Déclaration de M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales, sur les orientations de la politique du logement social dans le cadre du "plan Borloo" de cohésion sociale, Nantes le 20 septembre 2005.

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Circonstance : Congrès HLM de l'Union Sociale pour l'habitat à Nantes (Loire-Atlantique) le 20 septembre 2005

Texte intégral

Monsieur le Président du Directoire,
Mesdames, Messieurs,
Merci beaucoup, Monsieur le Président, de m'avoir convié à m'exprimer devant vous ce soir dans le cadre du Congrès HLM de l'Union sociale pour l'habitat dont le thème porte cette année sur les "Nouveaux pouvoirs, nouvelles solidarités".
Merci, tout d'abord, en effet, à Charles Milhaud, qui m'a accueilli chaleureusement lors de mon arrivée au Congrès. Entré dans votre maison il y a 40 ans, il assure avec brio le développement du groupe.
Dans un entretien récent au Parisien, Charles déclarait "Il faut toujours aller au-delà de l'acquis". Je crois, Mesdames, Messieurs, que vous avez affaire à un président qui sait ce que les mots veulent dire et qui fait tout simplement ce qu'il dit.
Merci aussi, bien entendu, à Thierry Gaubert qui, directeur de cabinet de M. Milhaud, a coordonné cette visite.
Ces journées ont l'immense mérite de rassembler tous les acteurs du logement social: élus, banquiers, gestionnaires, partenaires
Je sais à quel point les réflexions menées lors de ces rencontres sont de haute tenue et combien les actions conduites ensuite par les uns et les autres seront nourries de ces fructueux échanges.
Le congrès de Montpellier, qui s'était tenu en septembre dernier, il y a un an, avait déjà permis de dégager de nouvelles orientations stratégiques, notamment en ce qui concerne les politiques locales de l'habitat. Ces journées de Nantes doivent être l'occasion de faire progresser encore davantage la politique du logement social à un moment où l'actualité rend la reprise du mouvement de construction de logements sociaux plus nécessaire que jamais.
Nous savons tous à quel point les Caisses d'épargne y jouent un rôle fondamental.
Est-il nécessaire de rappeler, en effet, que le logement social est inscrit dans vos gènes et que, depuis la création en 1889 par la Caisse d'épargne des Bouches-du-Rhône des "Habitations" dites "à bon marché", votre groupe est un acteur incontournable des métiers du logement social. Premier banquier des HLM, deuxième financeur, mais aussi partenaire privilégié des collectivités, leader dans le financement de l'accession sociale à la propriété, votre importance est primordiale dans l'économie de l'habitat social de notre pays.
Vous êtes à la fois banquier, propriétaire, mais vous gérez aussi plus de 200.000 logements sociaux en France.
Votre mission est une mission d'intérêt général. L'article 1er de la loi de réforme du 25 juin 1999 a été clair sur ce point : "Le réseau des Caisses d'épargne participe à la mise en uvre des principes de solidarité et de lutte contre les exclusions".
Solidarité, lutte contre les exclusions. A l'heure où des événements dramatiques nous rappellent l'insalubrité, l'indignité de logements laissés à l'abandon, ces thèmes sont plus que jamais essentiels.
Face à ces drames insupportables à répétition, notre action doit être sans relâche. La solution passe notamment par la construction massive de logements abordables. Votre utilité étant majeure sur ce point, sachez que notre soutien sera sans faille.
Ne doutez pas que notre volonté politique soit forte : à tous les échelons de l'Etat, nous devons imaginer une politique ambitieuse d'aide à la construction de logements sociaux accessibles et humains et devons faire en sorte qu'ils soient réservés en priorité à ceux qui en ont le plus besoin.
Où en sommes-nous aujourd'hui à cet égard ?
Je ne m'étendrai pas sur les mesures que le gouvernement a prises pour répondre à la crise du logement qui touche les plus fragiles d'entre nous, mais aussi désormais, dans certains endroits, les classes moyennes. Mon collègue Jean-Louis Borloo a dû vous détailler la panoplie des dispositions du plan de cohésion sociale pour la construction de nouveaux logements avec l'engagement de mise en chantier de 500.000 logements sur 5 ans.
Les nouveaux efforts déployés sont importants et utiles, mais sans doute pas suffisants s'ils ne sont pas relayés par vous tous. Nous devrons être porteurs de projets encore plus ambitieux et d'une vision véritablement globale et stratégique.
Comme Ministre délégué aux collectivités territoriales, sous l'autorité du Ministre d'Etat, Ministre de l'Intérieur et de l'aménagement du territoire, Nicolas Sarkozy, je voudrais explorer avec vous, si vous le voulez bien, quelques pistes nouvelles qui pourraient être mises en uvre facilement.
