Texte intégral
Messieurs les Ministres,
Monsieur le Président du Conseil régional,
Messieurs les Présidents de Conseils généraux,
Mesdames, Messieurs les Parlementaires,
Mesdames, Messieurs les Présidents des organisations professionnelles agricoles,
Mesdames, Messieurs,
Je voudrais d'abord remercier le Président LEMÉTAYER, qui m'a invité à inaugurer ce salon, et le féliciter pour la qualité exceptionnelle des productions qui y sont présentées. J'ai vu aujourd'hui au Salon des productions animales de Rennes une agriculture moderne, une agriculture dynamique qui fait la fierté des Bretons et de tous les Français. Ici on comprend pourquoi notre agriculture est l'une des premières du monde, l'une des plus diversifiées, l'une des meilleures en termes de qualité et de sécurité.
Je connais vos difficultés. Comme l'a dit le président Lemétayer, il suffisait de parcourir les allées pour en entendre l'écho, les préoccupations, mais en même temps le désir d'avancer et de relever le défi.
Vous êtes confrontés à une concurrence internationale croissante, à des crises conjoncturelles et à la nécessité de restructurer certains secteurs comme celui du lait.
Je sais aussi que vous vous interrogez sur l'avenir de vos exploitations, l'avenir de vos enfants et l'avenir de l'agriculture dans notre pays.
Face à ces difficultés, vous savez l'engagement du Président de la République, fidèle à un choix de plusieurs décennies, de maintenir la capacité agricole de la France. En clôturant ce matin le Conseil des Ministres, il m'a demandé de vous transmettre à chacun et à chacune son estime, son amitié et sa confiance. Cette volonté est plus que jamais d'actualité. C'est un choix historique, c'est aussi un choix d'avenir.
Aujourd'hui, je suis venu vous dire deux choses.
D'abord, la France a besoin de vous.
Parce que vous êtes une part essentielle de l'identité de notre pays. Nos paysages ont été marqués pendant des siècles par le travail de la terre. Vous incarnez des repères et des valeurs fondamentales. Ces repères, ces valeurs, nous en avons besoin pour avancer dans la modernité.
Parce que vous êtes un moteur de notre dynamisme économique.
Avec l'industrie agro-alimentaire, vous nous avez apporté un excédent de 8 milliards d'euros l'année dernière. C'est considérable.
Vous créez des emplois : 1 million d'emplois agricoles, 1,5 millions d'emplois dans l'agro-industrie : c'est plus de 10 %, près de 15%, de l'emploi dans notre pays.
Parce que vous êtes indispensables dans nos territoires. L'agriculture constitue la principale activité économique du monde rural.
Quand on parle des agriculteurs et des paysans, il faut bien préciser les choses et les ordres de grandeur pour que chacun de nos compatriotes comprenne l'importance des enjeux. Il y a cinquante ans, c'est-à-dire hier, nous étions un pays importateur de produits agricoles. Aujourd'hui, la France est le premier pays exportateur de produits agricoles transformés avec tout ce que cela représente en termes d'emploi dans l'industrie agroalimentaire. La France est également le deuxième pays exportateur de produits agricoles brut dans le monde. C'est une véritable révolution et c'est un acquis formidable pour l'économie nationale.
Et à qui le doit-on ? Aux agriculteurs, aux paysans qui sont certainement la partie de la population qui a évolué au cours des dernières décennies le plus rapidement et avec le plus d'efficacité. Cela nous confère un devoir de solidarité nationale vis-à-vis de tous ceux qui ont participé à cet effort.
Face aux difficultés d'aujourd'hui, nous devons collectivement penser à ce travail accompli par le monde paysan, travail qui fait de la France une grande puissance agricole et alimentaire mondiale. Je veux saluer ici ce travail au moment où la démographie de la planète souligne les besoins croissants de notre monde. Les Américains, si attachés à défendre le pouvoir vert, l'ont bien compris. C'est pourquoi l'agriculture doit être considérée comme un atout puissant, un atout moderne de notre économie. Et à ce titre, elle doit être respectée et défendue.
Défendue, car cette agriculture est un enjeu stratégique pour demain.
