Déclaration de Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer, sur le projet de budget 2004 pour l'outre-mer, au Sénat le 18 novembre 2003.

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Circonstance : Présentation du budget 2004 pour l'outtre-mer au Sénat le 18 novembre 2003

Texte intégral

Monsieur le Président,
Messieurs les rapporteurs,
Mesdames et messieurs les sénateurs,
Le projet de budget du ministère de l'outre-mer qui est soumis à l'examen de votre commission s'élève à 1,121 milliard d'euros, en progression de 3,4% par rapport au projet de budget pour 2003. J'ai eu l'occasion de développer longuement devant la commission des affaires sociales les actions que je comptais mener en 2004 dans les domaines de l'emploi et du logement social. Aussi, avec votre accord, je n'évoquerai que plus sommairement ces deux points pour insister devant votre commission sur d'autres points et notamment ceux relatifs aux collectivités territoriales outre-mer et à la modernisation financière du ministère.
Au sein des 1,121 milliard d'euros de crédits pour 2004, les actions en faveur de l'emploi, de la formation et de l'insertion professionnelles constituent la priorité budgétaire du ministère et regroupent, à elles seules, 42 % des moyens budgétaires du ministère. Les moyens pour l'emploi, ainsi que vous le savez, sont regroupés dans le FEDOM et s'élèvent à 477,13 M soit une légère progression par rapport à celle de l'année dernière (+ 114 000 ). Ce niveau de crédits permet de mettre en uvre la politique que je souhaite conduire en matière d'emploi et de l'orienter vers le secteur marchand. L'an dernier, je vous avais expliqué que le projet de budget pour 2003 commençait à initier une réorientation du FEDOM vers l'emploi durable. Celle-ci sera fortement accentuée au travers des contrats d'accès à l'emploi qui progresseront de manière significative, plus de 20%, en 2004. Cette place importante accordée aux CAE résulte de la mise en uvre de la loi programme pour l'outre-mer dont les mesures d'aides directes à l'emploi sont financées par mon budget.
De même, le budget du ministère financera à compter de 2004 les nouvelles mesures en faveur des jeunes votées dans la loi-programme, qu'il s'agisse des jeunes diplômés, des jeunes de Mayotte ou de Wallis-et-Futuna. Vous connaissez tous la place importante des jeunes dans la structure de la population et leur place dans l'avenir des sociétés ultramarines. Il y a donc là un effort du Gouvernement que je tenais à souligner.
J'attire en outre votre attention sur le fait que cette orientation vers l'emploi durable dans les entreprises se réalisera sans rupture brutale avec le dispositif existant des emplois aidés puisque le niveau des contrats emploi solidarité, des contrats emploi consolidé et des contrats d'insertion par l'activité sera maintenu au niveau de celui exécuté en 2003. En effet, le dynamisme démographique particulier de l'outre-mer, malgré un niveau élevé de créations d'emplois nécessite, au nom du pragmatisme, le maintien d'un volume d'emplois aidés supérieur à celui que l'on rencontre en métropole.
Je voudrais ici dire quelques mots sur l'action du Gouvernement dans le domaine de la lutte contre l'immigration clandestine. L'afflux massif d'immigrants clandestins pose à certaines collectivités d'outre-mer, notamment à Mayotte et en Guyane, d'importantes difficultés économiques et sociales qui rendent indispensables d'accompagner la politique en faveur de l'emploi par une action déterminée contre l'immigration clandestine. C'est pourquoi un renforcement du plan de lutte contre l'immigration clandestine à été arrêté se traduisant par la titularisation de 149 policiers mahorais, l'augmentation des services de la Police de l'Air et des Frontières et par la mise en place de deux vedettes dont la première arrivera à Mayotte au début de l'année 2004.
Pour compléter ce dispositif, le ministère de l'outre-mer financera en 2004 la mise en place d'un radar pour assurer en coopération étroite avec le ministère de l'intérieur et celui de la défense une surveillance efficace du lagon mahorais pour lutter contre l'immigration clandestine par voie maritime. Je vous précise qu'au cours du premier semestre 2003, les reconduites à la frontière ont augmenté de plus 30 %.
