Texte intégral
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
C'est un grand plaisir et un grand honneur pour moi de m'exprimer aujourd'hui devant vous au sujet du projet de loi relatif aux territoires ruraux, présenté aujourd'hui par Hervé Gaymard.
Je connais votre attachement à la France de nos terroirs, de nos campagnes. Vous êtes les ardents défenseurs de la diversité de nos territoires, de leurs richesses, mais vous êtes aussi les premiers à vous alarmer à juste titre des fragilités croissantes de cette France rurale.
Nos campagnes ont considérablement évolué. En vingt ans, elles ont connu de profonds bouleversements : déclin de la paysannerie, arrivée de nouveaux ruraux, périurbanisation.
Notre devoir de responsables politiques exige que l'on tienne le plus grand compte de ces nouvelles spécificités du monde rural. Elles représentent en effet une part essentielle de la société française d'aujourd'hui. Elles imposent donc que l'on définisse ensemble une politique nationale cohérente en faveur de l'équilibre de nos territoires. C'est très précisément ce qu'avait souhaité le Président de la République dans le discours qu'il a prononcé à Ussel en avril 2002.
Il existe en ce sens une vraie complémentarité entre la deuxième grande étape de décentralisation, que nous menons actuellement, et le projet de loi sur les territoires ruraux. En effet, dans la France décentralisée, l'État doit être fort, aux côtés des élus. Pour autant, il n'a pas vocation à tout faire, ni à tout laisser faire. Il doit être garant de la cohésion nationale et de l'équilibre des territoires et jouer pleinement son rôle de " facilitateur ".
I. Un État fort et présent à vos côtés
Je veux d'abord prendre devant vous un engagement majeur : l'État va continuer à jouer un rôle clef aux côtés des élus, au service du développement et de l'équilibre de nos territoires.
Un État fort pour assurer la sécurité sur tout le territoire
Les Français nous ont dit leur souhait d'un État fort, d'un État présent, et d'un État responsable, sur l'ensemble du territoire.
Pour le constater au quotidien, nous savons tous que, si des progrès ont été réalisés, l'insécurité éprouvée par nos concitoyens n'est malheureusement pas l'apanage de nos villes et de nos quartiers. Peu de villages, ou de petites villes échappent aujourd'hui à cette situation.
Voilà pourquoi l'État se doit d'être là partout, mobilisé pour tous. Dominique de Villepin a érigé en priorité l'éradication de toutes les formes de violence au quotidien. Qu'il s'agisse du racket au sein des écoles, des cambriolages, ou encore des violences conjugales et familiales, nos concitoyens sont nombreux à exprimer leur inquiétude, leur exaspération, leur désespérance.
J'ai la conviction que l'État sera d'autant plus fort et efficace en la matière qu'il sera bien organisé. C'est pour cela que l'organisation territoriale des services en charge de la sécurité des Français doit être exemplaire. Ce qui a été fait en la matière depuis deux ans est historique. Le redéploiement police-gendarmerie, essentiel pour améliorer l'efficacité de l'État, et pourtant retardé depuis des années, s'achèvera au début de l'année 2005. Le renforcement des effectifs se poursuivra : 1200 gendarmes supplémentaires ont été déployés en 2003 ; autant sont en cours d'affectation cette année. Par ailleurs, la mise en place des communautés des brigades -il en existe déjà plus d'un millier-, se traduit selon les lieux par une augmentation de 10 à 20 % des patrouilles de gendarmes effectivement sur le terrain. Mais elle se traduit aussi et surtout par la définition d'une stratégie d'action locale mieux concertée avec les élus.
Ce combat, nous le savons, est difficile. Des premiers résultats ont été obtenus. En 2 ans, on observe en zone de gendarmerie une baisse de 5 % des crimes et délits tandis que le taux d'élucidation est passé de 34 à 36 % des faits constatés pendant la même période. Mais beaucoup reste à faire et l'élu d'une circonscription urbaine mais aussi très rurale que je suis peut en témoigner. Nous resterons donc vigilants et offensifs. Parce que c'est notre responsabilité. et parce que c'est ce que les Français attendent de leur Gouvernement.
Assurer l'équité territoriale et le maintien des services publics
Un État fort, c'est aussi un État garant de l'égalité des chances et de l'équité territoriale. Cela passe par un double effort : effort pour assurer partout la même qualité de service ; effort pour maintenir des services publics de qualité sur l'ensemble de notre pays et tout particulièrement dans les zones les plus fragiles.
