Texte intégral
HEDWIGE CHEVRILLON - C'est la semaine peut-être du Oui et la semaine de Jacques CHIRAC. Il y a dix ans, Jacques CHIRAC accédait à l'Elysée. Dominique de VILLEPIN bonjour.
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Bonjour.
HEDWIGE CHEVRILLON - Vous êtes aujourd'hui Ministre de l'Intérieur mais à l'époque justement, vous deveniez secrétaire général de l'Elysée. Alors vous êtes un fidèle d'entre les fidèles de Jacques CHIRAC. Comment vous expliquez que selon un sondage du FIGARO, les deux tiers des Français s'avèrent déçus par la présidence de la République ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Servir la France, servir les Français et les Français ce n'est pas chose facile. Je constate malgré tout qu'il y a une large majorité des Français qui mesurent le chemin parcouru sur le plan de l'ambition française. Le rôle, la voix de la France et le président de la République, chacun mesure son rôle considérable dans ce domaine.
HEDWIGE CHEVRILLON - Mais vous avez été surpris malgré tout par ce résultat ou alors
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Je crois qu'il faut regarder chacun des différents secteurs. Quand on regarde par exemple un domaine qui m'intéresse tout particulièrement, qui est celui du pacte républicain, on mesure là aussi à quel point beaucoup a été fait ; dans le domaine de la sécurité - qui est le mien - dans le domaine de la justice ; dans le domaine de la Défense, avec la loi de programmation militaire. Donc dans ces domaines on voit bien que l'action est en marche. Et dans les domaines où aujourd'hui les Français continuent à souhaiter davantage, je prends l'emploi, je prends la question sociale, eh bien nous mesurons là encore l'effort engagé
HEDWIGE CHEVRILLON - Tout reste à faire sur le front de l'emploi
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Le plan de cohésion sociale, voilà une grande ambition, 13 milliards d'euros sur cinq ans, 500.000 emplois aidés ; regardons dans le domaine industriel
HEDWIGE CHEVRILLON - Oui mais regardez les effets justement, Dominique de VILLEPIN, si vous regardez le plan de cohésion social, les chiffres du chômage
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Dans tous les domaines, dans tous les domaines - et une radio comme la vôtre le sait bien - en matière économique il faut du temps. La Constitution de pôles de compétitivité, l'effort engagé dans le domaine de la Recherche, voilà des enjeux fondamentaux pour l'avenir de la France. Ca demande de la patience, ça demande de la détermination mais les résultats viennent justement à la mesure de cette patience et de cette détermination.
HEDWIGE CHEVRILLON - Mais, Dominique de VILLEPIN, vous dites " il faut de la patience ", ça fait quand même dix ans, bon, et il reste encore deux ans justement avant la fin du deuxième mandat de Jacques CHIRAC. A votre avis, est-ce qu'on aura le temps de voir une inflexion, notamment peut-être sur le front de l'emploi ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Nous voyons à quel point aujourd'hui nous avons des outils et le plan de cohésion sociale - je le re-cite - nous donne un certain nombre de ces outils indispensables. Nous avons l'Europe. Et c'est pour cela qu'il est si important d'être au rendez-vous de l'Europe qui nous offre davantage de règles, davantage d'organisation ; un objectif commun et puis le rassemblement de toutes nos énergies européennes. Je crois que ce sont autant d'atouts pour la France. Donc deux années bien sûr, deux années pleines, deux années de travail, deux années au service des Français, je crois que, oui, cela peut faire la différence.
HEDWIGE CHEVRILLON - Qu'est-ce que vous, Dominique de VILLEPIN vous retiendrez, vous allez retenir de ces dix années passées aux côtés, notamment de Jacques CHIRAC. Alors, elles ne sont pas encore finies, il y a encore deux ans, je le sais bien.
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Je me garderai bien, nous ne sommes pas à l'heure des bilans. Nous sommes dans un temps de l'effort, dans un temps de l'action et dans un temps du service des Françaises et des Français. Je crois qu'il faut se battre au quotidien pour toujours chercher à obtenir davantage. C'est bien l'objectif qui est le mien. Le mien, dans le cadre de l'action du gouvernement et c'est celui de tout le gouvernement.
HEDWIGE CHEVRILLON - Un autre sondage publié ce week-end montre pour la première fois que le Oui pourrait être gagnant avec 52 %, le 29 mai. Est-ce que vous, vous y croyez ? Il y a même je crois, un autre sondage qui devrait aussi aller dans ce sens. Est-ce que vous croyez à un renversement de tendance entre le Oui et le Non ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Je crois qu'il faut beaucoup d'humilité dans un débat comme celui-ci
HEDWIGE CHEVRILLON - Et de prudence peut-être.
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Et tout reste à faire. Tout reste à faire. On le voit bien, les Français ont engagé un grand débat et ce qui donne raison à Jacques CHIRAC. Nous avions besoin de ce grand débat démocratique sur la France, sur l'Europe et ce rendez-vous, eh bien les Français le mettent à profit pour faire le point et réfléchir sur ce qui constitue véritablement l'intérêt de notre pays, l'intérêt de chacun d'entre nous, face à ce choix européen.
HEDWIGE CHEVRILLON - Est-ce que
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Je crois qu'il faut aller jusqu'au bout.
