Texte intégral
J.-J. Bourdin-. Question de Daniel, auditeur d'Alès, qui témoigne sur ses conditions de vie dans un mobile-home mis en place par la mairie, suite aux inondations de l'année dernière dans le Gard.
- "Il y a encore, à la suite des inondations du Gard, beaucoup de personnes qui sont encore un peu dans l'inconnu, parce qu'il y a un retard fantastique qui a été pris, notamment pour la définition des zones à risque, surtout pour les inondations - et dans ce département, ils en savent quelque chose, dans le département de la Somme aussi. Donc aujourd'hui, on sait qu'il y a eu, en 2003, 1.382 familles qui ont été déclarées "sinistrées". Aujourd'hui, plus de la moitié ont été relogées, pour 776. Il y a 600 familles qui restent, et 184 vivent encore dans leur logement sinistré, malgré les difficultés et les travaux à faire, et 422 qui sont hébergées en logement provisoire."
En mobile-home, ce qui est le cas de Daniel...
- "Non, en mobile-home, il y en avait 187 - je me souviens les avoir installés à l'époque - ; il y en a 120 qui sont encore en mobile-home."
Le problème est de reconstruire ailleurs ?
- "Le problème est de reconstruire ailleurs, dans des zones qui sont dénuées de tout risque. Il ne faut pas croire ça. Le risque est inhérent à la nature, il n'y a donc jamais un risque zéro. Mais dans des zones en tout cas qui ne doivent pas subir des inondations telles qu'on les connaît en tout cas depuis des siècles. Donc aujourd'hui, les DDE sont placées sous la tutelle de mon ministère, en lien avec l'Environnement, qui réalisent des plans de prévention des risques et qui gèrent aujourd'hui des services de prévision des crues. Evidemment, on détermine, commune par commune, des périmètres qu'on estime inondables, alors qu'ils ne l'étaient pas il y a encore deux ou trois ans, et ces périmètres vont être fixés dans les plans d'occupation des sols, qu'on appelle maintenant les "plans locaux d'urbanisme". Et à ce moment-là, on saura définitivement - ce sont des procédures un peu longues - les terrains constructibles et ceux qui ne le sont pas."
Mais alors, que peut-on dire à Daniel ? Qu'il doit encore être patient ?
- "Je comprends un peu son impatience, parce que le logement est une chose primordiale. On peut lui dire que celui qui peut le renseigner, c'est évidemment le maire, parce que c'est l'élu de proximité. Au niveau de la technique des choses les plus compliquées, il peut s'adresser à la Direction de l'Equipement, qui en l'occurrence est à Nîmes, que je vais d'ailleurs rencontrer cet après-midi ; et la Direction de l'Equipement lui expliquera justement les procédures qui sont en cours, ce qu'il peut faire et qu'il ne pourra pas faire."
[...] Quand on est en zone inondable, on risque de voir sa maisons rasée ?
- "On ne peut pas non plus laisser des gens être dans une situation de risque. Je vous rappelle quand même qu'il y a eu 23 morts l'année dernière, en une nuit ou en quelques heures. Donc, peut-on laisser des gens en situation de danger potentiel, ayant l'expérience de la fameuse crue du 8 au 9 septembre ?"
Le problème est qu'il faut aider ces habitants à reconstruire. Parce que si on leur a donné les autorisations de construire dans ces zones-là, il faut aussi qu'on les aide maintenant ?
- "Vous parlez d'aides financières ?"
Oui...
- "Sur les aides financières, je pense que Daniel était assuré. Il y a eu les catastrophes naturelles, j'espère qu'il y a eu une bonne évaluation. Je sais que les catastrophes naturelles ont donné lieu à une indemnisation avec une franchise de 2.500 francs, environ 400 euros. Avec cela, normalement, s'il est propriétaire de sa maison, il devrait pouvoir retrouver l'équivalent."