D'abord, nous devons véritablement mettre les collectivités territoriales en mesure de répondre au défi du logement social.
Leur rôle a toujours été majeur dans ce domaine.
Il l'est plus que jamais dans la mobilisation d'opportunités foncières, comme le Premier ministre, vient de demander à l'Etat de le faire pour ses propres terrains disponibles. Il l'est également dans la stratégie territoriale à développer : il faut cesser de recréer les erreurs des politiques passées, à chaque fois qu'il a fallu construire beaucoup et vite. A cet égard, il est important de développer un habitat social diffus dans les villes et plus encore dans les bourgs, en mobilisant toutes les aides qui existent, pour réhabiliter et transformer en logements sociaux de vieux bâtiments. Il l'est aussi, avant de s'engager dans de nouvelles constructions, de réfléchir en termes de développement durable et de prévention de la délinquance.
Construire de nouveaux ensembles, de nouveaux quartiers nécessite une réflexion architecturale et urbanistique poussée : il faut éviter de défigurer les paysages ou les villes ; mais aussi en termes de diagnostic de sécurité, si on veut éviter de créer les problèmes de délinquance de demain.
Permettez au ministre des collectivités territoriales fermement attaché au développement de l'intercommunalité, d'une intercommunalité de projets et d'aménagements, d'inciter les communautés d'agglomération et de communes à mettre au coeur de leur intérêt communautaire, avec tout ce que cela suppose, la compétence "habitat et aménagement".
Depuis la loi relative aux libertés et responsabilités locales, les intercommunalités peuvent jouer un rôle encore plus important en se voyant déléguer les aides à la pierre. Pour cela, bien sûr, il faut qu'elles disposent de cet outil désormais indispensable qu'est un PLH (programme local de l'habitat). D'ores et déjà, 5 communautés urbaines (Brest, Grand Nancy, Dunkerque, Arras, le Mans) et 7 communautés d'agglomérations (Pau, Rennes, Tours, Orléans, Châlons en Champagne, Alès, Grenoble) se sont engagées dans cette voie et j'encourage le mouvement à s'amplifier.
Bâtir plus est une nécessité. Bâtir mieux est une exigence, et ce pour trois raisons:
- D'abord, on construit pour longtemps et la qualité de l'esthétique doit être une dimension majeure à prendre en compte. Il faut arrêter de défigurer les paysages urbains ou ruraux.
- De plus, la qualité du bâti est gage de durabilité et combien a-t-on dépensé en réhabilitation lorsque l'investissement initial avait été calculé au plus juste. N'aurait-il pas mieux valu investir plus au départ dans la qualité des matériaux, de l'architecture, de la disposition des espaces dans ces bâtiments qu'aujourd'hui on est obligé de démolir pour reconstruire dans le cadre du plan Borloo. Quel gâchis !
- Enfin, la qualité est une marque de respect, l'une des rares parfois que l'on peut témoigner à ceux parmi les plus démunis que l'on loge dans des logements sociaux. Le beau, le durable, le solide ne doivent pas être réservés qu'à ceux qui sont supposés en avoir les moyens.
Bâtir, c'est bien. Loger, c'est mieux. En effet, on construit pour des habitants, on l'oublie trop souvent et on n'a pas assez eu par le passé ce qu'on appelle du vilain mot de "politique de peuplement". Pour ne pas en avoir eu ou n'avoir pas eu le courage d'en avoir une, on a créé des ghettos et fait germer les ferments d'une bonne part de nos violences urbaines d'aujourd'hui.
Il faut l'affirmer clairement : le gage de la paix dans nos villes et nos banlieues, c'est la mixité sociale. Et nous avons un formidable instrument, trop peu utilisé jusqu'alors pour la modeler cette mixité sociale, ce sont les contingents réservataires.
Je souhaite, à cet égard, que le contingent dit "social" (20%) et le contingent "fonctionnaires" (5%) à la disposition des préfets puissent être pleinement utilisés, en concertation avec les autres réservataires (collectivités locales, employeurs, notamment) pour assurer un équilibre à tous égards dans la composition des bâtiments, des ensembles et des quartiers de logements sociaux.
C'est un exercice difficile qui nécessite d'avoir des réunions d'harmonisation qui préparent les commissions d'attribution et surtout, par delà la simple attribution de logements au fil de l'eau, d'avoir une stratégie de "peuplement" qui soit la garantie d'un bon équilibre social.
Enfin, parce que c'est décidément trop ignoré ou oublié, je voudrais rappeler que la politique de logement social, c'est une aide que la population qui n'a pas de problème pour se loger apporte à ceux qui, pour des raisons diverses, en ont.
