Texte intégral
Monsieur le Directeur Général,
Mesdames, Messieurs,
Si j'ai tenu à vous rencontrer ce matin, dans le cadre de ce séminaire qui réunit tous les chefs de police de France, c'est pour vous dire ce que j'attends de vous : nous devons mieux protéger les Français contre toutes les formes de violences.
Depuis mai 2002, la délinquance recule :
·- L'année 2004 a marqué la plus forte baisse de la criminalité depuis dix ans ;
·- Les deux premiers mois de 2005 ont permis d'amplifier la tendance : la délinquance générale baisse de 5,1 % et celle de voie publique recule de 9,5 %.
Ces résultats sont d'abord le fruit du travail remarquable que conduisent les services de police sous votre autorité, comme en témoignent les indicateurs d'activité : pour la seule sécurité publique, nous venons de franchir la barre des 30 % de taux d'élucidation, un chiffre jamais atteint en deux ans.
Nous avons ancré la baisse de la délinquance dans la durée. Mais il nous reste encore beaucoup à faire.
C'est la raison pour laquelle j'ai demandé à votre directeur central d'organiser ce séminaire.
C'est aussi la raison pour laquelle je vais reprendre les réunions d'évaluation en réunissant dans les jours prochains dix préfets de départements avec vous et vos collègues de la gendarmerie.
Aujourd'hui je ne vous parlerai pas de terrorisme, ni de lutte contre l'immigration irrégulière, ni de délinquance des mineurs, même si nous restons mobilisés sur ces questions.
Aujourd'hui je veux évoquer avec vous les violences aux personnes qui résistent encore trop à nos efforts et qui doivent constituer notre première priorité.
Ces violences, nous sommes désormais en mesurer de mieux les évaluer : j'ai décidé de généraliser l'indicateur créé par l'Observatoire national de la délinquance qui comporte 31 catégories de faits, pour couvrir tout le champ des violences aux personnes ;
Que nous dit cet indicateur ?
En fin d'année 2004 nous avons stabilisé les violences aux personnes après cinq années de hausse consécutive ;
Depuis le début de l'année, elles baissent même de 2 %.
Dans un souci de précision, cet indicateur nous permet de suivre l'évolution de trois types de violences, qui doivent désormais devenir votre tableau de bord quotidien :
·- D'abord les violences crapuleuses, liées au vol, qui sont en baisse significative;
·- Ensuite, les violences sexuelles qui commencent à reculer ;
·- Enfin les violences non crapuleuses, qui sont les plus difficiles à combattre : ce sont les violences ordinaires, les rixes entre automobilistes, les échanges de coups à la sortie d'une boîte de nuit, les affrontements entre bandes, les règlements de compte autour de l'école, les formes d'agressivité envers les dépositaires de l'autorité, mais aussi toutes les violences qui se déroulent à l'intérieur des familles.
Cette nouvelle forme d'agressivité gratuite et parfois irrationnelle constitue le nouveau défi de notre société :
·- D'abord parce qu'elle est le résultat d'un effacement des repères familiaux et institutionnels : l'autorité légitime est de plus en plus souvent ignorée ou systématiquement contestée, que ce soit celle des parents, des enseignants, des maires ou de l'Etat et de ses représentants. Il a appartient à chacun de rappeler la règle, avec fermeté s'il le faut.
·- Ensuite, ces violences répondent à une banalisation inquiétant de la violence, à travers les médias, les jeux vidéos ou Internet. Nous le voyons bien, chez les plus jeunes le seuil de tolérance face aux images de violence est de plus en plus élevé et la frontière entre le réel et le virtuel s'estompe : combien de fois avez-vous été confrontés à des mineurs qui étaient passés à l'acte sans avoir conscience de la gravité de leur comportement ?
Face à cette réalité, nous nous sentons parfois démunis. C'est pourquoi je veux vous donner à la fois des repères et les moyens d'apporter des réponses efficaces.
1- Première réponse : nous devons mieux nous organiser pour lutter contre toutes les formes de violence.
A- Cela implique avant tout un véritable diagnostic local des violences.
