Texte intégral
- Je suis particulièrement heureux d'être présent parmi vous aujourd'hui pour conclure cette journée dont le Conseil des Communes et régions d'Europe a pris l'heureuse initiative à l'occasion du 50è anniversaire de la Charte européenne des libertés communales.
Je veux remercier pour cette initiative le président Valéry GISCARD d'ESTAING, dont chacun connaît l'engagement européen qu'il a encore mis tout récemment avec talent et efficacité au service de la Convention européenne qu'il a présidée.
Je veux aussi remercier pour leur soutien à ce séminaire la ville de Versailles et son maire Etienne PINTE qui nous accueillent, l'AFCCRE et son président Louis LE PENSEC, ainsi que le Comité des Régions et le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux d'Europe, dont je salue les représentants. Je veux également saluer les nombreuses personnalités d'Etats européens qui ont fait le déplacement, témoignant ainsi une nouvelle fois que l'autonomie locale est une question partagée par nos différents Etats.
- A l'heure où le développement des responsabilités locales constitue l'une de ses priorités, il était naturel que le Gouvernement s'associe à ce séminaire qui vous a permis tout à la fois de faire le point sur l'actualité des principes de la Charte de Versailles, les acquis de la Charte du Conseil de l'Europe et les progrès envisagés dans le cadre de la future Constitution européenne mais aussi de vous interroger sur les perspectives du concept de l'autonomie locale.
- Je voudrais, pour conclure vos travaux, vous exposer à mon tour mon sentiment sur la place que revêt désormais l'autonomie locale dans le contexte européen avant de souligner sa portée dans l'organisation institutionnelle de la France, plus particulièrement dans le cadre des réformes en cours qui visent à promouvoir de manière énergique les responsabilités locales.
I Tout d'abord, je veux souligner que le concept d'autonomie locale est désormais parfaitement inscrit dans le paysage européen, ce dont il faut se féliciter
1. La Charte de Versailles a joué un rôle précurseur
- Les auteurs de la Charte de Versailles ont eu en 1953 un rôle précurseur et je salue le rôle qu'ont joué dans son adoption des personnalités éminentes comme Jean-Jacques CHABAN-DELMAS et Paul-Henri SPAAK. En relisant le texte, on mesure à quel point les principes qu'il énonce demeurent d'une très grande force et d'une très grande actualité.
- Dès son Préambule, la Charte de Versailles affirme que les communes d'Europe sont "unies à travers les frontières au sein du Conseil des communes et régions d'Europe", et qu'elles "sont résolues à construire dans l'intérêt de tous, une Europe libre et pacifique." Il faut voir dans ce message de paix la marque d'une Europe s'enracinant dans les cellules de base de nos démocraties que sont les communes. Il doit être médité à l'heure où nos Etats sont engagés dans un approfondissement de l'intégration européenne.
- Les auteurs de la Charte de Versailles avaient aussi eu l'intuition que pour assurer à tous les libertés fondamentales il fallait commencer par assurer une décentralisation effective dans chacun des pays. Ils avaient ainsi mis en évidence le lien indissociable entre les libertés locales et les libertés des citoyens, parce que les libertés locales "ne peuvent exister qu'à la condition que les peuples aient la ferme volonté de s'administrer eux-mêmes et de sauvegarder ces libertés à l'encontre de tout principe totalitaire", comme le dit la Charte elle-même. Celle-ci affirme les droits de la commune d'échapper à toute tutelle d'échelon de niveau supérieur mais aussi les droits du citoyen dans la commune elle-même.
- La Charte de Versailles ne s'est pas bornée à énoncer des principes, elle a aussi pris le soin de prévoir la manière dont ils devaient être garantis. Parmi ces différentes garanties, je relève en particulier la place reconnue à la norme constitutionnelle pour définir les libertés locales. Permettez-moi de vous dire qu'en réformant la Constitution par la loi du 28 mars 2003, le Congrès du Parlement français a suivi cette sage recommandation.
