Texte intégral
Mesdames et messieurs,
J'ai eu de nombreuses occasions de m'exprimer ces dernières semaines sur les grèves qui ont eu lieu, et parallèlement sur l'avancée des discussions sur la continuité du service public. Vous vous souvenez sans doute que j'avais proposé aux parlementaires en décembre dernier de poursuivre la démarche contractuelle. Accord m'avait été donné sur cette démarche, avec la nécessité toutefois d'obtenir des résultats tangibles. Je souhaite donc aujourd'hui axer ce bilan d'étape sur les résultats obtenus mais aussi sur ceux que je juge indispensables à un bon traitement de la question.
Des avancées sont à noter depuis ces dernières semaines -j'y reviendrai-, mais compte-tenu du déroulement des grèves de janvier et mars notamment, j'estime aujourd'hui que "le compte n'y est pas" pour les usagers :
- premier constat, des grèves ont engendré de fortes perturbations alors même que selon moi leur motif aurait dû être désamorcé avant, dans le cadre d'une démarche de concertation immédiate. Pour être très clair, je ne trouve pas normal que le sujet de la notation au mérite à la SNCF n'ait pas pu être traité à froid, ce qui aurait évité les perturbations rencontrées ; autant je peux comprendre une réaction d'émotion ponctuelle comme celle qui avait fait suite à l'agression d'une contrôleuse, autant ces "prises en otage", et j'ai en tête les images de la grève du 24 mars à Paris Est et Paris Nord, d'une majorité de voyageurs du fait de sujets concernant une minorité de personnels ne sont pas compréhensibles et sont l'exemple type de ce que nous devons éviter à l'avenir,
- deuxième constat, nous avons encore un écart trop important entre le nombre de personnels présents et le service effectué. Lors de la grève du 10 mars à la SNCF, avec 70% de personnels présents en moyenne, seuls 30% du service ont été effectués, avec 1 Corail sur 3 et 1 TER sur 4 !
- troisième constat, même s'il y a eu d'immenses progrès, des voyageurs ont encore découvert le matin même sur place que leur ligne n'était presque pas desservie. Ce même 10 mars, et pour prendre l'exemple de la RATP cette fois, les lignes 10 et 12 ont été défaillantes de ce point de vue ; côté SNCF, il en a été de même entre Tournan et Meaux le 17 mars dernier.
C'est ce constat qui m'amène à affirmer que le compte n'y est pas et qu'il faut donc très vite apporter de nouvelles réponses très concrètes, en particulier pendant le conflit.
A ce stade, je voudrais vous faire un point d'avancement très précis de nos travaux. Je vous présenterai donc trois tableaux vous montrant très clairement quelle situation j'ai trouvé à mon arrivée ici, quelle est la situation aujourd'hui et enfin quelle sera la situation en juin prochain.
A mon arrivée donc, on parlait beaucoup du sujet, avec un constat d'inaction complète sur le sujet, des initiatives dispersées et aucun résultat concret à l'exception de la seule chose concrète qui existait : l'accord relatif à l'alarme social, signé en 1996 à la RATP.
Tout était donc à mettre sur pied !
Je ne reviens pas sur toute la démarche d'appropriation et de débat que j'ai donc entamée il y a 18 mois maintenant ; cette démarche m'a amené à effectuer un tout d'Europe des expériences existantes avec les syndicats, à tenir un débat très riche à l'Assemblée, à faire expertiser ce problème juridiquement compliqué par la Commission MANDELKERN, et enfin à écouter chacun sur ces différentes propositions. Surtout, j'ai tenté au maximum de donner la marche à suivre pour progresser sur chacun de nos sujets.
Où en sommes-nous donc aujourd'hui ?
Pour revenir un instant sur le dispositif de prévention -c'est la première colonne du tableau-, cet aspect fonctionne aujourd'hui à la RATP et à la SNCF ; ces discussions en amont des conflits, ce changement de culture dans la façon de recourir à la grève doivent se traduire par une baisse des chiffres de la conflictualité :
- je l'ai constaté à la RATP, avec une baisse continue des chiffres de la conflictualité, et une année 2004 qui est la meilleure en la matière avec 0,14 jours de grève par agent, en constante diminution depuis bientôt 10 ans,
- à la SNCF, malgré le récent conflit sur la notation notamment, l'accord du 28 octobre 2004 a permis de déminer les conflits en amont. Sur 5 mois d'application, 519 demandes de concertations immédiates ont été déposées, et elles ont permis d'éviter des préavis et donc des grèves puisque seules 15% de ces demandes ont débouché sur des préavis de grèves et 9% sur des grèves effectives. Avec la déclinaison progressive de l'accord dans tous les établissements, le nombre de conflits doit pouvoir s'infléchir.