J'ai lu vos bilans d'activité et vos objectifs pour 2005. Ils sont extrêmement riches : la lutte contre les violences y est souvent citée comme une priorité, mais elle fait encore trop rarement l'objet d'une évaluation systématique et d'objectifs précis.
Pour disposer d'un état des lieux précis, je veux que vous vous engagiez personnellement, avec vos collaborateurs et avec les partenaires locaux, en utilisant tous les outils à disposition :
·- Le nouvel indicateur des violences : je viens de demander que les chiffres de tous les départements soient reconstruits depuis 2000 et mis à votre disposition sans délai ;
·- La cartographie de la délinquance du Service de Traitement des Infractions Constatées ;
·- La main-courante informatisée ;
·- Les analyses des renseignements généraux, en particulier sur les violences urbaines : un nouvel indicateur a été mis en place en début d'année.
B- A partir de ce diagnostic, je vous demande de cibler vos efforts :
En premier lieu, les policiers doivent être présents sur les lieux les plus sensibles :
·- Les endroits les plus fréquentés comme les galeries commerciales, les abords des gares ;
·- Les lieux où il y a moins de passage et où le sentiment d'insécurité peut être fort, comme les parkings et certains trajets pour se rendre au travail ou à l'école ;
·- Les quartiers difficiles et les lieux générateurs de violence.
Dans chacun de ces lieux, l'action des policiers doit être adaptée :
·- Pour la présence sur la voie publique, il vous appartient d'évaluer vos marges de progression avec la main courante informatisée : vous pourrez ainsi ajuster les taux de présence, les horaires des patrouilles aux lieux et aux heures de commission des faits.
·- Pour les interventions, vous devez privilégier la rigueur et la sécurité : je vous demande d'appliquer scrupuleusement les circulaires sur les interventions à risques et de vous assurer que vos collaborateurs maîtrisent les gestes techniques nécessaires.
Pour être plus efficaces dans la lutte contre les violences, les policiers doivent être sans cesse plus réactifs :
·- Cela veut dire agir en amont et prévenir l'apparition de la violence : c'est à vous qu'il revient de conseiller les acteurs locaux, sur l'aménagement urbain, sur la construction des grands ensembles, sur les équipements de vidéosurveillance qu'il faut systématiser. N'attendez pas que l'on vous pose la question, fixez la doctrine et imposez vos solutions.
- Etre plus réactif c'est aussi intervenir dès les premières manifestations de violence : n'attendez pas que les rixes, les car-jacking ou les agressions se multiplient pour intervenir. Dès la première répétition d'infractions en un même lieu, intervenez par des opérations coup de poing.
- Enfin, être réactif, c'est savoir dépasser le cadre du département lorsque c'est nécessaire.
o Je pense aux zones de franges qui nécessitent des protocoles et des pratiques clairement fixées à l'avance.
o Je pense également aux bandes dont les actions sont fréquemment interdépartementales, ce qui impose des échanges opérationnels en temps réel entre les salles de commandement.
o Je pense enfin à la délinquance dans les grands réseaux de transports en commun : elle mérite une véritable approche régionale. Des services spécialisés ont été créés dans la plupart des grandes villes dotées de métros. Il faut désormais aller plus loin et se poser la question de la sécurité des réseaux régionaux de la SNCF.
C- Pour être plus efficaces dans ce combat, vous devez mobiliser tous les moyens et tous les acteurs :
Dans le domaine de l'investigation vous avez deux leviers d'action majeurs :
- Les fichiers nationaux, mais aussi locaux comme le canonge, que vous devez systématiquement utiliser et alimenter.
- Les unités spécialisées créées dans le cadre des sûretés départementales comme les groupes chargés des violences urbaines, des synthèses et des rapprochements judiciaires, les unités chargées du suivi des mineurs multi-réitérants ou du traitement des violences intrafamiliales.
Pour améliorer la prise en compte des auteurs de violences, il vous appartient de solliciter l'autorité judiciaire afin de réactiver les groupes locaux de traitement de la délinquance. Ces instances sont en effet un élément fort de coordination des actions de lutte contre les violences.
N'hésitez pas à rappeler à tous que nous devons répondre dès le premier acte de manière immédiate et adaptée.