Question de l'auditeur Daniel : Mais aujourd'hui, ce n'est pas cela le souci. Ce que j'attends de savoir, c'est si je peux reconstruire ou si je vais être délocalisé.
- "La seule personne aujourd'hui pour vous répondre, c'est vraiment le maire de votre ville, qui connaît le Plan local d'urbanisme et qui connaît les zones de prévention des risques d'inondation, qui peut vous dire si le terrain sur lequel vous souhaitez reconstruire en fait partie ou pas."
Faut-il créer un ministère des crises ? On en parle beaucoup !
- "Pourquoi pas... On le voit à chaque fois qu'il y a des crises, qu'elles soient d'inondations, météorologiques et autres, qu'il y a besoin d'une mobilisation qui interpelle plusieurs ministères à la fois, que ce soit le ministère de l'Equipement, le ministère de l'Environnement, le ministère de l'Intérieur et quelques fois même la Défense nationale, la Santé et autres... Donc, qu'il y ait quelque part une sorte de cellule de veille, prête à bondir, à se réunir et à donner des ordres transversaux sur plusieurs "outils", qui peuvent exister dans chacun des ministères, pour répondre vite et bien, c'est une idée qui peut faire effectivement son chemin."
Un ministère, vous y seriez favorable ou pas ?
- "Je n'y suis pas défavorable, à partir du moment où c'est un gage d'efficacité. Ce que je sais, c'est que par exemple dans l'opération du Gard l'année dernière, on ne pourra pas dire que les différentes administrations, qu'elles soient municipales, départementales ou nationales, n'ont pas répondu présentes au bon moment. Ce qu'il a manqué, c'est, en amont, depuis des décennies et des décennies, un petit peu de raison, qu'on soit un peu plus raisonnable... On est tous responsables, depuis des décennies, d'avoir laissé faire un peu n'importe quoi n'importe où."
[2ème partie de l'interview]
Flambée des loyers ! Je regardais les chiffres hier : + 39 % en quatre ans à Marseille , + 30 % à Paris, + 18 % à Lyon, plus 21 % à Nantes, 20 % de plus à Bordeaux, 19 % à Toulouse, etc. Que faire ?
- "Ce qu'il faut faire, c'est offrir davantage de logements, construire des logements, en réhabiliter, rénover ce qui existe de façon à ce qu'il y ait davantage d'offres et qu'entre l'offre et la demande, ce soit moins tendu. On est en train de payer des décennies de sous-évaluation du nombre de logements à construire. Chacun sait qu'il faut en construire 320 000 par an et depuis des années, on en construit moins de 300 000, notamment dans le logement social et le locatif, les années 1998 à 2000 ont été pauvres puisque l'on tournait autour de 45 ou 46 000. C'est pourquoi le Gouvernement, dès 2002, puis en 2003, a nettement facilité les choses. Pour le logement social, on est aujourd'hui à 52/53 000 par an, ce qui est encore faible mais nettement supérieur. On a pris une mesure très forte au mois de mars 2003 : le système Perissol, qui s'est ensuite appelé le système Besson, qui est un amortissement sur les investissements locatifs, pour encourager des gens à investir dans la construction de logement à louer ; ce système a été énormément assoupli, on a fait sauter les verrous. Aujourd'hui, on est sur une trajectoire de 320 000 logements par an. En 2004, je fais le pari qu'on construira pas loin de 320 000 logements par an pour la première fois depuis des décennies."
D'autres mesures vont être prises ?
- "D'autres mesures vont être prises. Vous avez vu que j'ai bloqué l'augmentation des loyers dans la région parisienne."
Allez-vous généraliser cette mesure ?
- "Il ne faut pas en abuser. Pourquoi ? Parce que la tension sur les loyers de manque de logement, c'est surtout un phénomène que l'on connaît dans les très grandes agglomérations, à Paris, bien sûr, et dans les grandes agglomérations que vous avez citées tout à l'heure. Si on bloque trop, vous allez décourager des investisseurs qui veulent construire des logements pour les louer. Donc, il ne faut pas non plus décourager cette offre de logements supplémentaires qui est une offre privée. Donc, il faut agir avec discernement mais augmenter de tout façon l'offre."
