Texte intégral
Monsieur le Président,
Messieurs les rapporteurs,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Permettez-moi en guise d'introduction de saluer le travail effectué par mon collègue Hervé Gaymard dans la préparation du texte qui vous est aujourd'hui présenté et qui s'inscrit dans la démarche initiée par le Président de la République et par le Premier Ministre. Je voudrais aussi saluer le travail des rapporteurs, Messieurs Coussain, Lemoine et Saint Léger, ainsi que les présidents Ollier et Blessig, sans oublier le travail réalisé par votre collègue Yves Censi sur la ruralité.
" Développement des territoires ruraux " ; Parce que nous sommes convaincus qu'aujourd'hui il nous faut valoriser les nombreux atouts de nos territoires. Il n'y a pas, pour nous, de fatalité au déclin de certains territoires ruraux, à la disparition annoncée du caractère rural de certains territoires périurbains, à une vision systématiquement passéiste du milieu rural.
Il n'y a pas non plus une France rurale mais de nombreux territoires ruraux. C'est cette diversité, cette richesse que nous souhaitons valoriser, conforter, accompagner dans son développement.
C'est toute l'ambition de notre gouvernement. Et ce projet de loi y participe : Conduite par Hervé Gaymard, en liaison avec Roselyne Bachelot, Gilles de Robien, Jean-François Mattei, la Datar et l'ensemble des services, cette loi n'est pas la seule réponse que nous entendons donner aux problématiques des mondes ruraux d'aujourd'hui. Je voudrais seulement dire que de nombreuses décisions ont déjà été prises, un comité interministériel d'aménagement du territoire (CIADT) en septembre a été consacré à cette question. Des perspectives d'avenir sont brossées, le travail est engagé, il se poursuivra.
Notre philosophie tient en une phrase : refuser d'enfermer la ruralité Française dans une série de décisions immuables qui finirait par l'asphyxier. Au contraire, il s'agit de libérer les énergies, de donner du souffle, d'ouvrir nos espaces ruraux sur l'Europe, de favoriser leur complémentarité avec les villes. Il faut cesser d'opposer l'urbain et le rural !
Comme le disait le Président de la République, " la France rurale est un creuset où peuvent se renouer les liens sociaux et se développer de nouvelles dynamiques ".
I. Développer de nouvelles dynamiques.
Pour être compétitif, nous devons aller chercher, partout où il est possible de les trouver, des points de croissance. Sous l'impulsion volontariste et décentralisatrice du Premier Ministre, il convient aujourd'hui d'inventer de nouvelles relations entre l'Etat et nos partenaires ruraux.
C'est sur ce principe de complémentarité qu'il appartient à l'Etat de fixer le cap, d'accompagner les projets et de respecter les attentes du terrain et aux acteurs locaux d'être inventifs, dynamiques, ambitieux.
Associons nos volontés, nos ambitions et à l'Etat, l'Europe d'assurer l'égalité des chances des territoires !
En matière d'emploi, plusieurs mesures ont précédé l'examen de ce texte.
Sur la pluriactivité de l'emploi nécessaire au milieu rural, le décret du 6 janvier 2003 a déjà apporté des réponses. Il permet ainsi de cumuler une activité publique avec un emploi privé. Et vous serez amenés à voter, dans les prochains jours, le complément de ce dispositif.
C'est dans le même esprit que je défends à Bruxelles l'idée qu'il nous faut plus de souplesse pour le développement local. La règle de " minimis " permet aujourd'hui de donner jusqu'à 100 000 euros d'aide publique sur trois ans. Je souhaite que nous puissions au moins doubler ce plafond pour libérer les énergies créatrices de richesse.
Enfin, nous reviendrons sur les Zones de Revitalisation Rurale (ZRR) en cours de débat. Ceux qui me connaissent savent que je suis prudent sur le principe de zonage qui a le double inconvénient de créer des frustrations dues aux effets frontières et par leur fixité d'ignorer les évolutions qui peuvent, d'une zone handicapée, la transformer en zone développée et vice et versa. Nous avons choisi de renforcer les dispositifs fiscaux applicables dans ces ZRR, notamment en portant à 4 ans, au lieu de deux, la durée des exonérations d'impôt sur les sociétés, renforçant ainsi l'attractivité de ces territoires pour les entreprises. D'autres mesures vous seront présentées au cours de la discussion.
II. Renouer les liens sociaux.
Pour renouer les liens sociaux, il nous faut réduire les fractures territoriales en favorisant la vie économique et sociale dans tous les territoires :
- par l'accès pour tous à l'habitat,
- par l'accès pour tous aux infrastructures,
- par l'accès pour tous à la téléphonie mobile, au nouvelles technologies de l'information et de la communication,
- par l'accès pour tous au services publics et à la santé.
