Déclaration de M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur, sur la naissance d'un pouvoir d'agglomération dans les zones urbaines et sur le succès de la taxe professionnelle unique et de la décentralisation, Saint-Brieuc, le 31 janvier 2000.

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Circonstance : Inauguration de la nouvelle communauté d'agglomération de Saint-Brieuc (Côtes d'Armor) le 31 janvier 2000

Texte intégral

Mesdames et messieurs les députés et sénateurs,
Mesdames et messieurs les présidents,
Mesdames et messieurs les maires,
Mesdames et messieurs les élus,
Mesdames, messieurs,
C'est avec plaisir que je participe à l'inauguration de la nouvelle communauté d'agglomération de Saint-Brieuc, la CABRI.
A Belfort, nous avons installé la CAB... Ainsi, jusque dans leurs noms de baptême, les 51 premières communautés d'agglomération existant au 1er janvier 2000, dessinent un nouveau paysage institutionnel, respectueux des diversités mais unitaire dans ses objectifs et sa conception.
En transformant le district, vous avez franchi un pas supplémentaire dans votre coopération intercommunale déjà ancienne. Vous avez ainsi créé le cadre institutionnel permettant aux 14 communes d'agir dans le même sens, en exerçant les compétences prévues par la loi qui permettent d'avoir une action stratégique de développement et d'aménagement de l'espace autant qu'une gestion commune des équipements structurants.
Vous voilà dotés des moyens financiers permettant d'exercer ces compétences selon l'intérêt communautaire : une taxe professionnelle unique et une dotation globale de fonctionnement versée par l'Etat de presque 28 millions de francs. Les budgets communaux seront préservés par la dotation de compensation, allégés par les charges transférées au niveau communautaire et augmentés sans doute par la politique de solidarité que vous avez adoptée.
Vous participez ainsi à la naissance d'un véritable pouvoir d'agglomération dans les zones urbaines. La loi du 12 juillet 1999 rencontre en effet un vif succès dans son application. Le Parlement a marqué son soutien à ce texte et grâce au rôle joué par les rapporteurs, parmi lesquels Didier CHOUAT doit être salué, nous avons pu aboutir à un accord en commission mixte paritaire, par delà les différences partisanes. Mais le succès dépasse nos espérances.
Au plan quantitatif, c'est un vif succès. 51 communautés d'agglomération ont été créées, 2 communautés urbaines ont adopté la taxe professionnelle unique tout comme 136 nouvelles communautés de communes. La création des communautés d'agglomération atteint ainsi en 6 mois l'objectif que je m'étais fixé en 5 ans. 1/3 des aires urbaines visées connaissent ainsi l'émergence d'un pouvoir d'agglomération, nouveauté essentielle dans l'aménagement du territoire. 7 capitales régionales et 21 chefs-lieux de département ont constitué une communauté avec les communes environnantes. On compte en outre 7 créations ex-nihilo et 34 transformations.
La Bretagne, déjà pionnière dans l'application de la loi de 1992, est bien représentée : Brest est déjà en communauté urbaine, Rennes, Saint-Brieuc, Morlaix, Quimper, Lorient sont aujourd'hui des communautés d'agglomération. D'autres pourront se constituer, prochainement peut-être, autour de Vannes, de Saint-Nazaire et de Nantes où pourrait se constituer une communauté urbaine. Je m'aventure ainsi dans le Grand Ouest afin de bien illustrer les objectifs de la loi : organiser un maillage pour l'aménagement décentralisé du territoire et renforcer les métropoles régionales pour qu'elles rivalisent avec leurs homologues européennes.
En milieu rural, le mouvement amorcé depuis 1992 se poursuit, marqué par un choix plus net en faveur d'une intercommunalité plus intégrée et fondée sur le partage de la taxe professionnelle, avec une DGF bonifiée. On en compte 130 au 1er janvier 2000, dont 3 dans les Côtes d'Armor qui regroupent au total 54 communes. Les quatre départements bretons totalisent 22 communautés de communes à taxe professionnelle unique regroupant ainsi 247 communes. C'est considérable et cela met votre région en tête du palmarès.
Le succès est ainsi également qualitatif. Les transformations des districts et des communautés de communes sont le signe d'une intégration plus exigeante des compétences. De même, le succès de la taxe professionnelle unique en zone urbaine comme en zone rurale marque bien une avancée décisive dans la réforme de la taxe professionnelle : en 6 mois, la population résidant dans des groupements à taxe professionnelle unique a triplé, en passant de 4 à 12 millions d'habitants.
C'est également un succès pour la décentralisation puisque les élus locaux ont su utiliser les outils d'aménagement du territoire qui ont été mis à leur disposition par la loi pour lutter contre la ségrégation urbaine et l'affaiblissement des espaces ruraux. C'est une étape importante de la décentralisation et elle en préfigure nécessairement d'autres.
Vous savez que c'est le rôle de la Commission présidée par Pierre MAUROY et installée par le Premier ministre. Elle travaille, à un rythme soutenu, sur de nouvelles perspectives permettant à la décentralisation d'être plus légitime, plus efficace et plus solidaire.
Une plus large ouverture des mandats locaux à l'ensemble des catégories sociales, une participation accrue des citoyens à la démocratie locale, une plus grande responsabilité en matière fiscale des collectivités locales peuvent mieux ancrer la démocratie locale dans l'esprit de nos concitoyens.
La clarification des actions contractuelles et des relations entre l'Etat et les collectivités territoriales, le renforcement des coopérations, la mobilisation des moyens financiers pour les investissements à long terme, seraient de nature à rendre leur action plus efficace.[A ce titre, la réflexion est engagée sur le renforcement du département, qui peut relayer la région pour l'aménagement du territoire et coordonner les actions intercommunales, tant en milieu urbain qu'en secteur rural.]
Enfin, l'exigence de la solidarité nationale rend davantage nécessaires les actions correctrices et les mécanismes de péréquation, pour éviter que la décentralisation ne conduise à un développement inégal des territoires.
Tel est, Mesdames et Messieurs, le sens qu'il faut donner à l'élan suscité par la loi du 12 juillet et auquel vous participez activement.
Votre agglomération n'est donc plus seulement un objectif, mais une réalité institutionnelle sur laquelle le développement économique, l'aménagement de l'espace et la cohésion sociale seront désormais construits. Il vous appartient maintenant de donner corps et qualité à la charpente constituée en exerçant les compétences d'intérêt communautaire.
Et cela au profit des communes et non contre elles. La commune est le lieu privilégié d'exercice et d'apprentissage de la démocratie locale. Elle doit demeurer la structure de base de l'organisation administrative de la France. Mais vous avez compris que les communes n'ont de véritable avenir que dans l'intercommunalité. Et ce que vous êtes en train d'accomplir marquera profondément le paysage institutionnel de la Nation.
Je vous remercie.
(Source : http://www.interieur.gouv.fr, le 18 février 2000)