HEDWIGE CHEVRILLON - Est-ce que ce référendum n'aurait pas dû avoir lieu il y a un an, au moment de l'élargissement, justement ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Je crois que le fait qu'il ait lieu sur le traité constitutionnel qui va nous doter d'une règle commune, qui va marquer notre souci d'avancer avec des valeurs communes, à vingt-cinq, sachant que vingt-cinq, le rassemblement de l'Europe il était inéluctable ; comment au lendemain de la chute des murs en Europe, comment aurions-nous pu dire non à cet espoir de rassemblement. Là, véritablement, l'Histoire était en marche, donc, le fait que ce référendum ait lieu aujourd'hui, sur cette question du projet de traité constitutionnel me paraît tout à fait bienvenu.
HEDWIGE CHEVRILLON - Mais alors, donc, sur le Oui ou le Non, est-ce que vous croyez à ce renversement de tendance. Vous dites : il faut beaucoup d'humilité mais est-ce que néanmoins, la mobilisation
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Tout est toujours possible tout est toujours possible. Il y a une mobilisation du Oui, il y a des arguments, il y a une explication très forte du Oui. Je crois qu'il faut aller constamment plus loin. D'autant qu'on le voit, il y a un intérêt des Français, ils ont à la recherche d'explication, on le sent sur le terrain partout, dans les meetings auxquels je participe, en province comme à Paris, il y a un véritable intérêt. Donc il faut poursuivre ce travail d'explication.
HEDWIGE CHEVRILLON - Alors justement, je parlais à l'instant, justement, la déception des Français par rapport à la présidence de Jacques CHIRAC. Est-ce que ça ne pèse pas sur les résultats du référendum ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Je crois que nous devons faire chacun la part des choses entre les stricts enjeux nationaux et cet enjeu qui touche bien sûr à la France, à la place de la France dans l'Europe, à la capacité que nous avons à mieux nous organiser pour faire face aux défis du monde. Nous devons être assez concrets, parce que l'enjeu
HEDWIGE CHEVRILLON - Oui, justement, j'allais vous dire : dans la vie quotidienne des Français
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Mais bien sûr
HEDWIGE CHEVRILLON - Qu'est-ce qui peut pousser un Français à voter Oui aujourd'hui ? Quand on regarde
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Prenons le domaine qui est le mien, celui de la Sécurité. Eh bien dans le domaine des risques technologiques, dans le domaine des grandes catastrophes, dans le domaine du terrorisme, il y a dans cette Constitution une clause de solidarité qui agira et qui permettra de rassembler nos énergies, que nous ayons à faire face à une marée noire ; que nous ayons à faire face, une fois de plus, à un risque terroriste. Prenons d'autres domaines de solidarité. Par exemple, les services publics. Eh bien les services publics, ils sont garantis par cette Constitution. Ils sont garantis, chaque Etat a la possibilité
HEDWIGE CHEVRILLON - Ah ça, ça c'est vous qui le dites je reçois après vous, Robert HUE, il dit exactement le contraire.
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Eh bien vous lui poserez la question.
HEDWIGE CHEVRILLON - Justement c'est
DOMINIQUE DE VILLEPIN - L'article 2.96 de la Constitution dit très clairement que chaque Etat a la possibilité de mettre en place et de défendre ses services publics. Et l'article 3.122 dit très clairement aussi que chaque Etat a la possibilité de financer ces services publics. Nous voyons en France, nous sommes fiers de nos services publics, à juste titre, qu'il s'agisse de notre service de l'Education, qu'il s'agisse de la Santé. Nous préférons être soignés en France plutôt que d'aller n'importe où ailleurs dans le monde. Eh bien, qu'il s'agisse du secteur du service public marchand ou non marchand prenez une entreprise comme EDF, c'est une des entreprises les plus performantes du monde
HEDWIGE CHEVRILLON - Oui, enfin ça dépend
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Eh bien nous garantissons nous garantissons ce modèle social et ce modèle de service public.
HEDWIGE CHEVRILLON - Dominique de VILLEPIN, demain le président de la République doit intervenir sur FRANCE 2. Est-ce qu'il va selon-vous - comme vous, vous l'aviez réclamé et ça avait fait quand même pas mal de bruit - une inflexion de la politique gouvernementale ? Est-ce que vous pensez est-ce qu'il va parler de politique intérieure demain à l'occasion de cette émission sur FRANCE 2 ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Je pense que la question lui sera posée. Vous me permettrez de ne pas me substituer au président de la République.
HEDWIGE CHEVRILLON - Alors vous, lorsque vous aviez vous vous étiez prononcé sur une autre radio en réclamant une inflexion justement dans la politique du gouvernement, vous vous êtes fait recadrer - pour reprendre cette expression un peu bizarre, du Premier ministre, encore sur une autre radio - est-ce que, aujourd'hui vous avez quand même le sentiment finalement, que votre message a été entendu ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Mon souci, c'est celui du rassemblement des Français devant un grand enjeu. Alors bien sûr, je dis la conviction qu'est la mienne et je suis fidèle à cette conviction, en toutes circonstances. Mais je crois que ce qui est important c'est de se rassembler sur l'essentiel. Aujourd'hui, nous avons un choix. Le choix entre le Oui et le Non. Le Oui, nous le voyons bien, c'est une fidélité à l'action qui a été menée, c'est la capacité d'unir nos forces au niveau de l'Europe. Le Non, c'est un chemin douloureux pour la France parce que c'est plus d'isolement, c'est la France sur un strapontin, dans son coin.
HEDWIGE CHEVRILLON - Dominique de VILLEPIN on revient sur tous ces sujets dans un instant.