Le nombre de tués sur les routes de France a baissé de 19 % en juillet ; avez-vous les chiffres d'août ?
- "Pas encore. Je les aurai, je pense, demain, dans la journée."
Sont-ils bons ou pas ? Vous avez des informations ?
- "Si je ne les ai pas, je ne peux pas vous dire s'ils sont bons ! "
Vous avez peut-être quelques informations...
- "Je reconnais votre perspicacité, c'est-à-dire que vous pensez que je les ai mais je ne veux pas les donner !"
Je pensais que vous aviez peut-être quelques indications...
- "Comme vous êtes très insistant, et vous avez raison, je peux vous dire qu'il a eu de bons week-end - enfin assez bons - comme ceux du 15 août, et ceux de la fin du mois, le 30 et 31 août. Nous pensons que les résultats seront encore bons mais le week-end du 21 et 22 août à été mauvais. Je vous rappelle qu'en août 2002, il y a eu 634 tués et 1 135 blessés. Si on avait encore une baisse par exemple de 19 %, celui nous amènerait autour de 500 ou 550 tués. On ne peut quand même pas parler de bon d'août, on peut parler de mois d'août moins meurtrier."
Moins mauvais ?
- "Voilà."
Est-ce qu'en Bretagne et ailleurs, les poids lourds paieront une taxe pour circuler sur les voies rapides ?
- "Vous avez vraiment la manière de poser les questions gênantes !"
C'est mon rôle !
- "Il y a une rumeur qui parcourt la Bretagne et au-delà, parce que nous observons, avec intérêt, l'expérience que font les Allemands. Les Allemands, actuellement, avec le système GPS, peuvent calculer le nombre de kilomètres parcourus sur la route, sur l'autoroute, sur des deux fois deux voies par chacun des camions et vont envoyer une taxe, une redevance due par chacun de ces camions de façon à pouvoir alimenter le système des infrastructure en Allemagne. Nous regardons cela avec intérêt, nous n'excluons pas de l'employer en France, si cela paraît intéressant, mais je vous rappelle qu'en France il y a déjà les péages sur les autoroutes. Néanmoins, il y a un avantage, c'est que l'ensemble des camions non seulement les camions français, les transporteurs français mais les transporteurs qui viennent de l'étranger, sont taxés de la même manière, alors qu'en France, ces transporteurs français subissent la concurrence d'autres camions qui ne paient même pas la taxe sur les produits pétroliers parce qu'ils font le plein avant la frontière française et refont le plein quand ils sont sortis de France. Là, il y a une discrimination entre Français et étrangers, qui, à travers le GPS, pourrait être, en partie seulement, gommée."
Donc cette taxe en 2006 ?
- "Non, cette taxe n'est pas décidée, elle est simplement observée et il y aura probablement du côté de l'Europe, des mesures qui seront encore un peu plus égalitaires entre tous les pays européens de façon à ce que la concurrence soit la plus égalitaire possible."
La privatisation des autoroutes : est-il vrai que vous y êtes peu favorable ?
- "J'y suis favorable "à condition" ; tout le monde traduit cela par "vous êtes opposé". Aujourd'hui, on a des autoroutes qui amènent au budget de l'Etat des redevances importantes. Ces redevances permettent de faire des infrastructures et de continuer le réseau autoroutier, d'aider la SNCF éventuellement de construire des canaux fluviaux, des ports, etc. Si on vend les autoroutes, on n'aura plus les redevances mais on aura un capital. Donc, il faut faire le rapport entre le capital que l'on ne recevra qu'une seule fois et les redevances que l'on reçoit chaque année. C'est la première condition à remplir. La deuxième, c'est évidemment qu'une fois que l'on a vendu des autoroutes, l'Etat reste vraiment en charge, non pas de la gestion directe qu'il n'aura plus mais en tout cas, l'autorité qui correspond à la nécessité de service public sur les deux fois deux voies et sur les autoroutes. Et la troisième [chose], c'est que les autoroutes, si elles étaient privatisées - mais on peut très bien imaginer qu'elles ne soient pas privatisées mais que l'Etat se désengage à hauteur de 49 % - n'aillent pas dans un seul groupe de travaux publics, parce qu'à ce moment-là, il y aurait confusion des genres. C'est-à-dire que celui qui aurait les autoroutes aurait intérêt à faire des marges sur les travaux réalisés et non pas à contenir les péages à un niveau raisonnable."
