Texte intégral
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M. Dominique de Villepin, ministre des Affaires étrangères - Je salue d'abord les contributions de vos commissions et de vos rapporteurs. Ils ont fourni un travail de fond lucide et attentif sur les missions et les moyens de notre diplomatie.
MM. Woerth et Cazenave s'accordent à souligner les efforts de rigueur du ministère dans un contexte économique difficile. Ils relèvent également le respect des priorités assignées par le président de la République, notamment l'aide publique au développement et la réforme du droit d'asile, et notre volonté de poursuivre résolument la réforme de l'action extérieure de l'Etat. Je les remercie de soutenir ainsi les orientations de ce budget, marqué par la rigueur mais aussi par la ferme volonté d'adapter notre outil diplomatique aux défis qui se présentent à nous.
Je crois utile d'esquisser devant vous le contexte international dans lequel s'inscrit ce budget. Des grandes tendances du monde se dégagent en effet les priorités qui doivent guider notre action.
Combien d'évolutions, combien de révolutions depuis quinze ans ! La fin de l'affrontement Est-Ouest, la mondialisation. D'un monde fondé sur l'équilibre global entre l'Est et l'Ouest, où les répercussions locales de la rivalité majeure étaient sous contrôle, nous sommes donc passés à un monde où les déséquilibres locaux peuvent avoir des conséquences globales incontrôlables. Toutes les plaies du monde - misère, injustices, sentiment de rejet - déchaînent des violences que l'absence de mécanismes de régulation ne permet plus d'endiguer et que le terrorisme cherche à exploiter. Un terrorisme dont les méthodes entraînent une véritable révolution de la puissance, puisque la seule force des armes ne suffit plus à le contrer.
Dans ce monde bouleversé, la France entend marquer une triple exigence. Exigence d'unité d'abord : dans un univers marqué par la globalité et l'interdépendance, les défis ne sont plus à la mesure d'un seul pays. A ce monde nouveau, il faut un nouvel ordre fondé sur les principes de responsabilité collective et de légitimité.
Exigence de sécurité ensuite, car notre temps est celui de la violence et des épreuves. Face au terrorisme, nous devons mobiliser tous les moyens disponibles. Pour éradiquer un phénomène qui exploite les humiliations et les inquiétudes, il nous faut entendre et comprendre les peuples, traiter les conflits qui menacent à tout moment de dégénérer selon des principes de justice, de respect des identités et de solidarité.
Le troisième message de la France, c'est l'exigence de solidarité. Les peuples n'acceptent plus une mondialisation qui nourrit les écarts de développement, met en péril notre patrimoine naturel et multiplie les zones de non-droit, tout en diffusant à une échelle sans précédent les images de la prospérité et de la modernité.
Sur la base de ces principes, notre pays s'engage fermement et dans la durée. Il a multiplié les propositions pour bâtir une nouvelle architecture mondiale : réforme du Conseil de sécurité, gouvernance économique de la planète, nouveaux instruments pour lutter contre la prolifération, protéger l'environnement, garantir les Droits de l'Homme, promouvoir la diversité culturelle. Il pèse de tout son poids en faveur d'une mondialisation mieux maîtrisée, comme aux Sommets de Monterrey et de Johannesburg, ainsi qu'au G8 d'Evian. Il contribue au règlement des crises, n'hésitant pas à s'engager sur le terrain comme en Côte d'Ivoire, dans les Balkans ou en Afghanistan.
Dans ce domaine, un sentiment d'urgence nous guide. En Irak, il existe un véritable défi sécuritaire. Des soldats de la coalition tombent, les organisations internationales hésitent, la population se décourage. Et si l'escalade de la violence conduisait à une perte de contrôle ? Comment ne pas voir que le vide politique est un obstacle rédhibitoire au rétablissement de la sécurité ? Aussi la France préconise-t-elle un changement d'approche : rétablir la souveraineté irakienne, instaurer un gouvernement provisoire. De cette situation nouvelle pourrait naître une dynamique internationale et régionale. Tout ceci se passe aux portes de l'Europe : comment rester sourds aux appels de la responsabilité ?
Les mêmes raisons nous imposent d'être actifs au Proche-Orient. Ce conflit est au coeur des frustrations de la région, mais aussi du monde arabo-musulman tout entier. Du règlement de cette crise dépend celui de beaucoup d'autres. Les deux parties, sortant de la logique des préalables, doivent entendre la voix des peuples et lancer des gestes qui rétablissent la confiance. Un cadre de règlement, la Feuille de route, existe, mais il nous manque un mécanisme pour y entrer. Là aussi, nous avons un devoir collectif d'action.
Dans ces régions qui souffrent, la voix de la France est attendue et entendue. Mais elle portera beaucoup plus loin si l'Europe en amplifie l'écho. Pôle de stabilité et de prospérité, berceau des valeurs universelles, riche de sa diversité, trait d'union entre les cultures et les religions, l'Europe a vocation à devenir un des piliers du monde nouveau.
Je veux donc affirmer ici la grande ambition européenne de la France. Dans quelques mois, notre continent aura accompli le grand tournant du retour à l'unité. La nouvelle Europe à vingt-cinq, qui préfigure elle-même l'Union à trente, deviendra un grand espace de liberté et de sécurité, de stabilité et, nous l'espérons, de croissance. Cette Europe élargie sera dotée d'un nouveau cadre institutionnel, mais aussi d'un véritable pacte entre Etats et citoyens, que nous devons à la Convention présidée par M. Giscard d'Estaing. Elle aura les moyens d'être plus efficace, plus démocratique et de s'affirmer sur la scène internationale.
Cela implique bien sûr de maintenir l'élan de la coopération franco-allemande, qui demeure le moteur de l'Union, mais aussi de s'ouvrir à tous les autres partenaires disposés à aller de l'avant. Tous ne veulent ou ne peuvent pas aller au même rythme, mais l'important est que rien n'entrave ceux qui souhaitent s'engager.
Voilà pour le contexte international et européen.
Tous vos rapporteurs l'ont souligné, l'exécution du budget 2003 a été particulièrement difficile. Non seulement la régulation budgétaire a été massive - les annulations et gels ont amputé de 15 % les crédits hors rémunérations et engagements internationaux -, mais elle a affecté les reports, alors même que mon ministère s'était vu imposer 103 millions d'euros de reports obligatoires en 2002.
Cette régulation à répétition a compromis, au moment où bien des opérations étaient déjà lancées, plusieurs de nos programmations, notamment en matière immobilière et, bien entendu, en termes d'aide publique au développement et de coopération. MM. Godfrain, Cazenave, Emmanuelli ou Rochebloine s'en sont fait justement l'écho. Vous avez eu raison de le dire, des pays amis, des organisations de solidarité internationales, le Fonds de solidarité prioritaire, notre assistance technique ont fait les frais de cette régulation.
Il en va de même pour l'Institut français de Tel-Aviv, qu'a évoqué M. Rochebloine. Mais sachez que la décision de le refondre en l'installant sur un nouveau site n'est en aucun cas remise en cause. L'objectif est d'inscrire ce projet en toute première priorité sur le plan d'emploi du titre V, pour un coût évalué à l'heure actuelle à environ 5 millions d'euros.
C'est là un sujet de réflexion pour l'avenir : dès lors que notre politique étrangère s'inscrit dans les priorités voulues par le président de la République et le gouvernement et approuvées par la représentation nationale, nous devons tout faire pour la soustraire aux aléas de la régulation budgétaire. Car c'est le crédit même de notre pays qui est remis en cause.
Vous m'interrogez sur l'avenir de l'exécution budgétaire. Si ce budget est exécuté tel que vous voudrez bien le voter, nous aurons un appareil diplomatique, consulaire et de coopération à la hauteur de nos ambitions et des responsabilités particulières qu'a la France dans le monde. J'aurais d'ailleurs déclaré la même chose l'année dernière : le budget 2003 était, au moment de son adoption par le Parlement, un budget réaliste et adapté à nos besoins, s'il avait pu être exécuté tel que vous l'aviez voté.
Mon ministère a donc pris toute sa part dans l'action de rigueur entreprise par le gouvernement cette année, avec les actions de rationalisation, les baisses consenties en termes d'emplois et de crédits de fonctionnement, l'exercice d'adaptation de nos réseaux dans le monde... Cet effort, vous le constatez à nouveau dans le présent projet, avec 4,2 milliards d'euros, nos crédits sont en progression de 2,6 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2003 mais, hors crédits dédiés à l'aide publique au développement, ils baissent de 1,26 %.
Vos rapporteurs ont rappelé les postes sur lesquels portera l'effort. Les effectifs sont à nouveau réduits de 116 emplois, soit un non-renouvellement de 46 % des départs à la retraite. Avec une réduction presque interrompue du nombre d'emplois en moins de dix ans, les Affaires étrangères ont donc contribué à la réduction des effectifs de l'Etat.
Deuxième poste d'économie, la réforme des indemnités de résidence va corriger des incohérences géographiques, tout en entraînant une économie de 20 millions d'euros. Une partie de ce montant, soit 8 millions pourra être recyclée pour augmenter les primes des agents en poste à l'Administration centrale.
Les frais de fonctionnement de l'Administration centrale et des réseaux à l'étranger vont également baisser de 2 % par rapport à 2003, et les crédits immobiliers de 10,3 % en crédits de paiement et de 23,5 % en autorisations de programme. Ces crédits financent des missions sur le terrain ou pour représenter la France dans les instances internationales, ou encore des équipements de sécurité pour nos postes ou nos écoles.
A propos de ces crédits de fonctionnement, Eric Woerth a visité des postes diplomatiques où se côtoient la splendeur et la misère ; il se dit choqué par l'inégalité des moyens entre administrations présentes à l'étranger. Je suis bien d'accord : j'y reviendrai en évoquant la réforme de l'action extérieure de l'Etat.
Voilà pour le contexte. Certains dotations, clairement insuffisantes, n'ont pu être augmentées mais seulement reconduites, ce qui n'était pas acquis a priori. Il s'agit en premier lieu des contributions volontaires, hors Francophonie, aux organismes internationaux. Ces contributions, comme le signalent MM. Cazenave, Godfrain et Emmanuelli, jouent un rôle déterminant dans la crédibilité de la France au sein de ces organisations. Vous avez raison, Monsieur Godfrain : il y a une divergence évidente entre notre engagement politique en faveur des institutions multilatérales et le niveau de nos contributions volontaires. Non, Monsieur Dutoit, cet écart entre le discours et les contributions ne démontre pas le faible intérêt de la France à l'égard des organisations internationales. A moyen terme, la hausse continue de notre aide publique au développement profitera à ces contributions, dont plus de 90 % relèvent de cette aide.
Les subventions aux opérateurs de l'audiovisuel sont stables. Elles permettront à RFI et TV5, dont je salue le développement récent et le travail, d'assurer leurs missions. Je ne crois pas trahir les convictions de M. Rochebloine et des membres de la mission d'information en disant que nous appelons de tous nos voeux une chaîne d'information internationale : des images françaises - indépendantes bien entendu - doivent être présentes dans la couverture des grands événements internationaux. Des propositions sont faites. Elles doivent être précisées d'ici la fin de l'année pour avoir une idée claire du projet et de ses coûts. Des pistes de financement ont été ouvertes, qui doivent être soigneusement analysées.
La coopération militaire et de défense est, elle aussi, insuffisamment dotée. L'érosion, continue depuis 1998 des dotations de ce chapitre a cependant été stoppée. Je ne crois pas que l'on puisse évoquer, comme François Lamy, un naufrage de la coopération militaire et de défense. La récente création d'un comité d'orientation stratégique, commun aux ministères des Affaires étrangères et de la Défense, devrait donner une impulsion à cette coopération.
Enfin, les crédits de l'aide alimentaire sont eux aussi reconduits, mais resteront bien en deçà des besoins.
Dans une conjoncture budgétaire difficile, nous nous sommes donc organisés pour préserver l'essentiel, c'est-à-dire les priorités, sur lesquelles je voudrais maintenant revenir.
Dans une période budgétaire difficile, nous devons trouver un équilibre entre la solidarité gouvernementale et le respect de nos engagements internationaux. Lorsque nous sommes contraints d'interrompre nos financements, c'est la parole de la France qui est en cause. Ceci a été justement souligné par MM. Godfrain, Rochebloine, Cazenave et Emmanuelli qui ont estimé, entre autres, que l'état de cessation de paiement dans lequel s'est trouvé le FSP en 2003 à cause du gel budgétaire était inacceptable.
Il est essentiel dans ce contexte de bien définir nos priorités. La première est la poursuite de notre effort en faveur de l'aide au développement, voulu par le président de la République. Pierre-André Wiltzer vous exposera notre politique dans ce domaine comme dans celui de la Francophonie. Je veux seulement réaffirmer que l'engagement du président de la République de porter l'effort de la France à 0,5 % du PIB d'ici la fin de son mandat sera tenu. Et cette augmentation ne résultera pas de nos seuls engagements communautaires ou d'annulations de dettes. Le gouvernement entend bien mettre fin à la baisse ininterrompue de notre aide bilatérale, et relancer notamment notre effort en direction du continent africain.