HEDWIGE CHEVRILLON - Suite du 12/14 avec Dominique de VILLEPIN. Dominique de VILLEPIN, je vous demandais si vous regrettiez quelque part les propos que vous aviez tenus lorsque vous avez appelé à une inflexion de la politique gouvernementale. Vous me disiez : non, pas forcément, après tout, ce n'était pas les personnes qui étaient visées et il fallait juste comprendre un message.
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Moi j'exprime la conviction qui est la mienne, qui est que tout gouvernement a vocation à faire toujours mieux et donc plus d'exigence, plus de solidarité, toujours plus de service des Françaises et des Français. C'est la conviction qui est la mienne, je crois qu'elle est d'ailleurs très largement partagée.
HEDWIGE CHEVRILLON - Justement vous avez déjeuné, je crois, jeudi dernier avec Nicolas SARKOZY, le président de l'UMP. Est-ce que vous avez été étonné - en tous les cas, c'était le cas de nombreux observateurs - par le soutien apporté par Nicolas SARKOZY à Jean-Pierre RAFFARIN, un peu contre vous. Est-ce que vous vous en êtes expliqué ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Avec Nicolas SARKOZY, nous nous connaissons depuis longtemps et nous avons traversé des moments à la fois difficiles et puis des moments plus heureux. Donc nous sommes toujours soucieux de nous dire les choses très franchement...
HEDWIGE CHEVRILLON - Vous avez traversé des moments heureux avec Nicolas SARKOZY ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Bien sûr. Nous avons connu des victoires. Des victoires électorales. Et je crois que nous partageons le même souci du rassemblement de notre famille politique aujourd'hui, lui à la tête de l'UMP, moi comme membre du gouvernement et puis comme collègues du gouvernement, nous avons aussi travaillé dans le même sens, lui à l'Intérieur, moi à l'extérieur. Donc vous voyez, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.
HEDWIGE CHEVRILLON - Tant mieux. On parlait tout à l'heure de la décennie justement, de l'anniversaire des dix ans de Jacques CHIRAC à l'Elysée. Lorsque vous voyez... LE FIGARO a publié une espèce de galaxie où on voit les différents hommes qui ont compté autour de Jacques CHIRAC, on a un peu le sentiment qu'aujourd'hui, il s'est un peu coupé de ses amis.
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Au contraire. Vous parlez de galaxie, une galaxie, on n'est coupé de rien. On est en contact avec tout le monde.
HEDWIGE CHEVRILLON - Bernadette CHIRAC vous appelle " Reineron "... il y a quand même des mots qui ne sont pas forcément très très aimables pour les uns et pour les autres.
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Faisons la part de ce qui est l'humeur et le plaisir des observateurs, ça fait partie du jeu. Je crois au contraire qu'aujourd'hui chacun mesure à quel point les enjeux et les défis sont importants pour notre pays. Une fois de plus, le maître mot pour tous ceux qui partagent ce souci, c'est le rassemblement, rassembler les Français dans un moment difficile ; les rassembler bien sûr face à cet enjeu européen, les rassembler aussi face aux défis intérieurs. Nous parlions tout à l'heure de pôles de compétitivité, nous parlions de volonté de relever le défi social avec le plan de cohésion sociale, c'est vrai dans tous les domaines ; le parti républicain défend la laïcité en France, les valeurs qui sont celles de notre pays, je crois qu'il y a là beaucoup de travail.
HEDWIGE CHEVRILLON - Vous avez publié avec Jorge SEMPRUN un livre " L'homme européen ", un livre publié chez PLON. Est-ce que l'homme européen est quelqu'un qui existe ? Alors vous, vous dites : c'est une réalité intangible, c'est un désir en marche, c'est un rêve qui voyage ; mais de quel rêve s'agit-il ? On reconnaît bien votre écriture, Dominique de VILLEPIN, mais en même temps j'ai envie de dire concrètement : est-ce qu'il y a un homme européen ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Concrètement comme vous dites... Concrètement, d'abord cet homme européen, il s'est dessiné au fil des siècles. On le voit avancer depuis les débuts de notre histoire jusqu'au 16e siècle, au 18e siècle, l'homme des Lumières ; et puis cet homme, il a traversé beaucoup d'épreuves, on l'a vu au 20e siècle, les grandes catastrophes de la Première guerre mondiale, la barbarie de la Seconde guerre mondiale. Et puis à un moment donné, cet homme européen, il s'est posé des questions sur lui-même et sur son avenir et il a décidé de se prendre en mains. Et c'est ça, l'histoire de l'Europe, c'est qu'au lendemain de la Seconde guerre mondiale, des Européens, des hommes et des femmes et beaucoup de Français ont décidé de tirer les leçons de l'histoire pour faire ce qui n'avait jamais été fait avant, c'est-à-dire de nation démocratique, d'Etat démocratique, un groupe d'Etats, une union d'Etats et de peuples désireux de vivre ensemble.
HEDWIGE CHEVRILLON - Mais vous parliez tout à l'heure, Dominique de VILLEPIN, de l'élargissement. Est-ce que justement ce n'est pas ça aussi qui fait peur aux Français - on en parle beaucoup en terme d'emploi mais presque en terme d'existence même - le fait d'avoir des frontières aussi vastes, aussi larges et aussi pénétrables ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Hier, nous avons créé ensemble à 25, l'Agence européenne des frontières...
HEDWIGE CHEVRILLON - Absolument...
