d'Etat et de gouvernement, c'est une structure qui, manifestement, est de nature confédérale, les Etats. La commission se veut une structure fédérale. Elle se mêle de tout. Elle intervient sur tout. Elle veut réglementer la vie dans tous les domaines, ce qui est inacceptable. Bon, il suffirait de faire en sorte que le conseil européen ait à sa disposition, appelons cela la Commission, mais alors, il faudrait la réformer et faire en sorte qu'elle ne soit composée que de ministres ou le Conseil des ministres, qui se comporte réellement comme un conseil des ministres. Et qui traite les affaires que lui donne à traiter le Conseil européen.
Toujours à l'unanimité ?
Pour moi, c'est indispensable. J'imagine mal d'ailleurs, je constate que la règle de l'unanimité ne nous a pas empêché de progresser dans un certain nombre de domaines, de même que cela n'a pas empêché les coopérations privilégiées, comme on dit aujourd'hui. Mais je vois mal comment demain un peuple accepterait que ses droits vitaux soient sacrifiés, parce qu'il a eu une majorité d'autres Etats pour avoir une autre démarche. D'ailleurs, qu'a fait Monsieur Jospin ? Et Monsieur Glavagny ? Qu'est-ce qu'ils ont fait dans l'affaire de la vache folle ? Ils ont fait passé l'intérêt national avant les injonctions de Bruxelles, parce qu'ils ont considéré que le principe de précaution n'était pas respecté.
Alors, s'il y a échec de la CIG, qu'est-ce qui se passe ?
On ne se portera pas plus mal et on remettra l'Europe sur les rails. On réfléchira. Peut être on trouvera qu'avant de faire du bla-bla, il faudrait savoir quel type d'Europe on veut. L'Europe veut-elle exister ? Première question. L'Europe veut-elle être indépendante ? Oui ou non. Mais pour que l'Europe soit indépendante, il faut qu'elle se dégage de la tutelle des Etats-Unis. Moi, je n'ai rien contre les Etats-Unis, mais l'Europe doit vivre par elle-même. Les Etats-Unis ont beau jeu, puisque chaque fois que quelque chose va mal, on leur demande de régler les problèmes à notre place. Donc, l'Europe n'existe pas en réalité. L'Europe politique, l'Europe indépendante n'existe pas. Posons la question. Voulez-vous qu'elle existe ? Si oui, êtes-vous prêt à vous en donner les moyens ? Moi, je dis oui. Même si demain on devait me dire : "il faut augmenter les impôts pour qu'il y ait une défense digne de ce nom", je dirai "oui". Voilà ! Les autres, qu'est-ce qu'ils disent ? Posez-leur la question ? Ils verront d'abord si cela fait moderne ou pas avant de vous répondre.
Monsieur Pasqua, vous avez dit vouloir souhaiter l'abrogation du traité de Maastricht. Mais qu'est-ce que ça veut dire, concrètement l'abrogation du traité de Maastricht ? L'abandon de l'euro ?
Bien, par exemple !
Vous croyez vraiment qu'on peut abandonner l'euro ?
Ecoutez, Monsieur Prodi recevant un honorable parlementaire britannique, lui a dit : "La Grande Bretagne pourrait parfaitement entrer dans l'Euro. D'ailleurs, elle pourrait en partir quand elle le voudrait".
Il s'en est un peu mordu les doigts depuis.
Je ne sais pas, mais dans tous les cas, c'est lui qui l'a dit, ce n'est pas moi. Bon. Alors, d'autre part, l'euro étant ce qu'il est, ou bien on l'abandonne parce que manifestement il ne joue pas son rôle. Il devait être une monnaie de réserve, il ne l'est pas.
On vous dira que c'est toute la stabilité dans la zone euro qui crée la croissance, etc...
Oui, par exemple la Grande Bretagne.
Elle n'en fait pas partie.
Oui, je vous remercie d'avoir apporté la réponse. En réalité, l'euro n'a pas joué son rôle pour une raison simple, c'est qu'on ne peut pas confier à des banquiers et à des responsables d'organismes financiers le soin de décider de la politique monétaire. C'est complètement aberrant. Sans qu'en même temps il y ait un pouvoir politique digne de ce nom. Or, ce pouvoir politique existe. C'est le Conseil européen. Il lui suffit de se manifester. Il ne s'est jamais manifesté. Est-ce qu'on a entendu le Conseil européen dire qu'il était -oui, maintenant, ils sont en train de le dire, parce qu'on approche des élections- qu'il était aussi important d'assurer le développement économique que la stabilité monétaire ?
Mais Monsieur Pasqua, vous allez mener campagne pour demander que la France sorte de l'euro ?
En tous les cas, nous mènerons campagne certainement pour que le franc ne disparaisse pas. Traduisez cela comme vous voudrez.
C'est une litote ou une manière un peu elliptique de vous exprimer qui n'est pas dans votre genre.
Non, pas du tout.
Vous ne souhaitez pas que l'euro, arrive sur le marché et dans le porte-monnaie des Français ?
Non, je ne le souhaite pas. Je ne le souhaite pas et j'espère que je ne le verrai pas. Dans tous les cas, je ferai tout pour que cela ne se produise pas. Qu'on garde l'euro comme unité de compte si on le veut, mais je ne vois pas pourquoi le franc devrait disparaître. Le franc ou le mark ou la lire, etc...
Merci Monsieur Pasqua. C'était votre grand jury.
Merci.
(source http://www,rpfie,org, le 05 juin 2000)