Le texte qui vous est proposé poursuit ce double objectif.
Objectif d'équité territoriale tout d'abord. Nous faisons clairement le choix d'une France rurale attractive. Une France où les nouveaux arrivants, quel que soit le territoire où ils habitent, puissent trouver la qualité de vie à laquelle ils aspirent. Et c'est à l'État de jouer ce rôle, d'assurer cette cohérence territoriale. C'est pour cela que le Préfet est désormais au cur du dispositif : il aura désormais la faculté de prendre toute initiative visant à adapter l'offre d'accès aux services publics aux caractéristiques du territoire, en concertation approfondie avec les élus locaux. C'est une première étape essentielle. Je souhaite qu'on aille plus loin, en développant notamment les mécanismes de péréquation. Ces mécanismes, vous le savez, visent à réduire les écarts de richesse entre collectivités, et doivent bénéficier aux territoires ruraux les plus défavorisés. Le rapport qui sera prochainement rendu par le Comité des Finances Locales devrait proposer des mesures allant dans ce sens.
Le second objectif, qui me tient tout particulièrement à cur, c'est le maintien des services publics dans les zones rurales. Plusieurs mesures fortes sont prévues pour abonder dans ce sens.
Je pense notamment à la simplification du régime des Maisons de service public qui permettra leur développement.
Je pense aussi à la possibilité de confier l'exécution d'un service public, par voie de convention, à une personne dont l'activité habituelle ne relève pas d'une mission de service public. Le cas de la Poste est à cet égard exemplaire : voilà une grande entreprise qui est confrontée, on le sait, à des enjeux liés à l'ouverture de la concurrence sur certaines activités, et donc à une nécessaire modernisation. Ma conviction, c'est que l'on peut et que l'on doit veiller à ce que cela ne prive pas les habitants des petites communes de ce service public de proximité. Et c'est pour cela que la possibilité pour un commerçant de remplir cette mission de service public apparaît comme une mesure de bon sens.
Garantir le respect de toutes les collectivités locales
Avoir un État fort, présent et impartial, c'est enfin garantir un esprit de justice, d'autonomie et de respect pour toutes les collectivités locales.
Je veux être ici tout à fait clair : la présence de l'État doit aussi garantir l'indépendance de chaque collectivité territoriale et, donc l'absence de toute forme de tutelle d'une collectivité sur une autre.
Je tiens à insister tout particulièrement sur ce point : étant en charge des collectivités locales, je souhaite être l'interlocuteur de toutes les collectivités locales, et le garant de leur autonomie.
II. Une décentralisation qui bénéficiera aux territoires ruraux
Cet impératif de modernisation de nos institutions et du fonctionnement de notre démocratie est au cur du vaste mouvement de décentralisation initié par le Premier Ministre depuis deux ans. Sur ce sujet, je le sais, certaines interrogations existent. C'est pourquoi je voudrais aujourd'hui vous rappeler, dans ses grandes lignes, la politique que je mènerai sous l'impulsion et aux côtés de Dominique de Villepin dans ce domaine.
Nous poursuivons la réforme avec une détermination totale
Je voudrais vous dire, d'emblée, que cette réforme capitale va être poursuivie et menée à son terme avec une détermination totale.
Il serait quand même paradoxal de prétendre répondre aux attentes des Français, qui ne cessent de nous demander une réforme de l'État et une modernisation de nos institutions, pour plus d'efficacité publiquepour ensuite réduire à néant le travail accompli par des milliers de fonctionnaires pour se préparer à la décentralisation. Quelle serait d'ailleurs la crédibilité d'un Gouvernement à conduire d'autres grandes réformes s'il donnait le sentiment de vouloir renoncer à celle-ci.
L'effort sera donc poursuivi.
L'acte II de la décentralisation a été voté en première lecture par chaque Assemblée. Nous sommes aujourd'hui au milieu du gué : le nouveau contexte politique nous amène naturellement à avoir un échange approfondi avec les nouvelles associations d'élus.
Cette concertation vient d'être initiée par le Premier Ministre, en direction des parlementaires comme des élus locaux. Le Premier Ministre, respectueux du suffrage universel, a reçu le 19 avril les Présidents de Conseils régionaux. Il a également reçu hier les Présidents des Conseils Généraux. Le dialogue va se poursuivre, afin de lever les malentendus et les inquiétudes des uns et des autres.
