Texte intégral
Monsieur le Ministre,
Monsieur le Député,
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,
C'est avec plaisir que j'assiste aujourd'hui au congrès de l'union syndicale des magistrats. Vous vous doutez bien que ce rendez-vous revêt pour moi une importance particulière et je me réjouis que les hasards du calendrier gouvernemental m'amènent à consacrer mon premier déplacement en région comme Ministre de la Justice au congrès d'un des syndicats de magistrats.
J'ai pris mes nouvelles fonctions il y a deux jours seulement et je mesure l'honneur et la confiance que m'a fait le Premier Ministre en me demandant de succéder à Elisabeth GUIGOU dans les fonctions de Garde des Sceaux.
J'en mesure aussi les responsabilités. Elisabeth GUIGOU a, en effet, engagé au nom du Gouvernement le plus vaste plan de réforme que la justice ait connu depuis plusieurs décennies. Cette modernisation de l'institution touche tous les domaines du ministère de la justice. Elle intéresse, vous le savez, aussi bien les principes fondamentaux de l'organisation sociale ou de la vie des individus - je pense par exemple à la réforme du droit de la famille - que le fonctionnement quotidien des juridictions, sujet qui retient à juste titre votre attention, comme vous venez de l'exposer en détail, Monsieur le Président.
L'importance que j'attache à ma présence parmi vous aujourd'hui tient aussi à la possibilité qui m'est offerte de rencontrer les magistrats, de les écouter et, aussi, de rappeler quelques uns des axes de la politique mise en oeuvre au ministère de la justice, et que j'entends continuer.
Les magistrats sont, en effet, les premiers acteurs de la justice. Ce ne sont pas les seuls. Les propos que vous avez tenus, Monsieur le Président, sur l'exécution des décisions de justice mettent en question non seulement les magistrats, mais aussi l'ensemble de la "chaîne judiciaire". Ils montrent que l'action des juges et des procureurs est dépendante du travail d'autres catégories de personnels appartenant au ministère de la justice, ainsi que de celui des auxiliaires de justice et des collaborateurs extérieurs à notre institution. C'est par un effort de tous que la justice de notre pays poursuivra sa modernisation.
Je suis consciente des efforts d'adaptation qui sont demandés à chacun. Et j'entends être à l'écoute des préoccupations qui peuvent se faire jour à l'occasion de la mise en oeuvre des réformes en cours.
J'entends mener une politique de dialogue et de concertation pour la réalisation des réformes votées et, bien évidemment, pour celles en cours d'élaboration.. Cette concertation s'étendra bien entendu à la définition et à la mise au point des projets en cours et de ceux à venir, dans un total respect des compétences et des rôles de chacun.
Cette méthode est celle qui est voulue par le Premier Ministre et qui est suivie par l'ensemble du gouvernement. Dans le domaine de la justice, elle nous permettra, je le crois, de transformer une justice encore trop souvent décriée en une justice plus proche des attentes des citoyens.
Ces transformations de l'institution judiciaire, c'est d'abord une justice modernisée, c'est une justice qui agit dans un cadre européen ; c'est une justice encore plus indépendante.
SOMMAIRE
I. Une justice enfin modernisée
II. La coopération judiciaire en Europe
III. Une justice plus indépendante
I. Une justice enfin modernisée
La première condition d'une justice modernisée, c'est une justice qui dispose de moyens accrus. Tout le monde en convient depuis des années. Peu l'ont fait avant l'actuel gouvernement.
Je voudrais d'abord rappeler ici les dispositions budgétaires prévues pour l'année 2001, en les resituant dans les efforts déjà accomplis les années précédentes.
Le budget 2001 est le meilleur budget de la justice depuis 4 ans. Quelques chiffres suffiront à marquer la priorité accordée à la justice en 2001 :
Sur les 4 premiers budgets de la législature, les crédits du ministère auront progressés de +4,2 milliards de F, soit + 17,8%.
1550 créations de postes, soit la plus forte hausse des effectifs depuis 4 ans, (762 en 1998, 930 créations en 1999 et 1239 en 2000) ce qui est absolument exceptionnel pour ce ministère, qui aura crée 4.481 emplois en 4 ans.
1 milliard de F de mesures nouvelles (soit le plus fort montant depuis 4 ans, 587 MF en 1998, 764 MF en 1999, 865 MF en 2000)
équipement : 1,75 milliard de nouvelles autorisations de programme soit le montant le plus important en loi de finance initiale depuis 10 ans. A cela, il faut ajouter + 1 milliard obtenu au collectif d'avril 2000.
Voilà pour les chiffres globaux. En ce qui concerne les services judiciaires :
525 créations de postes pour les services judiciaires, dont 307 magistrats et 218 greffiers, auxquels on peut ajouter 8 emplois pour l'école nationale de la magistrature, soit 533 postes en tout.
Avec 307 créations de postes de magistrats judiciaires, on atteindra en 2001 un niveau jamais atteint sous la Vème République (et probablement jamais atteint tout court, mais les comparaisons ont moins de sens avant 1958). En 4 ans, nous aurons ainsi créé 729 postes de magistrats, soit autant que tous les ministres entre 1981 et 1997 (727).
En ce qui concerne les effectifs de magistrats, ce sont donc en réalité plus de 620 magistrats nouveaux qui auront renforcé les juridictions entre 2000 et 2002 : 247 en 2000, 188 en 2001, 192 en 2002.