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Cette Agence européenne qui va nous doter d'outils extérieurs nouveaux nous permettant un meilleur contrôle des frontières. Mais cela n'enlève rien à nos capacités de contrôler ces frontières intérieures. Nous Français, nous travaillons avec l'ensemble de nos voisins à la fois pour avoir des patrouilles communes, des équipes d'enquête communes, le mandat d'arrêt européen qui est consacré par ce projet de traité constitutionnel, l'existence de casiers judiciaires européens sont autant d'outils et d'atouts et je vais, vous le savez, d'ici quelques jours présenter au président de la République et au Premier ministre de nouvelles propositions face à l'immigration irrégulière, permettant de rassembler encore davantage nos forces et nos moyens.
HEDWIGE CHEVRILLON - Est-ce que vous pouvez nous en dire les grandes lignes justement ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Oui, une police de l'immigration parce que nous avons besoin de resserrer nos capacités, des grands pôles de l'immigration dans chaque département qui vont rassembler les services administratifs des préfectures et les forces opérationnelles et puis un service central de l'immigration, c'est-à-dire une meilleure coordination entre les différents ministères, entre les différents services qui ont aujourd'hui vocation à traiter de ces sujets. Donc ça donnera beaucoup plus d'efficacité...
HEDWIGE CHEVRILLON - Est-ce que c'est la pression du non à la Constitution européenne qui vous fait avancer sur des dossiers aussi sensibles ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - C'est un projet que je porte maintenant depuis de longs mois, donc vous voyez, ce n'est pas connecté à l'actualité immédiate ; c'est un impératif pour la France. Face à l'immigration irrégulière, nous devons avoir une réponse de fermeté, une réponse qui donne clairement le signal que la France défend ses intérêts et fait respecter l'Etat de droit qui est le sien.
HEDWIGE CHEVRILLON - Vous publiez décidément beaucoup de livres, Dominique de VILLEPIN, vous avez publié un livre très intéressant... vous avez commencé à travailler dessus, c'était sur l'histoire de la diplomatie française...
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Je me suis contenté d'en avoir l'idée quand j'étais ministre des Affaires étrangères et d'en rédiger la préface.
HEDWIGE CHEVRILLON - Il y a une préface très intéressante ; on a l'impression que vous faites absolument votre portrait. Est-ce que finalement vous ne regrettez pas d'être passé à l'Intérieur et que finalement vous êtes fait pour être ministre des Affaires étrangères ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Vous savez que j'ai toujours rêvé d'être ministre de l'Intérieur, donc je suis particulièrement heureux de relever ces défis au quotidien...
HEDWIGE CHEVRILLON - Lorsqu'on lit cette préface, on a plutôt le sentiment...
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Ca prouve que j'étais très heureux aux Affaires étrangères mais croyez-le bien, je suis très fier de pouvoir servir les Français au quotidien face à d'aussi grands défis que sont ceux de l'insécurité et que sont ceux de nos valeurs républicaines. On a véritablement besoin d'être tous à ce grand rendez-vous.
HEDWIGE CHEVRILLON - Justement l'ultimatum du groupe AZF expire ce soir à minuit ; vous avez reçu le 15 mars dernier une lettre qui vous a été adressée ; une autre avait été adressée au président de la République ; comment vous préparez cet ultimatum ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Il y a deux grandes règles, vous savez, j'ai souvent connu ce type de défi dans le passé ; il y a deux grandes règles, la première, c'est la discrétion et la deuxième, c'est la mobilisation. Tous nos services sont bien évidemment mobilisés à leur place.
HEDWIGE CHEVRILLON - Mais est-ce que vous avez essayé de savoir, est-ce que vous avez un petit eu plus d'éléments sur qui sont ces maîtres chanteurs ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Hedwige CHEVRILLON, vous comprendrez que je n'en dirai pas davantage.
HEDWIGE CHEVRILLON - Mais vous nous confirmez qu'en tous les cas l'ultimatum est ce soir.
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Il ne s'agit pas d'ultimatum, reprenez les termes exacts, mais je ne rentrerai pas dans les détails, mais une fois de plus nos services sont mobilisés pour agir discrètement.
HEDWIGE CHEVRILLON - Alors il y a une autre affaire qui défraie la chronique, peut-être plus médiatique, c'est à propos d'un livre publié, qui dit que Bruno GACCIO, vous savez, qui est " le GUIGNOL de l'info "... a été observé, suivi par un ancien flic pour le compte de CANAL. Mais derrière, ce qui est intéressant, c'est de voir qu'il y a beaucoup et de plus en plus d'ex-fonctionnaires de police qui se recyclent dans le privé. Est-ce qu'il ne serait pas tant avec des méthodes pas toujours recommandables, peut-être de légiférer ou du moins d'avoir des contrôles plus sévères, plus stricts ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Tout à fait. D'abord sur le cas précis, j'ai demandé une enquête de l'Inspection générale de la police nationale et puis vous avez raison, il y a une multiplication d'officines privées dans ce domaine, qui est celui de la sécurité.
HEDWIGE CHEVRILLON - ... Et qui gardent le contact avec le ministère de l'Intérieur, c'est ça le problème...
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Il vaut mieux réglementer et je vais être amené à faire des propositions en ce sens. Nous devons mettre un peu d'ordre dans tout cela.
HEDWIGE CHEVRILLON - Un message pour Robert HUE qui va vous succéder en studio dans un instant, Dominique de VILLEPIN, pour essayer de le convaincre de voter oui ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Eh bien qu'il poursuive la réflexion comme nous le faisons tous.
HEDWIGE CHEVRILLON - Merci Dominique de VILLEPIN, je rappelle donc que vous êtes ministre de l'Intérieur.