Pour autant, le Premier ministre a été très clair, en fixant le calendrier : vote de la loi organique en mai à l'Assemblée Nationale et en juin au Sénat, puis 2ème lecture du projet de loi aussi rapidement que possible, après une période de concertation ; réforme de la taxe professionnelle, des dotations et LFI 2005 à l'automne, pour application effective à compter du 1er janvier 2005.
Le Premier Ministre a également précisé l'esprit de cette concertation : ouverture aux propositions d'améliorations, de simplifications, de clarifications. Mais il n'est pas question de remettre en cause le processus de décentralisation dans son ensemble tel qu'il a été engagé depuis deux ans.
Garantir l'autonomie financière des collectivités locales
Nous avons, aussi, entendu les craintes sur la question du financement. Pour donner toutes ses chances à la décentralisation, nous sommes déterminés à apporter dans l'année une triple réponse sur ce sujet, précise sur le plan technique, lisible, loyale et responsable sur le plan politique :
- première réponse : la garantie constitutionnelle
L'objectif de péréquation est désormais inscrit dans la Constitution. Il est un de mes soucis constants. La réforme de l'architecture de la DGF initiée par la loi de finances 2004 a permis de dégager des marges de manuvre pour le financer.
En effet, au sein d'une masse financière s'élevant désormais à près de 37 Mds d'euros (contre 19 Mds en 2003), il est plus aisé de redéployer des crédits en faveur des collectivités locales les plus défavorisées. Lors de sa séance de février, le comité des finances locales a retenu une hypothèse de répartition des masses à l'intérieur de la DGF qui a permis à la DSR (dotation de solidarité rurale) de progresser d'environ 3 %, c'est à dire bien au-delà de l'inflation mais aussi de l'évolution même de la DGF qui a été d'environ 2 %.
Par ailleurs, le montant de la dotation de développement rural (DDR) qui permet de subventionner les projets des collectivités rurales a été reconduit en 2004 et s'élève à 116 M. Il s'agit là d'un effort non négligeable de l'État dans la mesure où par le passé, cette dotation a connu une évolution erratique avec des baisses de 3 % certaines années.
En ce qui concerne les départements ruraux, éligibles à la dotation forfaitaire minimale (DFM), ils ont également bénéficié d'une forte augmentation de leurs dotations, puisque cette dotation a augmenté de 8 % en 2004 pour s'établir à 174 M.
Ces efforts seront poursuivis en 2005 puisque la deuxième phase de la réforme visera, à travers la refonte des critères de répartition, à renforcer le rôle péréquateur des dotations et donc à favoriser les territoires ruraux.
- la deuxième réponse : la garantie que les transferts de compétence seront compensés à l'euro près.
- la troisième réponse : le transfert d'une fiscalité dynamique
Autre garantie : l'engagement du Gouvernement de transférer des taxes dynamiques aux collectivités locales, pour couvrir leurs nouvelles dépenses. La TIPP est ainsi largement adossée à l'activité économique et permettra de constituer une ressource évolutive, permettant aux régions de faire face à leurs charges. C'est une étape qui doit nous inviter à la modernisation de la fiscalité locale dans son ensemble.
III. Inventer la ruralité de demain
Dans son discours d'Ussel, vous le savez, le Président de la République s'était engagé à assurer un meilleur développement économique des territoires ruraux qui sont, pour reprendre son expression, " un facteur d'équilibre social et un lieu d'épanouissement ".
Le projet de loi que vous examinez aujourd'hui constitue la mise en uvre de cette ambition. Il reprend un certain nombre de propositions qu'Hervé Gaymard a recueillies auprès des nombreux acteurs de la ruralité, tels que le Conseil National pour l'Aménagement et le Développement du Territoire, l'Association Familles Rurales, ou encore les Conseils Économiques et Sociaux Régionaux.
Assurer la solidarité envers les campagnes les plus fragiles
Dans une logique de cohésion sociale et d'équité territoriale, le projet de loi poursuit deux grands objectifs essentiels : d'abord encourager le développement économique des territoires les plus défavorisés et ensuite assurer la solidarité nationale au profit des territoires les plus fragiles.
Parmi ces territoires fragiles, vulnérables, il y a d'abord et surtout notre monde agricole. Nous savons tous que si l'État ne fait rien, nous aurons des campagnes sans paysans. Il n'est pas question pour le Gouvernement de se résigner à une telle destinée, et je sais que vous partagez mon point de vue à ce sujet. Je serai, avec l'ensemble de mes collègues du Gouvernement, l'ardent défenseur des territoires ruraux, dans leur diversité, sans oublier naturellement leur vocation agricole. Ainsi les nouvelles sociétés d'investissement pour le développement rural (SIDER) qui vont être créées par ce texte permettront de soutenir l'installation de petites entreprises, notamment agricoles, dans les zones rurales.