Vous aimez beaucoup V. Giscard d'Estaing ?
- "Tout à fait, c'est lui qui m'a donné la vocation politique."
Vous savez ce qu'il a dit ? "Nous sommes des donneurs de leçons, les Français apparaissent arrogants donnant la leçon à tout le monde, en ne respectant pas les pactes qu'ils ont passés. Tout le monde va nous rire au nez". Evidemment, il parle du traité de Maastricht et des fameux 3 % que nous dépassons allègrement.
- "Oui, et votre question, c'est ?"
Vous êtes ministre de ce Gouvernement : approuvez-vous la baisse des impôts ? Vous êtes obligé de dire "oui" puisque vous êtes ministre et solidaire.
- "J'approuve parce que je crois que c'est utile de ne pas casser le peu de croissance que nous avons dans une conjoncture très difficile pour tous les pays européens et aussi pour les Etats-Unis. Ne pas casser cette croissance et donner des signaux à tous ceux qui prennent des initiatives et qui fonctionnent bien au plan économique. Evidemment, l'objectif, c'est de rentrer vite dans les clous de façon à montrer notre totale solidarité avec les autres pays européens. Ne jouons pas sur les deux tableaux, accordons nous un tout petit peu de souplesse - je crois que c'est utile dans la conjoncture actuelle - sans faire de provocation vis-à-vis des autres pays qui sont quand même plus vertueux. La souplesse que nous sommes obligés de nous accorder aujourd'hui, reconnaissons quand même que c'est parce que dans les grandes périodes de croissance, comme les années 1999-2000-2001, l'argent qui est tombé à flot dans la caisse de l'Etat n'a pas su être conservé."
Vous dites "rentrons vite dans les clous" ?
- "Le plus vite possible sans faire d'excès de vitesse."
Question de Vincent, 35 ans, un auditeur des Hauts-de-Seine sur l'obligation de la ceinture de sécurité dans les cars, et notamment dans les cars scolaires
- "C'est obligatoire de porter sa ceinture dans les cars qui sont dotés de ceinture. C'est-à-dire que tous les cars construits depuis 1999 sont obligatoirement dotés d'une ceinture de sécurité. Là, il faut la mettre, sinon, on est en situation de contravention. Dans les cars qui n'en sont pas encore dotés, les autocaristes ont 5 ans pour se mettre aux normes."
Une dernière question : je vais être indiscret, mais je sais que vous n'allez pas me répondre, mais vous aurez raison. Etes-vous Bic jetable, blaireau à poils durs, mangez-vous des biscottes, du pain complet le matin au petit déjeuner ? Je dis ça pour faire allusion à cette fameuse émission qui aurait dû voir le jour. Etiez-vous favorable à cette émission de TF1, "36 heures" passées avec des Français ?