- Les auteurs de la Charte de Versailles avaient aussi parfaitement perçu que les libertés locales passent par l'autonomie financière. Ils avaient en conséquence affirmé que les fonctions locales devaient être en priorité financées par "des impositions assises sur des sources propres." Permettez-moi, là encore, de trouver une traduction très concrète de ce principe dans la loi constitutionnelle du 28 mars 2003. L'autonomie devaient aussi, à leurs yeux, concerner, dans le cadre des dispositions légales, plusieurs aspects de la gestion des personnels comme le recrutement ou l'avancement. Ici aussi, il faut saluer la justesse de l'analyse.
- Il faut également relever dans la Charte la volonté, exprimée en France par la loi du 2 mars 1982, que "seule la conformité des actes des collectivités locales avec la loi soit soumise au contrôle administratif."
2. La Charte du Conseil de l'Europe a par la suite donné une pleine consécration à l'autonomie locale
- Tous ces principes inscrits dans la Charte européenne des libertés communales ont inspiré la démarche qui a abouti à la signature, en 1985, au sein du Conseil de l'Europe, de la Charte européenne de l'autonomie locale. Il est particulièrement remarquable que les Etats membres du Conseil de l'Europe soient parvenus ensemble, au prix de concessions réciproques, à établir un corpus de principes devant régir les pouvoirs locaux et assurer leur libre administration au sein de chacun des Etats.
- Je crois qu'il n'est pas excessif de dire que cette Charte de 1985 a constitué un instrument efficace pour promouvoir la démocratie en Europe, en particulier dans les Etats qui ont subi pendant de trop longues années le joug de l'oppression totalitaire. Le concept d'autonomie locale a ainsi pu rayonner et servir d'aiguillon au renouveau démocratique. Je veux à cet égard saluer le rôle efficace du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux d'Europe dans la diffusion des valeurs inscrites dans la Charte.
3. Le projet de Constitution européenne représente une nouvelle étape importante dans l'affirmation de l'autonomie locale
- Le texte issu des travaux de la Convention présidée par Valéry GISCARD d'ESTAING représente une nouvelle avancée dans l'affirmation de l'autonomie locale qui est expressément reconnue par l'article 5.1 du projet.
- La nouvelle définition de la subsidiarité à l'article 9 du projet évoque le niveau local. Je veux également souligner que le projet de Constitution renforce l'obligation pour les institutions communautaires, et en tout premier lieu la Commission, de consulter largement sur les conséquences au niveau local des textes qu'elles élaborent.
- La France a soutenu cette affirmation de l'autonomie locale, tout en veillant bien sûr à préserver la liberté fondamentale des Etats membres pour définir leur organisation institutionnelle. La France a notamment plaidé pour un renforcement du rôle du Comité des régions dont je veux saluer la place originale au sein de l'Union européenne pour faire entendre la voix des collectivités locales. Comme sur les autres sujets, le projet de Constitution arrêté par la Convention a défini un juste équilibre entre les différents points de vues qui s'étaient exprimés. C'est pourquoi, la France a souhaité que le projet arrêté par la Convention ne soit pas remis en cause par la conférence intergouvernementale.
II. L'autonomie locale est au cur des réformes engagées par la France pour renforcer les responsabilités locales et réformer l'Etat
1. La réforme constitutionnelle a reconnu de nouvelles garanties aux collectivités territoriales
- Les Français demeurent profondément attachés aux principes fondateurs de l'indivisibilité du territoire et de l'égalité des citoyens devant la loi. Mais ils constatent aussi que la centralisation n'empêche pas les inégalités et que les disparités territoriales sont grandissantes.
- La volonté du Gouvernement est de faire émerger une République des proximités. Car, à ses yeux, la décentralisation n'est pas une simple modalité d'organisation administrative et de fonctionnement des pouvoirs publics. C'est un choix politique lourd de conséquences. C'est le rétablissement de la légitimité même de l'action publique qui est si souvent contestée aujourd'hui.
- Bien sûr, la France n'a pas attendu ces réformes pour ériger la libre administration des collectivités locales en principe fondamental inscrit dans la Constitution. Le Conseil constitutionnel avait lui-même appliqué ce principe pour s'opposer à des dispositions législatives de nature à entraver la libertés des collectivités locales. En supprimant la tutelle de l'Etat sur les actes des collectivités locales et en transférant un grand nombre de compétences aux collectivités locales, les lois de 1982-1983 ont conforté ce principe de libre administration.
