Interview de Mme Nicole Guedj, secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de justice, à LCI le 11 février 2004, sur la constitution de la liste UMP d'Ile-de-France pour les élections régionales, sur les polémiques suscitées par la loi sur la grande criminalité et sur la question de la surpopulation carcérale.

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Média : La Chaîne Info - Télévision

Texte intégral

Q- A. Hausser-. Vous êtes au coeur de l'actualité ce matin. Sans vouloir empiéter sur le domaine du Garde Sceaux, vous êtes avocate, donc on va parler de la loi Perben 2, et aussi des régionales à Paris, puisque vous êtes numéro trois de la liste qu'a présentée J.-F. Copé ; une liste qui ne fait pas l'unanimité, et qui provoque la fureur des amis de N. Sarkozy. C'est une liste RPR ?
R- "RPR, je ne l'étais pas."
Q- Vous êtes UMP ?
R- "UMP, absolument. Je me suis engagée dans la vie politique il y a quelques années, sans étiquette. La première que j'ai prise, c'est celle de l'Union en mouvement. Ma sensibilité centriste a été reconnue dans cette grande famille, dans cette grande Union. Et c'était ce que j'attendais pour m'engager."
Q- Mais cette liste, quand on dit que les amis de N. Sarkozy sont écartés, vous y avez participé quand même...
R- "Non seulement je n'ai pas participé, mais je crois aussi faire partie de ses amis."
Q- Donc vous ne reconnaissez pas la querelle ?
R- - "Il vaut mieux que je vous dise que maintenant, j'ignore la composition intégrale de cette liste. C'est-à-dire que non seulement je n'ai pas participé à sa composition, mais je n'ai pas une connaissance entière de cette composition."
Q- Et quand des gens disent : ils se retirent parce qu'ils ne sont pas en position éligible, parce que leur sensibilité justement n'a pas été reconnue - d'anciens giscardiens, d'anciens centristes...
R- "Je crois que l'engagement politique doit amener chacun à s'allier aux autres, à s'unir aux autres pour une cause. Pour ma part, avant d'être, cette fois-ci, troisième sur cette liste, j'ai livré des combats très difficiles dans lesquels je n'avais pas vraiment beaucoup de chances de gagner, et pourtant je les ai menés avec conviction. Je crois qu'il nous faut tous penser comme ça en politique. C'est ça le vrai changement, c'est dans cet esprit qu'il faut renouveler le personnel politique."
Q- Donc c'est bien qu'il n'y ait pas d'héritier ?
R- "Sur cette question, je dois dire qu'il faut peut-être que je remercie mon père aujourd'hui."
Q- Il n'a pas fait de politique ?
R- "Il n'en a pas fait, vraiment pas. Et il ne pensait pas non plus que je me destinerais un jour à cet engagement. Pour autant et pour ce qui concerne les héritages, je crois qu'il faut ne pas alimenter de polémique. Il vaut mieux envisager les choses sous un angle plus positif, plus constructif. Ce que J.-F. Copé a voulu faire, c'est de renouveler une équipe et peut-être de faire participer aujourd'hui à ce combat, des femmes et des hommes qui sont restés complètement extérieurs à ces querelles que les Parisiens n'ont pas encore oubliées. Et ça, cela me semble important."
Q- Vous êtes avocate de profession. Si vous n'étiez pas ministre, est-ce que vous iriez manifester aujourd'hui avec vos collègues contre la loi Perben 2, qui fait dire à un avocat comme H. Leclerc, que "à trop vouloir l'ordre, on se retrouve sans liberté" ?
R- "Vous connaissez certainement mes engagements très anciens pour la défense des libertés individuelles et la défense des droits de l'Homme. Je n'ai jamais manifesté en robe. Et si aujourd'hui, j'ai changé d'habit, je n'ai pas changé d'avis. Je ne suis pas pénaliste, et je n'ai pas le souvenir, durant ces derniers mois, d'un émoi particulier au Barreau sur ce texte."
Q- C'est peut-être une prise de conscience tardive...