1. Il n'y a pas de ruralité sans ruraux. Notre objectif est de gommer les disparités territoriales en agissant sur l'habitat. Nous avons ainsi fait le choix de porter de 6 % à 40 % l'abattement fiscal qui s'applique aux revenus relatifs aux loyers des logements en ZRR. Il conviendra de s'interroger à l'avenir sur la capacité de nous doter d'outils pour préserver la richesse culturelle et patrimoniale de nos territoires. Pour beaucoup d'urbains, le rural est un espoir, celui de goûter à une meilleure qualité de vie. Pour de nombreux ruraux, leur territoire peut être synonyme d'un désespoir économique. Mais aujourd'hui, il faut tout mettre en oeuvre pour concilier les aspirations des uns avec celles des autres.
2. Le CIADT du 18 décembre dernier a jeté les fondements d'une politique ambitieuse des infrastructures de transport. Sous l'impulsion directe du Premier Ministre avec le concours de Gilles de Robien que nous allons dégager 7,5 Milliards d'Euros pour permettre à nos territoires d'avoir accès à l'Europe.
Persuadé que la bataille de la compétitivité ne se gagnera pas si nous n'offrons pas à nos concitoyens le moyen d'être réactifs, nous avons engagé notre pays sur la voie d'une politique ambitieuse mais nécessaire en matière de nouvelles technologies. La création de richesses ne peut être réalisée que si on favorise les échanges.
Ainsi, pour la téléphonie mobile, 44 millions d'euros ont été affectés aux régions afin de leur permettre d'éradiquer toutes les zones blanches de notre territoire. Dans chaque Région, les préfets ont été chargés de consulter les élus pour définir, avec eux, les priorités.
Pour accompagner ce dispositif et accélérer sa mise en oeuvre, le CIADT du 3 septembre 2003 permet aux collectivités locales de bénéficier, sur la période 2003 - 2005, du fonds de compensation de la TVA (FCTVA). Le Gouvernement se fixe pour objectif à échéance de l'année 2006 de garantir, en partenariat avec les collectivités territoriales et les opérateurs, un accès aux services de téléphonie mobile dans l'ensemble des 3000 bourgs-centre aujourd'hui non couverts et sur les axes de transport prioritaires. Ainsi, à cette date, le taux de couverture sera proche des 100 %.
Autre cap que le gouvernement s'est fixé : celui de doter le territoire de l'Internet à haut débit d'ici à 2007 et de résorber ainsi la fracture numérique. Tout le monde le sait, l'absence de haut débit est vécue comme un véritable handicap, un frein au développement de nos territoires ruraux. Le gouvernement travaille à combler le retard qui a été pris dans ce domaine !
Pour venir en aide aux territoires les plus enclavés, le gouvernement a pris en particulier un certain nombre de mesures afin de promouvoir l'utilisation des technologies alternatives : baisse des redevances dues au titre de l'utilisation de paraboles satellitaires et mesure fiscale pour l'acquisition d'un terminal satellite haut débit par les entreprises mais aussi libéralisation du WIFI et expérimentations des courants porteurs en ligne.
L'aménagement numérique du territoire passe aussi par le renforcement et la clarification du cadre d'intervention des collectivités territoriales. La décision du CIADT du 13 décembre 2002 d'élargir le champ de compétences confiées aux collectivités territoriales est reprise dans des dispositions législatives en cours d'examen. Votre assemblée, et je remercie une nouvelle fois, Patrick Ollier pour son implication, vient d'adopter en deuxième lecture le Projet de loi sur l'économie numérique qui va permettre aux collectivités locales d'être opérateurs d'opérateurs.
En complément de ce dispositif, nous avons décidé d'orienter vers le haut débit, une partie de la réserve de performance des fonds européens. A l'occasion de la révision des DOCUP de cette année, les collectivités locales pourront ainsi bénéficier de 100 millions d'euros pour financer leurs projets.
3. Faciliter l'accès de tous par l'amélioration de l'offre de service au public.
L'accord national pour la conduite d'expériences pilotes sur de nouvelles formes d'accès aux services publics dans les territoires du 21 juillet 2003 officialise notre volonté de ne plus réserver le débat sur l'égalité territoriale pour l'accès aux services publics aux seules stratégies nationales souvent ignorantes des réalités locales. Lorsque j'étais Président de l'Association des Maires, j'ai pu constater que peu de schémas départementaux d'organisation et de modernisation des services publics, pourtant prévus par la loi, ont été élaboré. Trop souvent, les élus locaux se plaignent légitimement d'un manque d'information qu'ils obtiennent sur telle ou telle réorganisation. Face à ce double constat d'échec, j'ai demandé à quatre départements (Corrèze, Savoie, Dordogne et Charente) de mener une large concertation.