Ce monde rural est fragile. L'État doit l'aider à vivre -parfois à survivre. Je vais prendre un exemple : celui des médecins. Nous savons que le dernier recensement montre que les territoires ruraux gagnent des habitants. Pourtant, la présence médicale ne suit pas cette évolution. Il nous appartient donc d'anticiper ce qui pourrait conduire à un déficit de soins. C'est pour cela que ce texte propose des mesures concrètes pour encourager l'installation de professionnels de santé en milieu rural, et notamment dans les zones déficitaires. Je pense notamment à la faculté désormais ouverte aux collectivités locales de soutenir ces installations.
Les mesures prises pour encourager l'installation de professionnels de la santé (médecins, mais aussi vétérinaires) sont déterminantes, et vous pourrez compter sur moi pour suivre avec vigilance leur application concrète, notamment s'agissant de leur financement, en liaison étroite avec le comité des finances locales.
Accompagner le dynamisme des nouvelles campagnes
Le Gouvernement est par ailleurs très attentif au développement des nouvelles campagnes et au potentiel formidable que représente ce phénomène. Je pense à la fois à ceux que l'on appelle " les nouveaux ruraux ", et je pense au " tourisme vert ".
Les nouveaux ruraux, qui quittent les villes pour venir s'installer à la campagne, sont de plus en plus nombreux. Et leurs attentes, exprimées de plus en plus fortement à leurs élus locaux, sont à la fois sympathiques et contradictoires. Ils sont venus pour s'éloigner de la pollution des villes et redécouvrir les charmes de la verdure et de la chlorophylle. Mais ils veulent pouvoir bénéficier des mêmes qualités de service qu'en ville ! Les commerces, les transports en commun, les médecins, les services publics : tout doit être près de chez eux. On sait que les choses ne sont pas si simples ; mais que leurs exigences sont légitimes. A nous d'y travailler. Ce texte propose des réponses claires à ce sujet, en termes d'offre de logements, de présence médicale ou encore d'accès aux nouvelles technologies Ces nouvelles campagnes connaîtront ainsi un renforcement de leur attractivité et de leur vitalitépour le bien-être de ses habitants et l'équilibre de la Nation toute entière.
Autre activité essentielle en milieu rural : le tourisme vert, qui connaît un formidable essor depuis 15 ans. A nous de favoriser son développement. C'est dans cet esprit que nous proposons par exemple, dans ce texte, de renforcer l'accès des saisonniers, très impliqués dans le tourisme vert, à la formation professionnelle.
Prendre appui sur l'intercommunalité
Mais vous l'avez compris, s'agissant des territoires les plus fragiles, l'intercommunalité est sans doute l'une des réponses les plus efficaces pour préserver l'identité de certaines communes, particulièrement vulnérables. Il nous faut pour cela promouvoir une intercommunalité qui permette d'assurer des services publics de qualité et qui permette de conforter le développement économique et l'emploi. C'est pour cela que le texte prévoit d'aménager le dispositif des zones de revitalisation rurales et d'en actualiser les zonages en tenant compte des intercommunalités à fiscalité propre. Le nouveau dispositif sera actualisé en fonction des recensements et fera l'objet d'une évaluation permanente afin d'en améliorer l'efficacité. Je veux ici m'engager devant vous à suivre une démarche dont les mots-clés seront : l'écoute, le pragmatisme et le respect mutuel.
Car là encore, vous le voyez, la complémentarité entre la décentralisation et le texte que vous examinez aujourd'hui est totale.
Je souhaiterais pour finir vous redire toute l'importance que j'accorde à la revitalisation et la préservation de notre France rurale, qui joue un rôle essentiel dans l'équilibre de notre pays.
Soyez assurés que je serai, avec Hervé Gaymard, très attentif à la mise en uvre de ce texte, et notamment de son volet fiscal.
Je suis déterminé à rester un interlocuteur particulièrement attentif et disponible sur tous ces sujets pour apporter des réponses réalistes, rapides et concrètes.
Pour en finir avec ce sentiment d'abandon que connaissent depuis quelques années certaines zones rurales.
Et pour que la décentralisation et la réforme de la fiscalité locale qui l'accompagnera puissent profiter pleinement à la France rurale.