R- "Non, pas vraiment, je ne crois pas. Il faut savoir que le texte sur la grande criminalité est en concertation depuis décembre 2002. Et que mes confrères avocats se manifestent à mon sens un petit peu tardivement, c'est-à-dire au moment du vote solennel de la loi."
Q- Vous pouvez quand même reconnaître qu'il peut y avoir une prise de conscience tardive et que l'examen du texte, qui était prévu à l'origine pour lutter contre la grande criminalité, on se rend compte que finalement, il est très extensif...
R- "Précisément, ce texte, je crois qu'il faut le regarder de près. Il faut savoir quelles sont les infractions qui sont concernées. La liste des crimes de grande criminalité est limitative. Pour vous citer quelques exemples, rappelons qu'il s'agit de pédopornographie par internet, de traite des êtres humains, de criminalité en bande organisée, de terrorisme. Il nous fallait des outils juridiques et de procédure qui soient à la mesure de la gravité de ces crimes. Et pour cela, je crois qu'on a choisi des méthodes, notamment d'investigation, qui sont effectivement plus fortes que précédemment. C'était très utile."
Q- Oui mais cela peut s'appliquer à d'autres délits. La pose de micros, la garde à vue de quatre jours, le plaider coupable qui fait tellement enrager les avocats...
R- "Revenons peut-être après sur le plaider coupable, mais pour le reste, ce ne sont pas des délits, ce sont des moyens qui sont mis à la disposition des policiers et de la justice pour précisément combattre une grande criminalité qui s'organise en réseaux et en réseaux extérieurs, à l'étranger. C'est très important. Et pour cela, les policiers ne disposaient pas de suffisamment de moyens et de suffisamment de temps pour réagir."
Q- Et là, ils l'ont ?
R- "Et là ils l'ont. Ils l'ont, mais d'une façon d'abord contrôlée par le juge des libertés, c'est fondamental. Et puis vous pensez certainement à la prolongation de la durée de la garde à vue. Il faut savoir qu'effectivement, cette durée peut atteindre 96 heures, mais par tranche de 24 heures."
R-On ne veut pas refaire toute la loi ici... Je voudrais revenir à votre secteur précis : vous êtes chargée des Programmes immobiliers, vous ne pouvez pas ne pas vous intéresser à la condition pénitentiaire...
R- "C'est mon vrai sujet."
Q- C'est votre vrai sujet. 124 % de taux d'occupation des prisons françaises. Là aussi, des organisations dénoncent des traitements inhumains et dégradants. Quelle a été votre réaction de femme quand vous avez appris l'affaire de la femme qui a accouché avec des menottes ?
R- "Je l'ai appris hier, je dois dire que j'étais scandalisée, il ne peut pas en être autrement. D. Perben a dit, et vraiment je le confirme : je crois qu'il y va de notre honneur d'abord de mettre cette affaire au clair et de sanctionner très sévèrement les responsables."
Q- Qui sont les responsables ?
R- "Justement, nous les cherchons. Le directeur de l'administration pénitentiaire a ordonné une enquête. Il a aussi, à la demande du Garde des Sceaux, transmis une circulaire à tous les directeurs d'établissements pénitentiaires, pour qu'à l'avenir, plus jamais ça. Il faut savoir qu'il n'y a pas, et il faut le dire, de texte réglementaire qui oblige à menotter une femme qui accouche. Et ce que je sais aujourd'hui de cette affaire, c'est que la salle de travail comportait deux issues. Et la surveillante s'est légitimement dit que de l'extérieur, elle allait pouvoir n'en surveiller qu'une. Je suis une mère de famille, j'ai vécu l'accouchement dans ma chair et je confirme qu'une femme qui vient d'accoucher ne peut pas s'évader avec son bébé par l'autre porte de sortie ; ça, c'est certain. En revanche, une intervention extérieure était possible. Alors à voir, à suivre et à prendre les sanctions qui s'imposeront."

(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 12 février 2004)