Interview de M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat au PME, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation, à "RTL" le 17 juillet 2003, sur la baisse de la TVA dans la restauration, sur l'augmentation des créations d'entreprises et sur l'attribution prochaine du titre de "maître artisan d'art ".

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral


R. Arzt-. La Commission européenne a donné son vert pour que le taux de TVA sur la restauration puisse baisser. En tant que secrétaire d'Etat au Commerce, vous estimez que c'est un grand succès pour la France ?
- "C'est une victoire d'étape, une victoire importante, puisque nous avions à convaincre F. Bolkestein, le commissaire. Cela a été chose faite le 2 juin dernier quand je l'ai rencontré. J.-P. Raffarin avait rencontré également le président de la Commission, R. Prodi. Et hier, la Commission a donc épousé les thèses de la France sur deux secteurs très importants : la restauration et le bâtiment. Mais il reste des étapes importantes. La première, c'est que l'ensemble des Etats-membres acceptent la proposition de la Commission. Or ce n'est pas facile. Parce qu'un certain nombre d'Etats, en particulier l'Allemagne, ne sont pas très chauds à l'idée de pouvoir autoriser d'autres pays, notamment leurs pays voisins, riverains, à baisser la TVA. Et puis ensuite, il y aura le problème budgétaire pour la France..."
On verra en parler. Mais sur l'étape de la mise en accord de tous les pays européens, le Gouvernement français va beaucoup se mobiliser, c'est important d'y arriver ?
- "Oui, j'irai moi-même d'ailleurs, à la fin du mois d'août en Allemagne, avec des députés qui ont constitué un club qui s'appelle le "Club de la boussole". Ce sont des députés qui ont décidé de veiller à l'application du programme de J. Chirac. Et dans le programme de J. Chirac, il y avait la baisse de la TVA dans la restauration. Ces députés mettent un soin jaloux - et je pense qu'ils ont raison - à ce que ces engagements soient tenus... Je les emmènerai en Allemagne, où nous allons rencontrer les pouvoirs publics allemands sur ce dossier."
Vous avez dit et répété qu'il ne s'agissait pas de faire un cadeau fiscal aux restaurateurs. A supposer qu'on arrive à ce que l'Europe soit d'accord là-dessus, qu'est-ce qui vous garantit que les restaurateurs s'en serviront, pour mieux payer leurs salariés, embaucher peut-être, ou alors se mettre dans la poche...
- "Il est très important qu'ils s'engagent et que l'on puisse arriver à la règle des trois tiers : un tiers pour le consommateur, un tiers pour le salarié - il faut mieux payer les salariés dans ces métiers, qui ne sont pas toujours faciles et où on manque de main d'oeuvre. Il y a une pénurie de main d'oeuvre dans la restauration, comme d'ailleurs dans le secteur du bâtiment, ce qui justifie la baisse de la TVA dans ces secteurs - et puis un tiers pour les restaurateur pour qu'il modernise son outil de travail..."
Ca, c'est l'objectif...
- "C'est l'objectif. Ensuite, nous allons travailler avec les professionnels, qui s'engagent dès à présent - vous avez entendu les uns et les autres -, tous le disent : c'est une bonne règle que cette règle des trois tiers. Et [...] au bout d'un an, nous regarderons ce qui s'est passé... Si c'est un échec, c'est-à-dire si la profession n'a pas créé les 40.000 emplois qui ont été annoncés, d'un gain par exemple au bout de 18 mois, eh bien, à ce moment-là, nous reverrons nos décisions..."
On pourrait ne plus appliquer cette baisse à ce moment-là ?
- "Il me semble que c'est une sorte d'accord qui est passé avec la profession, avec du côté de la profession, l'engagement de créer de l'emploi, parce que c'est ça que nous poursuivons. Si nous baissons la TVA, c'est pour créer de l'emploi. 40.000 emplois en 18 mois, je pense que c'est tenable, que c'est possible..."
Et si ce n'était pas fait, donc ?
- "A ce moment-là, l'Etat reprendra évidemment son pouvoir de décision."
Il y a un autre aspect dans cette baisse de TVA, c'est que si elle est effectivement décidée encore une fois, elle atteindra un manque à gagner fiscal qui est très important, puisqu'il est évalué entre 3 et 4 milliards d'euros, dans une période où il y a déjà un déficit...
