Déclaration de Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer, sur la charte d'exploitation aurifère signée entre l'Etat et la Fédération des opérateurs miniers de Guyane et l'interdiction du recours au mercure à compter de 2006, Cayenne le 17 septembre 2004.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Visite en Guyane du 16 au 21 septembre 2004 -signature de la charte de l'activité aurifère avec la profession minière à Cayenne le 17

Texte intégral

Depuis plus de cent ans, l'exploitation aurifère est un secteur important de l'activité économique en Guyane. Il contribue à hauteur de 90 M par an à la richesse de ce département.
Malheureusement, ce secteur économique a longtemps été soumis à des pratiques relevant plus du pillage et du profit illicite que d'une exploitation raisonnée d'une ressource rare et non renouvelable.
Ce n'est pas à vous que je rappellerai les conséquences pour la Guyane de l'orpaillage clandestin. Le pillage des ressources, les pratiques d'exploitation néfastes pour l'environnement, l'exploitation humaine la plus déplorable y sont associés. C'est pourquoi le gouvernement a fait de la lutte contre l'orpaillage clandestin l'un des axes majeurs de sa politique en Guyane.
Comme vous le savez, le droit a été mis en conformité avec les objectifs poursuivis. Le code minier (article 140) a été modifié pour permettre aux autorités judiciaires d'ordonner la destruction des matériels saisis. Le caractère non suspensif des recours contre les arrêtés de reconduite à la frontière a été pérennisé sans limite de durée.
Les moyens des forces de sécurité ont été renforcés par la présence d'un premier escadron, puis d'un deuxième depuis le début de l'année 2004, exclusivement voués à la lutte contre l'orpaillage clandestin.
35 opérations Anaconda ont été effectuées en 2003. 36 ont déjà été réalisées depuis le début de l'année 2004. Ces opérations difficiles, effectuées dans un contexte de risques croissants pour la gendarmerie, la douane, la police aux frontières, la DRIRE, et avec le concours actif des autorités judiciaires, seront poursuivies avec détermination.
Je tiens, devant vous, à rendre l'hommage qu'ils méritent aux unités et services impliqués dans ces opérations.
Je ne donnerai que deux exemples des résultats obtenus.
En 2003, 4 800 étrangers en situation irrégulière ont été reconduits. 77 kg de mercure ont été saisis et 8 kg d'or récupérés.
Au-delà des saisies immédiates ou interpellations nécessaires d'étrangers en situation irrégulière, l'action déterminée menée par l'Etat et ses services doit faire prendre conscience aux commanditaires que l'orpaillage clandestin présente des risques financiers majeurs, en tout état de cause supérieurs aux gains qu'ils peuvent en retirer.
La coopération qui se développe aujourd'hui avec le Brésil sur ce dossier est un facteur complémentaire de succès. Soyez persuadés que nous ne baisserons pas la garde. La lutte contre l'orpaillage clandestin se poursuivra avec la même détermination.
Au-delà de cet aspect strictement répressif, il est essentiel de placer l'exploitation des ressources aurifères de la Guyane dans une logique positive.
Cette démarche voulue par l'Etat a rencontré, et je m'en félicite, celle que vous, opérateurs miniers légaux, avez entreprise.
L'exploitation aurifère en Guyane doit s'inscrire dans une logique de développement respectueuse des contraintes environnementales et du caractère non renouvelable de la ressource globale évaluée à 500 tonnes par le BRGM.
Le séminaire que vous avez tenu, sous l'égide de la chambre de commerce et d'industrie de Guyane les 4 et 5 décembre 2003 vous a permis de mener une réflexion très constructive. Le mémorandum issu de vos travaux récapitule plus de vingt propositions qui sont autant de bases d'échanges entre l'Etat et les professionnels.
C'est tout naturellement que la commission des mines, présidée par le préfet, s'impose comme la structure idéale des échanges nécessaires entre l'Etat, les élus et les professionnels.
C'est d'abord un cadre de travail commun qui a depuis de longs mois prouvé son efficacité. En effet, votre commission examine l'ensemble des demandes d'autorisation d'exploitation principalement sollicitées par les artisans miniers réunis au sein de la Fédération des opérateurs miniers de Guyane.