C'est un enjeu stratégique parce que la démographie ne cesse d'augmenter et que les besoins alimentaires de la planète sont de plus en plus importants. Nous voulons subvenir à ces nouveaux besoins alimentaires tout en respectant le besoin et le droit des pays en développement à travailler leur propre agriculture. Cette responsabilité, notre pays entend l'assumer pleinement.
L'agriculture devient également un enjeu de premier plan pour garantir la sécurité sanitaire à laquelle nos concitoyens sont particulièrement attachés. Les épisodes de la vache folle, la crise de la dioxine ou la fièvre aphteuse ont montré l'importance de cette exigence.
L'agriculture, c'est donc un enjeu majeur pour la France comme pour l'Europe. Vous pouvez être fiers de ce que vous êtes. Vous devez savoir que nous sommes conscients de l'importance de ce que nous défendons. Les denrées agricoles ne sont pas des marchandises comme les autres.
C'est pourquoi je souhaite qu'ensemble nous puissions tracer un chemin nouveau pour l'agriculture française.
1. Le développement de notre agriculture se joue d'abord en Europe.
Il y a quarante ans, nous avons fait un choix stratégique : le choix de la Politique agricole commune (PAC). Ce choix, nous avons eu raison de le faire.
La PAC s'est bâtie sur des principes qui restent d'actualité : l'unicité des marchés au sein de l'Union, la préférence communautaire et la solidarité financière entre pays.
Elle a permis à la France de moderniser son agriculture. Elle a accompagné son développement technique, scientifique et commercial.
Surtout, nous avons fait le choix de la PAC pour assurer l'autosuffisance alimentaire de l'Europe. C'était essentiel dans un continent épuisé par la guerre. Cela reste essentiel dans l'Europe d'aujourd'hui.
Pour défendre ce choix, nous avons mis en oeuvre une véritable dynamique de négociation.
Le Président de la République a obtenu à Bruxelles en 2002 un accord historique et unanime de nos partenaires pour préserver le budget de la PAC jusqu'en 2013. Cela représente pour la France un retour financier annuel de près de 10 milliards d'euros. Cet accord et celui de Luxembourg de juin 2003 concernant la réforme de la PAC forment un ensemble indissociable.
Je connais les limites de cette réforme, notamment le " découplage " des aides directes par rapport à la production. Mais nous devons également être lucides sur les avancées qu'elle a permises.
Elle a reconnu la multifonctionnalité de l'agriculture. Elle a aussi montré aux Européens que sur les questions de sécurité sanitaire des aliments, d'environnement ou de bien-être animal, nous étions au premier rang dans le monde.
Sur la question du découplage, je tiens à rappeler deux choses :
D'abord, que la France a fait le choix du maintien du couplage partiel ou total d'un grand nombre d'aides directes, notamment dans le secteur de l'élevage ;
Ensuite, que le découplage n'est pas la négation du travail des agriculteurs. C'est ce travail qui est seul à même de dégager les revenus nécessaires à l'exploitation.
Enfin, parce qu'elle modifie les caractéristiques des aides agricoles internes de l'Europe, cette réforme nous permet désormais d'aborder les négociations à l'OMC dans une position plus forte.
Dans ces négociations, il y a des lignes rouges qui ne devront pas être franchies. J'ai reçu le commissaire Mandelson pour les lui rappeler.
L'Europe ne renoncera à ses aides à l'exportation que si les autres pays font de même et nous en apportent la preuve.
Nous veillerons au strict respect du mandat de la Commission sur les questions de l'accès au marché et des produits sensibles.
Tout cela est d'ailleurs parfaitement compatible avec une exigence qui est au cur de notre politique agricole européenne : l'aide au développement.
En dix ans, nous avons divisé par trois le montant de nos restitutions à l'exportation ;
Nous sommes de loin le premier importateur mondial de produits agricoles en provenance des pays les moins avancés.
Nous devons d'ores et déjà développer une stratégie d'initiative qui s'inscrit dans une vision pour après 2013. Il est très important d'avoir cette vision à long terme.
Je sais que les agriculteurs ont besoin de ces perspectives pour défendre leurs exploitations. J'ai demandé au ministre de l'Agriculture, Dominique BUSSEREAU, de rédiger un mémorandum en respectant deux objectifs.
Premier objectif : remettre la préférence européenne au cur de la Politique agricole commune.
Cela veut dire que nous défendons une production de qualité, reconnue dans le monde entier et à laquelle nos compatriotes, mais aussi tous les Européens, sont légitimement attachés.