- "Dès l'origine, j'ai dit que je ne me sentais pas apte à faire ce type d'émission. Chacun son métier. Les gens de variété dans les variétés, ils ont du talent et c'est le leur, et puis, la politique, on peut la faire sérieusement dans se prendre forcément au sérieux, mais la faire sérieusement. Moi, je n'ai rien à cacher, mais de là à me livrer à une sorte de strip-tease publique dans des émissions de variétés, là, je crois que ça n'est pas tout à fait le rôle d'un responsable qui a seul souci de gérer et d'améliorer la société."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 8 septembre 2003)
- "Il y a encore, à la suite des inondations du Gard, beaucoup de personnes qui sont encore un peu dans l'inconnu, parce qu'il y a un retard fantastique qui a été pris, notamment pour la définition des zones à risque, surtout pour les inondations - et dans ce département, ils en savent quelque chose, dans le département de la Somme aussi. Donc aujourd'hui, on sait qu'il y a eu, en 2003, 1.382 familles qui ont été déclarées "sinistrées". Aujourd'hui, plus de la moitié ont été relogées, pour 776. Il y a 600 familles qui restent, et 184 vivent encore dans leur logement sinistré, malgré les difficultés et les travaux à faire, et 422 qui sont hébergées en logement provisoire."
En mobile-home, ce qui est le cas de Daniel...
- "Non, en mobile-home, il y en avait 187 - je me souviens les avoir installés à l'époque - ; il y en a 120 qui sont encore en mobile-home."
Le problème est de reconstruire ailleurs ?
- "Le problème est de reconstruire ailleurs, dans des zones qui sont dénuées de tout risque. Il ne faut pas croire ça. Le risque est inhérent à la nature, il n'y a donc jamais un risque zéro. Mais dans des zones en tout cas qui ne doivent pas subir des inondations telles qu'on les connaît en tout cas depuis des siècles. Donc aujourd'hui, les DDE sont placées sous la tutelle de mon ministère, en lien avec l'Environnement, qui réalisent des plans de prévention des risques et qui gèrent aujourd'hui des services de prévision des crues. Evidemment, on détermine, commune par commune, des périmètres qu'on estime inondables, alors qu'ils ne l'étaient pas il y a encore deux ou trois ans, et ces périmètres vont être fixés dans les plans d'occupation des sols, qu'on appelle maintenant les "plans locaux d'urbanisme". Et à ce moment-là, on saura définitivement - ce sont des procédures un peu longues - les terrains constructibles et ceux qui ne le sont pas."
Mais alors, que peut-on dire à Daniel ? Qu'il doit encore être patient ?
- "Je comprends un peu son impatience, parce que le logement est une chose primordiale. On peut lui dire que celui qui peut le renseigner, c'est évidemment le maire, parce que c'est l'élu de proximité. Au niveau de la technique des choses les plus compliquées, il peut s'adresser à la Direction de l'Equipement, qui en l'occurrence est à Nîmes, que je vais d'ailleurs rencontrer cet après-midi ; et la Direction de l'Equipement lui expliquera justement les procédures qui sont en cours, ce qu'il peut faire et qu'il ne pourra pas faire."
[...] Quand on est en zone inondable, on risque de voir sa maisons rasée ?
- "On ne peut pas non plus laisser des gens être dans une situation de risque. Je vous rappelle quand même qu'il y a eu 23 morts l'année dernière, en une nuit ou en quelques heures. Donc, peut-on laisser des gens en situation de danger potentiel, ayant l'expérience de la fameuse crue du 8 au 9 septembre ?"
Le problème est qu'il faut aider ces habitants à reconstruire. Parce que si on leur a donné les autorisations de construire dans ces zones-là, il faut aussi qu'on les aide maintenant ?
- "Vous parlez d'aides financières ?"
Oui...
- "Sur les aides financières, je pense que Daniel était assuré. Il y a eu les catastrophes naturelles, j'espère qu'il y a eu une bonne évaluation. Je sais que les catastrophes naturelles ont donné lieu à une indemnisation avec une franchise de 2.500 francs, environ 400 euros. Avec cela, normalement, s'il est propriétaire de sa maison, il devrait pouvoir retrouver l'équivalent."
Question de l'auditeur Daniel : Mais aujourd'hui, ce n'est pas cela le souci. Ce que j'attends de savoir, c'est si je peux reconstruire ou si je vais être délocalisé.