En matière de prévisibilité et d'information aux voyageurs -c'est la deuxième colonne de notre tableau- , deux progrès nets ont également été réalisés :
- cette pratique est maintenant systématique à la SNCF, avec un numéro vert d'appel, des pages entières dans les journaux affichant la veille du conflit la liste des trains qui circuleront le lendemain, un large affichage dans les gares
- à la RATP, la Charte qui a été signée en ma présence le 14 mars dernier avec 17 associations d'usagers contient des dispositions de même nature, avec un numéro vert gratuit, des informations communiquées par tous les modes et sur tout le réseau.
Les retours des usagers sur ces deux dispositifs sont me semble-t-il plutôt bons.
Sur ces deux premiers sujets -la prévention et l'information aux voyageurs-, si les avancées côté SNCF et RATP sont réelles -matérialisées par des feux au vert-, je note que les discussions à l'UTP, débutées depuis décembre n'ont pas encore abouti à ce jour.
Pourtant, le dispositif présenté le 24 mars dernier et les propositions qui ont été faites par la partie patronale constituent une base véritablement sérieuse et à la hauteur des enjeux. Au niveau des entreprises de plus de 200 salariés, cet accord de branche qui est impératif rend obligatoire l'ouverture de négociations dans les 6 mois pour améliorer et adapter le dispositif ; je tiens à vous citer notamment les points
suivants :
- au niveau de la veille sociale, les représentants du personnel sont reçus dans un délai de 10 jours suite à leur demande,
- un dispositif de concertation immédiate similaire à celui de la SNCF est mis en place pour les situations potentiellement à conflit,
- la circulation de l'information et le fonctionnement des institutions représentatives du personnel sont améliorées.
S'agissant des contreparties non seulement au niveau des entreprises mais aussi au niveau de la branche, le texte proposé par l'UTP propose de véritables avancées avec notamment un renforcement de la formation des représentants du personnel ou encore la mise à disposition d'une personne pour les organisations syndicales représentatives pour répondre aux besoins de négociation de la branche. L'UTP est même allée plus loin en proposant d'ouvrir les discussions sur le sujet salarial. Je tiens à vous dire que cet accord cadre de branche, qui doit ensuite être décliné dans les entreprises, reçoit mon plein soutien ; et je fais confiance aux organisations syndicales pour s'y engager. La partie patronale a fait savoir que cet accord était ouvert à la signature des organisations syndicales jusqu'au 19 avril ; j'en appelle donc à leur responsabilité. Cette opportunité ne se représentera pas, il faut la saisir !
La prévision et la prévisibilité étant traitées, ou en passe de l'être, le cur du sujet et l'essentiel de notre travail pour les semaines qui viennent auront trait au service maximum à assurer en période de conflits. C'est la dernière colonne de notre tableau.
Mon but est que ceci aboutisse à Paris pour le métro, le RER et les bus, en banlieue pour le transilien, en régions pour les TER et dans les villes de province pour les transports urbains.
Je souhaite des avancées concrètes et perceptibles pour les voyageurs, et seuls des engagements sur des taux de service répondront à leurs exigences. Ces engagements, pour être réalisés, nécessitent l'implication de deux types d'acteurs : les autorités organisatrices et les entreprises. Mon rôle est de leur donner la direction à suivre et de les inciter, et vous verrez que je m'y attache personnellement.
Les autorités organisatrices tout d'abord, doivent définir les priorités de service à assurer en période de conflit. Je laisserai dans quelques minutes la parole à mon ami Adrien ZELLER qui vous décrira l'expérimentation qu'il va mener avec la SNCF dans sa région. Vos travaux, cher président, comportent tout d'abord un dispositif complet d'information gratuite aux voyageurs. Des niveaux de service seront également définis, en fonction de la conflictualité constatée, et feront l'objet d'un accord préalable entre votre collectivité et la SNCF ; au sein de chacun de ces niveaux de service aisés à comprendre (de 1 à 4 par exemple), la polyvalence des agents devra permettre de maximiser le service rendu. Enfin, pour chacun de ces niveaux, les priorités de transport à assurer seront définies à l'avance par vos soins, pour desservir telle ou telle ligne en priorité et avec une fréquence que vous demanderez à la SNCF. Un dispositif contractuel de bonus- -malus viendra concrétiser et crédibiliser le tout et votre objectif, je crois, est que l'avenant correspondant soit signé d'ici le mois de juin prochain.