Souvent, le recours au logement social marque une étape dans une vie, correspondant à l'entrée dans la vie active, la naissance d'une famille, un accident dans un parcours. Trop souvent, une fois ces péripéties heureuses ou malheureuses de l'existence dépassées, il est considéré comme un droit à vie. Le parc de logements sociaux dans notre pays est de 4.000.000 logements. Seulement 10 % d'entre eux, soit 400.000, sont reloués chaque année. Les objectifs du plan Borloo sont de construire 500.000 logements en 5 ans. Réfléchissons-y.
Une année de rotation au sein des logements, dont le taux de 10% est plutôt faible, équivaut à 80% de l'effort de constructions que le gouvernement veut accomplir sur cinq ans.
Une augmentation d'un point de ce taux de rotation représenterait à lui seul la moitié de l'effort actuel de création et une amélioration de 2 points, la totalité de l'effort actuel de création annuel qui est, rappelons-le, de 80.000 logements.
Un acte de civisme consisterait pour ceux dont la situation financière ou familiale ne le justifie plus de libérer ces logements pour ceux qui en ont besoin.
A l'opposé, un certain nombre de locataires, dont l'évolution de l'existence a été moins heureuse, ne peuvent plus faire face à un loyer même très modéré.
Je me réjouis que les protocoles mis en uvre par J. L. Borloo aient permis, par la conjonction de plusieurs types d'aides, de remettre en selle les locataires qui sont de bonne foi, mais ne peuvent faire face à leurs charges locatives, et rétablissent un cercle vertueux qui permette à la fois le maintien dans les lieux et progressivement le retour à un paiement des loyers.
En revanche, nous devons être déterminés à expulser ceux qui, trop nombreux encore, sont de mauvaise foi et depuis des années ne paient pas leurs loyers.
En 2004, l'Etat a payé pour eux 65 millions d'euros d'indemnisation auprès des bailleurs, alors même que des personnes dans des situations difficiles attendent un logement. Soyez-en convaincus : nous saurons être justes mais fermes.
Une politique juste en la matière passe par une augmentation des protocoles Borloo pour aider ceux qui, de bonne foi, le méritent et une augmentation corrélative des expulsions de locataires indélicats auquel la procédure en question devait permettre de manifester leur bonne foi, afin de libérer des logements en faveur de ceux qui en ont besoin. Des instructions seront données aux préfets prochainement.
Vous ne comprendriez pas que je termine mon propos sans évoquer ces situations inacceptables qu'une actualité dramatique a mises en évidence ces dernières semaines : l'existence dans nos villes de squats insalubres indignes d'un pays civilisé.
Le ministre d'Etat a fait procéder à des expulsions des squats et continuera à le faire pour des immeubles où le danger est réel. Cette politique est décidée pour des motifs de sécurité et il est regrettable dans certaines affaires récentes que les injonctions de la préfecture de police n'aient pas été suivies d'effet. Il faut donc agir et vite là où le danger est réel.
Mais l'expulsion des bâtiments, si elle est une mesure de protection par rapport à un danger, n'est évidemment pas dans sa conviction et sa volonté, une solution en soi.
C'est pourquoi, et vous êtes les premiers à avoir connaissance de cette orientation, nous allons mettre en place un soutien financier spécifique aux collectivités locales, en particulier aux communes et intercommunalités, qui s'engageront dans des travaux d'urgence.
Il sera créé un Fonds d'aide dédié au relogement d'urgence qui concernera aussi bien le relogement immédiat et temporaire des personnes contraintes de quitter leur logement insalubre que l'amélioration de l'offre de logements très sociaux.
Nous pourrions ainsi donner des instruments financiers aux préfets pour leur permettre de reloger les personnes qui auront dû quitter leurs habitats pour de strictes raisons de sécurité. Ce fonds alimenté à partir de la DGF pourrait voir son montant s'élever à environ 20 millions d'euros.
Pendant ce congrès, vous réfléchirez à la question de savoir jusqu'où une décentralisation peut aller en matière de logement. Vous ferez un premier bilan de la mise en uvre de l'accord signé avec l'Etat pour le volet logement du plan de cohésion sociale.
Sachez que vos remarques seront précieuses notamment dans le cadre du débat parlementaire sur le projet de loi Habitat. Je n'insisterai jamais assez sur la nécessité pour les acteurs des logements sociaux et les élus de travailler ensemble, main dans la main.
Dans vos réflexions, n'oubliez pas s'il vous plait d'écouter les habitants : ils restent sans doute encore les meilleurs experts de leurs conditions de vie.
Sachez, pour terminer, qu'à la place qui est la mienne, je ferai tout pour vous soutenir dans votre action au service d'une politique dynamique de logement social.
Je le répète, votre mission est une mission d'intérêt général et cet intérêt général, aux côtés de Nicolas Sarkozy, j'aspire à le servir tous les jours.

(Source http://www.interieur.gouv.fr, le 23 septembre 2005)