- "La seule personne aujourd'hui pour vous répondre, c'est vraiment le maire de votre ville, qui connaît le Plan local d'urbanisme et qui connaît les zones de prévention des risques d'inondation, qui peut vous dire si le terrain sur lequel vous souhaitez reconstruire en fait partie ou pas."
Faut-il créer un ministère des crises ? On en parle beaucoup !
- "Pourquoi pas... On le voit à chaque fois qu'il y a des crises, qu'elles soient d'inondations, météorologiques et autres, qu'il y a besoin d'une mobilisation qui interpelle plusieurs ministères à la fois, que ce soit le ministère de l'Equipement, le ministère de l'Environnement, le ministère de l'Intérieur et quelques fois même la Défense nationale, la Santé et autres... Donc, qu'il y ait quelque part une sorte de cellule de veille, prête à bondir, à se réunir et à donner des ordres transversaux sur plusieurs "outils", qui peuvent exister dans chacun des ministères, pour répondre vite et bien, c'est une idée qui peut faire effectivement son chemin."
Un ministère, vous y seriez favorable ou pas ?
- "Je n'y suis pas défavorable, à partir du moment où c'est un gage d'efficacité. Ce que je sais, c'est que par exemple dans l'opération du Gard l'année dernière, on ne pourra pas dire que les différentes administrations, qu'elles soient municipales, départementales ou nationales, n'ont pas répondu présentes au bon moment. Ce qu'il a manqué, c'est, en amont, depuis des décennies et des décennies, un petit peu de raison, qu'on soit un peu plus raisonnable... On est tous responsables, depuis des décennies, d'avoir laissé faire un peu n'importe quoi n'importe où."
[2ème partie de l'interview]
Flambée des loyers ! Je regardais les chiffres hier : + 39 % en quatre ans à Marseille , + 30 % à Paris, + 18 % à Lyon, plus 21 % à Nantes, 20 % de plus à Bordeaux, 19 % à Toulouse, etc. Que faire ?
- "Ce qu'il faut faire, c'est offrir davantage de logements, construire des logements, en réhabiliter, rénover ce qui existe de façon à ce qu'il y ait davantage d'offres et qu'entre l'offre et la demande, ce soit moins tendu. On est en train de payer des décennies de sous-évaluation du nombre de logements à construire. Chacun sait qu'il faut en construire 320 000 par an et depuis des années, on en construit moins de 300 000, notamment dans le logement social et le locatif, les années 1998 à 2000 ont été pauvres puisque l'on tournait autour de 45 ou 46 000. C'est pourquoi le Gouvernement, dès 2002, puis en 2003, a nettement facilité les choses. Pour le logement social, on est aujourd'hui à 52/53 000 par an, ce qui est encore faible mais nettement supérieur. On a pris une mesure très forte au mois de mars 2003 : le système Perissol, qui s'est ensuite appelé le système Besson, qui est un amortissement sur les investissements locatifs, pour encourager des gens à investir dans la construction de logement à louer ; ce système a été énormément assoupli, on a fait sauter les verrous. Aujourd'hui, on est sur une trajectoire de 320 000 logements par an. En 2004, je fais le pari qu'on construira pas loin de 320 000 logements par an pour la première fois depuis des décennies."
D'autres mesures vont être prises ?
- "D'autres mesures vont être prises. Vous avez vu que j'ai bloqué l'augmentation des loyers dans la région parisienne."
Allez-vous généraliser cette mesure ?
- "Il ne faut pas en abuser. Pourquoi ? Parce que la tension sur les loyers de manque de logement, c'est surtout un phénomène que l'on connaît dans les très grandes agglomérations, à Paris, bien sûr, et dans les grandes agglomérations que vous avez citées tout à l'heure. Si on bloque trop, vous allez décourager des investisseurs qui veulent construire des logements pour les louer. Donc, il ne faut pas non plus décourager cette offre de logements supplémentaires qui est une offre privée. Donc, il faut agir avec discernement mais augmenter de tout façon l'offre."
