Déclaration de M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie, sur les objectifs de la Présidence française de l'Union européenne en matière de service postal : limites de la libéralisation prévue en 2003 et introduction de la notion de services spéciaux distincts du service universel et donc libéralisables, Bruxelles, le 12 septembre 2000.

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Circonstance : Intervention devant la Commission de la politique régionale, des transports et du tourisme du Parlement européen, Bruxelles, le 12 septembre 2000

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Je vous remercie de m'accueillir aujourd'hui devant votre Commission et de me donner, ainsi, l'occasion de vous présenter les objectifs de la Présidence française dans le domaine postal. Avant que la discussion ne s'engage, je souhaite introduire notre débat par trois sujets :
L'importance que j'attache à notre dialogue ;
Les principales questions qui seront débattues au sein du Conseil ;
La méthode de travail et les objectifs de la Présidence française.
1) L'importance du dialogue entre le Parlement européen et le Conseil.
L'évolution du cadre juridique des activités postales est cruciale pour l'Union européenne ; c'est l'une des premières missions d'intérêt économique général inscrites dans le Traité de l'Union depuis Amsterdam. Sur ce fondement, le Conseil européen de Lisbonne nous a invité à débattre rapidement de la portée que nous souhaitons lui donner. Les mois à venir connaîtront donc une phase de travaux intenses, en particulier au sein de votre éminente Assemblée.
Ce lieu est doublement légitime pour une telle tâche, exigeante et difficile. D'abord parce que votre Assemblée a déjà apporté une contribution essentielle à la définition et à la mise en oeuvre d'une politique postale communautaire. Ensuite, parce que vous-mêmes, élus, connaissez particulièrement l'utilité, mais aussi les contraintes à surmonter pour assurer le service universel postal.
Les décisions qui seront prises seront évidemment déterminantes pour le développement des activités postales. Leur portée dépasse pourtant ce strict champ. En raison de l'importance du service universel postal pour l'essor économique, je pense tout particulièrement à la " nouvelle économie ", comme pour la cohésion sociale et politique de l'Union, nos choix pèseront sur l'avenir de l'Europe toute entière.
Notre responsabilité collective est donc lourde et vous me permettrez de la résumer en une formule : savoir faire vivre et adapter les principes qui ont présidé à la mise en oeuvre de la directive de 1997. Un service universel de qualité pour tous, avec des services réservés suffisants -ni trop larges, ni trop restreints- et suffisamment clairs pour assurer le financement de ces missions d'intérêt général, tel est le projet que je vous propose de mettre au coeur de la dynamique européenne en matière postale.
La directive de 1997, dont l'initiative avait été prise lors du Conseil des Ministres d'Antibes en 1989, fut adoptée après de longues négociations. Elle a été fortement influencée par les travaux et réflexions de votre Assemblée sous l'égide de M. Simpson, rapporteur, et de
M. Ferber, shadow-rapporteur. Cette directive constitue la pierre fondatrice du droit communautaire postal.
Une pierre fondatrice sur laquelle nous devons maintenant bâtir pour répondre aux attentes des citoyens européens. Quelles sont-elles ? Des règles simples, une qualité exemplaire, des prix les plus bas possibles, des services disponibles sur l'ensemble du territoire. Ce sont de ces principes, et de leurs moyens, dont je souhaite pouvoir discuter avec vous.
Pour en décider, l'association du Parlement et du Conseil, qui constituait déjà l'une des priorités de la France lors de la négociation de la première directive, prend sa pleine dimension. Le rôle du Parlement est primordial pour garantir l'obtention d'un texte équilibré, progressif, prenant réellement en compte les attentes des citoyens de l'Union, favorisant ainsi le développement économique et social du secteur et des activités qui lui sont liées. Le Parlement européen a d'ailleurs toujours été très vigilant sur ces questions. Certaines initiatives récentes en sont la preuve. Je salue d'ailleurs ici le travail engagé par Markus Ferber, rapporteur sur ce dossier. Je ne doute pas que le Parlement européen soit encore plus vigilant dans les mois qui viennent, afin de nourrir la coopération avec le Conseil dans le cadre de la procédure de co-décision. Bref, une réflexion nourrie de vos apports et débattue entre nous, pour le dire d'un trait, une réflexion démocratique ne pourra qu'être meilleure et, si j'ose dire, plus européenne.
2) J'aborderai maintenant les principales questions à débattre lors de la Présidence française.