- En dépit de ces acquis incontestables, le cadre juridique et financier dans lequel l'action des collectivités locales s'inscrivaient ne leur offraient pas des garanties suffisantes. Jusqu'à présent, le titre XII de la Constitution, qui traite de la libre administration, avait revêtu un caractère assez elliptique. Certes, ses dispositions n'avaient pas empêché le mouvement de décentralisation engagé en 1982. Mais, à l'inverse, elles n'avaient pas fait obstacle au démantèlement progressif de la fiscalité locale sous la précédente législature. Elles n'avaient en outre qu'imparfaitement répondu à l'exigence d'une plus grande souplesse, gage d'une meilleure adaptation de l'action publique locale à la diversification croissante des besoins de la population.
- C'est pourquoi, conformément aux orientations du Président de la République, le gouvernement de Jean-Pierre RAFFARIN a jugé nécessaire d'inscrire la nouvelle étape de la décentralisation dans un cadre constitutionnel rénové. Tel a été l'objet de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 qui énonce des principes qui auront un effet immédiat mais qui sont aussi destinés à produire leurs effets dans le temps.
- Je voudrais brièvement rappeler quels sont ces principes et en souligner la portée.
D'abord, la République aura une organisation décentralisée
- Ce principe figure désormais à l'article 1er de la Constitution qui énumère les principes qui forgent l'identité de la République. Sans remettre en cause l'unité de la Nation, ce principe enrichira la vie démocratique et contribuera à une application plus effective et moins abstraite du principe d'égalité.
Ensuite, la Constitution affirme un objectif de subsidiarité
- Elle dispose, en effet, que les collectivités territoriales ont vocation à prendre l'ensemble des décisions qui peuvent le mieux être mises en uvre à leur échelon.
Ce nouvel objectif à valeur constitutionnelle permettra de transposer dans un Etat restant unitaire la préoccupation qu'exprime, en droit communautaire, le principe de subsidiarité.
La région voit son existence désormais garantie par la Constitution
- L'existence des régions, qui sont des collectivités territoriales depuis 1986, est inscrite dans la Constitution, au même titre que celle des communes et des départements. L'existence des collectivités territoriales à statut particulier est aussi pleinement reconnue.
Le droit à l'expérimentation, le pouvoir réglementaire local et la notion de collectivité chef de file contribueront à un meilleur exercice des compétences
Le Parlement a notamment souhaité affirmer le principe de l'absence de tutelle d'une collectivité sur une autre. Ce principe de non tutelle ne fera cependant pas obstacle à la mise en uvre de la notion de chef de file qui permettra de clarifier les conditions de mise en uvre des compétences partagées entre plusieurs collectivités en confiant à l'une d'entre elles une mission de coordination.
Les moyens d'expression directe des citoyens ont été renforcés. Je sais que c'est l'une des questions qui a été abordée au cours du séminaire.
- En particulier, la réforme constitutionnelle a ouvert la possibilité aux organes de ces collectivités de soumettre à un référendum, qui vaudra décision, les projets de délibérations ou d'actes relevant de leurs compétences.
De nouvelles garanties sont prévues pour assurer l'autonomie financière des collectivités locales
Quatre principes essentiels ont été retenus dans la réforme constitutionnelle : la libre disposition des ressources ; l'honnêteté des transferts de compétences ; la garantie de ressources propres et la péréquation.
- Ces principes nouveaux permettront de protéger efficacement l'autonomie locale, sous le contrôle du juge constitutionnel qui a d'ores et déjà rendu des décisions qui attestent la portée de ces principes.
2. La France est engagée dans une affirmation forte des responsabilités locales
- Dans ce cadre constitutionnel rénové, le Gouvernement a présenté au Parlement un projet de loi tendant à renforcer les responsabilités locales. D'ores et déjà adopté par le Sénat, ce projet de loi sera examiné par l'Assemblée nationale dans les prochains jours.
