Déclaration de M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, sur la politique agricole et rurale - soutenir le développement économique des territoires en déclin démographique, protéger les espaces agricoles et naturels périurbains - sur la révision de la PAC, à Chambéry le 26 septembre 2003.

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Circonstance : Association nationale pour le développement de l'aménagement foncier agricole et rural à Chambéry le 26 septembre 2003

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
Je veux vous remercier d'avoir choisi de tenir votre colloque annuel en Savoie, et vous souhaite la bienvenue sur ces terres alpines.
La Savoie, vous l'avez découvert ou redécouvert hier, est une terre de contraste où la rigueur du climat et les difficultés du relief nous ont habitué à l'effort.
Terre de passage, elle fut aussi un lieu d'exode jusqu'à ce que l'industrie liée au développement de l'hydroélectricité, puis le tourisme, permettent de fixer les populations.
Mais il n'y a pas de remède miracle, de solution unique. La Savoie a progressé parce qu'elle a su s'en donner les moyens, parce que les initiatives s'y sont développées, parce que les mots se sont traduits en acte, à force de volonté partagée et de ténacité collective.
Ici comme ailleurs, la diversité de notre territoire est une force, une chance même, qui nous impose d'en compenser les handicaps et d'en valoriser les atouts.
Le développement des territoires ruraux repose largement sur les initiatives des hommes et des femmes qui y vivent et y travaillent, des entreprises qui y sont implantées et des collectivités qui les administrent.
Garant de la cohésion nationale et de l'équité territoriale, l'Etat, de son côté, doit veiller à en préserver la diversité, à participer à leur valorisation économique, sociale et environnementale, et à définir les principes de leur développement durable.
Ces exigences ne sont pas véritablement nouvelles. Pourtant, malgré le renouveau démographique et économique d'une partie de la ruralité, force est de constater que les déséquilibres territoriaux se sont accentués dans bien des zones rurales au cours de la période récente. La déprise de zones isolées comme le déséquilibre de nombreux espaces périurbains en sont des exemples que vous connaissez bien.
Alors que la politique d'aménagement du territoire a été trop longtemps tournée vers les seules zones urbaines, le Gouvernement a voulu engager une nouvelle dynamique au profit des territoires ruraux. Il a fait ainsi écho au souhait du Président de la République, exprimé le 13 avril 2002, à l'occasion d'un discours prononcé à Ussel, de conforter le développement économique de nos territoires ruraux.
Pour mettre en oeuvre une politique forte et lisible dans ce domaine, la décision a été prise de faire du Ministère de l'Agriculture un département en charge des affaires rurales, et de lui confier la préparation d'un projet de loi visant précisément à conforter leur développement.
Pour l'élaboration de ce texte, j'ai reçu, les représentants des grandes associations d'élus locaux, l'ensemble des organisations professionnelles agricoles et la plupart des organisations professionnelles impliquées dans l'activité économique du monde rural.
Le 3 septembre dernier, j'ai eu l'honneur de présenter ce projet de loi en Conseil des ministres. Dans les heures qui ont suivi, un Comité Interministériel d'Aménagement et de Développement du Territoire, entièrement consacré au monde rural et présidé par le Premier ministre, Jean Pierre RAFFARIN, a décidé un certain nombre de mesures complémentaires.
Car le Gouvernement ne voulait pas seulement proposer un nouveau texte à l'examen des élus du Parlement ; il avait surtout la volonté de préparer un véritable " bouquet rural ", mobilisant plusieurs départements ministériels, pour restaurer la confiance et préparer l'avenir.
Favoriser le développement économique des territoires en déclin démographique, protéger les espaces agricoles et naturels périurbains, améliorer l'attractivité des territoires, assurer l'égalité d'accès aux services aux publics, protéger certains espaces spécifiques ou sensibles, favoriser une pratique équilibrée de la chasse, prendre en compte les problèmes spécifiques des zones de montagnes et adapter les établissements publics appelés à intervenir en milieu rural, tels sont les objectifs poursuivis par le projet de loi.
Je ne vais pas me livrer aujourd'hui à un exposé exhaustif des différentes dispositions de ce texte, d'autant que nombre d'entre vous en ont déjà connaissance.