(source http://www.interieur.gouv.fr, le 5 juillet 2004)
C'est un grand plaisir et un grand honneur pour moi de m'exprimer aujourd'hui devant vous au sujet du projet de loi relatif aux territoires ruraux, présenté aujourd'hui par Hervé Gaymard.
Je connais votre attachement à la France de nos terroirs, de nos campagnes. Vous êtes les ardents défenseurs de la diversité de nos territoires, de leurs richesses, mais vous êtes aussi les premiers à vous alarmer à juste titre des fragilités croissantes de cette France rurale.
Nos campagnes ont considérablement évolué. En vingt ans, elles ont connu de profonds bouleversements : déclin de la paysannerie, arrivée de nouveaux ruraux, périurbanisation.
Notre devoir de responsables politiques exige que l'on tienne le plus grand compte de ces nouvelles spécificités du monde rural. Elles représentent en effet une part essentielle de la société française d'aujourd'hui. Elles imposent donc que l'on définisse ensemble une politique nationale cohérente en faveur de l'équilibre de nos territoires. C'est très précisément ce qu'avait souhaité le Président de la République dans le discours qu'il a prononcé à Ussel en avril 2002.
Il existe en ce sens une vraie complémentarité entre la deuxième grande étape de décentralisation, que nous menons actuellement, et le projet de loi sur les territoires ruraux. En effet, dans la France décentralisée, l'État doit être fort, aux côtés des élus. Pour autant, il n'a pas vocation à tout faire, ni à tout laisser faire. Il doit être garant de la cohésion nationale et de l'équilibre des territoires et jouer pleinement son rôle de " facilitateur ".
I. Un État fort et présent à vos côtés
Je veux d'abord prendre devant vous un engagement majeur : l'État va continuer à jouer un rôle clef aux côtés des élus, au service du développement et de l'équilibre de nos territoires.
Un État fort pour assurer la sécurité sur tout le territoire
Les Français nous ont dit leur souhait d'un État fort, d'un État présent, et d'un État responsable, sur l'ensemble du territoire.
Pour le constater au quotidien, nous savons tous que, si des progrès ont été réalisés, l'insécurité éprouvée par nos concitoyens n'est malheureusement pas l'apanage de nos villes et de nos quartiers. Peu de villages, ou de petites villes échappent aujourd'hui à cette situation.
Voilà pourquoi l'État se doit d'être là partout, mobilisé pour tous. Dominique de Villepin a érigé en priorité l'éradication de toutes les formes de violence au quotidien. Qu'il s'agisse du racket au sein des écoles, des cambriolages, ou encore des violences conjugales et familiales, nos concitoyens sont nombreux à exprimer leur inquiétude, leur exaspération, leur désespérance.
J'ai la conviction que l'État sera d'autant plus fort et efficace en la matière qu'il sera bien organisé. C'est pour cela que l'organisation territoriale des services en charge de la sécurité des Français doit être exemplaire. Ce qui a été fait en la matière depuis deux ans est historique. Le redéploiement police-gendarmerie, essentiel pour améliorer l'efficacité de l'État, et pourtant retardé depuis des années, s'achèvera au début de l'année 2005. Le renforcement des effectifs se poursuivra : 1200 gendarmes supplémentaires ont été déployés en 2003 ; autant sont en cours d'affectation cette année. Par ailleurs, la mise en place des communautés des brigades -il en existe déjà plus d'un millier-, se traduit selon les lieux par une augmentation de 10 à 20 % des patrouilles de gendarmes effectivement sur le terrain. Mais elle se traduit aussi et surtout par la définition d'une stratégie d'action locale mieux concertée avec les élus.
Ce combat, nous le savons, est difficile. Des premiers résultats ont été obtenus. En 2 ans, on observe en zone de gendarmerie une baisse de 5 % des crimes et délits tandis que le taux d'élucidation est passé de 34 à 36 % des faits constatés pendant la même période. Mais beaucoup reste à faire et l'élu d'une circonscription urbaine mais aussi très rurale que je suis peut en témoigner. Nous resterons donc vigilants et offensifs. Parce que c'est notre responsabilité. et parce que c'est ce que les Français attendent de leur Gouvernement.
Assurer l'équité territoriale et le maintien des services publics
Un État fort, c'est aussi un État garant de l'égalité des chances et de l'équité territoriale. Cela passe par un double effort : effort pour assurer partout la même qualité de service ; effort pour maintenir des services publics de qualité sur l'ensemble de notre pays et tout particulièrement dans les zones les plus fragiles.