Le nombre de tués sur les routes de France a baissé de 19 % en juillet ; avez-vous les chiffres d'août ?
- "Pas encore. Je les aurai, je pense, demain, dans la journée."
Sont-ils bons ou pas ? Vous avez des informations ?
- "Si je ne les ai pas, je ne peux pas vous dire s'ils sont bons ! "
Vous avez peut-être quelques informations...
- "Je reconnais votre perspicacité, c'est-à-dire que vous pensez que je les ai mais je ne veux pas les donner !"
Je pensais que vous aviez peut-être quelques indications...
- "Comme vous êtes très insistant, et vous avez raison, je peux vous dire qu'il a eu de bons week-end - enfin assez bons - comme ceux du 15 août, et ceux de la fin du mois, le 30 et 31 août. Nous pensons que les résultats seront encore bons mais le week-end du 21 et 22 août à été mauvais. Je vous rappelle qu'en août 2002, il y a eu 634 tués et 1 135 blessés. Si on avait encore une baisse par exemple de 19 %, celui nous amènerait autour de 500 ou 550 tués. On ne peut quand même pas parler de bon d'août, on peut parler de mois d'août moins meurtrier."
Moins mauvais ?
- "Voilà."
Est-ce qu'en Bretagne et ailleurs, les poids lourds paieront une taxe pour circuler sur les voies rapides ?
- "Vous avez vraiment la manière de poser les questions gênantes !"
C'est mon rôle !
- "Il y a une rumeur qui parcourt la Bretagne et au-delà, parce que nous observons, avec intérêt, l'expérience que font les Allemands. Les Allemands, actuellement, avec le système GPS, peuvent calculer le nombre de kilomètres parcourus sur la route, sur l'autoroute, sur des deux fois deux voies par chacun des camions et vont envoyer une taxe, une redevance due par chacun de ces camions de façon à pouvoir alimenter le système des infrastructure en Allemagne. Nous regardons cela avec intérêt, nous n'excluons pas de l'employer en France, si cela paraît intéressant, mais je vous rappelle qu'en France il y a déjà les péages sur les autoroutes. Néanmoins, il y a un avantage, c'est que l'ensemble des camions non seulement les camions français, les transporteurs français mais les transporteurs qui viennent de l'étranger, sont taxés de la même manière, alors qu'en France, ces transporteurs français subissent la concurrence d'autres camions qui ne paient même pas la taxe sur les produits pétroliers parce qu'ils font le plein avant la frontière française et refont le plein quand ils sont sortis de France. Là, il y a une discrimination entre Français et étrangers, qui, à travers le GPS, pourrait être, en partie seulement, gommée."
Donc cette taxe en 2006 ?
- "Non, cette taxe n'est pas décidée, elle est simplement observée et il y aura probablement du côté de l'Europe, des mesures qui seront encore un peu plus égalitaires entre tous les pays européens de façon à ce que la concurrence soit la plus égalitaire possible."
La privatisation des autoroutes : est-il vrai que vous y êtes peu favorable ?
- "J'y suis favorable "à condition" ; tout le monde traduit cela par "vous êtes opposé". Aujourd'hui, on a des autoroutes qui amènent au budget de l'Etat des redevances importantes. Ces redevances permettent de faire des infrastructures et de continuer le réseau autoroutier, d'aider la SNCF éventuellement de construire des canaux fluviaux, des ports, etc. Si on vend les autoroutes, on n'aura plus les redevances mais on aura un capital. Donc, il faut faire le rapport entre le capital que l'on ne recevra qu'une seule fois et les redevances que l'on reçoit chaque année. C'est la première condition à remplir. La deuxième, c'est évidemment qu'une fois que l'on a vendu des autoroutes, l'Etat reste vraiment en charge, non pas de la gestion directe qu'il n'aura plus mais en tout cas, l'autorité qui correspond à la nécessité de service public sur les deux fois deux voies et sur les autoroutes. Et la troisième [chose], c'est que les autoroutes, si elles étaient privatisées - mais on peut très bien imaginer qu'elles ne soient pas privatisées mais que l'Etat se désengage à hauteur de 49 % - n'aillent pas dans un seul groupe de travaux publics, parce qu'à ce moment-là, il y aurait confusion des genres. C'est-à-dire que celui qui aurait les autoroutes aurait intérêt à faire des marges sur les travaux réalisés et non pas à contenir les péages à un niveau raisonnable."