Lorsque cette première réponse n'a pas permis de dissuader la récidive, vous devez attirer l'attention du Parquet sur tous les outils du Code Pénal : vous connaissez l'utilité des peines accessoires ou complémentaires, comme l'interdiction de séjour, qui est encore beaucoup trop peu employée : c'est pourtant parfois le seul moyen pour apaiser un quartier et donner aux victimes le sentiment d'une réparation.
2. Pour lutter contre les violences notre deuxième réponse c'est de mieux protéger les victimes, notamment les plus vulnérables.
A- La première exigence c'est d'améliorer l'accueil des victimes de violence.
Même si de grands progrès ont été réalisés, nous devons faire mieux :
·- Veillez à ce que la charte de l'accueil du public et de l'assistance aux victimes inspire en permanence l'action des fonctionnaires de police placés sous votre autorité.
·- Veillez également à l'information régulière et continue des plaignants : c'est d'autant plus important lorsqu'il s'agit de victimes de violences ou d'agressions sexuelles. Il est aujourd'hui totalement inconcevable qu'un plaignant victime de violences n'ait pas accès au fichier canonge.
B- Le deuxième exigence, c'est d'améliorer la protection des victimes.
Protéger les victimes, c'est protéger les témoins. Notre procédure pénale prévoit des procédures d'auditions anonymes pour les témoins de certains types d'infractions. Ces procédures sont lourdes et peu utilisées. Il faut les populariser pour garantir la sécurité des témoignages, en particulier dans les cas de violences intrafamiliales, de violences scolaires ou de violences urbaines.
Protéger les victimes, c'est aussi faire preuve de simple bon sens en évitant toujours que la victime se retrouve confrontée à son agresseur dans les locaux ou au sortir des locaux.
Protéger les victimes, c'est également permettre aux associations de jouer tout leur rôle.
C'est la mission du correspondant départemental " aide aux victimes " :
·- Il est chargé de veiller à la cohérence et au suivi des actions entreprises dans le département ;
·- Il est l'interlocuteur privilégié des associations partenaires ainsi que des collectivités publiques qui sont en mesure de financer ces dispositifs.
Mais il revient à chacun de vous et de vos collaborateurs de travailler avec les associations d'aide aux victimes : je dis bien avec toutes les associations, en particulier celles qui aident à la réinsertion des prostituées.
Vous le savez, dans ce domaine mon objectif est clair, c'est la lutte contre le proxénétisme. C'est pour cela que j'ai voulu que des opérations ciblées aient lieu cette semaine partout en France contre ceux qui exploitent les prostituées, ceux qui les violentent ou ceux qui leurs fournissent de la drogue.
Ces opérations ont nécessité des surveillances, mais dans biens des cas, elles n'auront de chances d'aboutir que grâce aux témoignages des victimes que sont les prostituées.
Je vous demande d'y être extrêmement attentifs en travaillant étroitement avec les associations de réinsertion car c'est la condition même de la réussite de nos opérations.
Enfin, protéger les victimes, c'est renforcer la protection des personnes les plus vulnérables. En 2004, plus 670 000 personnes vulnérables ont été victimes de violences :
71 000 mineurs ;
95 000 personnes âgées de plus de 70 ans ;
Mais aussi 500 000 femmes.
Ces chiffres ne sont pas acceptables. C'est pourquoi je vous demande d'appliquer avec la plus grande fermeté les instructions que j'ai adressées aux préfets dans la circulaire du 3 janvier dernier, pour lutter contre les violences intrafamiliales et en particulier conjugales. Elles vous fixent un plan d'action autour de trois règles :
·- Première règle, la vigilance : vos services doivent être en alerte permanente lors de leurs interventions dans la sphère familiale, afin de détecter tout signe de violence de ce type.
·- Deuxième règle, la fermeté dès la première infraction. Pour permettre la prise de conscience des conjoints, même dans les cas où la victime renonce à porter plainte, vous devez leur signifier le plus tôt possible la gravité et les conséquences possibles de leurs actes. Cette démarche sera obligatoirement suivie d'une prise de contact rapide avec la victime pour consigner par écrit ses observations, qui seront adressées à l'autorité judiciaire.
