Déclaration de M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre, sur la lutte contre le réchauffement climatique, la préservation de l'environnement et de la biodiversité, les engagements de la France pour Natura 2000, et les mesures budgétaires en faveur de l'ADEME pour 2005, Strasbourg le 22 février 2005.

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Circonstance : Déplacement à Strasbourg (Alsace) le 22 février 2005 : ouverture du "Vaisseau", centre culturel, scientifique et technique destiné aux enfants de 3 à 15 ans

Texte intégral

Monsieur le président, mes chers sénateurs, monsieur le préfet, madame le maire, monsieur le président, mesdames, messieurs les parlementaires, les élus régionaux, départementaux, communaux, je voudrais vous dire la joie qui est la mienne, sincèrement, d'être à Strasbourg, dans le Bas-Rhin et en Alsace. Je vais bientôt avoir passé trois ans à Matignon et je peux vous dire qu'une image qui restera à jamais gravée au plus profond de moi-même, c'est ce drapeau bleu, blanc, rouge en haut des flèches de la cathédrale de Strasbourg, le jour où on a célébré le soixantième anniversaire de la Libération. Pour un Premier ministre qui forcément cherche la communion avec le pays dont il dirige le gouvernement, ces moments étaient particulièrement forts J'ai mille raisons d'aimer Strasbourg et d'aimer l'Alsace, mais ce moment-là fait que j'aurais une mémoire, une cicatrice éternelle que je garde avec beaucoup de tendresse. Je vous le dis comme je le pense.
Je suis heureux de venir parler avec vous aujourd'hui d'environnement, de développement durable, parce que c'est une priorité pour la France. Le président de la République a choisi ce cap pour que notre pays à la fois se mobilise, agisse, mais aussi fasse entendre sa voix dans le monde. Cette réflexion est fondée sur une pensée. Cette pensée est celle de l'écologie humaniste, c'est-à-dire de cette relation équilibrée entre l'homme et la nature. L'homme n'est pas l'ennemi de la nature. Il faut au contraire construire la place de l'homme dans la nature. Cette place doit être ajustée avec le temps, avec les progrès de la technologie, et avec les évolutions de la nature elle-même. Nous avons toujours à rechercher ce meilleur équilibre de l'homme et de la nature. Le fait nouveau qui préoccupe notre génération, c'est qu'aujourd'hui les hommes ont la capacité de détruire à la fois la planète et l'humanité. Nous sommes en responsabilité aujourd'hui, qui est une responsabilité d'une extrême gravité et ce sujet est donc un sujet pour lequel nous devons considérer que la mobilisation et avant la mobilisation la conscience, est une urgence pour la France, mais aussi pour la communauté internationale. C'est pour ça que le président de la République avait employé l'expression "la maison brûle", pour montrer qu'il y a urgence à ce que nous prenions conscience des fragilités de la planète et des problèmes que pose notre modèle de développement. Ça ne veut pas dire évidemment que nous ne voulons pas nous attacher à valoriser les activités économiques, les activités humaines. Ça ne veut pas dire que nous voulons opposer industrie, et écologie. Cela veut dire que nous voulons chercher les équilibres et que nous voulons que les hommes, et les femmes en charge de responsabilité agissent en conscience. C'est un point très important, parce qu'au fond, le développement durable, c'est un peu comme le pari de Pascal, on n'a rien à perdre à y croire. Mais je suis sûr que pour l'économie, je suis sûr que pour les collectivités il y a aussi un intérêt à valoriser ces stratégies, un intérêt pour trouver de nouveaux marchés, de nouvelles marges, de nouveaux développements, un intérêt aussi pour les territoires, pour trouver une nouvelle attractivité, pour être capable de tenir un autre langage et avec le citoyen résident, et avec le touriste qui vient au devant d'un territoire et qui est sensible à la capacité d'accueil, à l'attractivité des paysages, et aussi du patrimoine naturel.