Ces mesures s'ajoutent à celles déjà mises en place à Saint-Martin et en Guyane, deux collectivités qui connaissent une situation analogue. En Guyane, un escadron complet est affecté en permanence à la lutte contre l'orpaillage illégal et donc contre l'immigration clandestine.
Deuxième poste de dépenses du budget du ministère, le logement constitue toujours un volet essentiel de l'action du ministère. Avec 287,5 M d'autorisations de programme et 173 M de crédits de paiement, cette dotation représente à elle seule plus des deux tiers des crédits d'investissement du ministère. Mon objectif est que l'offre de logements réponde aux besoins liés à la croissance démographique et permette de lutter efficacement contre l'exclusion sociale et la précarité grâce à un effort soutenu de résorption de l'habitat insalubre.
Cet effort budgétaire est par ailleurs complété par des mesures visant à faciliter les actions entreprises en faveur de la construction de logements sociaux et de l' accession sociale et très sociale outre-mer. Je voudrais citer, à titre d'exemples, la relance de la défiscalisation des logements, l'abaissement de la TVA sur les logements évolutifs sociaux ou encore le dispositif d'exonération de taxe foncière dans les opérations de réhabilitation. A cela, je me permets de vous rappeler que les règles régissant les prêts à l'accession sociale dans les DOM viennent d'être modernisées afin de favoriser l'accession à la propriété, élément de dignité pour tous nos compatriotes ultramarins.
Les engagements et efforts de l'Etat en matière de logement sont donc respectés et poursuivis.
Je terminerai cette présentation rapide des aspects sociaux de mon budget en appelant votre attention sur une mesure nouvelle, très attendue, celle concernant la couverture maladie universelle. Vous le savez, le Premier ministre a annoncé, lors de son déplacement à La Réunion en janvier 2003, le relèvement du plafond d'éligibilité de la CMU complémentaire.
Il s'agit, au travers d'un dispositif spécifique à l'outre-mer, de permettre aux personnes les plus démunies parmi les bénéficiaires du minimum vieillesse et de l'allocation aux adultes handicapés ne disposant pas d'autres ressources que leur allocation, d'avoir droit à la protection complémentaire en matière de santé.
Cette prise en charge se traduit par la création d'un chapitre budgétaire nouveau sur lequel est inscrit un crédit de 50 M.
Concernant les collectivités territoriales, le projet de budget pour 2004 se traduit une accentuation du soutien financier du ministère dont le montant s'élève à 116 M, soit une progression de 7 % par rapport à 2003. C'est une responsabilité de l'Etat de compenser les déséquilibres structurels que subissent certaines collectivités d'outre-mer ou de financer le transfert de compétences. Les crédits 2004 permettront de participer au financement des dessertes à Wallis et Futuna et à Saint-Pierre et Miquelon, d'augmenter les dotations globales en faveur de la Nouvelle-Calédonie et de financer des besoins nouveaux à Mayotte.
Cet effort financier de l'Etat s'ajoute aux contrats de plan et de développement en cours ainsi qu'aux deux conventions de développement signées l'an dernier pour Mayotte et pour Wallis et Futuna conformément aux engagements du Président de la République. Je précise qu'aux crédits inscrits sur le budget du ministère cette année, soit 20 M pour Mayotte et 2,5 M pour Wallis et Futuna, et reconduits en 2004, vont s'ajouter les crédits des autres ministères participant à ces conventions.
Vous le savez, le soutien aux collectivités d'outre-mer ne se limite pas aux seuls crédits inscrits sur le budget de l'outre-mer puisque la plupart des concours financiers de l'Etat sont intégrés dans le budget du ministère de l'Intérieur et des Libertés locales.