·- Enfin, troisième règle, la coopération. Coopération avec les autres partenaires, notamment au sein des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance pour détecter le plus tôt possible les cas de violence, et pour trouver des solutions adaptées. Coopération également avec la justice, en étant les plus rigoureux possibles dans l'établissement des procédures afin de faciliter le travail judiciaire ultérieur.
Telles sont mesdames et messieurs les orientations que je vous fixe en introduction de ce séminaire sur les violences aux personnes.
C'est votre chantier prioritaire. Je vous demande d'en convaincre l'ensemble de vos collaborateurs. Lutter contre les violences, c'est remplir notre première mission qui est de protéger les Français et notamment les plus vulnérables. C'est substituer la loi à la force, c'est rendre la vie collective accessible à tous, c'est faire sortir de la peur tous ceux qui s'y enferment. Lutter contre les violences c'est donc plus qu'un simple enjeu de sécurité, c'est défendre notre pacte républicain contre tous les risques de désagrégation.
Les Français attendent de nous des résultats rapides et visibles. L'action de vos services doit donc non seulement s'intensifier, mais aussi être connue du public. N'hésitez pas à communiquer sur ce qui est mis en uvre à votre initiative, que ce soit pour prévenir les violences, pour lutter contre la dégradation des situations ou pour protéger les personnes les plus vulnérables.
Mesdames, Messieurs,
Je voudrais terminer en rendant hommage à l'action des forces de l'ordre au cours des manifestations lycéennes des derniers jours. L'ordre public est un enjeu, tout comme la protection des personnes qui manifestent, surtout lorsqu'il s'agit de nos enfants.
Grâce au sang froid et à la rigueur des forces de l'ordre, grâce à la coordination mise en place avec les organisateurs, grâce à l'arrestation préventive des fauteurs de trouble, nous sommes parvenus à concilier ces deux impératifs et à garantir à chacun la liberté de manifester en toute sécurité.
J'y vois une bonne illustration de la mission qui est la nôtre de protéger tous nos concitoyens face aux violences et de garantir leur liberté.
Je vous remercie.
(Source http://www.interieur.gouv.fr, le 18 mars 2005)
Mesdames, Messieurs,
Si j'ai tenu à vous rencontrer ce matin, dans le cadre de ce séminaire qui réunit tous les chefs de police de France, c'est pour vous dire ce que j'attends de vous : nous devons mieux protéger les Français contre toutes les formes de violences.
Depuis mai 2002, la délinquance recule :
·- L'année 2004 a marqué la plus forte baisse de la criminalité depuis dix ans ;
·- Les deux premiers mois de 2005 ont permis d'amplifier la tendance : la délinquance générale baisse de 5,1 % et celle de voie publique recule de 9,5 %.
Ces résultats sont d'abord le fruit du travail remarquable que conduisent les services de police sous votre autorité, comme en témoignent les indicateurs d'activité : pour la seule sécurité publique, nous venons de franchir la barre des 30 % de taux d'élucidation, un chiffre jamais atteint en deux ans.
Nous avons ancré la baisse de la délinquance dans la durée. Mais il nous reste encore beaucoup à faire.
C'est la raison pour laquelle j'ai demandé à votre directeur central d'organiser ce séminaire.
C'est aussi la raison pour laquelle je vais reprendre les réunions d'évaluation en réunissant dans les jours prochains dix préfets de départements avec vous et vos collègues de la gendarmerie.
Aujourd'hui je ne vous parlerai pas de terrorisme, ni de lutte contre l'immigration irrégulière, ni de délinquance des mineurs, même si nous restons mobilisés sur ces questions.
Aujourd'hui je veux évoquer avec vous les violences aux personnes qui résistent encore trop à nos efforts et qui doivent constituer notre première priorité.
Ces violences, nous sommes désormais en mesurer de mieux les évaluer : j'ai décidé de généraliser l'indicateur créé par l'Observatoire national de la délinquance qui comporte 31 catégories de faits, pour couvrir tout le champ des violences aux personnes ;
Que nous dit cet indicateur ?
En fin d'année 2004 nous avons stabilisé les violences aux personnes après cinq années de hausse consécutive ;
Depuis le début de l'année, elles baissent même de 2 %.