Je reviendrai cependant sur quelques-unes unes des dispositions les plus significatives de la volonté du Gouvernement en ce domaine.
Conforter le développement économique des territoires en déclin démographique demeure indispensable alors que de nombreuses communes continuent à se vider de leurs habitants et de leurs activités. Il faut aujourd'hui faire en sorte que la solidarité nationale s'y exerce de façon plus efficace et lisible. A cet égard, le projet de loi propose d'aménager le dispositif des Zones de Revitalisation Rurale (ZRR), et en particulier d'en actualiser les zonages en prenant en compte les intercommunalités à fiscalité propre. Le texte prévoit des dispositions fiscales et financières et des mesures d'allégement de procédures dans les domaines des activités agricoles et touristiques. Le texte encourage, d'autre part, la mutualisation de l'emploi entre les différents employeurs, la pluriactivité, la formation professionnelle.
Face à la poursuite de l'étalement urbain, nous devons également protéger les espaces agricoles et naturels périurbains. Pour cela, le projet de loi permet aux régions qui le souhaiteront de créer, en accord avec les communes et intercommunalités, des périmètres de protection et d'aménagement de ces espaces. Les régions y disposeront d'un droit de préemption, afin d'assurer une surveillance foncière et de maintenir des prix des sols compatibles avec l'activité agricole.
Parce qu'une concurrence existe entre tous les territoires, nous devons, par ailleurs, améliorer l'attractivité économique des territoires ruraux. Un ensemble de dispositions vise, d'une part, à augmenter l'offre de logements, en favorisant la rénovation du patrimoine bâti et en facilitant l'essor de l'habitat locatif dans les ZRR. Il renouvelle, d'autre part, le dispositif de l'aménagement foncier, pour le simplifier et en faire un outil mieux adapté à la préservation de l'environnement et à l'approfondissement - voulu par le Gouvernement - de la décentralisation.
Nous devons aussi garantir l'égalité d'accès aux services au public, car elle est essentielle à la qualité du cadre de vie et à l'équité territoriale. Le projet de loi adapte le régime juridique des " Maisons de service public " de façon à y accueillir des services privés, dans le respect des règles de la concurrence. L'installation des professionnels de santé en milieu rural est également encouragée. Les aides des diverses collectivités territoriales aux professions médicales seront mieux coordonnées, pour favoriser l'exercice en cabinet de groupe et la constitution de pôles de soins. Des facilités sont également prévues pour favoriser l'installation de vétérinaires ruraux.
Afin de préserver certains espaces spécifiques ou sensibles, le projet de loi introduit, d'abord, des incitations fiscales en faveur de la restructuration et d'une gestion durable des forêts privées. Certaines dispositions existantes sont également aménagées pour encourager les pratiques pastorales remplissant des fonctions économiques et environnementales, telles que la lutte contre l'embroussaillement. Par ailleurs, une fiscalité adaptée et des programmes d'actions spécifiques devraient permettre une meilleure reconnaissance des zones humides comme patrimoine naturel et facteur de régularisation de l'écoulement des eaux.
Afin de valoriser la chasse dans le respect d'un équilibre avec l'agriculture et la forêt, le projet de loi comporte plusieurs dispositions répondant à l'accroissement des populations de grands gibiers - cause de dégâts croissants - et au déclin des populations des petits gibiers de plaine. Le texte prévoit une meilleure couverture des dépenses de protection contre les dégâts de gibier et une meilleure organisation de la lutte contre sa prolifération.
Afin de prendre en compte les problèmes spécifiques de zones de montagne, le projet de loi actualise la loi de 1985 relative au développement et à la protection de la montagne, pour tenir compte notamment de la décentralisation et de la diversité des territoires de montagne et pour permettre un meilleur équilibre entre leur protection et leur développement. Il prévoit notamment de favoriser la coordination des structures administratives concernées par la gestion d'un même massif montagneux.
Enfin, les capacités d'intervention des établissements publics partenaires des territoires ruraux et, au premier chef, des Chambres d'Agriculture et des établissements d'enseignement agricole, seront renforcées.