Ce budget reflète ensuite le rôle privilégié de la francophonie institutionnelle dans le rayonnement de la France, et notre volonté de lui donner un rôle de plus en plus politique. Les crédits alloués au fonds multilatéral unique augmentent de 10 millions d'euros et les synergies entre notre coopération et les institutions de la francophonie seront développées. L'objectif est d'inscrire le projet en toute première priorité sur le plan d'emploi du titre V, pour un coût évalué à l'heure actuelle à environ 5 millions d'euros.
Enfin, dans le cadre de la réforme du droit d'asile, les crédits de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et de la commission de recours des réfugiés augmentent de près de 10 millions d'euros, soit 35 % environ. Ceci permettra de prolonger les renforts mis à la disposition de l'Office et de la commission à la fin 2002 et de créer près de 200 nouveaux emplois. Ces efforts n'auront pas été vains. D'ici la fin de l'année, l'OFPRA aura ramené de dix à quatre mois le délai de traitement des demandes et devrait atteindre avant l'été prochain l'objectif de deux mois assigné par le président de la République.
Pour les autres missions, les efforts de rationalisation produiront des économies qui seront recyclées là où il y a urgence. Ainsi l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) qui, il y a un an, se trouvait dans une situation délicate avec un fonds de roulement presque réduit à néant, a pu dégager des marges grâce à une gestion rigoureuse. Ces marges seront réinvesties sur les priorités de l'Agence. Au total, le ministère réalise un important effort d'adaptation que je veux traduire aussi dans la réforme de l'action extérieure de l'Etat.
La stratégie ministérielle de réforme que je vais soumettre au Premier ministre, après consultation de l'ensemble des agents de mon ministère, veut donner toute sa cohérence à l'action extérieure de l'Etat. Cette ambition passe par trois étapes.
Une étape politique et parlementaire d'abord, car il nous faut donner toute sa cohérence interministérielle, à notre politique étrangère.
Il faut pour cela rassembler tous les moyens de l'Etat au sein d'une mission interministérielle "Action extérieure", qui assure enfin au Parlement la vision consolidée des actions extérieures de la France et une plus grande maîtrise des crédits qu'elle y consacre. Henri Emmanuelli a eu raison de critiquer la présentation du jaune budgétaire : ce n'est qu'un document d'information, quand ce devrait être un document de décision.
Les crédits de mon ministère ne représentent que 45 % environ des crédits de l'action extérieure de l'Etat. Dès lors, la stratégie d'ensemble est peu lisible et ne permet pas des choix clairs. De là résultent les disparités et redondances que toutes vos missions à l'étranger, et récemment celle d'Eric Woerth à Madrid, décrivent avec constance. C'est donc l'approbation par le Parlement de tous les aspects de notre politique étrangère qui en assurera la mise en cohérence. A défaut, chaque administration poursuivrait ses objectifs propres sans vision d'ensemble.
Parallèlement, j'entends réformer en profondeur le ministère des Affaires étrangères. Il s'agira d'abord de renforcer sa capacité stratégique pour mieux définir les priorités de notre action extérieure. J'en prendrai trois exemples : rendre tout leur rôle aux directions géographiques qui incarnent la fonction de synthèse politique qui nous incombe ; faire de chaque ambassade une équipe réellement pluridisciplinaire et dont l'unité d'action s'incarnera dans un plan triennal ; enfin, redonner vie au comité interministériel des moyens extérieurs de l'Etat pour mieux coordonner l'ensemble des crédits de personnel et d'intervention.
Nous devons aussi mieux valoriser les compétences et mieux motiver les agents. Comment ? En favorisant la promotion interne, y compris d'un corps à l'autre, mais aussi en donnant une très forte impulsion à l'exigence d'évaluation : elle sera généralisée à tous les niveaux, et d'abord aux ambassadeurs, et inclura les jugements des collaborateurs selon la méthode dite d'évaluation à "360 degrés". Les nominations aux emplois supérieurs seront désormais préparées par un comité diplomatique et consulaire réunissant des représentants du ministère chargé de proposer des choix en toute transparence, sur la base des évaluations.
Il faut enfin rénover les méthodes et les outils du ministère, réorganiser l'Administration centrale pour mieux identifier et encadrer les grandes fonctions stratégiques, et développer une gestion par objectifs, fondée sur un vrai contrôle de gestion et sur l'évaluation des résultats.
Enfin, cette réforme se traduira dans les postes par le choix résolu d'une approche interministérielle et déconcentrée. Les instruments de cette démarche se mettent déjà en place : conférences d'orientation budgétaire autour de la pratique des budgets - pays, globalisation des crédits au profit du chef de poste, création de services administratifs unifiés... Il s'agit d'encourager l'ensemble des ministères à mettre en place une gestion partagée des crédits de l'action extérieure.
Un mot sur la Loi organique sur les lois de finance (LOLF), puisque plusieurs d'entre vous, notamment MM. Woerth et Cazenave, ont émis des réserves sur le schéma actuellement retenu par mon ministère.
Dans leur état actuel, nos trois programmes - "rayonnement et influence de la France", "coopération et action culturelle", "réseaux et services publics à l'étranger" - répondent à trois exigences. La première est la cohérence politique : les programmes correspondent aux trois grands métiers du ministère, diplomatie, culture et coopération, affaires consulaires. La seconde est la cohérence fonctionnelle : ce schéma est immédiatement opérationnel, sans une réorganisation totale du ministère. La troisième est la cohérence budgétaire, en permettant une utilisation large et pertinente de la fongibilité des crédits.
Le programme "influence et rayonnement" recouvre les activités diplomatiques au sens classique : directions politique et géographiques, communication, relations avec les organisations internationales, coopération militaire. Le programme "coopération et action culturelle" comprend les activités liées à notre politique de coopération et de développement. L'aide publique au développement en est une partie essentielle mais ne saurait résumer toute notre politique de coopération. Notre partenariat avec des pays comme l'Inde, le Nigeria, la Bolivie ou l'Indonésie se nourrit d'une diversité d'actions, qui touche aussi bien la recherche agronomique que les échanges universitaires ou la promotion de l'Etat de droit.
Enfin, le programme "réseaux et services publics à l'étranger" regroupe les activités du réseau consulaire et celles qui s'y rattachent, comme l'enseignement avec l'AEFE et le droit d'asile avec l'OFPRA, ainsi que la fonction d'administration et de soutien.
La répartition des personnels expatriés entre les trois programmes sera achevée en 2007, au terme de l'effort de restructuration du réseau. Il y a donc bien une répartition des crédits par objectif et finalité. Cette présentation de programme est un choix parmi d'autres possibles. Il peut évoluer, mais je le crois cohérent avec les missions du ministère et avec la logique de la mission interministérielle que je propose.
Au-delà de ces mesures de modernisation, les réseaux diplomatique, consulaire et culturel seront réaménagés d'ici 2007 pour dégager les marges de financement de la réforme. Je l'ai dit à votre Commission des Affaires étrangères, il faut être imaginatif et agir sur tous les leviers, en cumulant par exemple, là où c'est possible, les fonctions culturelles et consulaires, ou en recourant en Europe aux administrations locales.
Au-delà des efforts qui lui sont demandés, mon ministère veut prendre toute sa part dans le chantier prioritaire de la réforme de l'Etat. La LOLF nous offre une occasion exceptionnelle de changer les mentalités, de moderniser nos outils et d'adapter notre organisation, à Paris comme à l'étranger. Pour avancer dans cette voie, votre soutien est indispensable.
M. Pierre-André Wiltzer, ministre délégué à la Coopération et à la Francophonie - Faire prévaloir une autre conception de la mondialisation que celle qui résulterait des seuls rapports de force : telle est l'idée qui inspire tant notre politique de coopération, qui a pour objectif de combler le fossé entre les pays pauvres et les pays riches, que notre politique de Francophonie, laquelle vise à garantir le respect des cultures et des identités.
En rendant hommage à la qualité des travaux présentés par les rapporteurs, je m'efforcerai de répondre au mieux aux observations qu'ils ont formulées.
L'aide au développement est une priorité du gouvernement. Je constate avec plaisir que l'objectif fixé par le président de la République d'atteindre 0,50 % du PIB en 2007 fait l'objet d'un consensus. La remontée est engagée : après la chute des années précédentes, nous avons atteint 0,32 % en 2001, 0,38 % en 2002 ; l'estimation pour 2003 est de 0,40 % et l'objectif pour 2004 de 0,43 %. Nous n'avons pas à rougir de ces chiffres : en 2002, la moyenne des pays membres du G7 s'établissait à 0,19 %.
La même année, la moyenne des pays membres de l'OCDE s'établissait à 0,23 % et celle des pays membres de l'Union européenne à 0,34 %. Nous sommes donc en tête et nous souhaitons le rester.
Nous avons fixé deux priorités.
D'une part, renforcer notre aide bilatérale : de 62 % de notre aide globale en 2001, sa part passe à 72 % dans ce projet de budget.
D'autre part, renforcer l'aide à nos partenaires africains, dont le continent continue de s'appauvrir : elle représentait 72 % du total en 2002 et devrait être en hausse tant en 2003 qu'en 2004.
Vos rapporteurs ont souligné à juste titre les difficultés qu'ont posées à notre politique de coopération et d'aide au développement les régulations budgétaires subies au cours de cette année. Je souhaite, comme Dominique de Villepin, que ces mesures d'une rigueur exceptionnelle ne se renouvellent pas en 2004. Il convient toutefois de prendre des précautions ; c'est pourquoi la programmation de nos actions a été établie de manière particulièrement stricte.
Comme l'ont souligné MM. Godfrain et Emmanuelli, les difficultés rencontrées en 2003 risquent de conduire à des reports de charges en 2004, sous réserve, je le précise, de ce qui pourra être obtenu dans le collectif de fin d'année. En toute hypothèse, ces reports de charges resteront sensiblement inférieurs à l'augmentation des crédits proposés.
MM. Cazenave et Emmanuelli ont fait observer que l'augmentation de notre effort d'aide au développement provient pour une large part de nos opérations d'allégement de dettes, en particulier dans le cadre de l'initiative internationale en faveur des pays pauvres très endettés et de son complément bilatéral, les contrats de désendettement-développement. Le traitement de la dette, qui représentait 470 millions en 2001, va dépasser 2 milliards en 2004. Il sera au moins aussi important en 2005, avant un infléchissement ultérieur. C'est une mécanique bien connue : le pays les plus pauvres ne pourront pas décoller tant qu'ils resteront écrasés par le poids de leur dette. Alléger ce fardeau permet d'augmenter les dépenses de lutte contre la pauvreté ; il s'agit donc bien d'une aide au développement, et non pas d'un trompe-l'oeil ou d'un jeu d'écritures.
Les autres dimensions de notre politique ne doivent pas pour autant être oubliées. Les crédits de coopération du ministère des Affaires étrangères progressent de 141 millions, soit de 9,5 %. En outre, il convient d'anticiper le reflux des allégements de dettes dans les années qui viennent ; il devra être compensé par un renforcement de nos autres instruments d'aide, afin d'atteindre l'objectif de 0,5 % en 2007. Une réflexion est engagée sur ce sujet et des propositions vous seront faites prochainement.
La progression des crédits de coopération en 2004 est concentrée sur quelques instruments prioritaires, à commencer par le Fonds européen de développement. Sa réforme, même imparfaite, produit des effets positifs, en particulier l'accélération des décaissements. Ses crédits sont en progression de près de 14 %.
L'Agence française de développement voit ses crédits de paiement croître de plus de 15 %. Le Fonds de solidarité prioritaire bénéficie d'une progression de 25 % de ses crédits de paiement, qui se conjugue avec une réduction de 10 % des autorisations de programme, qui étaient surdotées.
Enfin, les concours financiers augmentent de 29 %, principalement sous l'effet des contrats de désendettement-développement.
Le plan de relance de la Francophonie, annoncé à Beyrouth par le président de la République, se traduit également dans ce projet de budget, comme plusieurs rapporteurs l'ont souligné.
D'autres domaines restent soumis à des contraintes financières. Ainsi, les crédits de la coopération culturelle et technique du chapitre 42-15 sont malheureusement en baisse de 3 % par rapport au budget initial de 2003 ; les crédits proposés restent cependant supérieurs aux crédits disponibles cette année après les mesures de régulation.
Nous aurions également souhaité pouvoir augmenter d'autres lignes budgétaires, par exemple les contributions volontaires aux Nations unies, l'aide alimentaire, le soutien aux organisations de solidarité internationales, la coopération militaire et la coopération décentralisée. Sur ce dernier point, M. Emmanuelli a fait une présentation quelque peu noircie : il a fait état d'une diminution de 9 % de ces crédits destinés à la coopération décentralisée, mais son calcul se fondait, non sur la seule loi de finances initiale pour 2003, mais sur le budget accru par les dotations en provenance de la réserve parlementaire. Si l'on raisonne de loi de finances initiale à loi de finances initiale, les crédits sont reconduits à l'identique.
Les sujets abordés par les rapporteurs auraient sans doute appelé d'autres commentaires : ainsi en est-il du codéveloppement, auquel M. Godfrain est très attaché et auquel il a beaucoup contribué en prenant l'initiative d'un débat ici même. Je dirai simplement que nous sommes en train de nous doter de nouveaux instruments. Pour le reste, comme pour les autres thèmes, je me tiens à la disposition des rapporteurs pour leur fournir les compléments qu'ils jugeraient nécessaires. Je terminerai en les remerciant de leur travail, qui nourrira la réflexion du gouvernement et confortera sa détermination à oeuvrer pour la coopération et pour la Francophonie.