Cela veut dire également que nous voulons garantir la sécurité alimentaire et sanitaire des Européens : la mobilisation de tous les Etats membres et celle des éleveurs face au risque de propagation de la grippe aviaire a montré que nous savons nous préparer collectivement à gérer les risques et à prendre des mesures responsables.
Cela veut dire enfin et surtout que nous conservons des protections douanières permettant un développement équilibré de nos productions.
Deuxième objectif : garantir une meilleure capacité à organiser nos marchés.
Face aux aléas climatiques que l'Europe a connu ces dernières année - je pense aux inondations récentes dans le sud de l'Allemagne ou à la sécheresse dans l'Ouest de la France cet été -, face aux variations brutales de prix sur les marchés, nous devons mieux protéger les agriculteurs en remettant en place des outils de gestion des risques et des dispositifs d'assurance performants.
Le ministre y travaille, il sera assisté par deux parlementaires en vue de prendre les décisions nécessaires.
2. A l'échelle nationale, cette stratégie d'initiative doit nous permettre de construire une agriculture plus efficace et plus performante
L'Etat prendra toutes ses responsabilités pour vous aider à définir un cadre mieux adapté à votre activité. Pour cela, nous aurons un instrument à notre disposition : la loi d'orientation agricole, que j'ai décidé de soumettre au Parlement au tout début du mois d'octobre pour avancer dans quatre directions.
La première direction, c'est la simplification administrative.
Simplification des aides, d'abord : une agence de paiement unique des aides du premier pilier vous permettra d'avoir un seul interlocuteur et de gagner du temps.
Pour gagner le combat contre la sur-administration, tout ne relève pas de la loi.
La mise en place d'un dispositif d'auto-certification de l'exploitation permettra de simplifier les contrôles.
Je souhaite par ailleurs que Dominique BUSSEREAU me propose, avant la fin de cette année, la suppression d'une dizaine de procédures qui compliquent la vie des agriculteurs.
De manière générale, nous devons faire en sorte que la réglementation française n'ajoute pas de handicaps de compétitivité à nos entreprises agricoles.
Nous devons étudier les distorsions de concurrence au sein de l'Union et voir dans quelle mesure notre propre réglementation doit être adaptée, ou bien comment faire évoluer certaines pratiques à l'échelon européen.
Je demande à Dominique Bussereau de piloter une étude détaillée sur ce sujet et de me remettre un pré-rapport au 31 décembre 2005.
La deuxième direction, c'est la modernisation du statut des exploitations.
Nous devons promouvoir une démarche d'entreprise et soutenir les initiatives dans le monde agricole :
Pour cela, le modèle sociétaire sera encouragé. A ce titre, j'ai décidé la suppression de la cotisation de solidarité pour les associés non exploitants.
Un fonds agricole sera créé. Comme c'est le cas pour le fonds de commerce, il permettra de mieux reconnaître la valeur du travail agricole.
Nous devons également faciliter la transmission des exploitations et éviter leur éclatement. C'est essentiel, à l'heure où une nouvelle génération d'agriculteurs commence à prendre la relève. C'est pourquoi nous avons décidé de mettre en place un bail cessible et un crédit d'impôt pour faciliter l'installation progressive.
La troisième direction, c'est la garantie du revenu des agriculteurs.
Sécuriser le revenu, cela passe d'abord par un allègement des charges qui pèsent sur vos exploitations.
La réforme fiscale que j'ai annoncée le 1er septembre, concerne tous les Français, et bien sûr les agriculteurs. Les jeunes agriculteurs qui démarrent leurs exploitations, ou ceux qui connaissent des difficultés conjoncturelles bénéficieront directement du plafonnement des impôts.
La diminution de la taxe sur le foncier non bâti, annoncée par le Président de la République à Murat, sera mise en oeuvre dès 2006. J'ai décidé d'une baisse de 20% de cette taxe pour les terres agricoles. Cette baisse de 140 millions d'euros sera compensée aux communes par l'Etat. Elle profitera directement aux exploitants agricoles.
Enfin, la hausse des carburants pénalise les exploitations agricoles qui ne peuvent pas toujours répercuter ce surcoût sur l'aval. Nous devons les aider.