[Intervention de M. ZELLER]
Mais on le voit, ce service maximum nécessite également l'implication des entreprises, dont la gestion de la polyvalence des personnels doit les amener à s'engager sur des niveaux de service.
J'ai ainsi demandé à la présidente de la RATP de s'engager vis-à-vis des voyageurs sur un niveau de service global mais surtout sur un niveau de service ligne par ligne chaque jour de grève. Le but, très concrètement, est que le voyageur bénéficie d'au moins un RER ou bus ou métro sur 2 les jours de conflits. Je le souhaite et en ai longuement parlé à Anne-Marie IDRAC, la présidente de la RATP, qui engagera les discussions avec les partenaires le 14 avril prochain pour parvenir à ce bel objectif.
J'ai également demandé au président de la SNCF de s'engager sur le réseau transilien, où il est anormal que les usagers voient partir les TGV alors que le seul train pouvant les emmener sur leur lieu de travail est bloqué. Là encore, la polyvalence est le point clé, et qui doit être encouragé en modifiant et assouplissant au besoin l'organisation du travail pour les personnels. Si des problèmes de qualification se posent, il faut bien distingue r les différentes situations car le voyageur peut difficilement admettre qu'un contrôleur d'un train ne puisse en contrôler un autre par exemple.
Ces engagements de service des deux exploitants du réseau francilien doivent, pour être crédibles, se traduire dans le contrat qu'ils ont avec l'autorité organisatrice, c'est à dire le STIF. C'est ce que je souhaite, et ceci devra être fait d'ici juin avec un mécanisme incitatif simple à comprendre et contrôler.
Enfin, pour la SNCF, au-delà de ce que je viens de citer en région Alsace et sur le transilien, je rajouterai que les discussions visant à maximiser le service réalisé avec les personnels présents concerneront bien évidemment également les grandes lignes.
Le tableau projeté vous résume donc la situation actuelle : les dispositifs de prévention et d'information sont à acter du côté de l'UTP et les discussions en cours sur le service maximum en période de conflit doivent s'accélérer pour se traduire dans les contrats en Alsace mais aussi en Île-de-France. Ce troisième champ, qui nous garantira bien un respect du droit de l'usager à circuler, est plus complexe mais les initiatives prises ici et là doivent d'abord aboutir et ensuite être généralisées. Sur ce sujet, je dois pour être complet, en plus de la région Alsace, vous citer le cas de l'entreprise Connex qui a pris l'engagement d'avancer de façon volontaire sur deux de ses réseaux.
Ce qui veut dire qu'en juin, et pour résumer, la situation sera la suivante, c'est du moins mon objectif :
- des accords généralisés sur la prévention des conflits,
- des dispositifs complets sur l'information aux voyageurs,
- des engagements de la RATP et de la SNCF sur un service maximum à assurer en période de conflit, et une prolifération des expérimentations menées, que ce soit en régions -pour poursuivre le bel exemple Alsacien- ou en province -pour poursuivre la démarche de Connex.
La machine est bel est bien en marche ; aussi, il est temps d'inscrire notre démarche dans la continuité en confortant tout cet acquis.
J'ai donc décidé de mettre en place une haute instance en place, qui aura pour mission de :
- faire connaître les meilleures expériences et suggestions en la matière, en les rendant publiques,
- évaluer l'efficacité des initiatives et accords déjà lancés,
- encourager le dialogue social,
- mais aussi conseiller sur leur demande chacun des acteurs -entreprises, partenaires sociaux, collectivités- en organisant des échanges de point de vue.
Cette instance, volontairement réduite pour qu'elle soit pleinement efficace, sera en somme garante de la bonne conciliation du droit de grève et de la continuité du service public de transports terrestres de voyageurs.
Le décret de sa création sera signé dans les tous prochains jours par le Premier Ministre et moi-même.
(Source http://www.equipement.gouv.fr, le 7 avril 2005)