- Je veux souligner la méthode qui a été retenue par le Gouvernement pour la préparation de ce texte avec l'organisation dans toutes les régions d'assises des libertés locales qui ont connu un vif succès et qui ont permis de faire émerger des propositions des collectivités elles-mêmes, plus de 600 au total. Quelle meilleure façon pour le Gouvernement de marquer son attachement aux valeurs que vous défendez? Nombre de ces propositions ont trouvé par la suite une traduction dans le projet de loi relatif aux responsabilités locales
- Ce texte permet de renforcer mais aussi de clarifier le rôle de chacun des niveaux d'administration. Ainsi la région est confortée dans ses missions pour le développement économique, la formation professionnelle et les grandes infrastructures. Le département voit affirmé son rôle dans le domaine de l'action sociale tandis que les communes et les intercommunalités, dont le régime est simplifié, sont les échelons de proximité et bénéficient de nouvelles missions par exemple pour la gestion des aides à la pierre, en ce qui concerne le logement social.
- Conformément aux nouveaux principes constitutionnels, les transferts de compétences seront financés loyalement en privilégiant les recettes fiscales. Le collectivités locales bénéficieront par ailleurs du transfert des services et des personnels de l'Etat nécessaires à l'exercice de leurs nouvelles missions.
- Parallèlement à ce texte, le Gouvernement a entrepris une remise en ordre des finances locales en engageant, dès la loi de finances pour 2004, la réforme des dotations que l'Etat verse aux collectivités locales. Il l'a fait avec le souci d'accroître considérablement la part de ses dotations affectées à la péréquation, conformément au nouvel objectif constitutionnel. Cette remise en ordre sera poursuivie en 2004 et sera opérationnelle à compter de l'exercice 2005.
3. Dans ce contexte d'affirmation des responsabilités locales, le Gouvernement a souhaité rouvrir le dossier de la ratification de la Charte du Conseil de l'Europe
- Au total, en effet, vous l'aurez compris, toute cette démarche va dans le sens de l'affirmation des principes contenus dans la Charte de Versailles et dans la Charte du Conseil de l'Europe.
- Dès avant les réformes entreprises par le gouvernement de Jean-Pierre RAFFARIN, la France approuvait les principes de la Charte européenne. Ce qui l'avait conduite à la signer. Pourtant, les gouvernements successifs n'étaient pas passés à l'étape suivante de la ratification. Le Gouvernement a donc rouvert ce dossier. Il lui a paru que l'absence de ratification par la France de la Charte européenne du Conseil de l'Europe était difficilement acceptable.
Cette situation est désormais dépassée. Je suis heureux de vous annoncer que le Gouvernement a engagé la procédure en vue de ratification par la France de la Charte européenne de l'autonomie locale.
Les concertations interministérielles destinées à prévoir un petit nombre de déclarations interprétatives sont désormais achevées. Le projet de loi autorisant la ratification pourra donc être soumis au Parlement dans les prochains mois.
- Par cette ratification, la France confirmera sa pleine adhésion, d'ores et déjà acquise mais qui mérite d'être formalisée, aux principes devant garantir l'autonomie locale. Pour autant, je veux réaffirmer devant vous et à la suite d'ailleurs des travaux de la Convention européenne, que l'organisation institutionnelle interne relève de la souveraineté de chaque Etat. Si nous pouvons souscrire ensemble à un certain nombre de principes que nous partageons en matière d'autonomie locale, il ne saurait y avoir un modèle européen d'organisation territoriale devant s'imposer à nos Etats.
- La France est pour sa part très attachée à sa propre organisation institutionnelle qui est celle d'un Etat unitaire et décentralisé, produit de son histoire et qui fonde son pacte républicain. Sa Constitution traite sur un pied de stricte égalité les trois niveaux d'administration locale que sont la commune, le département et la région. C'est pourquoi la France, avec d'autres Etats, dans le cadre des réflexions du Conseil de l'Europe sur l'autonomie régionale, a tenu à réaffirmer ces principes et a constaté qu'il n'était pas possible d'envisager l'adoption d'un instrument juridique contraignant.
- En conclusion, je veux réaffirmer la grande pertinence des principes issus de la Charte de Versailles que nous célébrons aujourd'hui. La volonté d'enracinement de l'Europe démocratique dans la diversité et la richesse des collectivités locales par une pleine affirmation des libertés locales : telle est la voie qu'ensemble nous devons suivre.