Au total, si l'on y ajoute les 425 magistrats arrivés depuis 1997 dans les mêmes conditions, ce sont plus de 1000 magistrats supplémentaires soit 1/6ème du corps qui seront venus en renfort de l'effectif au cours de la période 1997-2002.
Les postes de greffiers et de greffiers en chef suivent la même progression avec 218 postes, contre 145 postes en 2000, contre 122 en 1999, 100 en 1998.
200 assistants de justice supplémentaires seront recrutés et s'ajouteront aux 1050 déjà présents dans les juridictions.
J'insiste sur l'effort budgétaire en faveur de l'école nationale de la magistrature (ENM) avec la création exceptionnelle de 8 emplois, une augmentation de 7,5 % des crédits, soit +40 % en 4 ans, et une nouvelle augmentation des promotions à 190 auditeurs de justice, alors qu'on était à 140 en 1997.
Il s'agit de préparer l'avenir et d'anticiper sur les besoins de recrutement qui sont importants aujourd'hui du fait des créations de postes et qui continueront de l'être dans quelques années du fait des départs à la retraite.
Je voudrais souligner qu'au delà des moyens dégagés, le ministère a instauré une nouvelle pratique d'accompagnement et de préparation de l'entrée en vigueur des réformes.
En effet, un groupe de suivi composé de magistrats des cours d'appel, des tribunaux et de greffiers en chef, dont la mission est de permettre aux juridictions de prendre en charge dans les meilleures conditions possibles l'application de la loi, examine en particulier les questions relatives à l'organisation du travail en juridiction, à la détermination de critères d'affectation des moyens humains et matériels. Ses conclusions serviront de base à l'élaboration des projets de localisation des emplois de magistrats et de fonctionnaires pour 2001.
Pour les moyens matériels et immobiliers, les services de la chancellerie procèdent à un recensement des problèmes posés et des besoins des juridictions. C'est ainsi qu'une première évaluation a pu être faite s'agissant notamment des aménagements de locaux et des extensions de superficie nécessaires à la mise en uvre de ces réformes.
Ces travaux sont en cours de finalisation dans le cadre d'une évaluation détaillée site par site. Une première série d'opérations d'aménagements de locaux sera financée sur les crédits 2000. La prise en charge des autres opérations à conduire sera réalisée dans le cadre des programmes d'emplois des crédits de fonctionnement et d'équipement des juridictions pour 2001.
Nous pourrons bien entendu approfondir ces réflexions et je souhaite que les dispositions pratiques qu'il conviendra de prendre au cours de l'année 2001 fassent l'objet d'une réelle concertation. C'est, à mes yeux, la condition d'une bonne application de cette loi.
La modernisation du service public de la justice passe aussi nécessairement par le renouvellement et la rénovation des bâtiments judiciaires.
A cet égard, l'ambitieux programme immobilier qui prévoit notamment la construction et la réhabilitation de plusieurs palais de justice contribue à rénover l'image de la justice dans sa fonction d'accueil et à offrir aux personnels des conditions de vie professionnelle mieux adaptées.
L'effort du gouvernement pour doter la justice d'un parc immobilier adapté à ses missions est considérable. Parmi les nombreuses opérations réalisées ou en cours, je vous rappellerai :
- la construction récente de nouveaux bâtiments judiciaires à Nanterre, Lyon, Melun, Grasse, Nantes, Nice, Béthune, Montpellier et Bordeaux ;
- la reconstruction du Parlement de Bretagne, à laquelle vous comprendrez que je suis personnellement sensible ;
- l'extension de la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
- la construction en cours des nouveaux palais de justice d'Avignon, Fort-de-France, Grenoble, Besançon et Toulouse ;
- les projets de construction de nouveaux palais de justice à Pontoise, Thonon-les-Bains, Narbonne, Laval et Basse-Terre ;
- la réhabilitation prochaine des palais de justice de Rodez, Roanne, Cahors, Saint-Etienne ;
Enfin, la décision a été prise de construire à Paris un nouveau palais de Justice.
II. La coopération juciciaire en Europe
J'aimerais maintenant, comme vous l'avez fait, Monsieur le Président, parler de la coopération judiciaire en Europe, qui est également l'une des conditions d'une justice moderne.
Je ne parlerai pas de la coopération judiciaire internationale en général, car il s'agit bien ici du sujet que vous avez vous-même abordé, celui de la place et du rôle de la justice dans la construction européenne.
Vous avez raison de dire que le juge français de la décennie à venir sera un juge européen.
Pour dire vrai, il l'est déjà beaucoup, car, dans l'application du droit communautaire, le juge national est le juge de droit commun. De plus, ce juge national est soumis au respect des principes de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. En ce mois d'octobre où le projet de charte européenne a été très favorablement accueilli par le Conseil européen de Biarritz, cette réalité est donc incontestable !
Cependant, comme vous le dites aussi, l'Europe de la police a progressé beaucoup plus vite que l'Europe de la justice.
Dès 1991, en effet, l'Allemagne a soutenu avec force la création d'un Office européen de police, qui a été inscrit dans le Traité de Maastricht.