- "Oui, il est évalué à 3 milliards d'euros. Si l'on regarde ce qui s'est passé avec le bâtiment ; on avait les mêmes cris d'orfraie où les uns et les autres disaient : mais ça va coûter très cher à l'Etat, etc. Et on s'est aperçu qu'en réalité, les rentrées fiscales ont permis de financer une très grande partie de la perte de TVA. Donc, je crois que c'est la même chose qui va se passer avec la restauration. C'est-à-dire que nous perdons d'un côté la TVA, mais nous allons avoir moins de chômeurs, nous allons avoir des établissements qui vont faire davantage de bénéfices, nous allons avoir également des consommateurs et, c'est important, qui vont dépenser plus. Donc, en volume, on va rattraper ce qu'on perd en prix sur la TVA. Donc cela coûtera moins cher que 3 milliards. Mais ceci dit, le problème est devant nous ; nous avons un exercice 2004 qui n'est pas facile... Il faut donc trouver des économies budgétaires pour financer cette mesure sur la TVA. "
Donc, quand même, l'heure n'est pas aux allégements d'impôts...
- "L'heure est aux allégements d'impôts qui peuvent créer de l'emploi et de la croissance. Les allégements d'impôts, stériles, ça n'a pas d'intérêt. Des allégements d'impôts, fertiles en emplois, fertiles en croissance, ça, c'est bon !"
Il y a un débat sur les baisses d'impôts actuellement dans le Gouvernement? Certains sont plus timides que vous ?
- "Il y a un certain nombre de baisses d'impôts qui sont décidées. Cet après-midi, la loi d'initiative économique va être votée à l'Assemblée Nationale. Elle prévoit cette loi, sur l'année 2004, 500 millions d'euros de baisses d'impôts. Je prends l'exemple du petit commerçant qui va vendre son fonds de commerce : à l'heure actuelle il paye 26 % sur les plus-values de cession. Cela va passer à 0 %. Pourquoi est-ce qu'on fait ça ? Parce qu'il y a des milliers de chefs d'entreprises, de petites entreprises, des artisans et des commerçants qui vont partir à la retraite dans les dix ans qui viennent, et il faut que leurs outils de travail puissent être transmis à une nouvelle génération. Et c'est lié à la TVA 5,5. Aujourd'hui, on manque de futurs chefs d'entreprises dans ce secteur. Il faut les former..."
Mais en même temps, le Président l'a dit le 14 juillet dans son interview télévisée, il y a beaucoup plus de créations de petites entreprises en ce moment en France. 8 % de plus par rapport à l'an dernier...
- "Il y a un vrai boom - on peut appeler ça un boom - de la création d'entreprises... Alors, j'espère que cela va durer, que ce ne sera pas un feu de paille. Et c'est dû à quoi ? C'est dû au fait que ce Gouvernement soutient les créateurs, ceux qui créent de la richesse, ceux qui entreprennent. On leur dit aujourd'hui : allez-y, on va vous soutenir... Et la loi qui sera votée cet après-midi est une bouffée d'oxygène extraordinaire pour ceux qui ont envie de quitter le salariat..."
Une loi votée à votre initiative...
- "Voilà. Je l'ai défendue, elle a été débattue longuement. Je pense que c'est vraiment une loi qui est concrète, pratique, qui répond à des problèmes de tous les jours. Et cette loi va encore apporter davantage d'outils pour ceux qui veulent entreprendre..."
Et en même temps, c'est un domaine, les petites entreprises, où il y a aussi beaucoup de fermetures d'entreprises...
- "La vie économique n'est pas facile tous les matins, il faut se battre. Il faut vouloir travailler, c'est essentiel. Mais c'est aussi la voie de la réussite sociale. Beaucoup de gens qui ont échoué dans leurs études, peuvent rattraper ces échecs en créant une entreprise. Aujourd'hui, à New York, c'est Ducasse qui est le plus connu des chefs d'entreprises françaises ! C'est pas J.-M. Messier, c'est Ducasse ! Et Ducasse a commencé à 16 ans, apprenti dans une cuisine. Donc les réussites françaises, elles sont extraordinaires, lorsqu'on se donne les moyens. Et la création d'entreprise est un très bon moyen. Et j'ajoute que cela crée de l'emploi. Si on arrive à faire nos 200.000 entreprises créées tous les ans, comme le président de la République le souhaite, c'est des milliers d'emplois qui seront créés !"
Vous êtes en train de mettre au point une spécialisation des métiers d'art ?
- "Oui, je crois que nous avons la chance en France d'avoir des talents extraordinaires, des hommes et des femmes qui ont entre les mains, de l'or, des métiers. Il y a 250 métiers qui sont des métiers d'art. Je vais les rendre officiels et nous pourrons attribuer à des artisans qui sont des petits génies dans leur métier, le titre de "maître artisan d'art", afin que leur activité soit mieux reconnue et que le consommateur puisse aussi être sûr que ce qu'il va acheter chez eux, ce seront des produits de grande qualité."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 17 juillet 2003)