Nous savons bien qu'il faut pour cela non seulement une action publique forte, j'y reviendrai, mais aussi pouvoir s'adresser à des comportements et essayer d'influencer ces comportements pour les conduire dans la direction du développement durable. C'est pour ça que j'ai choisi la technique du crédit d'impôt pour permettre l'incitation à des investissements qui permettent notamment de consommer moins d'énergie et, car il y a urgence, d'émettre moins de gaz carbonique. Nous avons là la nécessité de prendre conscience du fait que l'environnement et le développement durable est un sujet qui implique chacun en tant qu'acteur du développement durable mais aussi en tant qu'usager qui ne veut pas devenir victime des problèmes d'environnement. Je pense bien souvent à la place qu'ont les enfants dans la société et à l'attachement que par évidence les parents ont pour leurs enfants. C'est un des moteurs majeurs de notre équilibre social moderne. Je le disais avec des chefs entreprises avec qui je discutais tout à l'heure, nous parlions de ce sens humaniste de l'écologie, je racontais l'évolution du concept de famille. Je parlais de Montaigne qui ne savait pas combien il avait d'enfants. Fut un temps où dans la famille, l'enfant avait une position assez marginale ! Aujourd'hui l'enfant a une position centrale. La santé de l'enfant est un élément aujourd'hui majeur pour notre équilibre social et pour les politiques publiques, et comme la science fait des progrès considérables, nous allons mesurer dans cinq ans, dans dix ans, la qualité de l'air, la qualité de l'ambiance partout où nous serons avec précision et quand les parents se rendront compte que quelquefois la qualité de l'air dans la classe est moins bonne que la qualité de l'air dans la cour de récréation, ils demanderont à ce qu'on s'occupe de la qualité de l'air dans la classe. Ils auront raison de le demander. Et donc, nous devons anticiper tout ce qui est aujourd'hui l'exigence potentielle du citoyen. Nous devons faire face non pas à l'exigence d'aujourd'hui puisque nous prenons des décisions, des décisions qui sont des décisions de long terme, nous devons faire en sorte qu'on anticipe l'exigence du citoyen dans dix ans, dans quinze ans, dans vingt ans, et dans cette situation là nous devons nous préparer évidemment à faire du développement durable une politique nationale et territoriale majeure.
Je suis venu en Alsace parce qu'ici en Alsace avec la région, avec les deux conseils généraux, le Bas-Rhin et le Haut-Rhin, vous avez initié de multiples initiatives, de multiples actions depuis déjà longtemps. Ici vous vous êtes engagé pour toutes les formes de partenariat. Je voyais ce matin sur une des initiatives que vous montriez, qu'il y avait douze partenaires. Douze partenaires pour une même action. C'est un sens fédérateur très important, essentiel en matière d'action environnementale pour que le public, le privé, l'associatif institutionnel puissent travailler ensemble. C'est un point très important et je note, monsieur le président du conseil général, mon cher Philippe, qu'il est très important de s'adresser aux jeunes aujourd'hui pour que cette éducation, que cette initiative sur la dynamique du développement durable, puisse rencontrer les cervelles quand elles sont encore toutes petites et en développement. Et c'est pour ça que je salue cette initiative du " Vaisseau " avec respect et admiration parce que je pense que c'est un lieu où l'écoute sera grande, l'attention sera éveillée et on pourra faire réfléchir les enfants, les préparer à un certain nombre de réflexions qui sont pour eux essentielles. Je suis très heureux de voir que la place de la réflexion sur le handicap, sur tout ce qui est aujourd'hui finalement notre vivre ensemble, est intégré ici dans le " Vaisseau " pour être présenté aux plus jeunes. C'est un département qui porte cette initiative, j'en suis très heureux et je voudrais dire moi qui ai grandi à côté du Futuroscope qu'il y a là une démarche très sympathique et qui est une démarche d'avenir. Cette volonté des collectivités territoriales, elle est très importante, et elle doit s'engager en partenariat, monsieur le préfet, avec l'Etat, et avec naturellement notre mobilisation nationale. Notre mobilisation nationale est grande parce que le gouvernement souhaite pouvoir mettre en oeuvre l'ensemble des dispositions qui permettent au président de la République de porter son message dans le monde et que le discours de Johannesburg prenne forme dans notre pays pour qu'on puisse montrer à ceux auxquels nous offrons notre disponibilité, la capacité de nos initiatives. C'est pour ça que le lundi 28 février députés et sénateurs se trouveront à Versailles pour voter la charte de l'environnement. Ce texte est très important. C'est un texte d'avenir. C'est un texte qui met dans notre loi fondamentale le droit qui est au-dessus du droit, qui est la loi constitutionnelle. Ce droit va intégrer non seulement le principe de précaution mais au fond ce concept de développement durable avec les responsabilités qu'il implique dans ce qu'est notre loi constitutionnelle. Ce texte a fait l'objet de multiples débats. C'est un sujet difficile parce que nous voyons bien les difficultés de court terme, mais c'est un sujet stratégique. La France qui a été le pays qui a adressé au monde des messages sur les droits universels parmi les premiers, notre pays qui a engagé un certain nombre de réflexions pour l'avenir de l'humanité et qui est en porteur avec ces maîtres des Lumières, se devait d'intégrer l'environnement et le développement durable dans notre loi fondamentale.