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M. de Villepin - Je remercie tous les orateurs pour leurs contributions nourries. Je répondrai aux questions relatives aux Français de l'étranger et aux étrangers en France, posées par MM. Cousin et Pinte ; ensuite, à celles qui ont trait à l'influence de la France au regard des réformes en cours à l'ONU ou au sein de l'Union européenne, puis à celles qui portent sur notre politique à l'égard du Moyen-Orient et de l'Asie, en réponse à MM. Garrigue et Lefort. Mais auparavant, je voudrais répondre à MM. Myard et Sicre, qui estiment que ce budget ne permet pas à la France de tenir son rang.
Oui, la France a un rôle particulier à jouer sur la scène internationale. Il reste que le contexte budgétaire est défavorable et que nous nous sommes engagés à limiter la dépense publique.
Les 116 postes que nous perdons pourront être compensés par une gestion plus serrée des vacances d'emplois. De même, les réductions d'effectifs passées ont pu être compensées par des gains de productivité, tels ceux qui ont résulté de la fusion avec le ministère de la Coopération. Enfin, à l'image d'une organisation qui se professionnalise, si nous avons perdu des effectifs, nous en avons également beaucoup transformé en emplois de catégories supérieures.
C'est en recherchant en notre sein des marges de manoeuvre que nous trouverons les ressources nécessaires au financement de la modernisation. C'est le sens de l'exercice que j'ai lancé sur nos réseaux. C'est le but de la simplification et de la rationalisation en cours de nos méthodes de travail. C'est l'objectif de la stratégie ministérielle de réforme dont je vais saisir le Premier ministre.
L'accroissement de notre efficacité passe aussi par la mise en perspective des missions et des moyens de tous les services de l'Etat présents à l'étranger. La mission interministérielle "Action extérieure de l'Etat" peut nous apporter cette vision transversale.
Monsieur Sicre, votre pessimisme est à l'image de ces écrits qui décrivent une France en déclin qui se replierait dans un conservatisme morose. Mais au-delà d'une conjoncture difficile, il faut reconnaître les succès de notre pays. Le dynamisme de la société française est reflété par celui de nos entreprises : Air France, Renault, nos industries aéronautiques ou spatiales sont autant d'exemples de ce que la France sait faire et aucun de nos partenaires ne doute qu'elles continueront.
Vous avez évoqué les discussions en cours à Bruxelles sur le pacte de stabilité. Le gouvernement entend bien évidemment tenir la parole donnée : les règles du pacte s'imposent à tous, il en va de la solidité de l'euro. Nous devons toutefois veiller, dans une conjoncture difficile, à ce que la discipline budgétaire ne compromette pas la reprise économique ni ne menace des emplois. Je ne doute pas, Monsieur Sicre, de pouvoir compter sur votre soutien sur ce point. Par ailleurs, comme il est triste que vous n'entendiez pas la parole de la France, alors que tous les Européens et tant de peuples amis l'écoutent ! La politique a parfois des mystères que la raison ignore, mais je ne doute pas que la France, sans calcul ni arrière-pensée, continue de rassembler.
J'en viens à la question des Français à l'étranger et des étrangers en France. La sécurité de nos ressortissants à l'étranger est une priorité du budget pour 2004, qu'il s'agisse des deux millions de Français établis hors de France ou des 5 millions de touristes. Les risques sont aussi variés que le terrorisme, les crises politiques ou encore les catastrophes naturelles. Beaucoup a été fait depuis l'été 2002 : création d'un Comité de sécurité interministériel, missions d'évaluation dans les pays les plus exposés, équipements de télécommunications, stocks et plans de sécurité dans nos ambassades. Le ministère apporte par ailleurs une aide sociale permanente à plus de 5 000 de nos compatriotes les plus démunis. Il soutient une centaine d'associations françaises de bienfaisance à l'étranger et finance l'approvisionnement de nos centres médicaux dans les pays dépourvus d'infrastructures médicales fiables. Les propositions des Comités consulaires pour la protection et l'action sociale sont examinées dans un souci d'équité et d'efficacité de gestion.
En 2004, nous poursuivrons notre effort envers les plus démunis, et en particulier des handicapés. A plus long terme, nous réfléchissons à une plus grande participation des élus des Français de l'étranger à la gestion de leurs aides sociales.
M. Pinte m'a interrogé sur les conséquences du projet de loi sur l'immigration, qui prévoit l'abrogation de la double peine. Désormais, les étrangers qui ont obtenu la levée d'une mesure d'expulsion ou d'interdiction du territoire bénéficient, sauf menace de l'ordre public, d'un visa d'entrée en France. Les autorités consulaires examineront les demandes au cas par cas, car chacune est particulière. Elles recevront bientôt les instructions nécessaires pour agir à la fois dans un souci d'humanité et dans le respect des lois, sous le contrôle du juge. Gardons-nous dans de tels domaines des conclusions hâtives et d'une bonne conscience sans effet.
Oui, Monsieur Gantier, la France a un message à apporter au monde, et le ministère des Affaires étrangères doit le faire entendre. Et de fait, la voix de la France est écoutée : notre histoire, nos liens avec d'autres cultures, notre vision politique nous permettent de comprendre et d'exprimer les réalités du monde nouveau.
Monsieur Lefort, comme vous l'avez dit, j'ai choisi le droit et le multilatéralisme. Aucun peuple n'est disposé à accepter des solutions imposées par l'extérieur. S'il ne prend pas appui sur le socle du droit et des valeurs universelles, du dialogue et du respect de l'autre, le nouvel ordre mondial ne sera pas accepté. Voilà pourquoi l'ONU, l'OSCE et l'Union européenne ont un rôle essentiel à jouer. L'OSCE est une organisation unique qu'il faut soutenir sans hésitation. C'est la seule enceinte de sécurité où Moscou puisse dialoguer directement avec l'Europe, ainsi qu'avec les Etats-Unis et le Canada. Elles est souple et flexible. La France contribue à son budget pour 10 %, soit 19 millions par an.
En ce qui concerne la réforme des Nations unies, Monsieur Garrigue, le système multilatéral doit apporter des réponses aux défis actuels : paix, sécurité, développement, santé, environnement, accès à l'information. Les institutions des Nations unies doivent devenir plus légitimes pour empêcher le règne de la loi du plus fort. Le président de la République a formulé des propositions de réforme. Il a plaidé pour une action contre la prolifération et le terrorisme et a marqué son soutien résolu aux Droits de l'Homme, à la protection de l'environnement et à l'aide au développement. L'Union européenne est pour notre pays un relais d'influence, même si elle ne va pas toujours aussi loin ou aussi vite que nous le souhaiterions. Nous sommes donc favorable à un renforcement de sa présence dans les Nations unies, notamment par le biais du prochain ministre européen des Affaires étrangères.
Enfin, M. Lefort m'a posé la question d'un référendum pour l'adoption de la Constitution européenne. (...) Quatre de nos voisins ont pour l'instant choisi cette voie. Ce sont l'Espagne, le Luxembourg, le Danemark et l'Irlande, les deux derniers y étant obligés par leur Constitution. La Suède l'a exclue et la Constitution de l'Allemagne le lui interdit. La négociation étant toujours en cours, il est prématuré de se prononcer sur le mode de ratification que nous choisirons. La décision appartient au président de la République, qui vient de consulter les formations politiques représentées au Parlement. L'important, au bout du compte, est qu'il y ait bien un débat sur l'Europe !
M. Garrigue a souligné la place que vont prendre les puissances asiatiques. Ce continent est pour nous un enjeu majeur. Son poids dans les affaires du monde ne cesse de croître - voyez le rôle de la Chine dans la crise coréenne ou celui de l'Inde à Cancun. Il est aussi la zone de tous les défis en matière de sécurité : la prolifération, avec la Corée du Nord, le terrorisme en Afghanistan et en Asie du Sud-Est, la drogue, la criminalité financière, le trafic des êtres humains ou les épidémies. La très forte croissance économique de ces pays est un des moteurs de la croissance mondiale. Nos exportations en leur direction sont capitales pour notre économie, et les échanges universitaires et culturels devraient l'être aussi. Nous devons accueillir davantage d'étudiants de cette région du monde. L'Asie est d'ailleurs de notre côté dans le combat pour la diversité culturelle, comme l'a montré son soutien à notre projet à l'UNESCO. Notre partenariat avec l'Inde et la Chine passe par des sommets annuels, un dialogue stratégique, le soutien de nos entreprises et la hausse des crédits culturels. Avec le Japon, nous entretenons un dialogue politique étroit, notamment en ce qui concerne l'Irak et la Corée du Nord.
MM. Garrigue et Lefort ont également abordé la question israélo-palestinienne. Jean-Claude Lefort m'a demandé d'être l'homme de la paix au Proche-Orient, mais cela ne peut être l'oeuvre d'un seul ! C'est aux peuples de la région qu'il revient de bâtir la paix, en sortant de la logique des préalables et en se reconnaissant mutuellement un droit à l'existence et à la sécurité. Ces peuples ont connu tous les deux l'exil et le déni d'identité. Qui mieux que chacun d'eux pourrait comprendre l'autre ?
Nous pouvons cependant les aider. Le cadre existe - la Feuille de route - et nous devons lancer le mécanisme. Nous avons un devoir collectif d'action. Le Quartet doit retrouver son rôle d'impulsion, les pays de la région doivent assumer leurs responsabilités et l'Europe, forte de son intervention dans le dossier iranien, se doit de se mobiliser.
En ce qui concerne l'Irak, notre politique s'articule autour de trois principes : la légitimité, fondement de la démocratie, l'équité et la justice, qui imposent que les mêmes critères président au règlement de toutes les crises, et la responsabilité collective, garante de la stabilité du monde face à la tentation de l'unilatéralisme. Nous avons la conviction que l'a logique d'occupation doit céder le pas à celle de la souveraineté. Nous avons également la volonté d'être aux côtés des Irakiens pour participer à la reconstruction.
M. Wiltzer répondra aux autres questions. En attendant, je voudrais dire à M. Janquin que je me suis rendu en Afrique plus qu'aucun de mes prédécesseurs et que la France y est partout présente, pour encourager le règlement de toutes les crises. La France est engagée, à la demande de la communauté internationale et des pays de la région eux-mêmes : c'est vrai en Centrafrique, au Congo et en Côte d'Ivoire comme hier à Madagascar. Elle se mobilise au service de l'Afrique : 4 000 soldats français de la paix en Côte d'Ivoire font preuve de leur courage. Plus de 10 000 de nos compatriotes sont toujours dans ce pays par conviction, fidélité et amour de l'Afrique. Allons, Monsieur Janquin : quelle autre preuve d'amour voulez-vous ?
Notre diplomatie a changé de nature. Elle est aux avant-postes, vigilante, guidée par une exigence d'action. Elle veut contribuer à l'émergence d'une communauté internationale mieux organisée, soucieuse de justice, de tolérance et de solidarité. Elle est de plus en plus entendue et nous devons en être fiers. Votre soutien à propos de l'Irak, du Proche-Orient ou de l'Afghanistan témoigne de notre capacité à nous rassembler autour des valeurs de la République chaque fois que l'essentiel est en jeu. Je souhaite maintenir cet esprit de dialogue, dans le respect de nos différences et avec la conviction que nous défendons tous les intérêts de la France.
M. Wiltzer - (...) Un sujet a été particulièrement traité : celui de l'aide publique au développement. Un large consensus a salué l'accroissement de notre effort. J'ai toutefois relevé dans les propos de M. Janquin une sorte de revendication de paternité. N'engageons pas de querelle !
Les chiffres sont néanmoins incontestables : l'aide publique au développement n'a cessé de décroître sous le précédent gouvernement, tombant de 0,39 % en 1997 à 0,31 % en 2001, après être même descendue à 0,3 % en 2000. Ce n'est qu'à partir de 2002 qu'elle est repartie à la hausse, atteignant 0,37 %. Je suis tout à fait prêt à entendre les critiques, à condition qu'elles soient de bonne foi. Et sur ce sujet, il ne devrait pas y avoir de polémique.
MM. Bourg-Broc, Lefort et Janquin ont exprimé le souhait d'une loi de programmation en matière de coopération. S'il s'agit seulement de fixer des objectifs pluriannuels quantifiés, nous disposons déjà des outils nécessaires et une loi de programmation n'apporterait pas grand-chose de plus. S'il s'agit d'établir un véritable tableau de bord, permettant une connaissance précise de l'exécution budgétaire, la mise en oeuvre de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances devrait suffire. Celle-ci me paraît l'outil le mieux adapté.
M. Lefort s'est inquiété d'un manque de transparence concernant les contrats de désendettement-développement. Je tiens à le rassurer, il n'y a là-dedans aucune opacité. D'ailleurs, M. Emmanuelli consacre à ces contrats plusieurs pages du rapport qu'il a établi au nom de la Commission des Finances. Y figurent toutes les indications nécessaires sur cette nouvelle procédure, certes appelée à se roder, mais qui permet déjà d'associer utilement les sociétés civiles du Nord et du Sud, et les grandes organisations non gouvernementales. Les critiques me semblent donc pour l'instant relever plutôt du procès d'intention.