(Source http://www.interieur.gouv.fr, le 3 mai 2005)
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Bonjour.
HEDWIGE CHEVRILLON - Vous êtes aujourd'hui Ministre de l'Intérieur mais à l'époque justement, vous deveniez secrétaire général de l'Elysée. Alors vous êtes un fidèle d'entre les fidèles de Jacques CHIRAC. Comment vous expliquez que selon un sondage du FIGARO, les deux tiers des Français s'avèrent déçus par la présidence de la République ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Servir la France, servir les Français et les Français ce n'est pas chose facile. Je constate malgré tout qu'il y a une large majorité des Français qui mesurent le chemin parcouru sur le plan de l'ambition française. Le rôle, la voix de la France et le président de la République, chacun mesure son rôle considérable dans ce domaine.
HEDWIGE CHEVRILLON - Mais vous avez été surpris malgré tout par ce résultat ou alors
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Je crois qu'il faut regarder chacun des différents secteurs. Quand on regarde par exemple un domaine qui m'intéresse tout particulièrement, qui est celui du pacte républicain, on mesure là aussi à quel point beaucoup a été fait ; dans le domaine de la sécurité - qui est le mien - dans le domaine de la justice ; dans le domaine de la Défense, avec la loi de programmation militaire. Donc dans ces domaines on voit bien que l'action est en marche. Et dans les domaines où aujourd'hui les Français continuent à souhaiter davantage, je prends l'emploi, je prends la question sociale, eh bien nous mesurons là encore l'effort engagé
HEDWIGE CHEVRILLON - Tout reste à faire sur le front de l'emploi
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Le plan de cohésion sociale, voilà une grande ambition, 13 milliards d'euros sur cinq ans, 500.000 emplois aidés ; regardons dans le domaine industriel
HEDWIGE CHEVRILLON - Oui mais regardez les effets justement, Dominique de VILLEPIN, si vous regardez le plan de cohésion social, les chiffres du chômage
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Dans tous les domaines, dans tous les domaines - et une radio comme la vôtre le sait bien - en matière économique il faut du temps. La Constitution de pôles de compétitivité, l'effort engagé dans le domaine de la Recherche, voilà des enjeux fondamentaux pour l'avenir de la France. Ca demande de la patience, ça demande de la détermination mais les résultats viennent justement à la mesure de cette patience et de cette détermination.
HEDWIGE CHEVRILLON - Mais, Dominique de VILLEPIN, vous dites " il faut de la patience ", ça fait quand même dix ans, bon, et il reste encore deux ans justement avant la fin du deuxième mandat de Jacques CHIRAC. A votre avis, est-ce qu'on aura le temps de voir une inflexion, notamment peut-être sur le front de l'emploi ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Nous voyons à quel point aujourd'hui nous avons des outils et le plan de cohésion sociale - je le re-cite - nous donne un certain nombre de ces outils indispensables. Nous avons l'Europe. Et c'est pour cela qu'il est si important d'être au rendez-vous de l'Europe qui nous offre davantage de règles, davantage d'organisation ; un objectif commun et puis le rassemblement de toutes nos énergies européennes. Je crois que ce sont autant d'atouts pour la France. Donc deux années bien sûr, deux années pleines, deux années de travail, deux années au service des Français, je crois que, oui, cela peut faire la différence.
HEDWIGE CHEVRILLON - Qu'est-ce que vous, Dominique de VILLEPIN vous retiendrez, vous allez retenir de ces dix années passées aux côtés, notamment de Jacques CHIRAC. Alors, elles ne sont pas encore finies, il y a encore deux ans, je le sais bien.
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Je me garderai bien, nous ne sommes pas à l'heure des bilans. Nous sommes dans un temps de l'effort, dans un temps de l'action et dans un temps du service des Françaises et des Français. Je crois qu'il faut se battre au quotidien pour toujours chercher à obtenir davantage. C'est bien l'objectif qui est le mien. Le mien, dans le cadre de l'action du gouvernement et c'est celui de tout le gouvernement.
HEDWIGE CHEVRILLON - Un autre sondage publié ce week-end montre pour la première fois que le Oui pourrait être gagnant avec 52 %, le 29 mai. Est-ce que vous, vous y croyez ? Il y a même je crois, un autre sondage qui devrait aussi aller dans ce sens. Est-ce que vous croyez à un renversement de tendance entre le Oui et le Non ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Je crois qu'il faut beaucoup d'humilité dans un débat comme celui-ci
HEDWIGE CHEVRILLON - Et de prudence peut-être.
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Et tout reste à faire. Tout reste à faire. On le voit bien, les Français ont engagé un grand débat et ce qui donne raison à Jacques CHIRAC. Nous avions besoin de ce grand débat démocratique sur la France, sur l'Europe et ce rendez-vous, eh bien les Français le mettent à profit pour faire le point et réfléchir sur ce qui constitue véritablement l'intérêt de notre pays, l'intérêt de chacun d'entre nous, face à ce choix européen.
HEDWIGE CHEVRILLON - Est-ce que
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Je crois qu'il faut aller jusqu'au bout.
HEDWIGE CHEVRILLON - Est-ce que ce référendum n'aurait pas dû avoir lieu il y a un an, au moment de l'élargissement, justement ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Je crois que le fait qu'il ait lieu sur le traité constitutionnel qui va nous doter d'une règle commune, qui va marquer notre souci d'avancer avec des valeurs communes, à vingt-cinq, sachant que vingt-cinq, le rassemblement de l'Europe il était inéluctable ; comment au lendemain de la chute des murs en Europe, comment aurions-nous pu dire non à cet espoir de rassemblement. Là, véritablement, l'Histoire était en marche, donc, le fait que ce référendum ait lieu aujourd'hui, sur cette question du projet de traité constitutionnel me paraît tout à fait bienvenu.