C'est pourquoi, depuis plus d'un an, la France s'engage avec détermination pour la création d'une Unité de coopération judiciaire dite AEurojust@. La France l'a fait établir dans les conclusions de Tampere, dont elle a obtenu, pendant sa Présidence, la mise en uvre dès le début de l'année prochaine. Je vous dis de plus nettement qu'il faudra prévoir son inscription dans le Traité de l'Union européenne, aux côtés d'Europol, pour hausser la coopération judiciaire dans l'Union européenne au même niveau que la coopération policière.
Quelles seront les fonctions d'Eurojust ? Cette Unité de coopération judiciaire constituée par des magistrats venant des Quinze Etats membres:
- contribuera à une bonne coordination entre les autorités nationales chargées des poursuites,
- concourra aux enquêtes relatives aux affaires de criminalité organisée, notamment sur la base des analyses d'Europol,
- facilitera la coopération des magistrats dans le Réseau judiciaire européen, pour simplifier en particulier l'exécution des commissions rogatoires.
C'est une démarche pragmatique. C'est ce qu'attendent les magistrats des Etats membres : une aide concrète à l'exécution de leurs commissions rogatoires et de leurs requêtes extraditionnelles, pour que les exigences de leurs enquêtes soient bien et rapidement posées et que les réponses soient faites en temps utile et de manière complète.
La France n'a pas ménagé ses efforts pour cela : elle a multiplié les postes de ses magistrats de liaison, elle accueille, dans l'Union, le plus de magistrats étrangers de liaison, elle a contribué en première ligne à la constitution du Réseau judiciaire pénal européen, elle a accueilli le colloque "Eurojustice" des ministères publics européens, elle a donc pris la tête du mouvement pour la création d'Eurojust.
Ce sont des éléments concrets. J'ajoute que, depuis juin 1997, aucune enquête transfrontière n'a été, n'est et ne sera arrêtée ou gênée, au contraire, cette enquête aura le soutien de tous les services de mon Ministère pour aboutir.
Les résultats déjà acquis par notre Présidence pour une lutte efficace contre la criminalité organisée transnationale et le blanchiment de l'argent sale, lutte sur laquelle vous avez, ô combien, raison d'insister sont fondamentaux :
- un accord politique sur la révision de la directive blanchiment de 1990;
- un accord politique sur la décision-cadre en vue de la répression des infractions financières;
- un accord politique sur la levée du secret bancaire et du secret fiscal dans le projet de future convention des Quinze relative à la criminalité financière;
- l'adoption d'un programme complet, visant notamment les territoires non-coopératifs, de prévention et de répression du blanchiment par le Conseil conjoint des Ministres de la Justice, des Affaires intérieures, de l'Economie et des Finances, au début de cette semaine, à Luxembourg.
Je sais que beaucoup de magistrats, dans votre organisation ou dans d'autres enceintes, réfléchissent à un parquet européen.
Cette réflexion est nécessaire. Elle constitue cependant, à l'échelle de l'Union, compte tenu de la réalité de ses institutions et de celles des Etats membres, de leurs propres constitutions, un chantier juridique et pratique immense et "complexe", vous avez employé ce terme, qui ne peut être achevé en quelques mois.
Il nécessite une vision ample, qui dépasse certainement le cadre de l'article 280 du Traité instituant la Communauté européenne. Et ce n'est pas seulement par le droit dérivé que se créera en Europe un droit pénal européen.
De plus, la démarche pragmatique, qui vise à répondre aux insuffisances de la coopération judiciaire européenne pointées par l'Appel de Genève, n'est pas contradictoire avec la poursuite de cette réflexion.
Mais je ne pense pas qu'il faille, pour mener cette réflexion, jeter par-dessus bord les principes fondateurs de la construction européenne, et notamment le principe de subsidiarité de l'action communautaire et le principe de respect du droit positif.
Je me demande vraiment si un procureur européen serait le mieux à même de traiter les réalités criminelles mafieuses ou les trafics internationaux de stupéfiants entre les Etats membres et l'Amérique latine !
Pour ce qui concerne la protection des intérêts financiers de l'Union européenne, au cur de la réflexion sur le parquet européen, le droit positif, c'est celui de la convention de Bruxelles du 26 juillet 1995 et de ses protocoles de 1996.
Ces textes ont été mis en uvre cette année-même dans la loi française, et je puis vous dire que les procédures en cours, près d'une centaine, montrent l'efficacité du dispositif interne, puisqu'elles concernent un montant total fraudé estimé à environ 800 millions de francs, que ce soit dans les secteurs des ressources propres, du F.E.O.G.A.- Garantie ou des fonds structurels.
III. Une justice plus indépendante
Je sais les magistrats légitimement soucieux de leur indépendance. Elisabeth GUIGOU a créé une rupture historique avec les pratiques anciennes en refusant toute intervention dans les procédures, quelle qu'elle soit et quelle qu'en soit la forme.
Je poursuivrai naturellement cette politique, qui est la condition de base d'une confiance retrouvée des citoyens en leur justice.
L'indépendance des magistrats repose également sur la condition qui leur est faite. C'est pourquoi le gouvernement a décidé un plan de revalorisation des carrières sans précédent depuis 1958.
La réforme du statut de la magistrature, telle qu'elle résulte de l'arbitrage gouvernemental est en marche. Vous en connaissez bien l'économie générale. Elle vous a été rappelée dans le document diffusé cet été par la Chancellerie.