Je lisais ici ou là qu'il nous était reproché de mettre ce texte à l'ordre du jour en même temps la révision constitutionnelle. Mais qu'on réfléchisse un instant. Que penseraient tous ceux qui ont entendu le discours de Johannesburg, tous ceux qui ont entendu notre message pour que le protocole de Kyoto soit ratifié, tous ceux qui ont vu la France militer pour le principe de précaution et pour le protocole de Kyoto s'ils nous entendaient dire que nous réunissons un congrès et nous ne présentons pas la charte de l'environnement qui par ailleurs a été votée par les deux assemblées ! Cela voudrait dire que la charte de l'environnement nous la mettons de côté et qu'elle serait enterrée. Il est clair, c'est un engagement du président de la République, c'est un engagement du gouvernement que cette charte de l'environnement après avoir été votée par les deux assemblées devait être présentée au premier congrès qui serait réuni. Ne pas présenter la charte c'était vraiment enterrer la charte, et si cette charte aujourd'hui est forte pour la France, elle est aussi forte à titre d'exemple pour tous ceux qui dans le monde aujourd'hui après les engagements de Kyoto, considèrent qu'il y a là une piste d'avenir, une réflexion fondamentale, à laquelle nous devons tous adhérer. C'est une démarche importante pour laquelle le gouvernement est engagé. Je sais bien que les choses sont difficiles, mais je compte sur la jurisprudence, je compte sur tous les débats que ce texte va générer pour densifier notre réflexion sur ces questions, et je pense que ce n'est pas le silence qui sur ces sujets nous aiderait à définir l'avenir. C'est plutôt notre capacité à organiser la précaution et la conscience de l'avenir de la planète et de nos responsabilités qui nous aideront à définir au quotidien les actions que nous devons engager. Je voudrais également dire combien nous avons un certain nombre de priorités pour notre organisation, d'abord nationales puis internationales. En ce qui concerne l'organisation nationale, je dois vous dire que je suis très attentif à ce qu'un certain nombre de priorités puissent être défendues. Je pense notamment à tout ce qui concerne la maîtrise de l'énergie. Je pense qu'avec l'ADEME aujourd'hui nous avons un outil performant, nous avons une capacité technique et partenariale qui est capable aujourd'hui d'apporter beaucoup à tous ceux qui comme les départements et les régions veulent agir dans cette direction. Nous avons des capacités d'actions importantes. Le ministère de l'écologie et du développement durable est un ministère qui doit avoir les moyens. C'est pour ça que j'ai demandé à ce qu'il ne soit pas victime de gel et qu'il soit simplement concerné par 1% de mise en réserve, 1% puisque maintenant vous savez qu'avec la nouvelle loi organique il devra y avoir obligatoirement une mise en réserve pour chacun des budgets. Seulement 1%, six millions sur six cent millions à peu près, de manière à ce que l'ADEME n'ait pas de crédits qui puissent être gelés parce que je vois combien il est important que ces crédits soient utilisés pour les uns et les autres, à la fois pour le développement durable, mais aussi pour le développement et l'activité, parce que derrière il y a de l'emploi, derrière il y a un certain nombre d'initiatives.