Pour le fioul domestique, j'ai décidé de porter l'actuelle prise en charge de la TIPP par l'Etat de 4 à 5 centimes d'euros par litre. Cet effort s'accompagnera d'une augmentation du remboursement partiel de la taxe intérieure sur la consommation de gaz naturel. Il était de 60 %, il sera désormais de 80%. Enfin, une mesure de défiscalisation du fioul lourd à hauteur de 50 % de la TIPP sera introduite. Ce dispositif d'allègement des charges représente un soutien de l'ordre de 30 millions d'euros supplémentaire de la part de l'Etat. Ces mesures prennent effet à partir du 1er septembre.
Je souhaite que l'on puisse également progresser vers une plus grande autonomie énergétique des exploitations agricoles. Je demande à Dominique Bussereau d'explorer, en collaboration avec vous, les différentes pistes qui existent, et qui pour certaines, comme l'utilisation des huiles végétales ou du bois énergie, figurent déjà dans la loi d'orientation agricole.
Enfin, d'autres secteurs sont touchés par la hausse du prix des carburants. C'est le cas ici, en Bretagne, des marins pêcheurs, avec lesquels Dominique Bussereau tiendra une table ronde le 3 octobre à Nantes.
La sécurisation du revenu repose également sur le développement des outils de gestion de crise.
Dominique Bussereau a pris des mesures pour faire face aux conséquences de la sécheresse : une première enveloppe de crédits d'indemnisation, d'un montant de 40 millions d'euros, a été attribuée aux 17 premiers départements reconnus comme sinistrés. Les zones d'élevage plusieurs fois sinistrées par la sécheresse au cours de ces dernières années verront les taux d'indemnisation majorés. Je demande un déblocage rapide des premières aides. Naturellement, les dotations seront ajustées pour tenir compte des critères d'indemnisation.
L'assurance récolte a donné d'excellents résultats cette année puisque 55.000 exploitations se sont assurées. Il nous faut poursuivre dans cette direction responsable. Il appartient au ministre de l'Agriculture en partenariat avec les organisations professionnelles et les assureurs de faire des propositions en ce sens. La faisabilité d'une assurance revenu devra être étudiée.
Je suis particulièrement attentif face aux crises qui ont frappé successivement un certain nombre de productions. Des mesures de soutien doivent être mises en oeuvre. Je pense aux mesures de distillation de crise pour le vin, ou plus généralement aux aides AGRIDIFF pour lesquelles 5 millions d'euros seront débloqués, notamment pour les producteurs de fruits et légumes qui ont connu un été particulièrement difficile. Ces moyens seront ajustés en fonction des urgences.
Enfin, l'Etat assure sa mission de médiateur quand au sein même d'une interprofession, le point d'équilibre n'est pas trouvé. La filière laitière française a traversé ces derniers mois une période d'incertitude. L'accord sur le prix du lait est une des composantes vitales de cette interprofession. Sans cet accord, la restructuration nécessaire des entreprises et des coopératives ne pourra se faire. C'est pourquoi je me félicite que les industriels, les coopératives et les producteurs aient pu parvenir aujourd'hui à trouver un accord. De son côté, l'Etat est engagé au côté des producteurs de lait. Grâce aux 63 millions d'euros versés ces jours-ci, 320 millions de litres de lait ont été libérés en France pour conforter les exploitations laitières, avant la mise en oeuvre de la réforme de la PAC.
Mais vous le voyez bien, ce qui ressort de ces crises, c'est la difficulté de faire face aux déséquilibres de marché, faute d'une véritable organisation structurée et solidaire des filières.
Nous devons donc, et c'est la quatrième direction, renforcer l'organisation économique du monde agricole.
Cette démarche implique néanmoins de convaincre les instances européennes que cette solidarité interprofessionnelle ne porte pas atteinte à la concurrence. Le Gouvernement expliquera cette démarche à la Commission. En attendant l'engagement des discussions avec nos partenaires européens, nous avons utilisé toutes les marges de manoeuvre dont nous disposions :
Les missions des interprofessions seront étendues, afin de leur permettre d'intervenir dans la gestion des crises conjoncturelles ou encore de trouver de nouveaux débouchés.
Une meilleure organisation des filières et le développement de relations commerciales contractualisées sont les conditions nécessaires d'une relation plus équilibrée entre l'amont et l'aval.