Cette réforme se traduira par le "repyramidage" du corps judiciaire, avec la fusion des deux groupes du 1er grade (I-1 et I-2) en un seul grade avec un nouvel échelonnement indiciaire qui permettra à tous les emplois du premier grade d'accéder à la lettre B (actuellement seuls les emplois du 1er grade 2ème groupe y donnent accès). Au total la structure des emplois sera plus favorable avec moins de 30 % des emplois au deuxième grade, plus de 60 % des emplois au premier grade et près de 10 % des emplois hors hiérarchie, ce qui constitue un doublement des effectifs de cette catégorie.
Ce que je veux vous dire c'est que la mise en uvre de cette réforme est bien engagée : seront inscrites en loi de finances pour 2001 les transformations d'emplois de magistrat permettant d'ores et déjà d'utiliser la provision de 38 millions de francs votée dans les budgets précédents. Les modalités trouveront leur traduction dans le prochain décret de localisation des emplois de magistrats.
Cette première étape, vous le savez, se fait à statut constant. 411 emplois seront transformés, qui toucheront tous les niveaux de juridiction, depuis la cour de cassation jusqu'aux TGI, sans oublier l'administration centrale de notre ministère.
La méthode utilisée poursuit comme principaux objectifs de faciliter l'application de la loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes et de remédier aux problèmes de vacances dans les petites juridictions dont les postes de vice-président du second grade ne peuvent être pourvus qu'avec difficulté.
C'est ainsi que dans les 9 juridictions actuellement dépourvues d'emplois de vice-président un emploi de juge du second grade est transformé en emploi de vice-président du 1er grade premier groupe.
En outre, tous les emplois de vice-président du second grade sont transformés en emplois de vice-président du premier grade premier groupe.
Par ailleurs, afin que tous les emplois de chef de juridiction soient au moins au même niveau hiérarchique que les emplois de magistrats de ces juridictions, ces transformations d'emplois, qui portent principalement sur des tribunaux de grande instance de faible effectif s'accompagnent de la transformation corrélative de tous les emplois de chef de juridiction du second grade en emplois du premier grade premier groupe.
La méthode de calcul retenue pour la localisation des autres transformations d'emplois réalisées vise à :
- assurer des perspectives d'avancement équilibrées au siège et au parquet;
- tendre vers le meilleur équilibre possible compte tenu des contraintes liées à la mise en uvre des réformes de la justice, dans les perspectives d'avancement entre toutes les fonctions du siège, spécialisées et non spécialisées;
- uniformiser les transformations d'emplois pour les juridictions présentant, fonction par fonction, des structures d'emplois identiques.
Au-delà de cette méthode objective de répartition des emplois repyramidés, le projet de localisation des transformations d'emplois prend en compte les difficultés particulières d'exercice de certaines fonctions et les difficultés de recrutement dans certaines juridictions.
L'ensemble de ces mesures permet, dès à présent, de faire progresser le pourcentage des emplois d'avancement dans les juridictions du premier degré. Ces transformations d'emplois concernent 162 juridictions pour un total de 383 transformations d'emplois dont 293 au siège et 90 au parquet.
Pour permettre de procéder dès cette année à ce repyramidage, de nouvelles grilles de postes vont être adressées aux magistrats pour qu'ils formulent des desiderata concernant tant ces 411 emplois repyramidés que les 208 emplois de magistrats créés en loi de finances pour 2000.
2001 et 2002 verront la réalisation complète de la réforme de la carrière. Le projet de loi, vous le savez a été déposé et sera examiné par les assemblées d'ici la fin de l'année. Des réunions de concertation se tiendront, auxquelles vous serez conviés comme vous l'avez été dans la préparation du texte, pour développer dans le décret les principes posés par le législateur organique.
Monsieur le Président, j'ai conscience de ne pas avoir pu répondre à l'ensemble de vos interrogations, voire de vos critiques. Je plaiderai les "circonstances atténuantes". Mon arrivée très récente au ministère ne m'a pas encore permis, vous vous en doutez, d'appréhender la totalité des dossiers.
Mais, en conclusion, je souhaite souligner que la confrontation des difficultés que vous avez exposées et des moyens que j'ai rappelés montre l'ampleur du défi qui est maintenant lancé à l'institution judiciaire et, en premier lieu, aux magistrats.
Certes des problèmes existent encore. J'en suis bien consciente. Je ne les considère toutefois pas comme insurmontables lorsque, venant d'ailleurs, j'observe la formidable évolution qu'a connue l'institution judiciaire durant ces dernières années, grâce au travail et au dévouement des magistrats et des fonctionnaires.
La place centrale que l'autorité judiciaire a acquise dans la société crée des attentes multiples. Le renforcement des effectifs, l'adaptation du droit, la rénovation des installations, la transformation des méthodes sont les conditions de la réussite.
L'implication des magistrats dans ces nouveaux dispositifs sera essentielle et elle conditionnera les jugements qui pourront être portés sur l'institution judiciaire tout entière.
Mais je sais également que l'approfondissement du dialogue, le débat positif sur la mise en oeuvre des réformes permettront de surmonter les problèmes réels que vous avez soulevés. Nous le ferons ensemble, avec le ministère de la justice, avec tous les magistrats de ce pays, pour que la justice virtuelle devienne la justice réelle.
Je vous remercie.