Plusieurs orateurs, en particulier M. Bourg-Broc et M. Herbillon, ont évoqué la place de la langue française, dont il faut en effet éviter le déclin. Pour ce faire, nous avons plusieurs batailles à mener de front. Tout d'abord, mieux garantir le statut juridique et, partant, la pratique du français dans les institutions européennes. C'est en nous appuyant sur les Conventions et les textes existants, mais aussi en recherchant le soutien de pays, comme nous soucieux d'éviter un monolinguisme, de droit ou de fait, en Europe, que nous défendrons le mieux notre langue. Ensuite, l'enseignement obligatoire de deux langues vivantes dans tous les pays européens, et non dans sept seulement comme aujourd'hui, devrait profiter au français. On l'a déjà constaté en Italie, où l'enseignement de notre langue s'est fortement développé, après que l'apprentissage d'une deuxième langue vivante a été rendu obligatoire. Enfin, l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF)a engagé un plan d'action en Europe, sur lequel nous sommes très mobilisés. Il ne s'agit pas de jouer le français contre toutes les autres langues, mais de faire en sorte, avec le concours d'alliés, comme l'Allemagne, qu'il ait toute sa place parmi les grandes langues internationales.
M. Herbillon m'a plus particulièrement interrogé sur le projet de convention internationale relative à la diversité culturelle en instance à l'UNESCO. L'OIF a décidé lors de son dernier sommet à Beyrouth, à l'initiative de la France, de faire de la défense de la diversité culturelle le socle de son engagement. Une bataille s'est ensuite engagée à l'UNESCO pour faire adopter une Convention excluant les biens culturels du champ d'application des règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Lors de la dernière Assemblée générale à Paris, une large majorité d'Etats membres a donné mandat au directeur général de l'UNESCO pour étudier la possibilité de mettre en place cet outil.
M. Janquin s'est inquiété des effets de la régulation budgétaire, en particulier sur les opérations d'assistance technique et sur le soutien aux organisations de solidarité internationale. Les gels de crédits ont en effet eu des conséquences fâcheuses, nul ne le nierait. 359 postes ont été gelés en 2003, dont 100 postes de volontaires internationaux et 259 postes civiles ordinaires. Je puis vous assurer que ces postes seront dégelés à compter du 1er janvier prochain. 52 contrats sont d'ores et déjà prêts à être signés à cette date. Quoi qu'il en soit, soyez assurés qu'aucun agent n'a été pénalisé dans sa carrière du fait de ces difficultés.
M. Herbillon et M. Voisin m'ont interrogé sur l'avenir de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), ainsi que sur ses relations avec l'Education nationale. L'AEFE est en effet un opérateur-clé et un vecteur essentiel à l'influence du français dans le monde. L'an passé, 160 000 élèves étaient scolarisés dans 268 établissements, et l'effectif progresse d'environ mille élèves par an. La subvention de l'Agence pour 2004 s'élève à 332 millions d'euros, certes en diminution de 1,68 % par rapport à l'an passé. Les capacités d'action de l'Agence ne devraient toutefois pas en souffrir, son fonds de roulement ayant bénéficié d'effets de change favorables. Un effort d'un million d'euros a, par ailleurs, été consenti en faveur du développement des bourses. Pour ce qui est de l'Education nationale, elle ne participe en rien ni au financement ni à la gestion de l'AEFE. En revanche, elle travaille en concertation étroite avec elle pour tout ce qui relève du domaine éducatif.
M. Guillet a plus particulièrement évoqué les contributions volontaires de notre pays à certains organismes internationaux, celles du système des Nations unies en particulier. M. Guillet a ainsi évoqué le Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE). C'est vrai, nos contributions volontaires à ces organisations sont insuffisantes. Nous aurions voulu les majorer dès maintenant. La situation budgétaire ne le permet pas.
En 2003, notre contribution au PNUE s'est élevée à 3,1 millions, payée pour moitié par les Affaires étrangères, pour moitié par le ministère de l'Environnement. Ce n'est pas assez, mais il paraît difficile de redéployer les contributions que nous versons à d'autres organisations, comme le Haut Commissariat aux réfugiés ou le Comité international de la Croix-Rouge. Nous espérons faire mieux l'an prochain.
Q - (Sur le processus de paix au Proche-Orient)
R - M. de Villepin - Nous partageons votre préoccupation face au sort d'une population palestinienne si éprouvée. La situation dans les territoires occupés ne cesse pas de se dégrader.
Oui, la communauté internationale doit maintenir vivante des perspectives de paix. Aussi nous sommes-nous résolument engagés pour concevoir la Feuille de route et commencer à la mettre en oeuvre. L'ensemble des parties ont accepté de s'engager dans ce processus, qu'il faut poursuivre. Cela ne suffit pas, face à une situation mouvante, avec la colonisation, avec la construction du mur que nous avons dénoncée d'autant plus fortement qu'il s'élabore non pas sur la base des frontières de 1967, mais sur d'autres, qui éloignent toute perspective de solution politique.
Faut-il alors rentrer dans une logique de régression et de sanction ? Nous ne le croyons pas. Seule une mobilisation de la communauté internationale peut relancer le processus de la Feuille de route. Nous avons salué l'accord de Genève, qui fixe un horizon. Pour rentrer dans la Feuille de route, nous avons soutenu l'idée d'une conférence internationale, celle aussi d'une force d'interposition qui garantirait la sécurité et des Palestiniens et des Israéliens. Chacun doit prendre ses responsabilités : pour les Palestiniens, renoncer à la violence et au terrorisme, pour les Israéliens renoncer à toute perspective de colonisation et s'engager résolument dans le processus de paix. Nous ne voyons pas d'autre issue que politique et diplomatique. Toute politique sécuritaire ne peut conduire, dans cette région, qu'à davantage d'insécurité.
Q - (Sur la sécurité sanitaire)
R - M. Wiltzer - Il est vrai que, au plan international tout comme en France, les opérateurs sont multiples et divers. La prise de conscience grandit de la nécessité de créer une bonne synergie entre eux. Nous avons rencontré, M. Mattei et moi, le nouveau directeur général de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) de passage à Paris, et nous avons examiné avec lui comment articuler l'action de l'OMS, celle d'ONU-sida, auquel nous contribuons à hauteur de 1,15 million, et celle du fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. La France a réuni il y a quelques semaines une conférence des donateurs, à l'occasion de laquelle le président de la République a annoncé que la France porterait son effort de 50 millions à 150 millions au 1er janvier prochain, ce qui fait de notre pays le deuxième contributeur mondial, derrière les Etats-Unis.
Entre ces trois organismes principaux, une convention a été passée, qui garantira un fonctionnement harmonieux. En France, dans le même esprit, nous avons installé le 28 mars dernier une plate-forme de concertation et d'échanges sur les grandes pandémies. Elle s'est réunie à deux reprises, en ma présence. Nous en attendons une meilleure efficacité.
Q - (Sur le cofinancement par le ministère des Affaires étrangères de la desserte aérienne de Strasbourg )
R - M. de Villepin - C'est vrai, le gouvernement est attaché au développement de Strasbourg comme capitale européenne et à l'importance de son accessibilité. Les conventions triennales qui lient l'Etat et les collectivités locales à plusieurs compagnies aériennes expirent en mars prochain, et leur renouvellement revêt une importance particulière à la veille de l'élargissement. Le gouvernement a décidé de lancer un appel d'offres pour relier Strasbourg à Amsterdam, Copenhague, Madrid, Milan, Munich et Vienne, dont le résultat sera connu avant la fin de l'année. Le gouvernement décidera alors, avec les collectivités locales partenaires, de l'ouverture effective de ces six lignes, et dégagera les crédits nécessaires au financement des actuelles conventions jusqu'à fin mars.
Si les appels d'offres sont fructueux, les grandes villes européennes seront à une matinée de vol de Strasbourg, avec une correspondance au plus, conformément à l'engagement du Premier ministre.
Q - (Sur la chaîne française d'information internationale)
R - M. de Villepin - Je ne reviendrai pas sur la nécessité de chaîne internationale, reconnue par tous. M. Brochand a rendu son rapport au Premier ministre, première étape de la création d'une chaîne indépendante, fondée sur un partenariat public-privé, diffusant en français, en anglais et en arabe pour commencer. Le Premier ministre a demandé à M. Brochand de poursuivre sa mission pendant encore trois mois car il reste à définir précisément le cahier des charges, à analyser l'impact sur les dispositifs existants de l'audiovisuel extérieur et à en tirer les conséquences. Par ailleurs, il faudra clarifier les relations de cette chaîne indépendante avec l'Etat et affiner la question du financement.
Le ministre des Affaires étrangères n'a pas les moyens de financer une telle chaîne, et je souhaite attendre la remise du rapport final pour que l'ensemble des contraintes soient prises en compte.
Q - (Sur Mme Bétancourt)
R - M. de Villepin - Je ne mets pas en cause votre bonne foi, mais je ne trouve pas grand-chose de vrai dans votre propos. S'il est une décision que je ne regrette pas, c'est bien celle-là. La famille de Mme Betancourt m'a personnellement informé d'une possibilité de libération, et il fallait prendre d'urgence la décision d'envoyer sur place un avion médicalisé, compte tenu de l'état de santé de l'otage. Qu'auriez-vous fait à ma place ? J'ai bien évidemment accepté, après avoir sollicité l'accord des plus hautes autorités de l'Etat.
Un avion a donc été envoyé au plus près de la zone où elle devait être libérée, et nous avons attendu trois jours, en vain. L'information a circulé à chaque étape. Le ministre de l'Intérieur a été informé avant même son départ pour la Colombie. En revanche, le ministre des Affaires étrangères brésilien, en déplacement, n'a pas pu être prévenu, mais il a compris mes explications et il n'y a eu, à aucun moment, de crise diplomatique entre la France et le Brésil, pas plus qu'entre la France et la Colombie.
Nous nous sommes mobilisés sur ce dossier depuis le premier jour. Sans évoquer des questions de budget qui n'ont pas leur place ici, je vous répète que nous n'avons rien à cacher sur ce dossier. Le premier devoir d'un pays est de se mobiliser pour venir en aide à un concitoyen en difficulté, et ce fut le cas pour Ingrid Bétancourt, à laquelle de surcroît nous sommes très attachés compte tenu de ses valeurs.
Q - (Sur Fonds mondial contre le sida)
R - M. de Villepin - Le ministère des Finances a publié le 5 novembre un communiqué officiel qui confirme que les versements de la France au Fonds mondial contre le sida, la tuberculose et le paludisme seront effectués dès le début de l'année 2004, pour le montant de 150 millions d'euros annoncé par le président de la République, à partir des crédits inscrits au projet de loi de finances et des crédits de report éventuellement disponibles en fin de gestion 2003.
R - M. Wiltzer - La répartition entre les deux rubriques n'est pas précisée. L'essentiel est que l'engagement soit clair. Quant à l'inscription des crédits au budget de plusieurs ministères - Finances, Affaires étrangères, Santé -, cela justifie, il est vrai, une harmonisation. Nous y travaillerons.
Q - (Sur le projet de Constitution européenne)
R - M. de Villepin - Je ne crois pas devoir prouver ici mon attachement personnel au suffrage universel. Mais nous avons une Constitution, et celle-ci offre deux voies pour adopter la nouvelle Constitution européenne : la voie référendaire et la voie parlementaire. Le choix appartient au seul président de la République.
S'il faut d'abord, comme je l'ai dit, un débat de fond, c'est parce que ce choix a pu, dans le passé, être occulté par d'autres considérations, et parce que le débat est crucial pour notre avenir. Nous y reviendrons dans les prochains mois. Un travail immédiat nous attend : définir le meilleur projet de constitution possible. Nous ne sommes pas au bout du chemin : nous avons un projet de grande qualité, mais nous devons discuter, dans le cadre de la Conférence intergouvernementale, sur des points importants : le ministre des Affaires étrangères européen, la présidence, la gouvernance économique et sociale... Certains points sont très délicats : le fonctionnement et l'organisation de la Commission, le vote à la double majorité. Attendons que le projet soit mis au point. Eclairé par les avis des uns et des autres - il a reçu les représentants des partis politiques représentés au Parlement -, le président de la République pourra alors prendre sa décision.
Q - (Sur le réseau des ambassades, consulats et centres culturels et sur le consulat d'Alexandrie)
R - M. de Villepin - Notre réseau consulaire n'est pas figé. Il évolue en fonction des missions, des demandes de visa, de la densité des communautés françaises. J'ai décidé de lancer une réflexion d'ensemble sur nos réseaux. Elle ne débouchera qu'exceptionnellement sur des fermetures de postes.
L'évolution de la carte consulaire se fera plutôt par une adaptation des fonctions, des regroupements de sites, une polyvalence des agents. S'agissant d'Alexandrie, la réflexion est en cours. S'y côtoient un centre culturel et un consulat. Nous étudions le renforcement du rôle politique de notre représentation et le transfert éventuel d'une partie de ses fonctions consulaires au Caire.
Il n'est pas question de supprimer le pavillon français dans la deuxième ville d'Egypte, centre économique et universitaire, escale de la marine nationale et lieu éternel dans les domaines culturel et commercial.
(...).