Toutefois, parce que les collectivités territoriales sont des acteurs importants du développement économique et social de l'outre-mer, j'ai souhaité que la loi programme du 21 juillet 2003 contienne des dispositions concernant directement les finances des collectivités territoriales. Il y en a trois. La première disposition permet aux équipements structurants, comme par exemple les stations d'épuration ou les unités de dessalement, de bénéficier du nouveau dispositif de défiscalisation lorsque ces équipements sont concédés. Je profite d'ailleurs de cette occasion pour vous informer que la Commission européenne vient il y a quelques jours d'agréer ce nouveau dispositif de défiscalisation pour l'outre-mer et ce, un peu moins de quatre mois après le vote de la loi programme, ce qui est un délai extrêmement court qui doit être souligné. Les décrets vont d'ailleurs être transmis, dans les tous prochains jours, aux collectivités d'outre-mer afin de recueillir leur avis et faire en sorte que ce dispositif soit applicable selon les échéances fixées. L'imputation de cette dépense ne se fait pas sur le budget de l'outre-mer ainsi que vous le savez mais sur celui du ministère de l'économie et des finances dans le cadre général des enveloppes de défiscalisation.
La deuxième mesure de la loi programme a pour objet le renforcement des capacités financières des collectivités territoriales. Ainsi que vous le savez, une faible part du potentiel fiscal est, outre-mer, mobilisé. Il s'agit ici d'une particularité ultramarine qu'il me paraît urgent de prendre en compte si l'on veut asseoir durablement les finances de ces collectivités. C'est pourquoi l'article 48 de la loi programme a créé une dotation exceptionnelle de 5 M qui de 2004 à 2008 aidera les communes à mettre en place ou à achever les opérations de premier adressage en prenant en charge la moitié des dépenses occasionnées. Mon souci est d'aider les communes à consolider leurs bases fiscales en poursuivant deux objectifs d'intérêt général : le respect du principe d'égalité entre les contribuables et le souci d'éviter l'accroissement permanent du taux d'imposition face à des charges en progression. Cette dotation est financée sur le budget du ministère de l'outre-mer.
La troisième disposition de la loi programme enfin concerne l'évolution des dotations financières de l'Etat. Si cette disposition n'a pas d'incidences financières immédiates, elle repose cependant sur une conviction selon laquelle la recherche de l'égalité économique de l'outre-mer passe par la reconnaissance de la diversité de situation de ces collectivités et par la nécessité de mettre en uvre des dispositions qui tiennent compte de leurs caractères propres.
C'est pourquoi, la loi programme pose dans son article 47 le principe de règles particulières, mieux adaptées à l'outre-mer. Un travail de réflexion s'est engagé sur les critères et sur les modes de calcul des concours financiers de l'Etat outre-mer. Il s'agit pour moi non seulement de rendre la dépense publique plus efficiente mais aussi de donner un sens concret à la République des proximités que le Premier ministre a appelé de ses vux.
Cet impératif fixé ainsi par la loi sera mis en uvre dans le cadre du projet de loi que prépare mon collègue Patrick DEVEDJIAN pour fixer les règles nouvelles concernant les dotations aux collectivités locales d'outre-mer.
Enfin, je rappelle que le ministère soutient les actions de coopération régionale en inscrivant dans son budget une enveloppe de 3,5 M pour financer les actions décidées dans le cadre des fonds de coopération régionale des quatre DOM et de Mayotte. De même, en 2004, le ministère de l'outre-mer finance à hauteur de 530 000 le doublement de la dotation du fonds Pacifique souhaitée par le Président de la République et annoncée lors de son déplacement en Polynésie.
Je voudrais enfin évoquer la modernisation de la gestion financière du ministère de l'outre-mer. L'an dernier devant votre commission, j'exposais mon intention de combler le retard de modernité dont souffrait le ministère et ma volonté de faire en sorte que l'outre-mer participe activement aux efforts de modernisation de la gestion des crédits publics et s'inscrive pleinement dans les orientations de la réforme de l'Etat.