Le texte qui vous est proposé poursuit ce double objectif.
Objectif d'équité territoriale tout d'abord. Nous faisons clairement le choix d'une France rurale attractive. Une France où les nouveaux arrivants, quel que soit le territoire où ils habitent, puissent trouver la qualité de vie à laquelle ils aspirent. Et c'est à l'État de jouer ce rôle, d'assurer cette cohérence territoriale. C'est pour cela que le Préfet est désormais au cur du dispositif : il aura désormais la faculté de prendre toute initiative visant à adapter l'offre d'accès aux services publics aux caractéristiques du territoire, en concertation approfondie avec les élus locaux. C'est une première étape essentielle. Je souhaite qu'on aille plus loin, en développant notamment les mécanismes de péréquation. Ces mécanismes, vous le savez, visent à réduire les écarts de richesse entre collectivités, et doivent bénéficier aux territoires ruraux les plus défavorisés. Le rapport qui sera prochainement rendu par le Comité des Finances Locales devrait proposer des mesures allant dans ce sens.
Le second objectif, qui me tient tout particulièrement à cur, c'est le maintien des services publics dans les zones rurales. Plusieurs mesures fortes sont prévues pour abonder dans ce sens.
Je pense notamment à la simplification du régime des Maisons de service public qui permettra leur développement.
Je pense aussi à la possibilité de confier l'exécution d'un service public, par voie de convention, à une personne dont l'activité habituelle ne relève pas d'une mission de service public. Le cas de la Poste est à cet égard exemplaire : voilà une grande entreprise qui est confrontée, on le sait, à des enjeux liés à l'ouverture de la concurrence sur certaines activités, et donc à une nécessaire modernisation. Ma conviction, c'est que l'on peut et que l'on doit veiller à ce que cela ne prive pas les habitants des petites communes de ce service public de proximité. Et c'est pour cela que la possibilité pour un commerçant de remplir cette mission de service public apparaît comme une mesure de bon sens.
Garantir le respect de toutes les collectivités locales
Avoir un État fort, présent et impartial, c'est enfin garantir un esprit de justice, d'autonomie et de respect pour toutes les collectivités locales.
Je veux être ici tout à fait clair : la présence de l'État doit aussi garantir l'indépendance de chaque collectivité territoriale et, donc l'absence de toute forme de tutelle d'une collectivité sur une autre.
Je tiens à insister tout particulièrement sur ce point : étant en charge des collectivités locales, je souhaite être l'interlocuteur de toutes les collectivités locales, et le garant de leur autonomie.
II. Une décentralisation qui bénéficiera aux territoires ruraux
Cet impératif de modernisation de nos institutions et du fonctionnement de notre démocratie est au cur du vaste mouvement de décentralisation initié par le Premier Ministre depuis deux ans. Sur ce sujet, je le sais, certaines interrogations existent. C'est pourquoi je voudrais aujourd'hui vous rappeler, dans ses grandes lignes, la politique que je mènerai sous l'impulsion et aux côtés de Dominique de Villepin dans ce domaine.
Nous poursuivons la réforme avec une détermination totale
Je voudrais vous dire, d'emblée, que cette réforme capitale va être poursuivie et menée à son terme avec une détermination totale.
Il serait quand même paradoxal de prétendre répondre aux attentes des Français, qui ne cessent de nous demander une réforme de l'État et une modernisation de nos institutions, pour plus d'efficacité publiquepour ensuite réduire à néant le travail accompli par des milliers de fonctionnaires pour se préparer à la décentralisation. Quelle serait d'ailleurs la crédibilité d'un Gouvernement à conduire d'autres grandes réformes s'il donnait le sentiment de vouloir renoncer à celle-ci.
L'effort sera donc poursuivi.
L'acte II de la décentralisation a été voté en première lecture par chaque Assemblée. Nous sommes aujourd'hui au milieu du gué : le nouveau contexte politique nous amène naturellement à avoir un échange approfondi avec les nouvelles associations d'élus.
Cette concertation vient d'être initiée par le Premier Ministre, en direction des parlementaires comme des élus locaux. Le Premier Ministre, respectueux du suffrage universel, a reçu le 19 avril les Présidents de Conseils régionaux. Il a également reçu hier les Présidents des Conseils Généraux. Le dialogue va se poursuivre, afin de lever les malentendus et les inquiétudes des uns et des autres.