La Commission nous a proposé le 30 mai dernier de modifier certaines dispositions de la directive du 15 décembre 1997. Je me félicite que la Commission ait été en mesure de présenter une proposition de texte, conformément à la démarche d'évolution prévue dans la première directive. Nous avons à poursuivre l'élaboration de ce cadre juridique spécifique, à le faire vivre en harmonie avec les changements économiques, technologiques, sociaux.
Le Commissaire européen Fritz Bolkestein vous a présenté cette proposition. Inutile, donc, d'y revenir par moi-même. En revanche, les deux premiers débats intervenus au sein du Groupe de travail du Conseil me permettent d'ores et déjà de tracer les contours des débats du projet Conseil. Trois sujets soulèvent des interrogations, parfois fortes, de la part d'Etats membres :
1) La première interrogation porte sur l'ampleur de la libéralisation en 2003. Il nous est proposé de faire passer le seuil de réservation applicable au plus tard le 1er janvier 1999 de 350g et 5 fois le tarif de base, à 50g et 2,5 fois le tarif de base à compter du 1er janvier 2003 - à l'exception du courrier transfrontalier sortant qui serait totalement libéralisé. Aussi le débat au sein du Conseil, et sans doute également au sein du Parlement européen, devrait-il porter sur la question de savoir si une telle étape correspond bien au mandat donné par le Conseil d'une libéralisation progressive et maîtrisée du secteur ? L'impact pour les opérateurs postaux, qui emploient 1,4 millions de personnes en Europe, doit en effet être soutenable et leur permettre de maintenir des tarifs uniques au sein de chaque Etat membre.
(2) La deuxième préoccupation concerne l'introduction de la notion de services spéciaux dans la directive. Il nous est proposé d'introduire cette nouvelle notion et d'exclure ces services du service universel, comme du service réservé. Les services spéciaux, ou encore services à valeur ajoutée, seraient, de fait, libéralisés. Cette proposition mérite d'être doublement expertisée et de manière très approfondie. Au plan juridique d'abord, par rapport à l'objectif que nous nous sommes fixés de disposer de règles "transparentes, simples et faciles à gérer". Au plan économique ensuite pour répondre à la question : quel en serait l'impact pour l'économie postale ? Elle suppose également, et avant tout, une réflexion de principe. Souhaitons-nous que les services à valeur ajoutée et innovants soient placées en dehors du service universel, ou bien constituent, au contraire, le coeur de son évolution ? A mon sens, l'amélioration du service universel et de la qualité du service rendu à ses usagers pourraient faire l'objet, comme dans le cas du service universel des télécommunications, de propositions nouvelles au sein du Conseil.
(3) Le troisième débat se rapporte à l'étape supplémentaire proposée pour 2007. Cette dernière proposition suggère au sein du Conseil deux types de réflexions : sur l'ambition affichée pour cette étape ; sur son calendrier. Parmi les positions avancées, certaines visent à une libéralisation totale dès cette échéance, d'autres l'écartent, même à un terme éloigné. En tant que Présidence, la France ne souhaite pas que ces discussions sur le calendrier retardent l'obtention d'un consensus sur l'essentiel : la façon de garantir durablement un service universel équilibré et de qualité à l'ensemble des citoyens européens.
3) La méthode de travail et les objectifs de la Présidence française
Comme je viens de le rappeler, les débats se sont déjà engagés au sein des groupes de travail du Conseil autour d'un certain nombre de questions importantes. Elles devront être traitées, d'autant plus qu'elles sont bien identifiées et en nombre limité. D'ores et déjà, la Commission européenne a entrepris, dans sa proposition et dans le rapport qui l'accompagne, un large travail que tous reconnaissent.
Dans ces conditions, l'objectif de la Présidence française est clair : faire progresser ce dossier important d'ici la fin de l'année afin d'assurer la pérennité du cadre juridique des activités postales et, ainsi, répondre au mieux aux exigences des populations.
La France a pour cela inscrit la révision du cadre juridique des activités postales aux deux Conseils télécommunications prévus sous sa Présidence, en octobre et fin décembre. Durant toute cette période, je serai à votre écoute afin que ce dossier puisse déboucher le plus rapidement possible sur un accord.
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Conforter le cadre juridique des activités postales, favoriser un développement à long terme de ce secteur primordial, non seulement en raison de son potentiel économique, mais aussi pour la cohésion sociale et politique de l'Union, est, pour la France, un moyen privilégié de faire progresser concrètement la construction d'une Union tournée vers les citoyens.
Je vous remercie de l'attention que vous m'avez accordée. Je suis maintenant à votre disposition pour engager le débat.

(source http://www.presidence-europe.fr, le 15 septembre 2000)