HEDWIGE CHEVRILLON - Mais alors, donc, sur le Oui ou le Non, est-ce que vous croyez à ce renversement de tendance. Vous dites : il faut beaucoup d'humilité mais est-ce que néanmoins, la mobilisation
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Tout est toujours possible tout est toujours possible. Il y a une mobilisation du Oui, il y a des arguments, il y a une explication très forte du Oui. Je crois qu'il faut aller constamment plus loin. D'autant qu'on le voit, il y a un intérêt des Français, ils ont à la recherche d'explication, on le sent sur le terrain partout, dans les meetings auxquels je participe, en province comme à Paris, il y a un véritable intérêt. Donc il faut poursuivre ce travail d'explication.
HEDWIGE CHEVRILLON - Alors justement, je parlais à l'instant, justement, la déception des Français par rapport à la présidence de Jacques CHIRAC. Est-ce que ça ne pèse pas sur les résultats du référendum ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Je crois que nous devons faire chacun la part des choses entre les stricts enjeux nationaux et cet enjeu qui touche bien sûr à la France, à la place de la France dans l'Europe, à la capacité que nous avons à mieux nous organiser pour faire face aux défis du monde. Nous devons être assez concrets, parce que l'enjeu
HEDWIGE CHEVRILLON - Oui, justement, j'allais vous dire : dans la vie quotidienne des Français
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Mais bien sûr
HEDWIGE CHEVRILLON - Qu'est-ce qui peut pousser un Français à voter Oui aujourd'hui ? Quand on regarde
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Prenons le domaine qui est le mien, celui de la Sécurité. Eh bien dans le domaine des risques technologiques, dans le domaine des grandes catastrophes, dans le domaine du terrorisme, il y a dans cette Constitution une clause de solidarité qui agira et qui permettra de rassembler nos énergies, que nous ayons à faire face à une marée noire ; que nous ayons à faire face, une fois de plus, à un risque terroriste. Prenons d'autres domaines de solidarité. Par exemple, les services publics. Eh bien les services publics, ils sont garantis par cette Constitution. Ils sont garantis, chaque Etat a la possibilité
HEDWIGE CHEVRILLON - Ah ça, ça c'est vous qui le dites je reçois après vous, Robert HUE, il dit exactement le contraire.
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Eh bien vous lui poserez la question.
HEDWIGE CHEVRILLON - Justement c'est
DOMINIQUE DE VILLEPIN - L'article 2.96 de la Constitution dit très clairement que chaque Etat a la possibilité de mettre en place et de défendre ses services publics. Et l'article 3.122 dit très clairement aussi que chaque Etat a la possibilité de financer ces services publics. Nous voyons en France, nous sommes fiers de nos services publics, à juste titre, qu'il s'agisse de notre service de l'Education, qu'il s'agisse de la Santé. Nous préférons être soignés en France plutôt que d'aller n'importe où ailleurs dans le monde. Eh bien, qu'il s'agisse du secteur du service public marchand ou non marchand prenez une entreprise comme EDF, c'est une des entreprises les plus performantes du monde
HEDWIGE CHEVRILLON - Oui, enfin ça dépend
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Eh bien nous garantissons nous garantissons ce modèle social et ce modèle de service public.
HEDWIGE CHEVRILLON - Dominique de VILLEPIN, demain le président de la République doit intervenir sur FRANCE 2. Est-ce qu'il va selon-vous - comme vous, vous l'aviez réclamé et ça avait fait quand même pas mal de bruit - une inflexion de la politique gouvernementale ? Est-ce que vous pensez est-ce qu'il va parler de politique intérieure demain à l'occasion de cette émission sur FRANCE 2 ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Je pense que la question lui sera posée. Vous me permettrez de ne pas me substituer au président de la République.
HEDWIGE CHEVRILLON - Alors vous, lorsque vous aviez vous vous étiez prononcé sur une autre radio en réclamant une inflexion justement dans la politique du gouvernement, vous vous êtes fait recadrer - pour reprendre cette expression un peu bizarre, du Premier ministre, encore sur une autre radio - est-ce que, aujourd'hui vous avez quand même le sentiment finalement, que votre message a été entendu ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Mon souci, c'est celui du rassemblement des Français devant un grand enjeu. Alors bien sûr, je dis la conviction qu'est la mienne et je suis fidèle à cette conviction, en toutes circonstances. Mais je crois que ce qui est important c'est de se rassembler sur l'essentiel. Aujourd'hui, nous avons un choix. Le choix entre le Oui et le Non. Le Oui, nous le voyons bien, c'est une fidélité à l'action qui a été menée, c'est la capacité d'unir nos forces au niveau de l'Europe. Le Non, c'est un chemin douloureux pour la France parce que c'est plus d'isolement, c'est la France sur un strapontin, dans son coin.
HEDWIGE CHEVRILLON - Dominique de VILLEPIN on revient sur tous ces sujets dans un instant.
HEDWIGE CHEVRILLON - Suite du 12/14 avec Dominique de VILLEPIN. Dominique de VILLEPIN, je vous demandais si vous regrettiez quelque part les propos que vous aviez tenus lorsque vous avez appelé à une inflexion de la politique gouvernementale. Vous me disiez : non, pas forcément, après tout, ce n'était pas les personnes qui étaient visées et il fallait juste comprendre un message.