(source http://www.interieur.gouv.fr, le 19 janvier 2004)
Je veux remercier pour cette initiative le président Valéry GISCARD d'ESTAING, dont chacun connaît l'engagement européen qu'il a encore mis tout récemment avec talent et efficacité au service de la Convention européenne qu'il a présidée.
Je veux aussi remercier pour leur soutien à ce séminaire la ville de Versailles et son maire Etienne PINTE qui nous accueillent, l'AFCCRE et son président Louis LE PENSEC, ainsi que le Comité des Régions et le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux d'Europe, dont je salue les représentants. Je veux également saluer les nombreuses personnalités d'Etats européens qui ont fait le déplacement, témoignant ainsi une nouvelle fois que l'autonomie locale est une question partagée par nos différents Etats.
- A l'heure où le développement des responsabilités locales constitue l'une de ses priorités, il était naturel que le Gouvernement s'associe à ce séminaire qui vous a permis tout à la fois de faire le point sur l'actualité des principes de la Charte de Versailles, les acquis de la Charte du Conseil de l'Europe et les progrès envisagés dans le cadre de la future Constitution européenne mais aussi de vous interroger sur les perspectives du concept de l'autonomie locale.
- Je voudrais, pour conclure vos travaux, vous exposer à mon tour mon sentiment sur la place que revêt désormais l'autonomie locale dans le contexte européen avant de souligner sa portée dans l'organisation institutionnelle de la France, plus particulièrement dans le cadre des réformes en cours qui visent à promouvoir de manière énergique les responsabilités locales.
I Tout d'abord, je veux souligner que le concept d'autonomie locale est désormais parfaitement inscrit dans le paysage européen, ce dont il faut se féliciter
1. La Charte de Versailles a joué un rôle précurseur
- Les auteurs de la Charte de Versailles ont eu en 1953 un rôle précurseur et je salue le rôle qu'ont joué dans son adoption des personnalités éminentes comme Jean-Jacques CHABAN-DELMAS et Paul-Henri SPAAK. En relisant le texte, on mesure à quel point les principes qu'il énonce demeurent d'une très grande force et d'une très grande actualité.
- Dès son Préambule, la Charte de Versailles affirme que les communes d'Europe sont "unies à travers les frontières au sein du Conseil des communes et régions d'Europe", et qu'elles "sont résolues à construire dans l'intérêt de tous, une Europe libre et pacifique." Il faut voir dans ce message de paix la marque d'une Europe s'enracinant dans les cellules de base de nos démocraties que sont les communes. Il doit être médité à l'heure où nos Etats sont engagés dans un approfondissement de l'intégration européenne.
- Les auteurs de la Charte de Versailles avaient aussi eu l'intuition que pour assurer à tous les libertés fondamentales il fallait commencer par assurer une décentralisation effective dans chacun des pays. Ils avaient ainsi mis en évidence le lien indissociable entre les libertés locales et les libertés des citoyens, parce que les libertés locales "ne peuvent exister qu'à la condition que les peuples aient la ferme volonté de s'administrer eux-mêmes et de sauvegarder ces libertés à l'encontre de tout principe totalitaire", comme le dit la Charte elle-même. Celle-ci affirme les droits de la commune d'échapper à toute tutelle d'échelon de niveau supérieur mais aussi les droits du citoyen dans la commune elle-même.
- La Charte de Versailles ne s'est pas bornée à énoncer des principes, elle a aussi pris le soin de prévoir la manière dont ils devaient être garantis. Parmi ces différentes garanties, je relève en particulier la place reconnue à la norme constitutionnelle pour définir les libertés locales. Permettez-moi de vous dire qu'en réformant la Constitution par la loi du 28 mars 2003, le Congrès du Parlement français a suivi cette sage recommandation.
- Les auteurs de la Charte de Versailles avaient aussi parfaitement perçu que les libertés locales passent par l'autonomie financière. Ils avaient en conséquence affirmé que les fonctions locales devaient être en priorité financées par "des impositions assises sur des sources propres." Permettez-moi, là encore, de trouver une traduction très concrète de ce principe dans la loi constitutionnelle du 28 mars 2003. L'autonomie devaient aussi, à leurs yeux, concerner, dans le cadre des dispositions légales, plusieurs aspects de la gestion des personnels comme le recrutement ou l'avancement. Ici aussi, il faut saluer la justesse de l'analyse.
