Interview de M. Bernard Accoyer, président du groupe parlementaire UMP à l'Assemblée nationale, dans "Le Généraliste" le 7 octobre 2005, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2006.

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Média : Le Généraliste

Texte intégral

Q - Le projet de loi de financement de la sécurité sociale qui a été annoncé est-il pour vous un plan de rigueur ? Avec un ondam à 2,5 % pour l'an prochain, est-ce tenable ?
R - Je voudrais d'abord souligner les résultats très positifs de la réforme de l'assurance maladie, bâtie sur le principe de la maîtrise médicalisée et en accord avec les médecins. Sans elle, le déficit se serait accru de 4 milliards de plus que celui que nous connaissons. Nous sommes face à une réforme qui porte ses fruits. Pour la première fois depuis sa création en 1996, l'Ondam a été respecté en 2005.
On ne le souligne pas assez. Pour 2006, il s'agit bien sûr d'un exercice difficile, car les besoins de soins des Français augmentent de façon majeure. Le progrès technique -en particulier pour les maladies lourdes prises en charge à 100 %,- contribue à allonger l'espérance de vie de façon considérable, tout cela à un coût. Et de ce point de vue, ce projet de loi est un exercice non seulement rigoureux, mais aussi réaliste.
Q - L'objectif d'équilibre est repoussé de 2007 à 2008. Croyez-vous ce nouvel objectif atteignable, sans que soient trouvées de nouvelles recettes pour la Sécurité sociale ?
R - Ce qui a fait défaut c'est le niveau de l'emploi, donc les cotisations. A lui seul, ce manque de recettes a contribué à repousser la perspective de comptes équilibrés. Pour 2008, il faut se fixer cet objectif d'équilibre. Sinon le combat ne peut pas être mené. Mais même dans ce contexte difficile, soyons bien clair : l'Assurance maladie a pour but de prendre en charge les dépenses de soins des Français.
L'objectif médical doit l'emporter sur les considérations financières. Pas question de contingenter les soins. Les ténors de l'opposition qui disent que le PLFSS n'est pas bon ont tendance à substituer la priorité financière à la priorité sanitaire : ce n'est pas acceptable ! Surtout venant d'une gauche qui n'a jamais réalisé la moindre réforme de structure...
Pour l'avenir, le Dr Jean-Pierre Door, notre rapporteur pour le PLFSS, a proposé de lancer une réflexion sur le financement de l'Assurance maladie. Je souscris à cette démarche. Il est temps, je crois, d'asseoir son financement sur une autre assiette que sur le seul travail. Je pense à la grande distribution, par exemple.

Q - Ce projet doit arriver le mois prochain à l'Assemblée. Souhaitez-vous que les députés procèdent à des retouches. Par exemple, concernant la fameuse franchise de 18 euros pour les actes de plus de 91 euros qui fait couler beaucoup d'encre ?
R - Le projet arrivera mi-octobre en commission et sera débattu une semaine plus tard en séance publique. Ce PLFSS sera sûrement amélioré par les députés, c'est le rôle du Parlement. Mais je souhaite que l'essentiel de ce projet soit respecté. Le gouvernement a travaillé en profondeur et est arrivé à un équilibre optimal en terme de répartition des efforts.
Concernant l'instauration d'un ticket modérateur pour les actes supérieurs à K 50, on lui fait un très mauvais procès. Pour avoir exercé depuis longtemps une discipline comme l'ORL, je peux témoigner du fait que le ticket modérateur a toujours existé pour les actes de moyenne chirurgie. Mais son seuil n'a jamais été adapté depuis 40 ans !
Et, depuis des décennies, un grand nombre d'actes d'endoscopie interventionnelle sont apparus. Ils sont un progrès considérable pour la prise en charge des patients. Mais ils représentent un coût pour la collectivité. Rappelons enfin que les actes qui seront concernés par le ticket modérateur sont, par définition, des actes non répétitifs, les plus démunis, les ALD ne seront pas concernés. Vraiment, il n'y a pas de quoi ouvrir une polémique sur le sujet. Cela témoigne, une fois de plus, d'une attitude de critique systématique et non constructive, purement politicienne, de la part de l'opposition.
Q - Compte tenu de ce " budget " 2006 de la Sécu, les généralistes peuvent-ils, selon vous, envisager des revalorisations d'honoraires pour l'an prochain ?
R - Il faut respecter le contrat passé avec les prescripteurs libéraux. Et comme ils ont joué le jeu, avec succès, de la maîtrise médicalisée, cela doit avoir des incidences en matière d'honoraires, ce qui signifie à terme des revalorisations.
Q - Une nouvelle fois, l'hôpital bénéficie d'une enveloppe en plus forte progression que la ville. Ce qui semble ne pas suffire aux responsables hospitaliers. Etes-vous de ceux qui jugent urgente une réforme de ce secteur ?
R - Il est certain que l'hôpital a un grand besoin de restructurations. Les désordres issus notamment des 35 heures le place, je crois, devant une obligation de réforme. Je suis notamment favorable à ce que la rémunération de certains personnels soignants puisse être corrélée avec l'activité des établissements, sous forme d'un intéressement.
Q - Un effort important va être demandé l'an prochain aux industriels du médicament. Qu'en pensez-vous ?
R - Le gouvernement a eu le courage de prendre un certain nombre de décisions pour dépoussiérer le médicament en s'appuyant sur le service médical rendu. Il le fait avec tact, dans la mesure où il a pris garde de préserver un taux minimal de remboursement à titre transitoire pour les veinotoniques.
Pour le reste, la France étant le pays qui consomme le plus de médicaments au monde, il est clair qu'il y a des efforts à faire. Il est donc normal que le gouvernement concentre ses efforts sur le médicament, un poste qui augmente plus vite que les honoraires.
Q - L'Ordre s'inquiète d'un effondrement démographique pour la médecine générale. A votre avis, le Parlement doit-il prendre une initiative ?
R - Non, il ne faut pas légiférer sur tout. La démographie médicale renvoie à des situations par définition variables sur le terrain. Il importe que les pouvoirs publics ouvrent des postes d'internes correspondant aux besoins et qu'ils veillent à ce que le pays forme suffisamment d'omnipraticiens. Qu'il s'agisse de la chirurgie ou de la médecine générale, je pense que quand une discipline n'est plus choisie, cela traduit une charge de travail trop forte ; une rétribution inadaptée.
Il faut expliquer aux Français que pour obtenir des professionnels assurant des soins de qualité, sans avoir à faire appel à des praticiens étrangers, il faut que nous acceptions d'en payer le coût et de mieux les rétribuer. De même pour les départements désertés par les médecins, en zone rurale ou ailleurs, il faut se donner les moyens d'y attirer les médecins. Pour cela, il faut que la société comprenne que cela à un coût.

(Source http://www.ump.assemblee-nationale.fr, le 7 octobre 2005)