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Moi j'exprime la conviction qui est la mienne, qui est que tout gouvernement a vocation à faire toujours mieux et donc plus d'exigence, plus de solidarité, toujours plus de service des Françaises et des Français. C'est la conviction qui est la mienne, je crois qu'elle est d'ailleurs très largement partagée.
HEDWIGE CHEVRILLON - Justement vous avez déjeuné, je crois, jeudi dernier avec Nicolas SARKOZY, le président de l'UMP. Est-ce que vous avez été étonné - en tous les cas, c'était le cas de nombreux observateurs - par le soutien apporté par Nicolas SARKOZY à Jean-Pierre RAFFARIN, un peu contre vous. Est-ce que vous vous en êtes expliqué ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Avec Nicolas SARKOZY, nous nous connaissons depuis longtemps et nous avons traversé des moments à la fois difficiles et puis des moments plus heureux. Donc nous sommes toujours soucieux de nous dire les choses très franchement...
HEDWIGE CHEVRILLON - Vous avez traversé des moments heureux avec Nicolas SARKOZY ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Bien sûr. Nous avons connu des victoires. Des victoires électorales. Et je crois que nous partageons le même souci du rassemblement de notre famille politique aujourd'hui, lui à la tête de l'UMP, moi comme membre du gouvernement et puis comme collègues du gouvernement, nous avons aussi travaillé dans le même sens, lui à l'Intérieur, moi à l'extérieur. Donc vous voyez, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.
HEDWIGE CHEVRILLON - Tant mieux. On parlait tout à l'heure de la décennie justement, de l'anniversaire des dix ans de Jacques CHIRAC à l'Elysée. Lorsque vous voyez... LE FIGARO a publié une espèce de galaxie où on voit les différents hommes qui ont compté autour de Jacques CHIRAC, on a un peu le sentiment qu'aujourd'hui, il s'est un peu coupé de ses amis.
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Au contraire. Vous parlez de galaxie, une galaxie, on n'est coupé de rien. On est en contact avec tout le monde.
HEDWIGE CHEVRILLON - Bernadette CHIRAC vous appelle " Reineron "... il y a quand même des mots qui ne sont pas forcément très très aimables pour les uns et pour les autres.
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Faisons la part de ce qui est l'humeur et le plaisir des observateurs, ça fait partie du jeu. Je crois au contraire qu'aujourd'hui chacun mesure à quel point les enjeux et les défis sont importants pour notre pays. Une fois de plus, le maître mot pour tous ceux qui partagent ce souci, c'est le rassemblement, rassembler les Français dans un moment difficile ; les rassembler bien sûr face à cet enjeu européen, les rassembler aussi face aux défis intérieurs. Nous parlions tout à l'heure de pôles de compétitivité, nous parlions de volonté de relever le défi social avec le plan de cohésion sociale, c'est vrai dans tous les domaines ; le parti républicain défend la laïcité en France, les valeurs qui sont celles de notre pays, je crois qu'il y a là beaucoup de travail.
HEDWIGE CHEVRILLON - Vous avez publié avec Jorge SEMPRUN un livre " L'homme européen ", un livre publié chez PLON. Est-ce que l'homme européen est quelqu'un qui existe ? Alors vous, vous dites : c'est une réalité intangible, c'est un désir en marche, c'est un rêve qui voyage ; mais de quel rêve s'agit-il ? On reconnaît bien votre écriture, Dominique de VILLEPIN, mais en même temps j'ai envie de dire concrètement : est-ce qu'il y a un homme européen ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Concrètement comme vous dites... Concrètement, d'abord cet homme européen, il s'est dessiné au fil des siècles. On le voit avancer depuis les débuts de notre histoire jusqu'au 16e siècle, au 18e siècle, l'homme des Lumières ; et puis cet homme, il a traversé beaucoup d'épreuves, on l'a vu au 20e siècle, les grandes catastrophes de la Première guerre mondiale, la barbarie de la Seconde guerre mondiale. Et puis à un moment donné, cet homme européen, il s'est posé des questions sur lui-même et sur son avenir et il a décidé de se prendre en mains. Et c'est ça, l'histoire de l'Europe, c'est qu'au lendemain de la Seconde guerre mondiale, des Européens, des hommes et des femmes et beaucoup de Français ont décidé de tirer les leçons de l'histoire pour faire ce qui n'avait jamais été fait avant, c'est-à-dire de nation démocratique, d'Etat démocratique, un groupe d'Etats, une union d'Etats et de peuples désireux de vivre ensemble.
HEDWIGE CHEVRILLON - Mais vous parliez tout à l'heure, Dominique de VILLEPIN, de l'élargissement. Est-ce que justement ce n'est pas ça aussi qui fait peur aux Français - on en parle beaucoup en terme d'emploi mais presque en terme d'existence même - le fait d'avoir des frontières aussi vastes, aussi larges et aussi pénétrables ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Hier, nous avons créé ensemble à 25, l'Agence européenne des frontières...
HEDWIGE CHEVRILLON - Absolument...