- Il faut également relever dans la Charte la volonté, exprimée en France par la loi du 2 mars 1982, que "seule la conformité des actes des collectivités locales avec la loi soit soumise au contrôle administratif."
2. La Charte du Conseil de l'Europe a par la suite donné une pleine consécration à l'autonomie locale
- Tous ces principes inscrits dans la Charte européenne des libertés communales ont inspiré la démarche qui a abouti à la signature, en 1985, au sein du Conseil de l'Europe, de la Charte européenne de l'autonomie locale. Il est particulièrement remarquable que les Etats membres du Conseil de l'Europe soient parvenus ensemble, au prix de concessions réciproques, à établir un corpus de principes devant régir les pouvoirs locaux et assurer leur libre administration au sein de chacun des Etats.
- Je crois qu'il n'est pas excessif de dire que cette Charte de 1985 a constitué un instrument efficace pour promouvoir la démocratie en Europe, en particulier dans les Etats qui ont subi pendant de trop longues années le joug de l'oppression totalitaire. Le concept d'autonomie locale a ainsi pu rayonner et servir d'aiguillon au renouveau démocratique. Je veux à cet égard saluer le rôle efficace du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux d'Europe dans la diffusion des valeurs inscrites dans la Charte.
3. Le projet de Constitution européenne représente une nouvelle étape importante dans l'affirmation de l'autonomie locale
- Le texte issu des travaux de la Convention présidée par Valéry GISCARD d'ESTAING représente une nouvelle avancée dans l'affirmation de l'autonomie locale qui est expressément reconnue par l'article 5.1 du projet.
- La nouvelle définition de la subsidiarité à l'article 9 du projet évoque le niveau local. Je veux également souligner que le projet de Constitution renforce l'obligation pour les institutions communautaires, et en tout premier lieu la Commission, de consulter largement sur les conséquences au niveau local des textes qu'elles élaborent.
- La France a soutenu cette affirmation de l'autonomie locale, tout en veillant bien sûr à préserver la liberté fondamentale des Etats membres pour définir leur organisation institutionnelle. La France a notamment plaidé pour un renforcement du rôle du Comité des régions dont je veux saluer la place originale au sein de l'Union européenne pour faire entendre la voix des collectivités locales. Comme sur les autres sujets, le projet de Constitution arrêté par la Convention a défini un juste équilibre entre les différents points de vues qui s'étaient exprimés. C'est pourquoi, la France a souhaité que le projet arrêté par la Convention ne soit pas remis en cause par la conférence intergouvernementale.
II. L'autonomie locale est au cur des réformes engagées par la France pour renforcer les responsabilités locales et réformer l'Etat
1. La réforme constitutionnelle a reconnu de nouvelles garanties aux collectivités territoriales
- Les Français demeurent profondément attachés aux principes fondateurs de l'indivisibilité du territoire et de l'égalité des citoyens devant la loi. Mais ils constatent aussi que la centralisation n'empêche pas les inégalités et que les disparités territoriales sont grandissantes.
- La volonté du Gouvernement est de faire émerger une République des proximités. Car, à ses yeux, la décentralisation n'est pas une simple modalité d'organisation administrative et de fonctionnement des pouvoirs publics. C'est un choix politique lourd de conséquences. C'est le rétablissement de la légitimité même de l'action publique qui est si souvent contestée aujourd'hui.
- Bien sûr, la France n'a pas attendu ces réformes pour ériger la libre administration des collectivités locales en principe fondamental inscrit dans la Constitution. Le Conseil constitutionnel avait lui-même appliqué ce principe pour s'opposer à des dispositions législatives de nature à entraver la libertés des collectivités locales. En supprimant la tutelle de l'Etat sur les actes des collectivités locales et en transférant un grand nombre de compétences aux collectivités locales, les lois de 1982-1983 ont conforté ce principe de libre administration.