Je voudrais que sur ces sujets nous fassions des progrès aussi au niveau national dans le domaine des logements par exemple. Nous allons construire 500 000 logements. Je vais travailler demain avec Jean-Louis BORLOO sur ces sujets à l'occasion du premier anniversaire de l'Agence nationale de rénovation urbaine. Avec les reconstructions que nous engageons nous allons lancer un grand nombre d'opérations pilotes. Je souhaite que nous puissions intégrer la haute qualité environnementale dans la plupart de ces programmes avec des capacités d'évaluation et des capacités de progrès technologiques ce qui veut dire que nous devons là aussi faire des efforts d'innovation, et aussi des efforts de recherche sur cette question-là. L'Agence nationale de la recherche que nous avons créée avec le budget 2005 comporte des programmes spécifiques pour le développement durable. C'est un axe stratégique de notre développement, faire en sorte que nous ayons les capacités de recherche qui soient renforcées sur tous ces sujets. C'est comme ça que nous plaçons la France à un niveau international puissant. Les réseaux sont constitués. Nous voulons à l'intérieur de ces réseaux placer la France de manière tout à fait puissante, active, remarquée mais parce que remarquable. Et cela, ça veut dire que nous sommes capables de rapprocher nos milieux scientifiques, nos milieux industriels. Nous avons de grandes entreprises aujourd'hui qui sont capables de s'engager dans ce type de démarche. Il nous faut développer ces initiatives et ainsi développer notre effort et notre rapprochement recherche industrie. L'agence développera des grands projets et ces grands projets nous permettront ainsi de renforcer par la technologie, par l'industrie notre capacité à agir au service du développement durable. Je voudrais sur le plan international vous dire combien nous sommes attachés à ce que nous puissions penser une organisation mondiale de l'environnement. Nous voyons bien que tous les problèmes qui nous sont aujourd'hui posés sont des problèmes internationaux et nous voyons bien qu'il est nécessaire d'avoir un véritable travail de gouvernance internationale. C'est pour ça que nous pensons qu'il faut réformer l'ONU pour la paix, il faut réformer l'OMC pour l'équilibre du développement, et il faut créer une organisation mondiale de l'environnement pour que la conscience de l'environnement, et que l'organisation même de l'action notamment pour la mise en oeuvre de Kyoto et au-delà de Kyoto puissent bénéficier d'une organisation internationale. Sans cette gouvernance internationale, nous n'aurons pas la capacité de faire pression sur les pays et sur les initiatives pour maîtriser les comportements des uns et des autres. C'est un élément très important de ce qui doit être aujourd'hui une priorité. La biodiversité est aussi un enjeu planétaire avec le réchauffement climatique. C'est un défi de cette gouvernance internationale de l'environnement que nous voulons instaurer. C'est fondamental parce que préserver la biodiversité, c'est protéger un patrimoine commun, et je voudrais dire toute l'importance de ce que j'ai vu ce matin pour qu'on puisse protéger le long des berges du Rhin, le castor ou la loutre, peut-être le hamster, nous y reviendrons, comme aussi de ce qui a été fait pour revoir les vautours fauves dans le ciel des Cévennes. Tout cela est très important et qu'on prenne bien conscience que protéger la vie, c'est protéger l'homme. Protéger la nature, c'est protéger la vie, c'est protéger l'homme. S'attaquer à la nature, s'attaquer à la vie, c'est s'attaquer à l'homme. Et c'est pour ça que la biodiversité a une dimension très