Pour autant, le Premier ministre a été très clair, en fixant le calendrier : vote de la loi organique en mai à l'Assemblée Nationale et en juin au Sénat, puis 2ème lecture du projet de loi aussi rapidement que possible, après une période de concertation ; réforme de la taxe professionnelle, des dotations et LFI 2005 à l'automne, pour application effective à compter du 1er janvier 2005.
Le Premier Ministre a également précisé l'esprit de cette concertation : ouverture aux propositions d'améliorations, de simplifications, de clarifications. Mais il n'est pas question de remettre en cause le processus de décentralisation dans son ensemble tel qu'il a été engagé depuis deux ans.
Garantir l'autonomie financière des collectivités locales
Nous avons, aussi, entendu les craintes sur la question du financement. Pour donner toutes ses chances à la décentralisation, nous sommes déterminés à apporter dans l'année une triple réponse sur ce sujet, précise sur le plan technique, lisible, loyale et responsable sur le plan politique :
- première réponse : la garantie constitutionnelle
L'objectif de péréquation est désormais inscrit dans la Constitution. Il est un de mes soucis constants. La réforme de l'architecture de la DGF initiée par la loi de finances 2004 a permis de dégager des marges de manuvre pour le financer.
En effet, au sein d'une masse financière s'élevant désormais à près de 37 Mds d'euros (contre 19 Mds en 2003), il est plus aisé de redéployer des crédits en faveur des collectivités locales les plus défavorisées. Lors de sa séance de février, le comité des finances locales a retenu une hypothèse de répartition des masses à l'intérieur de la DGF qui a permis à la DSR (dotation de solidarité rurale) de progresser d'environ 3 %, c'est à dire bien au-delà de l'inflation mais aussi de l'évolution même de la DGF qui a été d'environ 2 %.
Par ailleurs, le montant de la dotation de développement rural (DDR) qui permet de subventionner les projets des collectivités rurales a été reconduit en 2004 et s'élève à 116 M. Il s'agit là d'un effort non négligeable de l'État dans la mesure où par le passé, cette dotation a connu une évolution erratique avec des baisses de 3 % certaines années.
En ce qui concerne les départements ruraux, éligibles à la dotation forfaitaire minimale (DFM), ils ont également bénéficié d'une forte augmentation de leurs dotations, puisque cette dotation a augmenté de 8 % en 2004 pour s'établir à 174 M.
Ces efforts seront poursuivis en 2005 puisque la deuxième phase de la réforme visera, à travers la refonte des critères de répartition, à renforcer le rôle péréquateur des dotations et donc à favoriser les territoires ruraux.
- la deuxième réponse : la garantie que les transferts de compétence seront compensés à l'euro près.
- la troisième réponse : le transfert d'une fiscalité dynamique
Autre garantie : l'engagement du Gouvernement de transférer des taxes dynamiques aux collectivités locales, pour couvrir leurs nouvelles dépenses. La TIPP est ainsi largement adossée à l'activité économique et permettra de constituer une ressource évolutive, permettant aux régions de faire face à leurs charges. C'est une étape qui doit nous inviter à la modernisation de la fiscalité locale dans son ensemble.
III. Inventer la ruralité de demain
Dans son discours d'Ussel, vous le savez, le Président de la République s'était engagé à assurer un meilleur développement économique des territoires ruraux qui sont, pour reprendre son expression, " un facteur d'équilibre social et un lieu d'épanouissement ".
Le projet de loi que vous examinez aujourd'hui constitue la mise en uvre de cette ambition. Il reprend un certain nombre de propositions qu'Hervé Gaymard a recueillies auprès des nombreux acteurs de la ruralité, tels que le Conseil National pour l'Aménagement et le Développement du Territoire, l'Association Familles Rurales, ou encore les Conseils Économiques et Sociaux Régionaux.
Assurer la solidarité envers les campagnes les plus fragiles
Dans une logique de cohésion sociale et d'équité territoriale, le projet de loi poursuit deux grands objectifs essentiels : d'abord encourager le développement économique des territoires les plus défavorisés et ensuite assurer la solidarité nationale au profit des territoires les plus fragiles.
Parmi ces territoires fragiles, vulnérables, il y a d'abord et surtout notre monde agricole. Nous savons tous que si l'État ne fait rien, nous aurons des campagnes sans paysans. Il n'est pas question pour le Gouvernement de se résigner à une telle destinée, et je sais que vous partagez mon point de vue à ce sujet. Je serai, avec l'ensemble de mes collègues du Gouvernement, l'ardent défenseur des territoires ruraux, dans leur diversité, sans oublier naturellement leur vocation agricole. Ainsi les nouvelles sociétés d'investissement pour le développement rural (SIDER) qui vont être créées par ce texte permettront de soutenir l'installation de petites entreprises, notamment agricoles, dans les zones rurales.