Dans un souci de précision, cet indicateur nous permet de suivre l'évolution de trois types de violences, qui doivent désormais devenir votre tableau de bord quotidien :
·- D'abord les violences crapuleuses, liées au vol, qui sont en baisse significative;
·- Ensuite, les violences sexuelles qui commencent à reculer ;
·- Enfin les violences non crapuleuses, qui sont les plus difficiles à combattre : ce sont les violences ordinaires, les rixes entre automobilistes, les échanges de coups à la sortie d'une boîte de nuit, les affrontements entre bandes, les règlements de compte autour de l'école, les formes d'agressivité envers les dépositaires de l'autorité, mais aussi toutes les violences qui se déroulent à l'intérieur des familles.
Cette nouvelle forme d'agressivité gratuite et parfois irrationnelle constitue le nouveau défi de notre société :
·- D'abord parce qu'elle est le résultat d'un effacement des repères familiaux et institutionnels : l'autorité légitime est de plus en plus souvent ignorée ou systématiquement contestée, que ce soit celle des parents, des enseignants, des maires ou de l'Etat et de ses représentants. Il a appartient à chacun de rappeler la règle, avec fermeté s'il le faut.
·- Ensuite, ces violences répondent à une banalisation inquiétant de la violence, à travers les médias, les jeux vidéos ou Internet. Nous le voyons bien, chez les plus jeunes le seuil de tolérance face aux images de violence est de plus en plus élevé et la frontière entre le réel et le virtuel s'estompe : combien de fois avez-vous été confrontés à des mineurs qui étaient passés à l'acte sans avoir conscience de la gravité de leur comportement ?
Face à cette réalité, nous nous sentons parfois démunis. C'est pourquoi je veux vous donner à la fois des repères et les moyens d'apporter des réponses efficaces.
1- Première réponse : nous devons mieux nous organiser pour lutter contre toutes les formes de violence.
A- Cela implique avant tout un véritable diagnostic local des violences.
J'ai lu vos bilans d'activité et vos objectifs pour 2005. Ils sont extrêmement riches : la lutte contre les violences y est souvent citée comme une priorité, mais elle fait encore trop rarement l'objet d'une évaluation systématique et d'objectifs précis.
Pour disposer d'un état des lieux précis, je veux que vous vous engagiez personnellement, avec vos collaborateurs et avec les partenaires locaux, en utilisant tous les outils à disposition :
·- Le nouvel indicateur des violences : je viens de demander que les chiffres de tous les départements soient reconstruits depuis 2000 et mis à votre disposition sans délai ;
·- La cartographie de la délinquance du Service de Traitement des Infractions Constatées ;
·- La main-courante informatisée ;
·- Les analyses des renseignements généraux, en particulier sur les violences urbaines : un nouvel indicateur a été mis en place en début d'année.
B- A partir de ce diagnostic, je vous demande de cibler vos efforts :
En premier lieu, les policiers doivent être présents sur les lieux les plus sensibles :
·- Les endroits les plus fréquentés comme les galeries commerciales, les abords des gares ;
·- Les lieux où il y a moins de passage et où le sentiment d'insécurité peut être fort, comme les parkings et certains trajets pour se rendre au travail ou à l'école ;
·- Les quartiers difficiles et les lieux générateurs de violence.
Dans chacun de ces lieux, l'action des policiers doit être adaptée :
·- Pour la présence sur la voie publique, il vous appartient d'évaluer vos marges de progression avec la main courante informatisée : vous pourrez ainsi ajuster les taux de présence, les horaires des patrouilles aux lieux et aux heures de commission des faits.
·- Pour les interventions, vous devez privilégier la rigueur et la sécurité : je vous demande d'appliquer scrupuleusement les circulaires sur les interventions à risques et de vous assurer que vos collaborateurs maîtrisent les gestes techniques nécessaires.
Pour être plus efficaces dans la lutte contre les violences, les policiers doivent être sans cesse plus réactifs :
·- Cela veut dire agir en amont et prévenir l'apparition de la violence : c'est à vous qu'il revient de conseiller les acteurs locaux, sur l'aménagement urbain, sur la construction des grands ensembles, sur les équipements de vidéosurveillance qu'il faut systématiser. N'attendez pas que l'on vous pose la question, fixez la doctrine et imposez vos solutions.