importante pour laquelle il faut sans cesse faire une pédagogie. Des évènements nous le montrent. Quand on voit ces évènements dramatiques en Asie et comment là où les mangroves, ces forêts du bord de mer ont été préservées, les ravages du tsunami ont été moins dramatiques. Nous avons besoin d'espaces naturels. Nous avons tous des exemples qui nous montrent combien il est nécessaire d'avoir cette vision de la protection pour protéger la vie elle-même. Et c'est ce combat pour la biodiversité qui a conduit la France à être l'un des organisateurs de la conférence internationale qui s'est tenue à Paris récemment, et c'est un sujet sur lequel nous voulons travailler, y compris si c'est pour nous des sujets qui sont difficiles. Quand le dernier ours de race pyrénéenne est assassiné, chacun est choqué, et profondément choqué. Quand il y a dans les Alpes une bataille entre le loup et l'agneau, là il faut expliquer aux uns et aux autres. Il faut expliquer pourquoi la biodiversité est très importante, et pourquoi il faut respecter la directive habitat. Nous avons besoin de cette pédagogie, et je pense qu'il faut avoir des débats. Ce ne sont pas des sujets subalternes, ce ne sont pas des sujets anecdotiques. Il s'agit de vie. Et derrière la vie, il y a l'homme. Et nous devons être attentifs à toutes les questions de la vie. Ce sont ces sujets-là qui font de la biodiversité un sujet très important pour nous tous, et dans notre pays qui a connu de grands scientifiques sur toutes ces questions, nous devons être particulièrement attentifs à ces sujets, à ce que nous soyons toujours des militants de la vie et donc renforcer nos politiques de protection des espèces et veiller à ce que notamment au niveau européen, on puisse respecter davantage les dispositifs qui sont ceux notamment des directives " oiseau " ou " habitat ".
Il y a un sujet sur lequel je voudrais clarifier bien la position de la France, c'est Natura 2000. C'est un sujet pour lequel l'Alsace peut être un exemple à bien des égards. Je voudrais dire que cette fois-ci et le dire avec fermeté, nous voulons lever les dernières réticences françaises à Natura 2000. Que l'Europe nous entende ! Nous sommes déterminés à atteindre les objectifs de Natura 2000 et à remplir les engagements de la France pour Natura 2000. Le pays a hésité. Il a quelquefois trébuché. Aujourd'hui, il est décidé. Et donc nous nous engageons dans cette voie pour mettre en place l'ensemble du dispositif Natura 2000 de manière totale et complète avec l'ensemble du dispositif. 1400 sites ont déjà été désignés sur près de 8 % de notre territoire et je demande aux préfets et à leurs services de poursuivre activement les discussions avec tous les partenaires, les personnels concernés afin de désigner très rapidement les 250 sites manquants. Nous en avons 1400. Il en faut 1650, nous devons désigner rapidement les 250 manquants. Naturellement, les 1400 ont été un peu plus faciles à définir, surtout les 500 premiers, que les 250 derniers. Mais nous devons répondre à cette orientation de l'Union européenne, c'est un élément très important. La France ne peut pas donner le sentiment que sur ce réseau écologique européen, elle est hésitante, elle traîne les pieds, elle n'est pas convaincue. Je suis vraiment déterminé à ce que rapidement ces 250 sites soient désignés et que nous puissions ainsi nous intégrer pleinement dans la démarche européenne de Natura 2000 et ainsi que l'on puisse lancer vraiment tout le fonctionnement nécessaire à ces espaces notamment en ce qui concerne les principes de gestion, mais aussi les débats démocratiques, et donc qu'il y ait à l'intérieur de ces espaces