- En dépit de ces acquis incontestables, le cadre juridique et financier dans lequel l'action des collectivités locales s'inscrivaient ne leur offraient pas des garanties suffisantes. Jusqu'à présent, le titre XII de la Constitution, qui traite de la libre administration, avait revêtu un caractère assez elliptique. Certes, ses dispositions n'avaient pas empêché le mouvement de décentralisation engagé en 1982. Mais, à l'inverse, elles n'avaient pas fait obstacle au démantèlement progressif de la fiscalité locale sous la précédente législature. Elles n'avaient en outre qu'imparfaitement répondu à l'exigence d'une plus grande souplesse, gage d'une meilleure adaptation de l'action publique locale à la diversification croissante des besoins de la population.
- C'est pourquoi, conformément aux orientations du Président de la République, le gouvernement de Jean-Pierre RAFFARIN a jugé nécessaire d'inscrire la nouvelle étape de la décentralisation dans un cadre constitutionnel rénové. Tel a été l'objet de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 qui énonce des principes qui auront un effet immédiat mais qui sont aussi destinés à produire leurs effets dans le temps.
- Je voudrais brièvement rappeler quels sont ces principes et en souligner la portée.
D'abord, la République aura une organisation décentralisée
- Ce principe figure désormais à l'article 1er de la Constitution qui énumère les principes qui forgent l'identité de la République. Sans remettre en cause l'unité de la Nation, ce principe enrichira la vie démocratique et contribuera à une application plus effective et moins abstraite du principe d'égalité.
Ensuite, la Constitution affirme un objectif de subsidiarité
- Elle dispose, en effet, que les collectivités territoriales ont vocation à prendre l'ensemble des décisions qui peuvent le mieux être mises en uvre à leur échelon.
Ce nouvel objectif à valeur constitutionnelle permettra de transposer dans un Etat restant unitaire la préoccupation qu'exprime, en droit communautaire, le principe de subsidiarité.
La région voit son existence désormais garantie par la Constitution
- L'existence des régions, qui sont des collectivités territoriales depuis 1986, est inscrite dans la Constitution, au même titre que celle des communes et des départements. L'existence des collectivités territoriales à statut particulier est aussi pleinement reconnue.
Le droit à l'expérimentation, le pouvoir réglementaire local et la notion de collectivité chef de file contribueront à un meilleur exercice des compétences
Le Parlement a notamment souhaité affirmer le principe de l'absence de tutelle d'une collectivité sur une autre. Ce principe de non tutelle ne fera cependant pas obstacle à la mise en uvre de la notion de chef de file qui permettra de clarifier les conditions de mise en uvre des compétences partagées entre plusieurs collectivités en confiant à l'une d'entre elles une mission de coordination.
Les moyens d'expression directe des citoyens ont été renforcés. Je sais que c'est l'une des questions qui a été abordée au cours du séminaire.
- En particulier, la réforme constitutionnelle a ouvert la possibilité aux organes de ces collectivités de soumettre à un référendum, qui vaudra décision, les projets de délibérations ou d'actes relevant de leurs compétences.
De nouvelles garanties sont prévues pour assurer l'autonomie financière des collectivités locales
Quatre principes essentiels ont été retenus dans la réforme constitutionnelle : la libre disposition des ressources ; l'honnêteté des transferts de compétences ; la garantie de ressources propres et la péréquation.
- Ces principes nouveaux permettront de protéger efficacement l'autonomie locale, sous le contrôle du juge constitutionnel qui a d'ores et déjà rendu des décisions qui attestent la portée de ces principes.
2. La France est engagée dans une affirmation forte des responsabilités locales
- Dans ce cadre constitutionnel rénové, le Gouvernement a présenté au Parlement un projet de loi tendant à renforcer les responsabilités locales. D'ores et déjà adopté par le Sénat, ce projet de loi sera examiné par l'Assemblée nationale dans les prochains jours.