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 12 novembre 2003)
M. Dominique de Villepin, ministre des Affaires étrangères - Je salue d'abord les contributions de vos commissions et de vos rapporteurs. Ils ont fourni un travail de fond lucide et attentif sur les missions et les moyens de notre diplomatie.
MM. Woerth et Cazenave s'accordent à souligner les efforts de rigueur du ministère dans un contexte économique difficile. Ils relèvent également le respect des priorités assignées par le président de la République, notamment l'aide publique au développement et la réforme du droit d'asile, et notre volonté de poursuivre résolument la réforme de l'action extérieure de l'Etat. Je les remercie de soutenir ainsi les orientations de ce budget, marqué par la rigueur mais aussi par la ferme volonté d'adapter notre outil diplomatique aux défis qui se présentent à nous.
Je crois utile d'esquisser devant vous le contexte international dans lequel s'inscrit ce budget. Des grandes tendances du monde se dégagent en effet les priorités qui doivent guider notre action.
Combien d'évolutions, combien de révolutions depuis quinze ans ! La fin de l'affrontement Est-Ouest, la mondialisation. D'un monde fondé sur l'équilibre global entre l'Est et l'Ouest, où les répercussions locales de la rivalité majeure étaient sous contrôle, nous sommes donc passés à un monde où les déséquilibres locaux peuvent avoir des conséquences globales incontrôlables. Toutes les plaies du monde - misère, injustices, sentiment de rejet - déchaînent des violences que l'absence de mécanismes de régulation ne permet plus d'endiguer et que le terrorisme cherche à exploiter. Un terrorisme dont les méthodes entraînent une véritable révolution de la puissance, puisque la seule force des armes ne suffit plus à le contrer.
Dans ce monde bouleversé, la France entend marquer une triple exigence. Exigence d'unité d'abord : dans un univers marqué par la globalité et l'interdépendance, les défis ne sont plus à la mesure d'un seul pays. A ce monde nouveau, il faut un nouvel ordre fondé sur les principes de responsabilité collective et de légitimité.
Exigence de sécurité ensuite, car notre temps est celui de la violence et des épreuves. Face au terrorisme, nous devons mobiliser tous les moyens disponibles. Pour éradiquer un phénomène qui exploite les humiliations et les inquiétudes, il nous faut entendre et comprendre les peuples, traiter les conflits qui menacent à tout moment de dégénérer selon des principes de justice, de respect des identités et de solidarité.
Le troisième message de la France, c'est l'exigence de solidarité. Les peuples n'acceptent plus une mondialisation qui nourrit les écarts de développement, met en péril notre patrimoine naturel et multiplie les zones de non-droit, tout en diffusant à une échelle sans précédent les images de la prospérité et de la modernité.
Sur la base de ces principes, notre pays s'engage fermement et dans la durée. Il a multiplié les propositions pour bâtir une nouvelle architecture mondiale : réforme du Conseil de sécurité, gouvernance économique de la planète, nouveaux instruments pour lutter contre la prolifération, protéger l'environnement, garantir les Droits de l'Homme, promouvoir la diversité culturelle. Il pèse de tout son poids en faveur d'une mondialisation mieux maîtrisée, comme aux Sommets de Monterrey et de Johannesburg, ainsi qu'au G8 d'Evian. Il contribue au règlement des crises, n'hésitant pas à s'engager sur le terrain comme en Côte d'Ivoire, dans les Balkans ou en Afghanistan.
Dans ce domaine, un sentiment d'urgence nous guide. En Irak, il existe un véritable défi sécuritaire. Des soldats de la coalition tombent, les organisations internationales hésitent, la population se décourage. Et si l'escalade de la violence conduisait à une perte de contrôle ? Comment ne pas voir que le vide politique est un obstacle rédhibitoire au rétablissement de la sécurité ? Aussi la France préconise-t-elle un changement d'approche : rétablir la souveraineté irakienne, instaurer un gouvernement provisoire. De cette situation nouvelle pourrait naître une dynamique internationale et régionale. Tout ceci se passe aux portes de l'Europe : comment rester sourds aux appels de la responsabilité ?
Les mêmes raisons nous imposent d'être actifs au Proche-Orient. Ce conflit est au coeur des frustrations de la région, mais aussi du monde arabo-musulman tout entier. Du règlement de cette crise dépend celui de beaucoup d'autres. Les deux parties, sortant de la logique des préalables, doivent entendre la voix des peuples et lancer des gestes qui rétablissent la confiance. Un cadre de règlement, la Feuille de route, existe, mais il nous manque un mécanisme pour y entrer. Là aussi, nous avons un devoir collectif d'action.
Dans ces régions qui souffrent, la voix de la France est attendue et entendue. Mais elle portera beaucoup plus loin si l'Europe en amplifie l'écho. Pôle de stabilité et de prospérité, berceau des valeurs universelles, riche de sa diversité, trait d'union entre les cultures et les religions, l'Europe a vocation à devenir un des piliers du monde nouveau.
Je veux donc affirmer ici la grande ambition européenne de la France. Dans quelques mois, notre continent aura accompli le grand tournant du retour à l'unité. La nouvelle Europe à vingt-cinq, qui préfigure elle-même l'Union à trente, deviendra un grand espace de liberté et de sécurité, de stabilité et, nous l'espérons, de croissance. Cette Europe élargie sera dotée d'un nouveau cadre institutionnel, mais aussi d'un véritable pacte entre Etats et citoyens, que nous devons à la Convention présidée par M. Giscard d'Estaing. Elle aura les moyens d'être plus efficace, plus démocratique et de s'affirmer sur la scène internationale.
Cela implique bien sûr de maintenir l'élan de la coopération franco-allemande, qui demeure le moteur de l'Union, mais aussi de s'ouvrir à tous les autres partenaires disposés à aller de l'avant. Tous ne veulent ou ne peuvent pas aller au même rythme, mais l'important est que rien n'entrave ceux qui souhaitent s'engager.
Voilà pour le contexte international et européen.
Tous vos rapporteurs l'ont souligné, l'exécution du budget 2003 a été particulièrement difficile. Non seulement la régulation budgétaire a été massive - les annulations et gels ont amputé de 15 % les crédits hors rémunérations et engagements internationaux -, mais elle a affecté les reports, alors même que mon ministère s'était vu imposer 103 millions d'euros de reports obligatoires en 2002.
Cette régulation à répétition a compromis, au moment où bien des opérations étaient déjà lancées, plusieurs de nos programmations, notamment en matière immobilière et, bien entendu, en termes d'aide publique au développement et de coopération. MM. Godfrain, Cazenave, Emmanuelli ou Rochebloine s'en sont fait justement l'écho. Vous avez eu raison de le dire, des pays amis, des organisations de solidarité internationales, le Fonds de solidarité prioritaire, notre assistance technique ont fait les frais de cette régulation.
Il en va de même pour l'Institut français de Tel-Aviv, qu'a évoqué M. Rochebloine. Mais sachez que la décision de le refondre en l'installant sur un nouveau site n'est en aucun cas remise en cause. L'objectif est d'inscrire ce projet en toute première priorité sur le plan d'emploi du titre V, pour un coût évalué à l'heure actuelle à environ 5 millions d'euros.
C'est là un sujet de réflexion pour l'avenir : dès lors que notre politique étrangère s'inscrit dans les priorités voulues par le président de la République et le gouvernement et approuvées par la représentation nationale, nous devons tout faire pour la soustraire aux aléas de la régulation budgétaire. Car c'est le crédit même de notre pays qui est remis en cause.
Vous m'interrogez sur l'avenir de l'exécution budgétaire. Si ce budget est exécuté tel que vous voudrez bien le voter, nous aurons un appareil diplomatique, consulaire et de coopération à la hauteur de nos ambitions et des responsabilités particulières qu'a la France dans le monde. J'aurais d'ailleurs déclaré la même chose l'année dernière : le budget 2003 était, au moment de son adoption par le Parlement, un budget réaliste et adapté à nos besoins, s'il avait pu être exécuté tel que vous l'aviez voté.
Mon ministère a donc pris toute sa part dans l'action de rigueur entreprise par le gouvernement cette année, avec les actions de rationalisation, les baisses consenties en termes d'emplois et de crédits de fonctionnement, l'exercice d'adaptation de nos réseaux dans le monde... Cet effort, vous le constatez à nouveau dans le présent projet, avec 4,2 milliards d'euros, nos crédits sont en progression de 2,6 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2003 mais, hors crédits dédiés à l'aide publique au développement, ils baissent de 1,26 %.
Vos rapporteurs ont rappelé les postes sur lesquels portera l'effort. Les effectifs sont à nouveau réduits de 116 emplois, soit un non-renouvellement de 46 % des départs à la retraite. Avec une réduction presque interrompue du nombre d'emplois en moins de dix ans, les Affaires étrangères ont donc contribué à la réduction des effectifs de l'Etat.
Deuxième poste d'économie, la réforme des indemnités de résidence va corriger des incohérences géographiques, tout en entraînant une économie de 20 millions d'euros. Une partie de ce montant, soit 8 millions pourra être recyclée pour augmenter les primes des agents en poste à l'Administration centrale.
Les frais de fonctionnement de l'Administration centrale et des réseaux à l'étranger vont également baisser de 2 % par rapport à 2003, et les crédits immobiliers de 10,3 % en crédits de paiement et de 23,5 % en autorisations de programme. Ces crédits financent des missions sur le terrain ou pour représenter la France dans les instances internationales, ou encore des équipements de sécurité pour nos postes ou nos écoles.
A propos de ces crédits de fonctionnement, Eric Woerth a visité des postes diplomatiques où se côtoient la splendeur et la misère ; il se dit choqué par l'inégalité des moyens entre administrations présentes à l'étranger. Je suis bien d'accord : j'y reviendrai en évoquant la réforme de l'action extérieure de l'Etat.
Voilà pour le contexte. Certains dotations, clairement insuffisantes, n'ont pu être augmentées mais seulement reconduites, ce qui n'était pas acquis a priori. Il s'agit en premier lieu des contributions volontaires, hors Francophonie, aux organismes internationaux. Ces contributions, comme le signalent MM. Cazenave, Godfrain et Emmanuelli, jouent un rôle déterminant dans la crédibilité de la France au sein de ces organisations. Vous avez raison, Monsieur Godfrain : il y a une divergence évidente entre notre engagement politique en faveur des institutions multilatérales et le niveau de nos contributions volontaires. Non, Monsieur Dutoit, cet écart entre le discours et les contributions ne démontre pas le faible intérêt de la France à l'égard des organisations internationales. A moyen terme, la hausse continue de notre aide publique au développement profitera à ces contributions, dont plus de 90 % relèvent de cette aide.
Les subventions aux opérateurs de l'audiovisuel sont stables. Elles permettront à RFI et TV5, dont je salue le développement récent et le travail, d'assurer leurs missions. Je ne crois pas trahir les convictions de M. Rochebloine et des membres de la mission d'information en disant que nous appelons de tous nos voeux une chaîne d'information internationale : des images françaises - indépendantes bien entendu - doivent être présentes dans la couverture des grands événements internationaux. Des propositions sont faites. Elles doivent être précisées d'ici la fin de l'année pour avoir une idée claire du projet et de ses coûts. Des pistes de financement ont été ouvertes, qui doivent être soigneusement analysées.
La coopération militaire et de défense est, elle aussi, insuffisamment dotée. L'érosion, continue depuis 1998 des dotations de ce chapitre a cependant été stoppée. Je ne crois pas que l'on puisse évoquer, comme François Lamy, un naufrage de la coopération militaire et de défense. La récente création d'un comité d'orientation stratégique, commun aux ministères des Affaires étrangères et de la Défense, devrait donner une impulsion à cette coopération.
Enfin, les crédits de l'aide alimentaire sont eux aussi reconduits, mais resteront bien en deçà des besoins.
Dans une conjoncture budgétaire difficile, nous nous sommes donc organisés pour préserver l'essentiel, c'est-à-dire les priorités, sur lesquelles je voudrais maintenant revenir.
Dans une période budgétaire difficile, nous devons trouver un équilibre entre la solidarité gouvernementale et le respect de nos engagements internationaux. Lorsque nous sommes contraints d'interrompre nos financements, c'est la parole de la France qui est en cause. Ceci a été justement souligné par MM. Godfrain, Rochebloine, Cazenave et Emmanuelli qui ont estimé, entre autres, que l'état de cessation de paiement dans lequel s'est trouvé le FSP en 2003 à cause du gel budgétaire était inacceptable.
Il est essentiel dans ce contexte de bien définir nos priorités. La première est la poursuite de notre effort en faveur de l'aide au développement, voulu par le président de la République. Pierre-André Wiltzer vous exposera notre politique dans ce domaine comme dans celui de la Francophonie. Je veux seulement réaffirmer que l'engagement du président de la République de porter l'effort de la France à 0,5 % du PIB d'ici la fin de son mandat sera tenu. Et cette augmentation ne résultera pas de nos seuls engagements communautaires ou d'annulations de dettes. Le gouvernement entend bien mettre fin à la baisse ininterrompue de notre aide bilatérale, et relancer notamment notre effort en direction du continent africain.