des règles de gestion concertées. Il ne s'agit pas avec Natura 2000, de tracer des cartes avec des espaces fermés. Il s'agit à l'intérieur d'avoir des principes de gestion, des principes de programmation, mais aussi d'avoir des dispositifs de concertation. Je voudrais donc vous dire que nous sommes déterminés à ce que l'on puisse développer ces initiatives avec l'ensemble des partenaires et notamment cette éthique de discussion que doit porter Natura 2000, et que les uns et les autres apprennent à vivre ensemble. Je vois qu'ici dans bien des domaines, notamment pour sauvegarder la forêt alluviale rhénane que j'ai vue ce matin, vous avez pris des initiatives et vous avez montré que vous saviez dialoguer entre des intérêts qui peuvent être des intérêts divergents. Je vois la plaisance se développer, je vois aussi la forêt se protéger. Il y a des compatibilités qui peuvent s'organiser grâce à une éthique de discussion. Ce patrimoine est important et il nous faut veiller à ce que chacun puisse trouver sa place. Alors ici j'ai vu qu'il y avait le panneau de la région, il y avait le panneau du département, il y avait la ville de Strasbourg, il y avait la communauté urbaine, il y avait les pêcheurs, il y avait les partenaires, les forestiers, les protecteurs de la nature, les associations. Tout cela est très bien. Il faut que tout ce monde vive ensemble à l'intérieur du dialogue Natura 2000. Je voudrais saluer ici l'implication de la Chambre d'agriculture, j'en salue son président. Parce que souvent sur ces sujets, il y a eu discussion et je pense qu'on voit aujourd'hui que quand on a une vraie volonté de dialogue entre acteurs de terrain, on peut s'approprier les dispositifs et veiller à ce que Natura 2000 soient vraiment vécu par les uns et par les autres comme un dispositif utile. La France ne peut pas aujourd'hui être crédible en terme de développement durable, si elle ne remplit pas les objectifs de Natura 2000. C'est vraiment une question de crédibilité internationale à laquelle je suis très sensible, et c'est pour ça que je suis décidé à avancer dans cette direction et nous avons déjà avancé puisque 1400 sites sont d'ores et déjà désignés. Je pense que dans cette dynamique là nous avons un certain nombre d'efforts qui sont à faire pour aider notamment les acteurs de Natura 2000. Nous avons d'ores et déjà décidés un certain nombre d'initiatives. Je pense à l'exonération de la taxe sur le foncier non bâti dans les sites Natura 2000, ce qui est une incitation à participer, mais j'ajoute un fonds de cent millions d'euros pour l'ensemble des acteurs de Natura 2000, cent millions d'euros pour porter des projets dans le cadre du principe de gestion et du principe de programmation de manière à ce que les acteurs de Natura 2000 puissent avoir les moyens de leurs projets. Natura 2000, ce n'est pas un espace sous cloche, ce n'est pas un espace dont on exclue la vie. Ce n'est pas un espace qu'on congèle. C'est un espace sur lequel on organise, on pense la vie et on construit une dynamique de territoire. Et donc l'Etat veut participer à cette dynamique de territoire, et c'est pour ça que j'ajoute un fonds spécial pour Natura 2000 de cent millions d'euros pour aider les partenaires à boucler leur tour de table, à finaliser leur projet, à pouvoir vivre Natura 2000 de manière heureuse. Puisqu'il faut le faire, faisons-le avec bonheur, mais faisons-le donc en pouvant porter des projets et en étant capable de développer ces projets. C'est un sujet très important sur lequel je veux vraiment que la France soit capable d'être aujourd'hui à son niveau en Europe pour son message sur l'environnement en général.