- Je veux souligner la méthode qui a été retenue par le Gouvernement pour la préparation de ce texte avec l'organisation dans toutes les régions d'assises des libertés locales qui ont connu un vif succès et qui ont permis de faire émerger des propositions des collectivités elles-mêmes, plus de 600 au total. Quelle meilleure façon pour le Gouvernement de marquer son attachement aux valeurs que vous défendez? Nombre de ces propositions ont trouvé par la suite une traduction dans le projet de loi relatif aux responsabilités locales
- Ce texte permet de renforcer mais aussi de clarifier le rôle de chacun des niveaux d'administration. Ainsi la région est confortée dans ses missions pour le développement économique, la formation professionnelle et les grandes infrastructures. Le département voit affirmé son rôle dans le domaine de l'action sociale tandis que les communes et les intercommunalités, dont le régime est simplifié, sont les échelons de proximité et bénéficient de nouvelles missions par exemple pour la gestion des aides à la pierre, en ce qui concerne le logement social.
- Conformément aux nouveaux principes constitutionnels, les transferts de compétences seront financés loyalement en privilégiant les recettes fiscales. Le collectivités locales bénéficieront par ailleurs du transfert des services et des personnels de l'Etat nécessaires à l'exercice de leurs nouvelles missions.
- Parallèlement à ce texte, le Gouvernement a entrepris une remise en ordre des finances locales en engageant, dès la loi de finances pour 2004, la réforme des dotations que l'Etat verse aux collectivités locales. Il l'a fait avec le souci d'accroître considérablement la part de ses dotations affectées à la péréquation, conformément au nouvel objectif constitutionnel. Cette remise en ordre sera poursuivie en 2004 et sera opérationnelle à compter de l'exercice 2005.
3. Dans ce contexte d'affirmation des responsabilités locales, le Gouvernement a souhaité rouvrir le dossier de la ratification de la Charte du Conseil de l'Europe
- Au total, en effet, vous l'aurez compris, toute cette démarche va dans le sens de l'affirmation des principes contenus dans la Charte de Versailles et dans la Charte du Conseil de l'Europe.
- Dès avant les réformes entreprises par le gouvernement de Jean-Pierre RAFFARIN, la France approuvait les principes de la Charte européenne. Ce qui l'avait conduite à la signer. Pourtant, les gouvernements successifs n'étaient pas passés à l'étape suivante de la ratification. Le Gouvernement a donc rouvert ce dossier. Il lui a paru que l'absence de ratification par la France de la Charte européenne du Conseil de l'Europe était difficilement acceptable.
Cette situation est désormais dépassée. Je suis heureux de vous annoncer que le Gouvernement a engagé la procédure en vue de ratification par la France de la Charte européenne de l'autonomie locale.
Les concertations interministérielles destinées à prévoir un petit nombre de déclarations interprétatives sont désormais achevées. Le projet de loi autorisant la ratification pourra donc être soumis au Parlement dans les prochains mois.
- Par cette ratification, la France confirmera sa pleine adhésion, d'ores et déjà acquise mais qui mérite d'être formalisée, aux principes devant garantir l'autonomie locale. Pour autant, je veux réaffirmer devant vous et à la suite d'ailleurs des travaux de la Convention européenne, que l'organisation institutionnelle interne relève de la souveraineté de chaque Etat. Si nous pouvons souscrire ensemble à un certain nombre de principes que nous partageons en matière d'autonomie locale, il ne saurait y avoir un modèle européen d'organisation territoriale devant s'imposer à nos Etats.
- La France est pour sa part très attachée à sa propre organisation institutionnelle qui est celle d'un Etat unitaire et décentralisé, produit de son histoire et qui fonde son pacte républicain. Sa Constitution traite sur un pied de stricte égalité les trois niveaux d'administration locale que sont la commune, le département et la région. C'est pourquoi la France, avec d'autres Etats, dans le cadre des réflexions du Conseil de l'Europe sur l'autonomie régionale, a tenu à réaffirmer ces principes et a constaté qu'il n'était pas possible d'envisager l'adoption d'un instrument juridique contraignant.
- En conclusion, je veux réaffirmer la grande pertinence des principes issus de la Charte de Versailles que nous célébrons aujourd'hui. La volonté d'enracinement de l'Europe démocratique dans la diversité et la richesse des collectivités locales par une pleine affirmation des libertés locales : telle est la voie qu'ensemble nous devons suivre.
(source http://www.interieur.gouv.fr, le 19 janvier 2004)