Dans ce cadre et parce qu'ils sont au cur des priorités du ministère, les crédits pour l'emploi feront l'objet d'une expérimentation en Martinique dans le cadre des actions de modernisation de la gestion financière de l'Etat (la LOLF). Cette expérimentation, qui a vocation par la suite à être étendue aux autres DOM, consiste à globaliser les crédits et les mesures pour l'emploi alloués à ce département pour mener une politique de l'emploi dynamique et au plus près du terrain. Des objectifs précis seront fixés au préfet et au directeur du travail en matière de diminution du taux de chômage et d'amélioration de l'insertion des publics prioritaires que sont les jeunes, les chômeurs de longue durée et les bénéficiaires du RMI. Il s'agira, au travers de cette expérimentation, de passer un contrat d'objectifs visant à faire diminuer le chômage outre-mer et à optimiser l'utilisation des crédits.
Par ailleurs, des résultats tangibles ont été acquis pour améliorer la consommation et le suivi des crédits budgétaires et des actions ont été entreprises pour renforcer le rôle interministériel du ministère de l'outre-mer. A titre d'exemple, j'ai convoqué, pour la première fois depuis de longues années, la commission interministérielle de coordination des investissements de l'Etat outre-mer en février et en mars 2003 pour préparer avec les autres ministères la programmation de leurs investissements et veiller ainsi à la cohérence de l'action de l'Etat comme au respect de certains axes prioritaires.
Pour 2004, l'effort de modernisation financière sera principalement orienté vers les crédits destinés au logement et à l'habitat insalubre. Améliorer la gestion consiste tout d'abord à faire évoluer les méthodes de travail afin de les rendre plus efficaces, au plus près du terrain. C'est pourquoi, j'ai demandé qu'un tableau de bord soit mis en place pour me permettre de suivre régulièrement les résultats de chaque DOM. J'ajoute que les directeurs départementaux de l'équipement (DDE) en liaison avec le ministère de l'Equipement, sont désormais régulièrement invités au ministère pour faire le point de leurs éventuelles difficultés et des résultats qu'ils obtiennent.
En complément, j'ai souhaité qu'un effort particulier soit porté sur la simplification des procédures et sur la prise en compte des problèmes fonciers. J'ai lancé ainsi la chasse aux procédures et aux documents inutiles et fait conduire dans ce sens des expérimentations. A titre d'exemples, je vous citerai la mise en place d'un guichet unique en Guadeloupe afin de faciliter les démarches des opérateurs, ou l'allègement des dossiers par suppression de pièces redondantes qui a été réalisé en Martinique. Ces évolutions seront généralisées dans les autres DOM.
Mon objectif est simple : dynamiser la ressource budgétaire du ministère avec cette conviction qu'un bon budget n'est pas un budget qui augmente systématiquement dans des proportions importantes ; c'est d'abord un budget qui optimise les ressources pour faire plus et mieux.
En 2004, nous poursuivrons nos actions de déconcentration de certains crédits inutilement gérés au niveau de l'administration centrale notamment au niveau des crédits de la RHI qui seront totalement déconcentrés en 2004.
Je souhaite donc rompre avec ces pratiques où Paris décide de tout et inscrire mon budget dans une démarche pragmatique, au plus près des attentes de nos compatriotes d'outre-mer.
Pour conclure, je rappellerai deux points.
En une année, le Gouvernement aura concrétisé tous les engagements du Président de la République. Les décrets d'application de la loi programme sont prêts et mon objectif est qu'ils soient publiés rapidement, de façon à ce que tout le dispositif de la loi programme soit opérationnel, au plus tard début 2004.
Le second point que je voudrais relever est celui de l'action très interministérielle du ministère de l'Outre-Mer. Parce que les moyens de mon ministère ne représentent qu'une petite part de l'action de l'Etat outre-mer, environ 11 %, je m'emploie auprès de mes autres collègues du Gouvernement à ce qu'ils mettent en place les financements et les moyens propres à satisfaire les besoins de l'outre-mer qui relèvent de leur compétence et veille à la cohérence de l'action de l'Etat pour garantir un développement économique et social durable de l'outre-mer.
Sachez que je compte inscrire cette forte particularité dans les travaux en cours sur la LOLF et dans l'action réformatrice que je conduis pour centrer l'action du ministère sur sa valeur ajoutée et asseoir sa vocation interministérielle.
Je vous remercie de votre attention.
(Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 19 novembre 2003)