Un autre sujet sur le développement durable pour lequel vous êtes les uns et les autres motivés, c'est tout ce qui concerne l'élévation des températures, le réchauffement climatique, et donc notre développement dont nous savons qu'il est trop consommateur de carbone et donc un des facteurs de danger pour notre planète. Alors nous sommes tous très heureux d'avoir vu le protocole de Kyoto entrer en action. J'espère que les discussions de Monsieur CHIRAC avec Monsieur BUSH à Bruxelles convaincront nos amis américains que le protocole de Kyoto les concerne et que Kyoto ne s'arrête pas à Long Island. Mais donc qu'il y aura là un certain nombre de progrès. Je pense que nos amis américains seront sensibles et que peut-être pour le moment, ils préparent leurs industries à être capables à s'adapter à cette nouvelle donne, et dès que leurs industries sont prêtes probablement, ils seront d'accord pour participer à cette dynamique. Mais nous maintenons ce cap. Il faut pouvoir avancer dans cette direction. Nous voulons vraiment essayer de sensibiliser l'ensemble des partenaires internationaux à cette nécessité de la diminution des émissions de gaz à effet de serre. Pour ce qui est de la France, je suis optimiste quant à l'avenir. Nous avons stabilisé nos émissions de gaz au niveau de 1990. Nous sommes dans une situation de stabilisation, et donc nous tenons notre engagement, et c'est un élément très important. J'ai fait en sorte que le gouvernement organise et se mobilise sur un plan climat en juillet 2004 pour accompagner cet engagement et veiller à ce que durablement nous puissions être dans tout cas de figure dans la situation où nous respectons Kyoto, où nous maîtrisons l'émission de gaz. Ce plan s'appuie sur des dispositifs innovants comme le marché de quotas de gaz à effet de serre qui permet de réduire les émissions au meilleur coût, puisque au fond peu importe le lieu précis de la réduction, l'important est d'arriver globalement à réduire les émissions de gaz. Nous avons un niveau à ne pas dépasser et nous devons veiller à ce qu'on réduise les émissions de gaz partout dans le monde. Alors il y a là un très beau sujet pour l'aide au développement, parce qu'au fond aller participer à ce qu'une décharge en Amérique latine qui pose des problèmes majeurs d'émissions de gaz à effet de serre les diminue c'est aussi important d'une certaine manière que d'aller travailler dans un pays voisin direct de la France. Nous sommes dans une logique mondiale avec cette logique de Kyoto, et donc nous devons nous battre partout où on peut engager une forte mobilisation contre tous les sites qui pour une raison ou pour une autre émettent trop de gaz carbonique. Ce que je propose, c'est que nous créions au niveau national un fonds carbone, qui est un fonds qui sera doté de 50 millions d'euros, 50 millions d'euros d'argent français auxquels pourront s'ajouter des contributions d'autres partenaires pour que nous puissions intervenir dans un certain nombre de sites, une exploitation minière en Asie, ou je le disais tout à l'heure une décharge en Amérique latine. Sur ces questions là nous pourrons faire à la fois de l'environnement et du développement durable. En même temps, nous pouvons faire de l'aide au développement et en plus pour les entreprises françaises qui participent à ces initiatives, il y a là et des compétences à acquérir et des marchés à développer. Je crois vraiment que ce fonds carbone doit être pour nous un effet de levier, et il nous permet de participer à la baisse d'émission de gaz à effet de serre, il nous permet d'agir de manière internationale, il nous permet de veiller à ce que nous ne dépassions pas notre dispositif en ce qui concerne nos émissions nationales, et il nous permet de mobiliser l'ensemble des industriels français sur ces sujets. Je crois qu'il est très important que ces questions là fassent l'objet de concertation internationale. Je veux discuter sur ce fonds carbone avec les grandes entreprises qui se développent aujourd'hui notamment dans les énergies fossiles et nous avons un grand pétrolier qui récemment en France nous montre qu'on peut être performant dans cette économie. Je crois que cette performance devrait pouvoir s'investir dans un certain nombre d'initiatives comme les énergies renouvelables ou l'intervention du fonds carbone pour aller lutter contre les émissions à effet de serre. Je crois qu'il y a là une sorte de conscience partagée du développement et des questions de l'énergie en général et je crois qu'il y a là moyen de faire en sorte qu'on développe les dispositifs de mobilisation et notamment d'aider les pays les plus fragiles d'être en mesure grâce à une aide internationale de réduire leurs propres émissions. C'est un point je pense important de notre action. Nous avons dans le plan climat d'autres initiatives mais ce fonds carbone parce qu'il est un fonds qui peut s'allier à l'aide au développement peut être pour nous un élément important de nos relations internationales et de notre capacité à aider l'ensemble des pays à respecter Kyoto. Pour ce qui est de notre action directement nationale, je compte beaucoup aussi, je sais que l'Alsace est intéressée par ces sujets, sur notre action en ce qui concerne les biocarburants, Il y a là vraiment une forte mobilisation. J'ai décidé de changer de dimension en ce qui concerne notre mobilisation pour les biocarburants et nous allons tripler la production ; c'est plus de sept millions de tonnes de gaz carbonique qui seront ainsi évités d'ici 2010. C'est ce qui est dans le plan climat, et nous sommes organisés pour atteindre cet objectif à la fois avec le diester, à la fois avec l'éthanol et donc là nous avons une action qui sera utile pour notre agriculture, utile pour aussi notre pays en ce qui concerne sa capacité à maîtriser les émissions donc de gaz carbonique autant que nécessaire pour notre pays, et pour la planète.