Ce budget reflète ensuite le rôle privilégié de la francophonie institutionnelle dans le rayonnement de la France, et notre volonté de lui donner un rôle de plus en plus politique. Les crédits alloués au fonds multilatéral unique augmentent de 10 millions d'euros et les synergies entre notre coopération et les institutions de la francophonie seront développées. L'objectif est d'inscrire le projet en toute première priorité sur le plan d'emploi du titre V, pour un coût évalué à l'heure actuelle à environ 5 millions d'euros.
Enfin, dans le cadre de la réforme du droit d'asile, les crédits de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et de la commission de recours des réfugiés augmentent de près de 10 millions d'euros, soit 35 % environ. Ceci permettra de prolonger les renforts mis à la disposition de l'Office et de la commission à la fin 2002 et de créer près de 200 nouveaux emplois. Ces efforts n'auront pas été vains. D'ici la fin de l'année, l'OFPRA aura ramené de dix à quatre mois le délai de traitement des demandes et devrait atteindre avant l'été prochain l'objectif de deux mois assigné par le président de la République.
Pour les autres missions, les efforts de rationalisation produiront des économies qui seront recyclées là où il y a urgence. Ainsi l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) qui, il y a un an, se trouvait dans une situation délicate avec un fonds de roulement presque réduit à néant, a pu dégager des marges grâce à une gestion rigoureuse. Ces marges seront réinvesties sur les priorités de l'Agence. Au total, le ministère réalise un important effort d'adaptation que je veux traduire aussi dans la réforme de l'action extérieure de l'Etat.
La stratégie ministérielle de réforme que je vais soumettre au Premier ministre, après consultation de l'ensemble des agents de mon ministère, veut donner toute sa cohérence à l'action extérieure de l'Etat. Cette ambition passe par trois étapes.
Une étape politique et parlementaire d'abord, car il nous faut donner toute sa cohérence interministérielle, à notre politique étrangère.
Il faut pour cela rassembler tous les moyens de l'Etat au sein d'une mission interministérielle "Action extérieure", qui assure enfin au Parlement la vision consolidée des actions extérieures de la France et une plus grande maîtrise des crédits qu'elle y consacre. Henri Emmanuelli a eu raison de critiquer la présentation du jaune budgétaire : ce n'est qu'un document d'information, quand ce devrait être un document de décision.
Les crédits de mon ministère ne représentent que 45 % environ des crédits de l'action extérieure de l'Etat. Dès lors, la stratégie d'ensemble est peu lisible et ne permet pas des choix clairs. De là résultent les disparités et redondances que toutes vos missions à l'étranger, et récemment celle d'Eric Woerth à Madrid, décrivent avec constance. C'est donc l'approbation par le Parlement de tous les aspects de notre politique étrangère qui en assurera la mise en cohérence. A défaut, chaque administration poursuivrait ses objectifs propres sans vision d'ensemble.
Parallèlement, j'entends réformer en profondeur le ministère des Affaires étrangères. Il s'agira d'abord de renforcer sa capacité stratégique pour mieux définir les priorités de notre action extérieure. J'en prendrai trois exemples : rendre tout leur rôle aux directions géographiques qui incarnent la fonction de synthèse politique qui nous incombe ; faire de chaque ambassade une équipe réellement pluridisciplinaire et dont l'unité d'action s'incarnera dans un plan triennal ; enfin, redonner vie au comité interministériel des moyens extérieurs de l'Etat pour mieux coordonner l'ensemble des crédits de personnel et d'intervention.
Nous devons aussi mieux valoriser les compétences et mieux motiver les agents. Comment ? En favorisant la promotion interne, y compris d'un corps à l'autre, mais aussi en donnant une très forte impulsion à l'exigence d'évaluation : elle sera généralisée à tous les niveaux, et d'abord aux ambassadeurs, et inclura les jugements des collaborateurs selon la méthode dite d'évaluation à "360 degrés". Les nominations aux emplois supérieurs seront désormais préparées par un comité diplomatique et consulaire réunissant des représentants du ministère chargé de proposer des choix en toute transparence, sur la base des évaluations.
Il faut enfin rénover les méthodes et les outils du ministère, réorganiser l'Administration centrale pour mieux identifier et encadrer les grandes fonctions stratégiques, et développer une gestion par objectifs, fondée sur un vrai contrôle de gestion et sur l'évaluation des résultats.
Enfin, cette réforme se traduira dans les postes par le choix résolu d'une approche interministérielle et déconcentrée. Les instruments de cette démarche se mettent déjà en place : conférences d'orientation budgétaire autour de la pratique des budgets - pays, globalisation des crédits au profit du chef de poste, création de services administratifs unifiés... Il s'agit d'encourager l'ensemble des ministères à mettre en place une gestion partagée des crédits de l'action extérieure.
Un mot sur la Loi organique sur les lois de finance (LOLF), puisque plusieurs d'entre vous, notamment MM. Woerth et Cazenave, ont émis des réserves sur le schéma actuellement retenu par mon ministère.
Dans leur état actuel, nos trois programmes - "rayonnement et influence de la France", "coopération et action culturelle", "réseaux et services publics à l'étranger" - répondent à trois exigences. La première est la cohérence politique : les programmes correspondent aux trois grands métiers du ministère, diplomatie, culture et coopération, affaires consulaires. La seconde est la cohérence fonctionnelle : ce schéma est immédiatement opérationnel, sans une réorganisation totale du ministère. La troisième est la cohérence budgétaire, en permettant une utilisation large et pertinente de la fongibilité des crédits.
Le programme "influence et rayonnement" recouvre les activités diplomatiques au sens classique : directions politique et géographiques, communication, relations avec les organisations internationales, coopération militaire. Le programme "coopération et action culturelle" comprend les activités liées à notre politique de coopération et de développement. L'aide publique au développement en est une partie essentielle mais ne saurait résumer toute notre politique de coopération. Notre partenariat avec des pays comme l'Inde, le Nigeria, la Bolivie ou l'Indonésie se nourrit d'une diversité d'actions, qui touche aussi bien la recherche agronomique que les échanges universitaires ou la promotion de l'Etat de droit.
Enfin, le programme "réseaux et services publics à l'étranger" regroupe les activités du réseau consulaire et celles qui s'y rattachent, comme l'enseignement avec l'AEFE et le droit d'asile avec l'OFPRA, ainsi que la fonction d'administration et de soutien.
La répartition des personnels expatriés entre les trois programmes sera achevée en 2007, au terme de l'effort de restructuration du réseau. Il y a donc bien une répartition des crédits par objectif et finalité. Cette présentation de programme est un choix parmi d'autres possibles. Il peut évoluer, mais je le crois cohérent avec les missions du ministère et avec la logique de la mission interministérielle que je propose.
Au-delà de ces mesures de modernisation, les réseaux diplomatique, consulaire et culturel seront réaménagés d'ici 2007 pour dégager les marges de financement de la réforme. Je l'ai dit à votre Commission des Affaires étrangères, il faut être imaginatif et agir sur tous les leviers, en cumulant par exemple, là où c'est possible, les fonctions culturelles et consulaires, ou en recourant en Europe aux administrations locales.
Au-delà des efforts qui lui sont demandés, mon ministère veut prendre toute sa part dans le chantier prioritaire de la réforme de l'Etat. La LOLF nous offre une occasion exceptionnelle de changer les mentalités, de moderniser nos outils et d'adapter notre organisation, à Paris comme à l'étranger. Pour avancer dans cette voie, votre soutien est indispensable.
M. Pierre-André Wiltzer, ministre délégué à la Coopération et à la Francophonie - Faire prévaloir une autre conception de la mondialisation que celle qui résulterait des seuls rapports de force : telle est l'idée qui inspire tant notre politique de coopération, qui a pour objectif de combler le fossé entre les pays pauvres et les pays riches, que notre politique de Francophonie, laquelle vise à garantir le respect des cultures et des identités.
En rendant hommage à la qualité des travaux présentés par les rapporteurs, je m'efforcerai de répondre au mieux aux observations qu'ils ont formulées.
L'aide au développement est une priorité du gouvernement. Je constate avec plaisir que l'objectif fixé par le président de la République d'atteindre 0,50 % du PIB en 2007 fait l'objet d'un consensus. La remontée est engagée : après la chute des années précédentes, nous avons atteint 0,32 % en 2001, 0,38 % en 2002 ; l'estimation pour 2003 est de 0,40 % et l'objectif pour 2004 de 0,43 %. Nous n'avons pas à rougir de ces chiffres : en 2002, la moyenne des pays membres du G7 s'établissait à 0,19 %.
La même année, la moyenne des pays membres de l'OCDE s'établissait à 0,23 % et celle des pays membres de l'Union européenne à 0,34 %. Nous sommes donc en tête et nous souhaitons le rester.
Nous avons fixé deux priorités.
D'une part, renforcer notre aide bilatérale : de 62 % de notre aide globale en 2001, sa part passe à 72 % dans ce projet de budget.
D'autre part, renforcer l'aide à nos partenaires africains, dont le continent continue de s'appauvrir : elle représentait 72 % du total en 2002 et devrait être en hausse tant en 2003 qu'en 2004.
Vos rapporteurs ont souligné à juste titre les difficultés qu'ont posées à notre politique de coopération et d'aide au développement les régulations budgétaires subies au cours de cette année. Je souhaite, comme Dominique de Villepin, que ces mesures d'une rigueur exceptionnelle ne se renouvellent pas en 2004. Il convient toutefois de prendre des précautions ; c'est pourquoi la programmation de nos actions a été établie de manière particulièrement stricte.
Comme l'ont souligné MM. Godfrain et Emmanuelli, les difficultés rencontrées en 2003 risquent de conduire à des reports de charges en 2004, sous réserve, je le précise, de ce qui pourra être obtenu dans le collectif de fin d'année. En toute hypothèse, ces reports de charges resteront sensiblement inférieurs à l'augmentation des crédits proposés.
MM. Cazenave et Emmanuelli ont fait observer que l'augmentation de notre effort d'aide au développement provient pour une large part de nos opérations d'allégement de dettes, en particulier dans le cadre de l'initiative internationale en faveur des pays pauvres très endettés et de son complément bilatéral, les contrats de désendettement-développement. Le traitement de la dette, qui représentait 470 millions en 2001, va dépasser 2 milliards en 2004. Il sera au moins aussi important en 2005, avant un infléchissement ultérieur. C'est une mécanique bien connue : le pays les plus pauvres ne pourront pas décoller tant qu'ils resteront écrasés par le poids de leur dette. Alléger ce fardeau permet d'augmenter les dépenses de lutte contre la pauvreté ; il s'agit donc bien d'une aide au développement, et non pas d'un trompe-l'oeil ou d'un jeu d'écritures.
Les autres dimensions de notre politique ne doivent pas pour autant être oubliées. Les crédits de coopération du ministère des Affaires étrangères progressent de 141 millions, soit de 9,5 %. En outre, il convient d'anticiper le reflux des allégements de dettes dans les années qui viennent ; il devra être compensé par un renforcement de nos autres instruments d'aide, afin d'atteindre l'objectif de 0,5 % en 2007. Une réflexion est engagée sur ce sujet et des propositions vous seront faites prochainement.
La progression des crédits de coopération en 2004 est concentrée sur quelques instruments prioritaires, à commencer par le Fonds européen de développement. Sa réforme, même imparfaite, produit des effets positifs, en particulier l'accélération des décaissements. Ses crédits sont en progression de près de 14 %.
L'Agence française de développement voit ses crédits de paiement croître de plus de 15 %. Le Fonds de solidarité prioritaire bénéficie d'une progression de 25 % de ses crédits de paiement, qui se conjugue avec une réduction de 10 % des autorisations de programme, qui étaient surdotées.
Enfin, les concours financiers augmentent de 29 %, principalement sous l'effet des contrats de désendettement-développement.
Le plan de relance de la Francophonie, annoncé à Beyrouth par le président de la République, se traduit également dans ce projet de budget, comme plusieurs rapporteurs l'ont souligné.
D'autres domaines restent soumis à des contraintes financières. Ainsi, les crédits de la coopération culturelle et technique du chapitre 42-15 sont malheureusement en baisse de 3 % par rapport au budget initial de 2003 ; les crédits proposés restent cependant supérieurs aux crédits disponibles cette année après les mesures de régulation.
Nous aurions également souhaité pouvoir augmenter d'autres lignes budgétaires, par exemple les contributions volontaires aux Nations unies, l'aide alimentaire, le soutien aux organisations de solidarité internationales, la coopération militaire et la coopération décentralisée. Sur ce dernier point, M. Emmanuelli a fait une présentation quelque peu noircie : il a fait état d'une diminution de 9 % de ces crédits destinés à la coopération décentralisée, mais son calcul se fondait, non sur la seule loi de finances initiale pour 2003, mais sur le budget accru par les dotations en provenance de la réserve parlementaire. Si l'on raisonne de loi de finances initiale à loi de finances initiale, les crédits sont reconduits à l'identique.
Les sujets abordés par les rapporteurs auraient sans doute appelé d'autres commentaires : ainsi en est-il du codéveloppement, auquel M. Godfrain est très attaché et auquel il a beaucoup contribué en prenant l'initiative d'un débat ici même. Je dirai simplement que nous sommes en train de nous doter de nouveaux instruments. Pour le reste, comme pour les autres thèmes, je me tiens à la disposition des rapporteurs pour leur fournir les compléments qu'ils jugeraient nécessaires. Je terminerai en les remerciant de leur travail, qui nourrira la réflexion du gouvernement et confortera sa détermination à oeuvrer pour la coopération et pour la Francophonie.