L'accord du 21 juillet est unique en son genre. Pour la première fois, près de vingt organismes de service public (La poste, l'ANPE, EDF, ) se sont mobilisés autour de cette démarche. Il conduit, sous l'égide du préfet, les principaux organismes publics et les élus à réfléchir ensemble et à organiser de concert une coopération territoriale. Cette territorialisation concertée a pour objectifs non seulement d'identifier les dispositions législatives, réglementaires et financières nécessaires à l'adaptation des services publics, condition de leur sauvegarde, mais surtout de définir une méthode de construction de l'offre de services publics susceptible d'être étendue à d'autres territoires et ainsi généralisée. Récemment je suis allé en Charente, j'ai pu constater que localement, on pouvait, par une analyse rigoureuse des attentes du terrain, construire une offre de services publics et tester concrètement, pragmatiquement, de nouvelles formes d'organisation.
En faisant confiance au terrain, nous pouvons élaborer une offre de services publics simple et adaptée aux besoins des usagers, et apporter ainsi une réponse adaptée aux besoins particuliers de certains territoires.
Il n'y aura pas de grand soir de la réforme ni même une inflation législative mais une démarche pragmatique, territoire par territoire.
Cessons de croire que la vie de nos territoires se guide d'en haut !
4. Il en va de même en matière de politique de santé. Pour illustrer mon propos, je prendrai l'exemple du département de la Manche que l'un de vos rapporteurs, également médecin, Jean Claude Lemoine, connaît bien puisqu'il en est un des instigateurs. Le département de la Manche, dans lequel je me suis rendu, ce 19 décembre dernier a ainsi initié une politique volontariste en terme d'offre médicale. Aujourd'hui, grâce à l'implication de tous, la démographie médicale de la Manche présente un solde positif. Là aussi, l'Etat doit avoir un rôle de facilitateur.
En permettant à celles et ceux qui ont la charge de veiller sur la santé de nos concitoyens de s'installer sur des territoires où la démographie médicale est en recul. La décision du CIADT du 3 septembre dernier qui consiste à conférer aux médecins une aide de 10 000 euros par an, pendant cinq ans est de nature à répondre à cet objectif. Il faut favoriser l'installation de nos étudiants en zone rurale.
Je vous le disais, la vie de nos territoires ne se guide pas d'en haut mais découle directement des projets des territoires. Il faut remettre en avant l'idée de projet, comme nous l'avons fait en simplifiant la procédure des pays. La croissance passe par le projet. Le développement est d'abord et avant tout affaire de volonté politique. Il convient de le rappeler chaque jour et cesser de croire que la vie se guide d'en haut.
Certes, il est plus difficile d'élaborer un projet de développement pour un territoire en difficulté que pour un territoire déjà en développement, mais nos décisions du CIADT en faveur de l'ingénierie mise au service des territoires ruraux est là pour y répondre.
Dans le même esprit je me réjouis qu'on ait pu insérer dans cette loi un titre " montagne ". Son élaboration faite en étroite relation avec les élus de la montagne montre qu'au-delà des clivages politiques, au-delà de la diversité des massifs, en travaillant en concertation, on peut avancer sur des solutions acceptables par tous. La montagne est riche d'atouts rares qu'elle a su préserver dans un juste équilibre entre développement et préservation de ses espaces ; nous pouvons nous féliciter de la vision politique qui a été celle de la loi montagne de 1985.
Voilà Mesdames et Messieurs les parlementaires, il y a beaucoup à dire sur la ruralité. Si je me suis inspiré d'exemples tirés de mes déplacements dans mon propos, c'est que je suis convaincu que des réponses existent et qu'il faut savoir se servir des réflexions du voisin pour imaginer des solutions chez soi.
La ruralité est toujours un sujet que l'on évoque avec passion, avec cur. Chacun d'entre nous est fier d'appartenir à une région, un département, une commune. Fier de ses origines, de sa diversité culturelle, de son identité.
L'espace est une particularité Française en Europe. La ruralité en est une de ses caractéristiques. Le combat pour la ruralité est un combat d'avenir car la ruralité est une richesse économique, patrimoniale, culturelle, environnementale plus nécessaire que jamais dans ce 21ème siècle.
Je vous remercie.
(source http://www.fonction-publique.gouv.fr, le 19 janvier 2004)