(Source http://www.justice.gouv.fr, le 24 octobre 2000)
Monsieur le Député,
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,
C'est avec plaisir que j'assiste aujourd'hui au congrès de l'union syndicale des magistrats. Vous vous doutez bien que ce rendez-vous revêt pour moi une importance particulière et je me réjouis que les hasards du calendrier gouvernemental m'amènent à consacrer mon premier déplacement en région comme Ministre de la Justice au congrès d'un des syndicats de magistrats.
J'ai pris mes nouvelles fonctions il y a deux jours seulement et je mesure l'honneur et la confiance que m'a fait le Premier Ministre en me demandant de succéder à Elisabeth GUIGOU dans les fonctions de Garde des Sceaux.
J'en mesure aussi les responsabilités. Elisabeth GUIGOU a, en effet, engagé au nom du Gouvernement le plus vaste plan de réforme que la justice ait connu depuis plusieurs décennies. Cette modernisation de l'institution touche tous les domaines du ministère de la justice. Elle intéresse, vous le savez, aussi bien les principes fondamentaux de l'organisation sociale ou de la vie des individus - je pense par exemple à la réforme du droit de la famille - que le fonctionnement quotidien des juridictions, sujet qui retient à juste titre votre attention, comme vous venez de l'exposer en détail, Monsieur le Président.
L'importance que j'attache à ma présence parmi vous aujourd'hui tient aussi à la possibilité qui m'est offerte de rencontrer les magistrats, de les écouter et, aussi, de rappeler quelques uns des axes de la politique mise en oeuvre au ministère de la justice, et que j'entends continuer.
Les magistrats sont, en effet, les premiers acteurs de la justice. Ce ne sont pas les seuls. Les propos que vous avez tenus, Monsieur le Président, sur l'exécution des décisions de justice mettent en question non seulement les magistrats, mais aussi l'ensemble de la "chaîne judiciaire". Ils montrent que l'action des juges et des procureurs est dépendante du travail d'autres catégories de personnels appartenant au ministère de la justice, ainsi que de celui des auxiliaires de justice et des collaborateurs extérieurs à notre institution. C'est par un effort de tous que la justice de notre pays poursuivra sa modernisation.
Je suis consciente des efforts d'adaptation qui sont demandés à chacun. Et j'entends être à l'écoute des préoccupations qui peuvent se faire jour à l'occasion de la mise en oeuvre des réformes en cours.
J'entends mener une politique de dialogue et de concertation pour la réalisation des réformes votées et, bien évidemment, pour celles en cours d'élaboration.. Cette concertation s'étendra bien entendu à la définition et à la mise au point des projets en cours et de ceux à venir, dans un total respect des compétences et des rôles de chacun.
Cette méthode est celle qui est voulue par le Premier Ministre et qui est suivie par l'ensemble du gouvernement. Dans le domaine de la justice, elle nous permettra, je le crois, de transformer une justice encore trop souvent décriée en une justice plus proche des attentes des citoyens.
Ces transformations de l'institution judiciaire, c'est d'abord une justice modernisée, c'est une justice qui agit dans un cadre européen ; c'est une justice encore plus indépendante.
SOMMAIRE
I. Une justice enfin modernisée
II. La coopération judiciaire en Europe
III. Une justice plus indépendante
I. Une justice enfin modernisée
La première condition d'une justice modernisée, c'est une justice qui dispose de moyens accrus. Tout le monde en convient depuis des années. Peu l'ont fait avant l'actuel gouvernement.
Je voudrais d'abord rappeler ici les dispositions budgétaires prévues pour l'année 2001, en les resituant dans les efforts déjà accomplis les années précédentes.
Le budget 2001 est le meilleur budget de la justice depuis 4 ans. Quelques chiffres suffiront à marquer la priorité accordée à la justice en 2001 :
Sur les 4 premiers budgets de la législature, les crédits du ministère auront progressés de +4,2 milliards de F, soit + 17,8%.
1550 créations de postes, soit la plus forte hausse des effectifs depuis 4 ans, (762 en 1998, 930 créations en 1999 et 1239 en 2000) ce qui est absolument exceptionnel pour ce ministère, qui aura crée 4.481 emplois en 4 ans.
1 milliard de F de mesures nouvelles (soit le plus fort montant depuis 4 ans, 587 MF en 1998, 764 MF en 1999, 865 MF en 2000)
équipement : 1,75 milliard de nouvelles autorisations de programme soit le montant le plus important en loi de finance initiale depuis 10 ans. A cela, il faut ajouter + 1 milliard obtenu au collectif d'avril 2000.
Voilà pour les chiffres globaux. En ce qui concerne les services judiciaires :
525 créations de postes pour les services judiciaires, dont 307 magistrats et 218 greffiers, auxquels on peut ajouter 8 emplois pour l'école nationale de la magistrature, soit 533 postes en tout.
Avec 307 créations de postes de magistrats judiciaires, on atteindra en 2001 un niveau jamais atteint sous la Vème République (et probablement jamais atteint tout court, mais les comparaisons ont moins de sens avant 1958). En 4 ans, nous aurons ainsi créé 729 postes de magistrats, soit autant que tous les ministres entre 1981 et 1997 (727).
En ce qui concerne les effectifs de magistrats, ce sont donc en réalité plus de 620 magistrats nouveaux qui auront renforcé les juridictions entre 2000 et 2002 : 247 en 2000, 188 en 2001, 192 en 2002.