Ce monde rural est fragile. L'État doit l'aider à vivre -parfois à survivre. Je vais prendre un exemple : celui des médecins. Nous savons que le dernier recensement montre que les territoires ruraux gagnent des habitants. Pourtant, la présence médicale ne suit pas cette évolution. Il nous appartient donc d'anticiper ce qui pourrait conduire à un déficit de soins. C'est pour cela que ce texte propose des mesures concrètes pour encourager l'installation de professionnels de santé en milieu rural, et notamment dans les zones déficitaires. Je pense notamment à la faculté désormais ouverte aux collectivités locales de soutenir ces installations.
Les mesures prises pour encourager l'installation de professionnels de la santé (médecins, mais aussi vétérinaires) sont déterminantes, et vous pourrez compter sur moi pour suivre avec vigilance leur application concrète, notamment s'agissant de leur financement, en liaison étroite avec le comité des finances locales.
Accompagner le dynamisme des nouvelles campagnes
Le Gouvernement est par ailleurs très attentif au développement des nouvelles campagnes et au potentiel formidable que représente ce phénomène. Je pense à la fois à ceux que l'on appelle " les nouveaux ruraux ", et je pense au " tourisme vert ".
Les nouveaux ruraux, qui quittent les villes pour venir s'installer à la campagne, sont de plus en plus nombreux. Et leurs attentes, exprimées de plus en plus fortement à leurs élus locaux, sont à la fois sympathiques et contradictoires. Ils sont venus pour s'éloigner de la pollution des villes et redécouvrir les charmes de la verdure et de la chlorophylle. Mais ils veulent pouvoir bénéficier des mêmes qualités de service qu'en ville ! Les commerces, les transports en commun, les médecins, les services publics : tout doit être près de chez eux. On sait que les choses ne sont pas si simples ; mais que leurs exigences sont légitimes. A nous d'y travailler. Ce texte propose des réponses claires à ce sujet, en termes d'offre de logements, de présence médicale ou encore d'accès aux nouvelles technologies Ces nouvelles campagnes connaîtront ainsi un renforcement de leur attractivité et de leur vitalitépour le bien-être de ses habitants et l'équilibre de la Nation toute entière.
Autre activité essentielle en milieu rural : le tourisme vert, qui connaît un formidable essor depuis 15 ans. A nous de favoriser son développement. C'est dans cet esprit que nous proposons par exemple, dans ce texte, de renforcer l'accès des saisonniers, très impliqués dans le tourisme vert, à la formation professionnelle.
Prendre appui sur l'intercommunalité
Mais vous l'avez compris, s'agissant des territoires les plus fragiles, l'intercommunalité est sans doute l'une des réponses les plus efficaces pour préserver l'identité de certaines communes, particulièrement vulnérables. Il nous faut pour cela promouvoir une intercommunalité qui permette d'assurer des services publics de qualité et qui permette de conforter le développement économique et l'emploi. C'est pour cela que le texte prévoit d'aménager le dispositif des zones de revitalisation rurales et d'en actualiser les zonages en tenant compte des intercommunalités à fiscalité propre. Le nouveau dispositif sera actualisé en fonction des recensements et fera l'objet d'une évaluation permanente afin d'en améliorer l'efficacité. Je veux ici m'engager devant vous à suivre une démarche dont les mots-clés seront : l'écoute, le pragmatisme et le respect mutuel.
Car là encore, vous le voyez, la complémentarité entre la décentralisation et le texte que vous examinez aujourd'hui est totale.
Je souhaiterais pour finir vous redire toute l'importance que j'accorde à la revitalisation et la préservation de notre France rurale, qui joue un rôle essentiel dans l'équilibre de notre pays.
Soyez assurés que je serai, avec Hervé Gaymard, très attentif à la mise en uvre de ce texte, et notamment de son volet fiscal.
Je suis déterminé à rester un interlocuteur particulièrement attentif et disponible sur tous ces sujets pour apporter des réponses réalistes, rapides et concrètes.
Pour en finir avec ce sentiment d'abandon que connaissent depuis quelques années certaines zones rurales.
Et pour que la décentralisation et la réforme de la fiscalité locale qui l'accompagnera puissent profiter pleinement à la France rurale.
(source http://www.interieur.gouv.fr, le 5 juillet 2004)