- Etre plus réactif c'est aussi intervenir dès les premières manifestations de violence : n'attendez pas que les rixes, les car-jacking ou les agressions se multiplient pour intervenir. Dès la première répétition d'infractions en un même lieu, intervenez par des opérations coup de poing.
- Enfin, être réactif, c'est savoir dépasser le cadre du département lorsque c'est nécessaire.
o Je pense aux zones de franges qui nécessitent des protocoles et des pratiques clairement fixées à l'avance.
o Je pense également aux bandes dont les actions sont fréquemment interdépartementales, ce qui impose des échanges opérationnels en temps réel entre les salles de commandement.
o Je pense enfin à la délinquance dans les grands réseaux de transports en commun : elle mérite une véritable approche régionale. Des services spécialisés ont été créés dans la plupart des grandes villes dotées de métros. Il faut désormais aller plus loin et se poser la question de la sécurité des réseaux régionaux de la SNCF.
C- Pour être plus efficaces dans ce combat, vous devez mobiliser tous les moyens et tous les acteurs :
Dans le domaine de l'investigation vous avez deux leviers d'action majeurs :
- Les fichiers nationaux, mais aussi locaux comme le canonge, que vous devez systématiquement utiliser et alimenter.
- Les unités spécialisées créées dans le cadre des sûretés départementales comme les groupes chargés des violences urbaines, des synthèses et des rapprochements judiciaires, les unités chargées du suivi des mineurs multi-réitérants ou du traitement des violences intrafamiliales.
Pour améliorer la prise en compte des auteurs de violences, il vous appartient de solliciter l'autorité judiciaire afin de réactiver les groupes locaux de traitement de la délinquance. Ces instances sont en effet un élément fort de coordination des actions de lutte contre les violences.
N'hésitez pas à rappeler à tous que nous devons répondre dès le premier acte de manière immédiate et adaptée.
Lorsque cette première réponse n'a pas permis de dissuader la récidive, vous devez attirer l'attention du Parquet sur tous les outils du Code Pénal : vous connaissez l'utilité des peines accessoires ou complémentaires, comme l'interdiction de séjour, qui est encore beaucoup trop peu employée : c'est pourtant parfois le seul moyen pour apaiser un quartier et donner aux victimes le sentiment d'une réparation.
2. Pour lutter contre les violences notre deuxième réponse c'est de mieux protéger les victimes, notamment les plus vulnérables.
A- La première exigence c'est d'améliorer l'accueil des victimes de violence.
Même si de grands progrès ont été réalisés, nous devons faire mieux :
·- Veillez à ce que la charte de l'accueil du public et de l'assistance aux victimes inspire en permanence l'action des fonctionnaires de police placés sous votre autorité.
·- Veillez également à l'information régulière et continue des plaignants : c'est d'autant plus important lorsqu'il s'agit de victimes de violences ou d'agressions sexuelles. Il est aujourd'hui totalement inconcevable qu'un plaignant victime de violences n'ait pas accès au fichier canonge.
B- Le deuxième exigence, c'est d'améliorer la protection des victimes.
Protéger les victimes, c'est protéger les témoins. Notre procédure pénale prévoit des procédures d'auditions anonymes pour les témoins de certains types d'infractions. Ces procédures sont lourdes et peu utilisées. Il faut les populariser pour garantir la sécurité des témoignages, en particulier dans les cas de violences intrafamiliales, de violences scolaires ou de violences urbaines.
Protéger les victimes, c'est aussi faire preuve de simple bon sens en évitant toujours que la victime se retrouve confrontée à son agresseur dans les locaux ou au sortir des locaux.
Protéger les victimes, c'est également permettre aux associations de jouer tout leur rôle.
C'est la mission du correspondant départemental " aide aux victimes " :
·- Il est chargé de veiller à la cohérence et au suivi des actions entreprises dans le département ;
·- Il est l'interlocuteur privilégié des associations partenaires ainsi que des collectivités publiques qui sont en mesure de financer ces dispositifs.