Au total, si l'on y ajoute les 425 magistrats arrivés depuis 1997 dans les mêmes conditions, ce sont plus de 1000 magistrats supplémentaires soit 1/6ème du corps qui seront venus en renfort de l'effectif au cours de la période 1997-2002.
Les postes de greffiers et de greffiers en chef suivent la même progression avec 218 postes, contre 145 postes en 2000, contre 122 en 1999, 100 en 1998.
200 assistants de justice supplémentaires seront recrutés et s'ajouteront aux 1050 déjà présents dans les juridictions.
J'insiste sur l'effort budgétaire en faveur de l'école nationale de la magistrature (ENM) avec la création exceptionnelle de 8 emplois, une augmentation de 7,5 % des crédits, soit +40 % en 4 ans, et une nouvelle augmentation des promotions à 190 auditeurs de justice, alors qu'on était à 140 en 1997.
Il s'agit de préparer l'avenir et d'anticiper sur les besoins de recrutement qui sont importants aujourd'hui du fait des créations de postes et qui continueront de l'être dans quelques années du fait des départs à la retraite.
Je voudrais souligner qu'au delà des moyens dégagés, le ministère a instauré une nouvelle pratique d'accompagnement et de préparation de l'entrée en vigueur des réformes.
En effet, un groupe de suivi composé de magistrats des cours d'appel, des tribunaux et de greffiers en chef, dont la mission est de permettre aux juridictions de prendre en charge dans les meilleures conditions possibles l'application de la loi, examine en particulier les questions relatives à l'organisation du travail en juridiction, à la détermination de critères d'affectation des moyens humains et matériels. Ses conclusions serviront de base à l'élaboration des projets de localisation des emplois de magistrats et de fonctionnaires pour 2001.
Pour les moyens matériels et immobiliers, les services de la chancellerie procèdent à un recensement des problèmes posés et des besoins des juridictions. C'est ainsi qu'une première évaluation a pu être faite s'agissant notamment des aménagements de locaux et des extensions de superficie nécessaires à la mise en uvre de ces réformes.
Ces travaux sont en cours de finalisation dans le cadre d'une évaluation détaillée site par site. Une première série d'opérations d'aménagements de locaux sera financée sur les crédits 2000. La prise en charge des autres opérations à conduire sera réalisée dans le cadre des programmes d'emplois des crédits de fonctionnement et d'équipement des juridictions pour 2001.
Nous pourrons bien entendu approfondir ces réflexions et je souhaite que les dispositions pratiques qu'il conviendra de prendre au cours de l'année 2001 fassent l'objet d'une réelle concertation. C'est, à mes yeux, la condition d'une bonne application de cette loi.
La modernisation du service public de la justice passe aussi nécessairement par le renouvellement et la rénovation des bâtiments judiciaires.
A cet égard, l'ambitieux programme immobilier qui prévoit notamment la construction et la réhabilitation de plusieurs palais de justice contribue à rénover l'image de la justice dans sa fonction d'accueil et à offrir aux personnels des conditions de vie professionnelle mieux adaptées.
L'effort du gouvernement pour doter la justice d'un parc immobilier adapté à ses missions est considérable. Parmi les nombreuses opérations réalisées ou en cours, je vous rappellerai :
- la construction récente de nouveaux bâtiments judiciaires à Nanterre, Lyon, Melun, Grasse, Nantes, Nice, Béthune, Montpellier et Bordeaux ;
- la reconstruction du Parlement de Bretagne, à laquelle vous comprendrez que je suis personnellement sensible ;
- l'extension de la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
- la construction en cours des nouveaux palais de justice d'Avignon, Fort-de-France, Grenoble, Besançon et Toulouse ;
- les projets de construction de nouveaux palais de justice à Pontoise, Thonon-les-Bains, Narbonne, Laval et Basse-Terre ;
- la réhabilitation prochaine des palais de justice de Rodez, Roanne, Cahors, Saint-Etienne ;
Enfin, la décision a été prise de construire à Paris un nouveau palais de Justice.
II. La coopération juciciaire en Europe
J'aimerais maintenant, comme vous l'avez fait, Monsieur le Président, parler de la coopération judiciaire en Europe, qui est également l'une des conditions d'une justice moderne.
Je ne parlerai pas de la coopération judiciaire internationale en général, car il s'agit bien ici du sujet que vous avez vous-même abordé, celui de la place et du rôle de la justice dans la construction européenne.
Vous avez raison de dire que le juge français de la décennie à venir sera un juge européen.
Pour dire vrai, il l'est déjà beaucoup, car, dans l'application du droit communautaire, le juge national est le juge de droit commun. De plus, ce juge national est soumis au respect des principes de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. En ce mois d'octobre où le projet de charte européenne a été très favorablement accueilli par le Conseil européen de Biarritz, cette réalité est donc incontestable !
Cependant, comme vous le dites aussi, l'Europe de la police a progressé beaucoup plus vite que l'Europe de la justice.
Dès 1991, en effet, l'Allemagne a soutenu avec force la création d'un Office européen de police, qui a été inscrit dans le Traité de Maastricht.