Vous aimez beaucoup V. Giscard d'Estaing ?
- "Tout à fait, c'est lui qui m'a donné la vocation politique."
Vous savez ce qu'il a dit ? "Nous sommes des donneurs de leçons, les Français apparaissent arrogants donnant la leçon à tout le monde, en ne respectant pas les pactes qu'ils ont passés. Tout le monde va nous rire au nez". Evidemment, il parle du traité de Maastricht et des fameux 3 % que nous dépassons allègrement.
- "Oui, et votre question, c'est ?"
Vous êtes ministre de ce Gouvernement : approuvez-vous la baisse des impôts ? Vous êtes obligé de dire "oui" puisque vous êtes ministre et solidaire.
- "J'approuve parce que je crois que c'est utile de ne pas casser le peu de croissance que nous avons dans une conjoncture très difficile pour tous les pays européens et aussi pour les Etats-Unis. Ne pas casser cette croissance et donner des signaux à tous ceux qui prennent des initiatives et qui fonctionnent bien au plan économique. Evidemment, l'objectif, c'est de rentrer vite dans les clous de façon à montrer notre totale solidarité avec les autres pays européens. Ne jouons pas sur les deux tableaux, accordons nous un tout petit peu de souplesse - je crois que c'est utile dans la conjoncture actuelle - sans faire de provocation vis-à-vis des autres pays qui sont quand même plus vertueux. La souplesse que nous sommes obligés de nous accorder aujourd'hui, reconnaissons quand même que c'est parce que dans les grandes périodes de croissance, comme les années 1999-2000-2001, l'argent qui est tombé à flot dans la caisse de l'Etat n'a pas su être conservé."
Vous dites "rentrons vite dans les clous" ?
- "Le plus vite possible sans faire d'excès de vitesse."
Question de Vincent, 35 ans, un auditeur des Hauts-de-Seine sur l'obligation de la ceinture de sécurité dans les cars, et notamment dans les cars scolaires
- "C'est obligatoire de porter sa ceinture dans les cars qui sont dotés de ceinture. C'est-à-dire que tous les cars construits depuis 1999 sont obligatoirement dotés d'une ceinture de sécurité. Là, il faut la mettre, sinon, on est en situation de contravention. Dans les cars qui n'en sont pas encore dotés, les autocaristes ont 5 ans pour se mettre aux normes."
Une dernière question : je vais être indiscret, mais je sais que vous n'allez pas me répondre, mais vous aurez raison. Etes-vous Bic jetable, blaireau à poils durs, mangez-vous des biscottes, du pain complet le matin au petit déjeuner ? Je dis ça pour faire allusion à cette fameuse émission qui aurait dû voir le jour. Etiez-vous favorable à cette émission de TF1, "36 heures" passées avec des Français ?
- "Dès l'origine, j'ai dit que je ne me sentais pas apte à faire ce type d'émission. Chacun son métier. Les gens de variété dans les variétés, ils ont du talent et c'est le leur, et puis, la politique, on peut la faire sérieusement dans se prendre forcément au sérieux, mais la faire sérieusement. Moi, je n'ai rien à cacher, mais de là à me livrer à une sorte de strip-tease publique dans des émissions de variétés, là, je crois que ça n'est pas tout à fait le rôle d'un responsable qui a seul souci de gérer et d'améliorer la société."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 8 septembre 2003)