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Cette Agence européenne qui va nous doter d'outils extérieurs nouveaux nous permettant un meilleur contrôle des frontières. Mais cela n'enlève rien à nos capacités de contrôler ces frontières intérieures. Nous Français, nous travaillons avec l'ensemble de nos voisins à la fois pour avoir des patrouilles communes, des équipes d'enquête communes, le mandat d'arrêt européen qui est consacré par ce projet de traité constitutionnel, l'existence de casiers judiciaires européens sont autant d'outils et d'atouts et je vais, vous le savez, d'ici quelques jours présenter au président de la République et au Premier ministre de nouvelles propositions face à l'immigration irrégulière, permettant de rassembler encore davantage nos forces et nos moyens.
HEDWIGE CHEVRILLON - Est-ce que vous pouvez nous en dire les grandes lignes justement ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Oui, une police de l'immigration parce que nous avons besoin de resserrer nos capacités, des grands pôles de l'immigration dans chaque département qui vont rassembler les services administratifs des préfectures et les forces opérationnelles et puis un service central de l'immigration, c'est-à-dire une meilleure coordination entre les différents ministères, entre les différents services qui ont aujourd'hui vocation à traiter de ces sujets. Donc ça donnera beaucoup plus d'efficacité...
HEDWIGE CHEVRILLON - Est-ce que c'est la pression du non à la Constitution européenne qui vous fait avancer sur des dossiers aussi sensibles ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - C'est un projet que je porte maintenant depuis de longs mois, donc vous voyez, ce n'est pas connecté à l'actualité immédiate ; c'est un impératif pour la France. Face à l'immigration irrégulière, nous devons avoir une réponse de fermeté, une réponse qui donne clairement le signal que la France défend ses intérêts et fait respecter l'Etat de droit qui est le sien.
HEDWIGE CHEVRILLON - Vous publiez décidément beaucoup de livres, Dominique de VILLEPIN, vous avez publié un livre très intéressant... vous avez commencé à travailler dessus, c'était sur l'histoire de la diplomatie française...
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Je me suis contenté d'en avoir l'idée quand j'étais ministre des Affaires étrangères et d'en rédiger la préface.
HEDWIGE CHEVRILLON - Il y a une préface très intéressante ; on a l'impression que vous faites absolument votre portrait. Est-ce que finalement vous ne regrettez pas d'être passé à l'Intérieur et que finalement vous êtes fait pour être ministre des Affaires étrangères ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Vous savez que j'ai toujours rêvé d'être ministre de l'Intérieur, donc je suis particulièrement heureux de relever ces défis au quotidien...
HEDWIGE CHEVRILLON - Lorsqu'on lit cette préface, on a plutôt le sentiment...
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Ca prouve que j'étais très heureux aux Affaires étrangères mais croyez-le bien, je suis très fier de pouvoir servir les Français au quotidien face à d'aussi grands défis que sont ceux de l'insécurité et que sont ceux de nos valeurs républicaines. On a véritablement besoin d'être tous à ce grand rendez-vous.
HEDWIGE CHEVRILLON - Justement l'ultimatum du groupe AZF expire ce soir à minuit ; vous avez reçu le 15 mars dernier une lettre qui vous a été adressée ; une autre avait été adressée au président de la République ; comment vous préparez cet ultimatum ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Il y a deux grandes règles, vous savez, j'ai souvent connu ce type de défi dans le passé ; il y a deux grandes règles, la première, c'est la discrétion et la deuxième, c'est la mobilisation. Tous nos services sont bien évidemment mobilisés à leur place.
HEDWIGE CHEVRILLON - Mais est-ce que vous avez essayé de savoir, est-ce que vous avez un petit eu plus d'éléments sur qui sont ces maîtres chanteurs ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Hedwige CHEVRILLON, vous comprendrez que je n'en dirai pas davantage.
HEDWIGE CHEVRILLON - Mais vous nous confirmez qu'en tous les cas l'ultimatum est ce soir.
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Il ne s'agit pas d'ultimatum, reprenez les termes exacts, mais je ne rentrerai pas dans les détails, mais une fois de plus nos services sont mobilisés pour agir discrètement.
HEDWIGE CHEVRILLON - Alors il y a une autre affaire qui défraie la chronique, peut-être plus médiatique, c'est à propos d'un livre publié, qui dit que Bruno GACCIO, vous savez, qui est " le GUIGNOL de l'info "... a été observé, suivi par un ancien flic pour le compte de CANAL. Mais derrière, ce qui est intéressant, c'est de voir qu'il y a beaucoup et de plus en plus d'ex-fonctionnaires de police qui se recyclent dans le privé. Est-ce qu'il ne serait pas tant avec des méthodes pas toujours recommandables, peut-être de légiférer ou du moins d'avoir des contrôles plus sévères, plus stricts ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Tout à fait. D'abord sur le cas précis, j'ai demandé une enquête de l'Inspection générale de la police nationale et puis vous avez raison, il y a une multiplication d'officines privées dans ce domaine, qui est celui de la sécurité.
HEDWIGE CHEVRILLON - ... Et qui gardent le contact avec le ministère de l'Intérieur, c'est ça le problème...
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Il vaut mieux réglementer et je vais être amené à faire des propositions en ce sens. Nous devons mettre un peu d'ordre dans tout cela.
HEDWIGE CHEVRILLON - Un message pour Robert HUE qui va vous succéder en studio dans un instant, Dominique de VILLEPIN, pour essayer de le convaincre de voter oui ?
DOMINIQUE DE VILLEPIN - Eh bien qu'il poursuive la réflexion comme nous le faisons tous.
HEDWIGE CHEVRILLON - Merci Dominique de VILLEPIN, je rappelle donc que vous êtes ministre de l'Intérieur.
(Source http://www.interieur.gouv.fr, le 3 mai 2005)