C'est pourquoi, depuis plus d'un an, la France s'engage avec détermination pour la création d'une Unité de coopération judiciaire dite AEurojust@. La France l'a fait établir dans les conclusions de Tampere, dont elle a obtenu, pendant sa Présidence, la mise en uvre dès le début de l'année prochaine. Je vous dis de plus nettement qu'il faudra prévoir son inscription dans le Traité de l'Union européenne, aux côtés d'Europol, pour hausser la coopération judiciaire dans l'Union européenne au même niveau que la coopération policière.
Quelles seront les fonctions d'Eurojust ? Cette Unité de coopération judiciaire constituée par des magistrats venant des Quinze Etats membres:
- contribuera à une bonne coordination entre les autorités nationales chargées des poursuites,
- concourra aux enquêtes relatives aux affaires de criminalité organisée, notamment sur la base des analyses d'Europol,
- facilitera la coopération des magistrats dans le Réseau judiciaire européen, pour simplifier en particulier l'exécution des commissions rogatoires.
C'est une démarche pragmatique. C'est ce qu'attendent les magistrats des Etats membres : une aide concrète à l'exécution de leurs commissions rogatoires et de leurs requêtes extraditionnelles, pour que les exigences de leurs enquêtes soient bien et rapidement posées et que les réponses soient faites en temps utile et de manière complète.
La France n'a pas ménagé ses efforts pour cela : elle a multiplié les postes de ses magistrats de liaison, elle accueille, dans l'Union, le plus de magistrats étrangers de liaison, elle a contribué en première ligne à la constitution du Réseau judiciaire pénal européen, elle a accueilli le colloque "Eurojustice" des ministères publics européens, elle a donc pris la tête du mouvement pour la création d'Eurojust.
Ce sont des éléments concrets. J'ajoute que, depuis juin 1997, aucune enquête transfrontière n'a été, n'est et ne sera arrêtée ou gênée, au contraire, cette enquête aura le soutien de tous les services de mon Ministère pour aboutir.
Les résultats déjà acquis par notre Présidence pour une lutte efficace contre la criminalité organisée transnationale et le blanchiment de l'argent sale, lutte sur laquelle vous avez, ô combien, raison d'insister sont fondamentaux :
- un accord politique sur la révision de la directive blanchiment de 1990;
- un accord politique sur la décision-cadre en vue de la répression des infractions financières;
- un accord politique sur la levée du secret bancaire et du secret fiscal dans le projet de future convention des Quinze relative à la criminalité financière;
- l'adoption d'un programme complet, visant notamment les territoires non-coopératifs, de prévention et de répression du blanchiment par le Conseil conjoint des Ministres de la Justice, des Affaires intérieures, de l'Economie et des Finances, au début de cette semaine, à Luxembourg.
Je sais que beaucoup de magistrats, dans votre organisation ou dans d'autres enceintes, réfléchissent à un parquet européen.
Cette réflexion est nécessaire. Elle constitue cependant, à l'échelle de l'Union, compte tenu de la réalité de ses institutions et de celles des Etats membres, de leurs propres constitutions, un chantier juridique et pratique immense et "complexe", vous avez employé ce terme, qui ne peut être achevé en quelques mois.
Il nécessite une vision ample, qui dépasse certainement le cadre de l'article 280 du Traité instituant la Communauté européenne. Et ce n'est pas seulement par le droit dérivé que se créera en Europe un droit pénal européen.
De plus, la démarche pragmatique, qui vise à répondre aux insuffisances de la coopération judiciaire européenne pointées par l'Appel de Genève, n'est pas contradictoire avec la poursuite de cette réflexion.
Mais je ne pense pas qu'il faille, pour mener cette réflexion, jeter par-dessus bord les principes fondateurs de la construction européenne, et notamment le principe de subsidiarité de l'action communautaire et le principe de respect du droit positif.
Je me demande vraiment si un procureur européen serait le mieux à même de traiter les réalités criminelles mafieuses ou les trafics internationaux de stupéfiants entre les Etats membres et l'Amérique latine !
Pour ce qui concerne la protection des intérêts financiers de l'Union européenne, au cur de la réflexion sur le parquet européen, le droit positif, c'est celui de la convention de Bruxelles du 26 juillet 1995 et de ses protocoles de 1996.
Ces textes ont été mis en uvre cette année-même dans la loi française, et je puis vous dire que les procédures en cours, près d'une centaine, montrent l'efficacité du dispositif interne, puisqu'elles concernent un montant total fraudé estimé à environ 800 millions de francs, que ce soit dans les secteurs des ressources propres, du F.E.O.G.A.- Garantie ou des fonds structurels.
III. Une justice plus indépendante
Je sais les magistrats légitimement soucieux de leur indépendance. Elisabeth GUIGOU a créé une rupture historique avec les pratiques anciennes en refusant toute intervention dans les procédures, quelle qu'elle soit et quelle qu'en soit la forme.
Je poursuivrai naturellement cette politique, qui est la condition de base d'une confiance retrouvée des citoyens en leur justice.
L'indépendance des magistrats repose également sur la condition qui leur est faite. C'est pourquoi le gouvernement a décidé un plan de revalorisation des carrières sans précédent depuis 1958.
La réforme du statut de la magistrature, telle qu'elle résulte de l'arbitrage gouvernemental est en marche. Vous en connaissez bien l'économie générale. Elle vous a été rappelée dans le document diffusé cet été par la Chancellerie.