Mais il revient à chacun de vous et de vos collaborateurs de travailler avec les associations d'aide aux victimes : je dis bien avec toutes les associations, en particulier celles qui aident à la réinsertion des prostituées.
Vous le savez, dans ce domaine mon objectif est clair, c'est la lutte contre le proxénétisme. C'est pour cela que j'ai voulu que des opérations ciblées aient lieu cette semaine partout en France contre ceux qui exploitent les prostituées, ceux qui les violentent ou ceux qui leurs fournissent de la drogue.
Ces opérations ont nécessité des surveillances, mais dans biens des cas, elles n'auront de chances d'aboutir que grâce aux témoignages des victimes que sont les prostituées.
Je vous demande d'y être extrêmement attentifs en travaillant étroitement avec les associations de réinsertion car c'est la condition même de la réussite de nos opérations.
Enfin, protéger les victimes, c'est renforcer la protection des personnes les plus vulnérables. En 2004, plus 670 000 personnes vulnérables ont été victimes de violences :
71 000 mineurs ;
95 000 personnes âgées de plus de 70 ans ;
Mais aussi 500 000 femmes.
Ces chiffres ne sont pas acceptables. C'est pourquoi je vous demande d'appliquer avec la plus grande fermeté les instructions que j'ai adressées aux préfets dans la circulaire du 3 janvier dernier, pour lutter contre les violences intrafamiliales et en particulier conjugales. Elles vous fixent un plan d'action autour de trois règles :
·- Première règle, la vigilance : vos services doivent être en alerte permanente lors de leurs interventions dans la sphère familiale, afin de détecter tout signe de violence de ce type.
·- Deuxième règle, la fermeté dès la première infraction. Pour permettre la prise de conscience des conjoints, même dans les cas où la victime renonce à porter plainte, vous devez leur signifier le plus tôt possible la gravité et les conséquences possibles de leurs actes. Cette démarche sera obligatoirement suivie d'une prise de contact rapide avec la victime pour consigner par écrit ses observations, qui seront adressées à l'autorité judiciaire.
·- Enfin, troisième règle, la coopération. Coopération avec les autres partenaires, notamment au sein des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance pour détecter le plus tôt possible les cas de violence, et pour trouver des solutions adaptées. Coopération également avec la justice, en étant les plus rigoureux possibles dans l'établissement des procédures afin de faciliter le travail judiciaire ultérieur.
Telles sont mesdames et messieurs les orientations que je vous fixe en introduction de ce séminaire sur les violences aux personnes.
C'est votre chantier prioritaire. Je vous demande d'en convaincre l'ensemble de vos collaborateurs. Lutter contre les violences, c'est remplir notre première mission qui est de protéger les Français et notamment les plus vulnérables. C'est substituer la loi à la force, c'est rendre la vie collective accessible à tous, c'est faire sortir de la peur tous ceux qui s'y enferment. Lutter contre les violences c'est donc plus qu'un simple enjeu de sécurité, c'est défendre notre pacte républicain contre tous les risques de désagrégation.
Les Français attendent de nous des résultats rapides et visibles. L'action de vos services doit donc non seulement s'intensifier, mais aussi être connue du public. N'hésitez pas à communiquer sur ce qui est mis en uvre à votre initiative, que ce soit pour prévenir les violences, pour lutter contre la dégradation des situations ou pour protéger les personnes les plus vulnérables.
Mesdames, Messieurs,
Je voudrais terminer en rendant hommage à l'action des forces de l'ordre au cours des manifestations lycéennes des derniers jours. L'ordre public est un enjeu, tout comme la protection des personnes qui manifestent, surtout lorsqu'il s'agit de nos enfants.
Grâce au sang froid et à la rigueur des forces de l'ordre, grâce à la coordination mise en place avec les organisateurs, grâce à l'arrestation préventive des fauteurs de trouble, nous sommes parvenus à concilier ces deux impératifs et à garantir à chacun la liberté de manifester en toute sécurité.
J'y vois une bonne illustration de la mission qui est la nôtre de protéger tous nos concitoyens face aux violences et de garantir leur liberté.
Je vous remercie.
(Source http://www.interieur.gouv.fr, le 18 mars 2005)