A travers ce projet de loi, le Gouvernement a cherché à lever un certain nombre de freins au développement des territoires ruraux, de façon à libérer les énergies et les initiatives de leurs acteurs, tout en apportant la solidarité de la Nation aux territoires les plus fragiles et en privilégiant leur développement durable.
Au-delà de ces dispositions à caractère législatif, le Premier ministre, Jean-Pierre RAFFARIN, a voulu - je vous l'ai dit - compléter la mobilisation du Gouvernement en faveur des territoires ruraux par un certain nombre de mesures et d'orientations arrêtées à l'occasion du CIADT.
Je me contenterai ici de n'en mentionner que deux :
- La première intéresse le département de la Savoie qui nous accueille aujourd'hui, puisqu'il s'agit du lancement, dans ce département, d'une expérience pilote, décidée en décembre dernier, pour mieux répondre aux besoins des habitants du monde rural en matière de service public.
- La seconde touche aux questions européennes que vous avez évoquées durant ce colloque. A l'occasion du CIADT, le Premier ministre a précisé les objectifs qui devront guider la mise en uvre de la réforme de la PAC et l'optimisation des mesures de son deuxième pilier : répondre à la situation économique des agriculteurs et aux attentes des citoyens à l'égard de l'agriculture, et maintenir l'équilibre et la vitalité des territoires.
Le Gouvernement a indiqué notamment sa volonté d'éviter les risques de déprise agricole, en maintenant un couplage partiel des aides, et d'adapter la politique d'installation des jeunes agriculteurs aux nouvelles possibilités ouvertes au niveau européen.
Je souhaiterais, à cet égard, vous dire quelques mots de l'évolution récente et des perspectives des politiques européennes de développement rural.
Mon attention a d'abord porté sur la mise en oeuvre des programmes adoptés pour la période 2000-2006 et sur l'utilisation des fonds européens mis à notre disposition.
J'ai souhaité, tout d'abord, adapter un certain nombre de mesures inscrites dans le Plan de Développement Rural National (PDRN). Le Contrat d'Agriculture Durable (CAD) a pris la suite du Contrat Territorial d'Exploitation (CTE). La Prime Herbagère Agro-Environnementale (PHAE), qui a pris la suite de l'ancienne " prime à l'herbe ", vise à mieux préserver les prairies et à maintenir l'ouverture des espaces à gestion extensive. La revalorisation des Indemnités Compensatoires d'Handicap Naturel (ICHN) permet une meilleure prise en compte de la différenciation des territoires. Ces diverses mesures, complémentaires notamment à la contractualisation croissante des mesures agri-environnementales, se traduisent en 2003 par une situation de forte consommation de notre dotation annuelle de FEOGA-Garantie. Après trois années de sous-consommation, celle-ci devrait s'amplifier jusqu'au terme du programme en 2006.
Elle justifie également la mobilisation pendant les trois prochaines années des 215 millions d'euros retirés de la modulation facultative appliquée en 2000 et 2001, pour assurer, en particulier, le financement de la PHAE.
Afin de soutenir la multisectorialité du développement rural, autre dimension indispensable pour un monde rural vivant, la France a choisi de mobiliser une partie de la dotation du FEOGA-Garantie sur les programmes des zones d'objectif 2 confrontées à des difficultés structurelles, de façon à bien articuler le 2ème pilier de la PAC avec les concours du FEDER et du FSE intervenant au titre de la politique de cohésion économique et sociale. Afin d'améliorer la mise en oeuvre de ces programmes européens en région, j'ai arrêté, cet été, un certain nombre de mesures de simplification, qui replacent le porteur de projet au centre du dispositif. Ces mesures se traduiront également par une mobilisation croissante des dotations régionales de FEOGA-Garantie, en sus des aides publiques des collectivités territoriales.
Je n'oublie pas enfin les 140 groupes d'action locale (GAL) sélectionnés à la suite d'un appel à projet unique. Ils traduisent toute l'importance du développement local en milieu rural et mettent en oeuvre les expérimentations poursuivies dans le cadre de l'initiative Leader + soutenue par le FEOGA-Orientation. La dimension contractuelle et territoriale des projets concernés mérite un examen attentif dans le cadre des aménagements des futurs programmes.