La réunion dans une seule instance des élus concernés, de l'Etat et des professionnels permet une prise en compte de l'ensemble des composantes de chaque dossier. Je sais que dans chaque cas l'avis de la commune concernée est recueilli, que la dimension environnementale est prise en compte tant en ce qui concerne les précautions d'exploitation imposée que les obligations de remise en état des sites. Enfin, la bonne connaissance des pétitionnaires et de leurs éventuels antécédents est également un critère essentiel de l'appréciation que porte votre commission.
Au-delà de la gestion ponctuelle des dossiers, la charte, que nous allons parapher aujourd'hui, traduit concrètement la dimension élargie que vous avez, tous ensemble, su donner à la commission des mines.
Dès le mois d'avril dernier, une réunion importante s'est tenue sous l'égide du préfet avec les groupements de professionnels miniers. La création de trois groupes de travail a permis de définir des orientations nouvelles afin d'aboutir à la charte qui nous réunit aujourd'hui.
Deux axes ont tout particulièrement été retenus. Ils concernent d'une part le développement de méthodes d'exploitation respectueuses de l'environnement, et d'autre part l'effort de formation professionnelle que vous souhaitez engager.
L'activité aurifère a trop souvent été assimilée à la pollution par le mercure. Il est vrai que pendant trop longtemps le recours au mercure a été privilégié pour extraire l'or. L'utilisation de ce métal était souvent peu ou mal maîtrisée et à l'origine de pollutions réelles.
Un pas très important vient d'être franchi. En concertation avec la commission des mines, le préfet de la Guyane a pris des arrêtés essentiels pour réduire l'impact des pollutions par le mercure.
A compter du 1er janvier 2006, toute utilisation du mercure sera proscrite sur les sites d'exploitation minière. Cette mesure est déterminante. Elle évitera les risques de dissémination en même temps qu'elle fera cesser le soupçon régulier qui pèse dans l'opinion sur l'activité aurifère.
Cette interdiction absolue à une échéance d'ores et déjà fixée permettra le développement de nouvelles techniques, comme l'utilisation de tables vibrantes.
L'Etat accompagnera les professionnels dans cette démarche.
A titre transitoire et jusqu'au 31 décembre 2005, l'arrêté préfectoral du 8 juin 2004 impose des normes très strictes d'utilisation du mercure sur les sites.
En premier lieu, il est dorénavant interdit de détenir plus de cinq kilos de mercure sur un site.
Aucune utilisation ne peut se faire sans qu'un dispositif efficace de récupération du mercure soit effectif.
En outre, un registre d'utilisation sera systématiquement tenu pour aboutir à une traçabilité effective du produit.
Le contrôle strict, puis l'abandon du recours au mercure fait aujourd'hui l'objet d'un large consensus. Cet engagement des professionnels est au cur de la charte pour le progrès de l'activité d'extraction qui sera signée à l'issue de cette réunion.
Cette charte est aussi l'occasion d'intégrer pleinement la problématique " travail ". En effet, j'ai bien noté l'engagement pris à travers ce document de respecter strictement la réglementation du travail et les normes sanitaires pour les employés.
Il est vrai que face aux images diffusées par les médias des conditions de travail des orpailleurs illégaux, les opérateurs miniers doivent impérativement être en mesure de démontrer que leurs pratiques sont conformes à la loi.
La création par la profession d'un centre de formation permettra de mieux préparer les salariés à des pratiques professionnelles cohérentes. Ce centre offrira en outre la possibilité d'améliorer les techniques d'extraction.
Ma participation à cette réunion de la commission des mines et à la signature de la charte entre les professionnels et l'Etat, démontre la volonté des pouvoirs publics de mener une action globale.
L'exploitation aurifère est une ressource pour la Guyane. Le temps des pionniers et des pratiques aléatoires ou dangereuses est maintenant révolu.
L'Etat accompagnera les professionnels dans leur volonté d'inscrire leur démarche dans une logique de développement durable, respectueuse de la ressource et de l'environnement.
(Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 24 septembre 2004)