(...)
M. de Villepin - Je remercie tous les orateurs pour leurs contributions nourries. Je répondrai aux questions relatives aux Français de l'étranger et aux étrangers en France, posées par MM. Cousin et Pinte ; ensuite, à celles qui ont trait à l'influence de la France au regard des réformes en cours à l'ONU ou au sein de l'Union européenne, puis à celles qui portent sur notre politique à l'égard du Moyen-Orient et de l'Asie, en réponse à MM. Garrigue et Lefort. Mais auparavant, je voudrais répondre à MM. Myard et Sicre, qui estiment que ce budget ne permet pas à la France de tenir son rang.
Oui, la France a un rôle particulier à jouer sur la scène internationale. Il reste que le contexte budgétaire est défavorable et que nous nous sommes engagés à limiter la dépense publique.
Les 116 postes que nous perdons pourront être compensés par une gestion plus serrée des vacances d'emplois. De même, les réductions d'effectifs passées ont pu être compensées par des gains de productivité, tels ceux qui ont résulté de la fusion avec le ministère de la Coopération. Enfin, à l'image d'une organisation qui se professionnalise, si nous avons perdu des effectifs, nous en avons également beaucoup transformé en emplois de catégories supérieures.
C'est en recherchant en notre sein des marges de manoeuvre que nous trouverons les ressources nécessaires au financement de la modernisation. C'est le sens de l'exercice que j'ai lancé sur nos réseaux. C'est le but de la simplification et de la rationalisation en cours de nos méthodes de travail. C'est l'objectif de la stratégie ministérielle de réforme dont je vais saisir le Premier ministre.
L'accroissement de notre efficacité passe aussi par la mise en perspective des missions et des moyens de tous les services de l'Etat présents à l'étranger. La mission interministérielle "Action extérieure de l'Etat" peut nous apporter cette vision transversale.
Monsieur Sicre, votre pessimisme est à l'image de ces écrits qui décrivent une France en déclin qui se replierait dans un conservatisme morose. Mais au-delà d'une conjoncture difficile, il faut reconnaître les succès de notre pays. Le dynamisme de la société française est reflété par celui de nos entreprises : Air France, Renault, nos industries aéronautiques ou spatiales sont autant d'exemples de ce que la France sait faire et aucun de nos partenaires ne doute qu'elles continueront.
Vous avez évoqué les discussions en cours à Bruxelles sur le pacte de stabilité. Le gouvernement entend bien évidemment tenir la parole donnée : les règles du pacte s'imposent à tous, il en va de la solidité de l'euro. Nous devons toutefois veiller, dans une conjoncture difficile, à ce que la discipline budgétaire ne compromette pas la reprise économique ni ne menace des emplois. Je ne doute pas, Monsieur Sicre, de pouvoir compter sur votre soutien sur ce point. Par ailleurs, comme il est triste que vous n'entendiez pas la parole de la France, alors que tous les Européens et tant de peuples amis l'écoutent ! La politique a parfois des mystères que la raison ignore, mais je ne doute pas que la France, sans calcul ni arrière-pensée, continue de rassembler.
J'en viens à la question des Français à l'étranger et des étrangers en France. La sécurité de nos ressortissants à l'étranger est une priorité du budget pour 2004, qu'il s'agisse des deux millions de Français établis hors de France ou des 5 millions de touristes. Les risques sont aussi variés que le terrorisme, les crises politiques ou encore les catastrophes naturelles. Beaucoup a été fait depuis l'été 2002 : création d'un Comité de sécurité interministériel, missions d'évaluation dans les pays les plus exposés, équipements de télécommunications, stocks et plans de sécurité dans nos ambassades. Le ministère apporte par ailleurs une aide sociale permanente à plus de 5 000 de nos compatriotes les plus démunis. Il soutient une centaine d'associations françaises de bienfaisance à l'étranger et finance l'approvisionnement de nos centres médicaux dans les pays dépourvus d'infrastructures médicales fiables. Les propositions des Comités consulaires pour la protection et l'action sociale sont examinées dans un souci d'équité et d'efficacité de gestion.
En 2004, nous poursuivrons notre effort envers les plus démunis, et en particulier des handicapés. A plus long terme, nous réfléchissons à une plus grande participation des élus des Français de l'étranger à la gestion de leurs aides sociales.
M. Pinte m'a interrogé sur les conséquences du projet de loi sur l'immigration, qui prévoit l'abrogation de la double peine. Désormais, les étrangers qui ont obtenu la levée d'une mesure d'expulsion ou d'interdiction du territoire bénéficient, sauf menace de l'ordre public, d'un visa d'entrée en France. Les autorités consulaires examineront les demandes au cas par cas, car chacune est particulière. Elles recevront bientôt les instructions nécessaires pour agir à la fois dans un souci d'humanité et dans le respect des lois, sous le contrôle du juge. Gardons-nous dans de tels domaines des conclusions hâtives et d'une bonne conscience sans effet.
Oui, Monsieur Gantier, la France a un message à apporter au monde, et le ministère des Affaires étrangères doit le faire entendre. Et de fait, la voix de la France est écoutée : notre histoire, nos liens avec d'autres cultures, notre vision politique nous permettent de comprendre et d'exprimer les réalités du monde nouveau.
Monsieur Lefort, comme vous l'avez dit, j'ai choisi le droit et le multilatéralisme. Aucun peuple n'est disposé à accepter des solutions imposées par l'extérieur. S'il ne prend pas appui sur le socle du droit et des valeurs universelles, du dialogue et du respect de l'autre, le nouvel ordre mondial ne sera pas accepté. Voilà pourquoi l'ONU, l'OSCE et l'Union européenne ont un rôle essentiel à jouer. L'OSCE est une organisation unique qu'il faut soutenir sans hésitation. C'est la seule enceinte de sécurité où Moscou puisse dialoguer directement avec l'Europe, ainsi qu'avec les Etats-Unis et le Canada. Elles est souple et flexible. La France contribue à son budget pour 10 %, soit 19 millions par an.
En ce qui concerne la réforme des Nations unies, Monsieur Garrigue, le système multilatéral doit apporter des réponses aux défis actuels : paix, sécurité, développement, santé, environnement, accès à l'information. Les institutions des Nations unies doivent devenir plus légitimes pour empêcher le règne de la loi du plus fort. Le président de la République a formulé des propositions de réforme. Il a plaidé pour une action contre la prolifération et le terrorisme et a marqué son soutien résolu aux Droits de l'Homme, à la protection de l'environnement et à l'aide au développement. L'Union européenne est pour notre pays un relais d'influence, même si elle ne va pas toujours aussi loin ou aussi vite que nous le souhaiterions. Nous sommes donc favorable à un renforcement de sa présence dans les Nations unies, notamment par le biais du prochain ministre européen des Affaires étrangères.
Enfin, M. Lefort m'a posé la question d'un référendum pour l'adoption de la Constitution européenne. (...) Quatre de nos voisins ont pour l'instant choisi cette voie. Ce sont l'Espagne, le Luxembourg, le Danemark et l'Irlande, les deux derniers y étant obligés par leur Constitution. La Suède l'a exclue et la Constitution de l'Allemagne le lui interdit. La négociation étant toujours en cours, il est prématuré de se prononcer sur le mode de ratification que nous choisirons. La décision appartient au président de la République, qui vient de consulter les formations politiques représentées au Parlement. L'important, au bout du compte, est qu'il y ait bien un débat sur l'Europe !
M. Garrigue a souligné la place que vont prendre les puissances asiatiques. Ce continent est pour nous un enjeu majeur. Son poids dans les affaires du monde ne cesse de croître - voyez le rôle de la Chine dans la crise coréenne ou celui de l'Inde à Cancun. Il est aussi la zone de tous les défis en matière de sécurité : la prolifération, avec la Corée du Nord, le terrorisme en Afghanistan et en Asie du Sud-Est, la drogue, la criminalité financière, le trafic des êtres humains ou les épidémies. La très forte croissance économique de ces pays est un des moteurs de la croissance mondiale. Nos exportations en leur direction sont capitales pour notre économie, et les échanges universitaires et culturels devraient l'être aussi. Nous devons accueillir davantage d'étudiants de cette région du monde. L'Asie est d'ailleurs de notre côté dans le combat pour la diversité culturelle, comme l'a montré son soutien à notre projet à l'UNESCO. Notre partenariat avec l'Inde et la Chine passe par des sommets annuels, un dialogue stratégique, le soutien de nos entreprises et la hausse des crédits culturels. Avec le Japon, nous entretenons un dialogue politique étroit, notamment en ce qui concerne l'Irak et la Corée du Nord.
MM. Garrigue et Lefort ont également abordé la question israélo-palestinienne. Jean-Claude Lefort m'a demandé d'être l'homme de la paix au Proche-Orient, mais cela ne peut être l'oeuvre d'un seul ! C'est aux peuples de la région qu'il revient de bâtir la paix, en sortant de la logique des préalables et en se reconnaissant mutuellement un droit à l'existence et à la sécurité. Ces peuples ont connu tous les deux l'exil et le déni d'identité. Qui mieux que chacun d'eux pourrait comprendre l'autre ?
Nous pouvons cependant les aider. Le cadre existe - la Feuille de route - et nous devons lancer le mécanisme. Nous avons un devoir collectif d'action. Le Quartet doit retrouver son rôle d'impulsion, les pays de la région doivent assumer leurs responsabilités et l'Europe, forte de son intervention dans le dossier iranien, se doit de se mobiliser.
En ce qui concerne l'Irak, notre politique s'articule autour de trois principes : la légitimité, fondement de la démocratie, l'équité et la justice, qui imposent que les mêmes critères président au règlement de toutes les crises, et la responsabilité collective, garante de la stabilité du monde face à la tentation de l'unilatéralisme. Nous avons la conviction que l'a logique d'occupation doit céder le pas à celle de la souveraineté. Nous avons également la volonté d'être aux côtés des Irakiens pour participer à la reconstruction.
M. Wiltzer répondra aux autres questions. En attendant, je voudrais dire à M. Janquin que je me suis rendu en Afrique plus qu'aucun de mes prédécesseurs et que la France y est partout présente, pour encourager le règlement de toutes les crises. La France est engagée, à la demande de la communauté internationale et des pays de la région eux-mêmes : c'est vrai en Centrafrique, au Congo et en Côte d'Ivoire comme hier à Madagascar. Elle se mobilise au service de l'Afrique : 4 000 soldats français de la paix en Côte d'Ivoire font preuve de leur courage. Plus de 10 000 de nos compatriotes sont toujours dans ce pays par conviction, fidélité et amour de l'Afrique. Allons, Monsieur Janquin : quelle autre preuve d'amour voulez-vous ?
Notre diplomatie a changé de nature. Elle est aux avant-postes, vigilante, guidée par une exigence d'action. Elle veut contribuer à l'émergence d'une communauté internationale mieux organisée, soucieuse de justice, de tolérance et de solidarité. Elle est de plus en plus entendue et nous devons en être fiers. Votre soutien à propos de l'Irak, du Proche-Orient ou de l'Afghanistan témoigne de notre capacité à nous rassembler autour des valeurs de la République chaque fois que l'essentiel est en jeu. Je souhaite maintenir cet esprit de dialogue, dans le respect de nos différences et avec la conviction que nous défendons tous les intérêts de la France.
M. Wiltzer - (...) Un sujet a été particulièrement traité : celui de l'aide publique au développement. Un large consensus a salué l'accroissement de notre effort. J'ai toutefois relevé dans les propos de M. Janquin une sorte de revendication de paternité. N'engageons pas de querelle !
Les chiffres sont néanmoins incontestables : l'aide publique au développement n'a cessé de décroître sous le précédent gouvernement, tombant de 0,39 % en 1997 à 0,31 % en 2001, après être même descendue à 0,3 % en 2000. Ce n'est qu'à partir de 2002 qu'elle est repartie à la hausse, atteignant 0,37 %. Je suis tout à fait prêt à entendre les critiques, à condition qu'elles soient de bonne foi. Et sur ce sujet, il ne devrait pas y avoir de polémique.
MM. Bourg-Broc, Lefort et Janquin ont exprimé le souhait d'une loi de programmation en matière de coopération. S'il s'agit seulement de fixer des objectifs pluriannuels quantifiés, nous disposons déjà des outils nécessaires et une loi de programmation n'apporterait pas grand-chose de plus. S'il s'agit d'établir un véritable tableau de bord, permettant une connaissance précise de l'exécution budgétaire, la mise en oeuvre de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances devrait suffire. Celle-ci me paraît l'outil le mieux adapté.
M. Lefort s'est inquiété d'un manque de transparence concernant les contrats de désendettement-développement. Je tiens à le rassurer, il n'y a là-dedans aucune opacité. D'ailleurs, M. Emmanuelli consacre à ces contrats plusieurs pages du rapport qu'il a établi au nom de la Commission des Finances. Y figurent toutes les indications nécessaires sur cette nouvelle procédure, certes appelée à se roder, mais qui permet déjà d'associer utilement les sociétés civiles du Nord et du Sud, et les grandes organisations non gouvernementales. Les critiques me semblent donc pour l'instant relever plutôt du procès d'intention.