Cette réforme se traduira par le "repyramidage" du corps judiciaire, avec la fusion des deux groupes du 1er grade (I-1 et I-2) en un seul grade avec un nouvel échelonnement indiciaire qui permettra à tous les emplois du premier grade d'accéder à la lettre B (actuellement seuls les emplois du 1er grade 2ème groupe y donnent accès). Au total la structure des emplois sera plus favorable avec moins de 30 % des emplois au deuxième grade, plus de 60 % des emplois au premier grade et près de 10 % des emplois hors hiérarchie, ce qui constitue un doublement des effectifs de cette catégorie.
Ce que je veux vous dire c'est que la mise en uvre de cette réforme est bien engagée : seront inscrites en loi de finances pour 2001 les transformations d'emplois de magistrat permettant d'ores et déjà d'utiliser la provision de 38 millions de francs votée dans les budgets précédents. Les modalités trouveront leur traduction dans le prochain décret de localisation des emplois de magistrats.
Cette première étape, vous le savez, se fait à statut constant. 411 emplois seront transformés, qui toucheront tous les niveaux de juridiction, depuis la cour de cassation jusqu'aux TGI, sans oublier l'administration centrale de notre ministère.
La méthode utilisée poursuit comme principaux objectifs de faciliter l'application de la loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes et de remédier aux problèmes de vacances dans les petites juridictions dont les postes de vice-président du second grade ne peuvent être pourvus qu'avec difficulté.
C'est ainsi que dans les 9 juridictions actuellement dépourvues d'emplois de vice-président un emploi de juge du second grade est transformé en emploi de vice-président du 1er grade premier groupe.
En outre, tous les emplois de vice-président du second grade sont transformés en emplois de vice-président du premier grade premier groupe.
Par ailleurs, afin que tous les emplois de chef de juridiction soient au moins au même niveau hiérarchique que les emplois de magistrats de ces juridictions, ces transformations d'emplois, qui portent principalement sur des tribunaux de grande instance de faible effectif s'accompagnent de la transformation corrélative de tous les emplois de chef de juridiction du second grade en emplois du premier grade premier groupe.
La méthode de calcul retenue pour la localisation des autres transformations d'emplois réalisées vise à :
- assurer des perspectives d'avancement équilibrées au siège et au parquet;
- tendre vers le meilleur équilibre possible compte tenu des contraintes liées à la mise en uvre des réformes de la justice, dans les perspectives d'avancement entre toutes les fonctions du siège, spécialisées et non spécialisées;
- uniformiser les transformations d'emplois pour les juridictions présentant, fonction par fonction, des structures d'emplois identiques.
Au-delà de cette méthode objective de répartition des emplois repyramidés, le projet de localisation des transformations d'emplois prend en compte les difficultés particulières d'exercice de certaines fonctions et les difficultés de recrutement dans certaines juridictions.
L'ensemble de ces mesures permet, dès à présent, de faire progresser le pourcentage des emplois d'avancement dans les juridictions du premier degré. Ces transformations d'emplois concernent 162 juridictions pour un total de 383 transformations d'emplois dont 293 au siège et 90 au parquet.
Pour permettre de procéder dès cette année à ce repyramidage, de nouvelles grilles de postes vont être adressées aux magistrats pour qu'ils formulent des desiderata concernant tant ces 411 emplois repyramidés que les 208 emplois de magistrats créés en loi de finances pour 2000.
2001 et 2002 verront la réalisation complète de la réforme de la carrière. Le projet de loi, vous le savez a été déposé et sera examiné par les assemblées d'ici la fin de l'année. Des réunions de concertation se tiendront, auxquelles vous serez conviés comme vous l'avez été dans la préparation du texte, pour développer dans le décret les principes posés par le législateur organique.
Monsieur le Président, j'ai conscience de ne pas avoir pu répondre à l'ensemble de vos interrogations, voire de vos critiques. Je plaiderai les "circonstances atténuantes". Mon arrivée très récente au ministère ne m'a pas encore permis, vous vous en doutez, d'appréhender la totalité des dossiers.
Mais, en conclusion, je souhaite souligner que la confrontation des difficultés que vous avez exposées et des moyens que j'ai rappelés montre l'ampleur du défi qui est maintenant lancé à l'institution judiciaire et, en premier lieu, aux magistrats.
Certes des problèmes existent encore. J'en suis bien consciente. Je ne les considère toutefois pas comme insurmontables lorsque, venant d'ailleurs, j'observe la formidable évolution qu'a connue l'institution judiciaire durant ces dernières années, grâce au travail et au dévouement des magistrats et des fonctionnaires.
La place centrale que l'autorité judiciaire a acquise dans la société crée des attentes multiples. Le renforcement des effectifs, l'adaptation du droit, la rénovation des installations, la transformation des méthodes sont les conditions de la réussite.
L'implication des magistrats dans ces nouveaux dispositifs sera essentielle et elle conditionnera les jugements qui pourront être portés sur l'institution judiciaire tout entière.
Mais je sais également que l'approfondissement du dialogue, le débat positif sur la mise en oeuvre des réformes permettront de surmonter les problèmes réels que vous avez soulevés. Nous le ferons ensemble, avec le ministère de la justice, avec tous les magistrats de ce pays, pour que la justice virtuelle devienne la justice réelle.
Je vous remercie.
(Source http://www.justice.gouv.fr, le 24 octobre 2000)