L'accord de Luxembourg du 26 juin dernier, dont la mise en oeuvre sera précisée lors du prochain Conseil des ministres européens de l'Agriculture lundi prochain, élargit le périmètre du Règlement de développement rural et renforce ses moyens, par la mise en place de la modulation obligatoire des aides du 1er pilier à compter de 2005.
Le nouveau règlement nous permet d'envisager une gamme élargie de soutiens cofinancés, notamment en matière d'aides à la mise aux normes introduites par la législation communautaire, pour mieux prendre en compte le bien-être animal, la sécurité et la qualité des aliments, le recours aux services de conseil agricole, sans oublier les encouragements supplémentaires à l'installation des jeunes agriculteurs. Le relèvement des taux de cofinancement des mesures agri-environnementales doit contribuer à une meilleure promotion de l'environnement. L'introduction d'un soutien à la gestion des stratégies intégrées de développement rural par des partenariats locaux doit faciliter, quant à lui, la prise en compte de la démarche soutenue par Leader +.
Leur financement peut être en principe assuré par la modulation obligatoire, qui viendra abonder l'enveloppe de développement rural à partir de 2006. Toutefois, compte-tenu des engagements que j'ai déjà pris en ce qui concerne l'extension d'aides existantes comme la poursuite de l'augmentation des ICHN ou l'extension de la mesure agroenvironnementale rotationnelle, les possibilités de mesures nouvelles seront hélas très limitées.
Les marges de manoeuvre seront plus grandes après 2006, parce qu'il sera alors possible de revoir la programmation du développement rural.
Les réflexions se poursuivent sur la prochaine période de programmation 2007-2013. Votre colloque témoigne de tout l'intérêt que nous devrons lui porter à sa préparation. L'Union Européenne doit, en effet, apporter un cadre et un appui financier au développement rural. Celui-ci repose actuellement sur trois dispositifs :
- le développement rural soutenu par le FEOGA ou deuxième pilier de la PAC ;
- le développement des zones rurales fragiles des objectifs 1 et 2 soutenu par l'ensemble des fonds structurels, y compris le FEDER et le FSE, dans le cadre de la politique de cohésion ;
- et le développement local en milieu rural, objet de l'initiative Leader soutenue par le FEOGA-Orientation.
Outre la visibilité, la mise en uvre à l'échelon de l'Union Européenne et la cohérence entre les deux piliers de la PAC, il est essentiel que nous approfondissions l'implication de la PAC et de la politique de cohésion dans les politiques de développement rural.
La France doit mieux prendre en compte la répartition des compétences en matière de développement rural et les évolutions des démarches contractuelles et territoriales. Cela doit se traduire par une plus forte implication des collectivités territoriales et notamment des Régions.
Le renforcement indispensable des soutiens doit s'accompagner d'une mise en oeuvre plus efficace, et donc de leur simplification. Il y a un an, j'avais introduit, à ce sujet, un mémorandum dans le cadre de la révision à mi-parcours de la PAC. Depuis, la Commission s'est engagée à faire des propositions en vue de la future période de programmation. Nous devrons, à cette occasion, adapter le FEOGA-Garantie à la diversité des mesures de développement rural et au poids des contrôles.
Sans attendre, j'ai déjà demandé de simplifier la mise en oeuvre des mesures programmées dans le Plan de Développement Rural National. Cela doit se traduire par des demandes de révision au titre de l'année 2003.
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
" Notre espace rural mérite une véritable ambition. Il est de plus en plus perçu par les Français comme une richesse, comme un facteur d'équilibre social et comme un lieu d'épanouissement ", déclarait le Président de la République à Ussel, le 13 avril 2003.
En concevant un projet de loi complété par des mesures approuvées en CIADT, le Gouvernement a élaboré un " bouquet " de mesures au service de l'espace rural.
Par la voie de votre Président, l'ANDAFAR a contribué à ce travail, et je veux vous en remercier.
Le chemin continue, nous devons poursuivre notre travail et, je sais, demain comme hier, pouvoir encore compter sur votre éclairage et vos propositions.
Je vous remercie.
(Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 6 octobre 2003)