Plusieurs orateurs, en particulier M. Bourg-Broc et M. Herbillon, ont évoqué la place de la langue française, dont il faut en effet éviter le déclin. Pour ce faire, nous avons plusieurs batailles à mener de front. Tout d'abord, mieux garantir le statut juridique et, partant, la pratique du français dans les institutions européennes. C'est en nous appuyant sur les Conventions et les textes existants, mais aussi en recherchant le soutien de pays, comme nous soucieux d'éviter un monolinguisme, de droit ou de fait, en Europe, que nous défendrons le mieux notre langue. Ensuite, l'enseignement obligatoire de deux langues vivantes dans tous les pays européens, et non dans sept seulement comme aujourd'hui, devrait profiter au français. On l'a déjà constaté en Italie, où l'enseignement de notre langue s'est fortement développé, après que l'apprentissage d'une deuxième langue vivante a été rendu obligatoire. Enfin, l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF)a engagé un plan d'action en Europe, sur lequel nous sommes très mobilisés. Il ne s'agit pas de jouer le français contre toutes les autres langues, mais de faire en sorte, avec le concours d'alliés, comme l'Allemagne, qu'il ait toute sa place parmi les grandes langues internationales.
M. Herbillon m'a plus particulièrement interrogé sur le projet de convention internationale relative à la diversité culturelle en instance à l'UNESCO. L'OIF a décidé lors de son dernier sommet à Beyrouth, à l'initiative de la France, de faire de la défense de la diversité culturelle le socle de son engagement. Une bataille s'est ensuite engagée à l'UNESCO pour faire adopter une Convention excluant les biens culturels du champ d'application des règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Lors de la dernière Assemblée générale à Paris, une large majorité d'Etats membres a donné mandat au directeur général de l'UNESCO pour étudier la possibilité de mettre en place cet outil.
M. Janquin s'est inquiété des effets de la régulation budgétaire, en particulier sur les opérations d'assistance technique et sur le soutien aux organisations de solidarité internationale. Les gels de crédits ont en effet eu des conséquences fâcheuses, nul ne le nierait. 359 postes ont été gelés en 2003, dont 100 postes de volontaires internationaux et 259 postes civiles ordinaires. Je puis vous assurer que ces postes seront dégelés à compter du 1er janvier prochain. 52 contrats sont d'ores et déjà prêts à être signés à cette date. Quoi qu'il en soit, soyez assurés qu'aucun agent n'a été pénalisé dans sa carrière du fait de ces difficultés.
M. Herbillon et M. Voisin m'ont interrogé sur l'avenir de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), ainsi que sur ses relations avec l'Education nationale. L'AEFE est en effet un opérateur-clé et un vecteur essentiel à l'influence du français dans le monde. L'an passé, 160 000 élèves étaient scolarisés dans 268 établissements, et l'effectif progresse d'environ mille élèves par an. La subvention de l'Agence pour 2004 s'élève à 332 millions d'euros, certes en diminution de 1,68 % par rapport à l'an passé. Les capacités d'action de l'Agence ne devraient toutefois pas en souffrir, son fonds de roulement ayant bénéficié d'effets de change favorables. Un effort d'un million d'euros a, par ailleurs, été consenti en faveur du développement des bourses. Pour ce qui est de l'Education nationale, elle ne participe en rien ni au financement ni à la gestion de l'AEFE. En revanche, elle travaille en concertation étroite avec elle pour tout ce qui relève du domaine éducatif.
M. Guillet a plus particulièrement évoqué les contributions volontaires de notre pays à certains organismes internationaux, celles du système des Nations unies en particulier. M. Guillet a ainsi évoqué le Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE). C'est vrai, nos contributions volontaires à ces organisations sont insuffisantes. Nous aurions voulu les majorer dès maintenant. La situation budgétaire ne le permet pas.
En 2003, notre contribution au PNUE s'est élevée à 3,1 millions, payée pour moitié par les Affaires étrangères, pour moitié par le ministère de l'Environnement. Ce n'est pas assez, mais il paraît difficile de redéployer les contributions que nous versons à d'autres organisations, comme le Haut Commissariat aux réfugiés ou le Comité international de la Croix-Rouge. Nous espérons faire mieux l'an prochain.
Q - (Sur le processus de paix au Proche-Orient)
R - M. de Villepin - Nous partageons votre préoccupation face au sort d'une population palestinienne si éprouvée. La situation dans les territoires occupés ne cesse pas de se dégrader.
Oui, la communauté internationale doit maintenir vivante des perspectives de paix. Aussi nous sommes-nous résolument engagés pour concevoir la Feuille de route et commencer à la mettre en oeuvre. L'ensemble des parties ont accepté de s'engager dans ce processus, qu'il faut poursuivre. Cela ne suffit pas, face à une situation mouvante, avec la colonisation, avec la construction du mur que nous avons dénoncée d'autant plus fortement qu'il s'élabore non pas sur la base des frontières de 1967, mais sur d'autres, qui éloignent toute perspective de solution politique.
Faut-il alors rentrer dans une logique de régression et de sanction ? Nous ne le croyons pas. Seule une mobilisation de la communauté internationale peut relancer le processus de la Feuille de route. Nous avons salué l'accord de Genève, qui fixe un horizon. Pour rentrer dans la Feuille de route, nous avons soutenu l'idée d'une conférence internationale, celle aussi d'une force d'interposition qui garantirait la sécurité et des Palestiniens et des Israéliens. Chacun doit prendre ses responsabilités : pour les Palestiniens, renoncer à la violence et au terrorisme, pour les Israéliens renoncer à toute perspective de colonisation et s'engager résolument dans le processus de paix. Nous ne voyons pas d'autre issue que politique et diplomatique. Toute politique sécuritaire ne peut conduire, dans cette région, qu'à davantage d'insécurité.
Q - (Sur la sécurité sanitaire)
R - M. Wiltzer - Il est vrai que, au plan international tout comme en France, les opérateurs sont multiples et divers. La prise de conscience grandit de la nécessité de créer une bonne synergie entre eux. Nous avons rencontré, M. Mattei et moi, le nouveau directeur général de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) de passage à Paris, et nous avons examiné avec lui comment articuler l'action de l'OMS, celle d'ONU-sida, auquel nous contribuons à hauteur de 1,15 million, et celle du fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. La France a réuni il y a quelques semaines une conférence des donateurs, à l'occasion de laquelle le président de la République a annoncé que la France porterait son effort de 50 millions à 150 millions au 1er janvier prochain, ce qui fait de notre pays le deuxième contributeur mondial, derrière les Etats-Unis.
Entre ces trois organismes principaux, une convention a été passée, qui garantira un fonctionnement harmonieux. En France, dans le même esprit, nous avons installé le 28 mars dernier une plate-forme de concertation et d'échanges sur les grandes pandémies. Elle s'est réunie à deux reprises, en ma présence. Nous en attendons une meilleure efficacité.
Q - (Sur le cofinancement par le ministère des Affaires étrangères de la desserte aérienne de Strasbourg )
R - M. de Villepin - C'est vrai, le gouvernement est attaché au développement de Strasbourg comme capitale européenne et à l'importance de son accessibilité. Les conventions triennales qui lient l'Etat et les collectivités locales à plusieurs compagnies aériennes expirent en mars prochain, et leur renouvellement revêt une importance particulière à la veille de l'élargissement. Le gouvernement a décidé de lancer un appel d'offres pour relier Strasbourg à Amsterdam, Copenhague, Madrid, Milan, Munich et Vienne, dont le résultat sera connu avant la fin de l'année. Le gouvernement décidera alors, avec les collectivités locales partenaires, de l'ouverture effective de ces six lignes, et dégagera les crédits nécessaires au financement des actuelles conventions jusqu'à fin mars.
Si les appels d'offres sont fructueux, les grandes villes européennes seront à une matinée de vol de Strasbourg, avec une correspondance au plus, conformément à l'engagement du Premier ministre.
Q - (Sur la chaîne française d'information internationale)
R - M. de Villepin - Je ne reviendrai pas sur la nécessité de chaîne internationale, reconnue par tous. M. Brochand a rendu son rapport au Premier ministre, première étape de la création d'une chaîne indépendante, fondée sur un partenariat public-privé, diffusant en français, en anglais et en arabe pour commencer. Le Premier ministre a demandé à M. Brochand de poursuivre sa mission pendant encore trois mois car il reste à définir précisément le cahier des charges, à analyser l'impact sur les dispositifs existants de l'audiovisuel extérieur et à en tirer les conséquences. Par ailleurs, il faudra clarifier les relations de cette chaîne indépendante avec l'Etat et affiner la question du financement.
Le ministre des Affaires étrangères n'a pas les moyens de financer une telle chaîne, et je souhaite attendre la remise du rapport final pour que l'ensemble des contraintes soient prises en compte.
Q - (Sur Mme Bétancourt)
R - M. de Villepin - Je ne mets pas en cause votre bonne foi, mais je ne trouve pas grand-chose de vrai dans votre propos. S'il est une décision que je ne regrette pas, c'est bien celle-là. La famille de Mme Betancourt m'a personnellement informé d'une possibilité de libération, et il fallait prendre d'urgence la décision d'envoyer sur place un avion médicalisé, compte tenu de l'état de santé de l'otage. Qu'auriez-vous fait à ma place ? J'ai bien évidemment accepté, après avoir sollicité l'accord des plus hautes autorités de l'Etat.
Un avion a donc été envoyé au plus près de la zone où elle devait être libérée, et nous avons attendu trois jours, en vain. L'information a circulé à chaque étape. Le ministre de l'Intérieur a été informé avant même son départ pour la Colombie. En revanche, le ministre des Affaires étrangères brésilien, en déplacement, n'a pas pu être prévenu, mais il a compris mes explications et il n'y a eu, à aucun moment, de crise diplomatique entre la France et le Brésil, pas plus qu'entre la France et la Colombie.
Nous nous sommes mobilisés sur ce dossier depuis le premier jour. Sans évoquer des questions de budget qui n'ont pas leur place ici, je vous répète que nous n'avons rien à cacher sur ce dossier. Le premier devoir d'un pays est de se mobiliser pour venir en aide à un concitoyen en difficulté, et ce fut le cas pour Ingrid Bétancourt, à laquelle de surcroît nous sommes très attachés compte tenu de ses valeurs.
Q - (Sur Fonds mondial contre le sida)
R - M. de Villepin - Le ministère des Finances a publié le 5 novembre un communiqué officiel qui confirme que les versements de la France au Fonds mondial contre le sida, la tuberculose et le paludisme seront effectués dès le début de l'année 2004, pour le montant de 150 millions d'euros annoncé par le président de la République, à partir des crédits inscrits au projet de loi de finances et des crédits de report éventuellement disponibles en fin de gestion 2003.
R - M. Wiltzer - La répartition entre les deux rubriques n'est pas précisée. L'essentiel est que l'engagement soit clair. Quant à l'inscription des crédits au budget de plusieurs ministères - Finances, Affaires étrangères, Santé -, cela justifie, il est vrai, une harmonisation. Nous y travaillerons.
Q - (Sur le projet de Constitution européenne)
R - M. de Villepin - Je ne crois pas devoir prouver ici mon attachement personnel au suffrage universel. Mais nous avons une Constitution, et celle-ci offre deux voies pour adopter la nouvelle Constitution européenne : la voie référendaire et la voie parlementaire. Le choix appartient au seul président de la République.
S'il faut d'abord, comme je l'ai dit, un débat de fond, c'est parce que ce choix a pu, dans le passé, être occulté par d'autres considérations, et parce que le débat est crucial pour notre avenir. Nous y reviendrons dans les prochains mois. Un travail immédiat nous attend : définir le meilleur projet de constitution possible. Nous ne sommes pas au bout du chemin : nous avons un projet de grande qualité, mais nous devons discuter, dans le cadre de la Conférence intergouvernementale, sur des points importants : le ministre des Affaires étrangères européen, la présidence, la gouvernance économique et sociale... Certains points sont très délicats : le fonctionnement et l'organisation de la Commission, le vote à la double majorité. Attendons que le projet soit mis au point. Eclairé par les avis des uns et des autres - il a reçu les représentants des partis politiques représentés au Parlement -, le président de la République pourra alors prendre sa décision.
Q - (Sur le réseau des ambassades, consulats et centres culturels et sur le consulat d'Alexandrie)
R - M. de Villepin - Notre réseau consulaire n'est pas figé. Il évolue en fonction des missions, des demandes de visa, de la densité des communautés françaises. J'ai décidé de lancer une réflexion d'ensemble sur nos réseaux. Elle ne débouchera qu'exceptionnellement sur des fermetures de postes.
L'évolution de la carte consulaire se fera plutôt par une adaptation des fonctions, des regroupements de sites, une polyvalence des agents. S'agissant d'Alexandrie, la réflexion est en cours. S'y côtoient un centre culturel et un consulat. Nous étudions le renforcement du rôle politique de notre représentation et le transfert éventuel d'une partie de ses fonctions consulaires au Caire.
Il n'est pas question de supprimer le pavillon français dans la deuxième ville d'Egypte, centre économique et universitaire, escale de la marine nationale et lieu éternel dans les domaines culturel et commercial.
(...).
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 12 novembre 2003)