Tous ces sujets-là seront évoqués avec le conseil national du développement durable que je vais installer prochainement, après sa nouvelle composition, puisque les membres viennent d'être renommés et donc avec eux nous travaillerons sur ces questions et nous travaillerons notamment sur les grands sujets avec l'agence qui devra rapprocher industrie et recherche, sur les grands sujets de demain. Vous savez que le président de la République a demandé à ce que nous travaillions sur les Airbus de 2015, les Ariane de 2015, les grands projets industriels et scientifiques qui doivent mobiliser l'énergie du pays, l'énergie scientifique, l'énergie de l'intelligence, l'énergie de la connaissance, l'énergie industrielle, l'énergie technologique. Nous avons là un certain nombre de sujets, le véhicule propre et quelques autres sujets sur lesquels il y a moyen d'intégrer cette agence à la mobilisation nationale sur le développement durable. Je pense que là nous avons les possibilités d'organiser pour notre pays une forte crédibilisation de notre action en matière d'écologie et de développement durable. C'est l'objectif que je veux fixer à mon gouvernement.
Je termine en disant que l'Alsace est exemplaire en bien des domaines sur ces questions là. Au fond la France a besoin de l'attractivité de ces régions. Je reste quelqu'un qui est très attaché au fait territorial. Je crois qu'un pays comme la France doit veiller à ce que ses territoires soient les plus attractifs possible, que ces territoires soient les plus innovants possible, qu'il y ait le plus de projets qui montent des territoires.
C'est un sujet qui est un sujet fort pour la France au sein des 25 pays de l'Union. Ne croyons pas que notre activité aujourd'hui est assurée. Nous voyons bien ici ou là les compétions qui s'organisent. Nous voyons bien la compétition continentale et nous voyons bien les compétitions intercontinentales, et donc nous avons aujourd'hui une mobilisation à organiser en France qui passe par la mobilisation de tous les territoires de France, et c'est pour ça que je voudrais vraiment qu'ensemble nous fassions du développement durable une occasion de mobilisation nationale pour redonner en France le goût de l'avenir. Je suis quelquefois inquiet quand je vois les Français qui ont peur de la science, quand je vois les jeunes Français qui peuvent s'écarter des formations scientifiques, de cette capacité à douter de l'avenir. Toujours les générations ont été capables de résoudre les problèmes qui sont posés, mais ce n'est pas toujours la génération " N " qui règle les problèmes de la génération " N-1 ". A nous de préparer l'avenir pour cette future génération et quand on prépare la France au développement durable, on prépare la France des prochaines générations et là on peut être sûr que notre pays a suffisamment d'atouts, suffisamment d'intelligence, suffisamment de capacité dans ses territoires, mais aussi dans ses universités, dans ses laboratoires, dans ses entreprises, dans son mouvement associatif, il y a suffisamment d'atout aujourd'hui pour que la France n'ait pas peur du développement durable. Le développement durable n'est pas une idéologie qui viendrait menacer l'humanisme français. Il ne s'agit pas là d'une nouvelle science qui voudrait nous enfermer dans des calculs précis. Il s'agit d'une forme de société, il s'agit d'une anticipation d'un certain nombre de problèmes qui sont fondamentaux parce qu'ils mettent en cause la vie de l'homme sur sa planète, et je pense que la planète a toujours été une ambition pour la France, et l'humanité a toujours été au cur du message de notre pays, et au fond quand la France s'occupe de développement durable, elle est fidèle à elle-même, elle pense au monde, et elle pense à l'humanité. Merci à l'Alsace de mener ce combat.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 3 mars 2005)