La modernisation de la coopération agricole et sa restructuration, qui est nécessaire, seront engagées. Car l'outil coopératif demeure un outil moderne. Il a un rôle privilégié à jouer dans l'équilibre des filières agricoles.
Ces réformes sont destinées à construire une agriculture forte, une agriculture qui crée des emplois. Vous le savez, l'emploi est la priorité de mon Gouvernement. L'entreprise agricole offre de nouvelles perspectives de création d'emplois salariés.
Des mesures seront prises dans la loi d'orientation agricole pour favoriser l'emploi permanent au sein des groupements d'employeurs.
Un nouveau dispositif offrira aux exploitants agricoles des possibilités de reconversion professionnelle.
Tous les instruments de souplesse et de dynamisation du marché du travail que le Gouvernement a mis en place avec le plan d'urgence pour l'emploi doivent aussi profiter à l'agriculture, notamment pour revaloriser le travail et passer de l'assistance à l'emploi.
Pour encourager l'emploi dans le monde rural, nous devons valoriser l'enseignement agricole. J'ai demandé à Dominique Bussereau en lien avec Gilles de Robien, Ministre de l'Education, de lancer une réflexion sur le thème " éducation et monde rural ".
3. Ensemble, nous devons également relever les défis de l'avenir.
Préparer l'avenir, c'est tout d'abord promouvoir une agriculture respectueuse de l'environnement.
Je suis convaincu qu'il est dans votre intérêt de mieux vous approprier les questions environnementales et de valoriser cet aspect de la production.
Je connais les efforts importants que vous avez faits dans ce domaine, je connais aussi les difficultés qu'il vous faut surmonter.
Mais ce sont des attentes très fortes et très légitimes de nos concitoyens, notamment en matière de gestion de l'eau, avec lesquelles nous ne pouvons pas transiger.
Nous n'avons pas encore réglé, en Bretagne, le contentieux avec Bruxelles, même si des efforts considérables ont été faits. Nous devons poursuivre notre mobilisation. Les services de l'Etat et l'Agence de l'eau Loire-Bretagne seront à vos côtés et aux côtés des élus pour relever ce défi.
Sur le plan de la gestion quantitative de l'eau, je voudrais saluer le comportement responsable des producteurs de maïs qui ont veillé à limiter sa mise en culture. Il nous faudra être encore plus attentifs aux économies d'eau par la généralisation de bonnes pratiques en matière d'irrigation. Là aussi, je sais que les agriculteurs de France y sont prêts.
J'ai également décidé un plan de modernisation environnementale des équipements dans le secteur végétal. Les agriculteurs seront encouragés à acquérir des matériels facilitant des pratiques raisonnées, notamment en matière de phytosanitaires, d'engrais ou d'irrigation. 20 millions d'euros y seront consacrés dès 2006.
Préparer l'avenir c'est aussi renforcer les liens entre l'agriculture et la recherche.
Notre agriculture est une agriculture de pointe. Nous le voyons ici au Salon des productions animales. Je souhaite que l'agriculture puisse bénéficier des réformes que nous avons menées dans le domaine de l'innovation, avec la création de l'Agence de l'innovation industrielle, l'Agence Nationale de la Recherche, et surtout avec les pôles de compétitivité. Ainsi, 15 de ces nouveaux pôles concernent l'agriculture. Je tiens tout particulièrement à saluer l'excellent travail réalisé par la Bretagne pour proposer un pôle dénommé " Aliments demain ".
Par ailleurs, nous devons apporter des réponses claires à la question des OGM.
Nous resterons fidèles au principe de précaution. C'est un principe fondamental que le Président de la République a voulu faire figurer dans la Constitution. Notre première préoccupation doit être la santé humaine et la protection de l'environnement. A cet égard, nous devons éviter toute dissémination incontrôlée des OGM et toute contamination des autres productions.
Pour autant, nous ne pouvons pas nous priver des apports du progrès scientifique pour l'agronomie et pour l'alimentation de la planète. Il faut que nos centres de recherche travaillent à mieux connaître les OGM et à maîtriser leur développement, dans le respect de la réglementation. Le principe qui doit prévaloir à l'égard du consommateur, c'est la transparence grâce à l'étiquetage.
Préparer l'avenir, c'est aussi développer de nouveaux débouchés pour l'agriculture.
Les biocarburants sont un enjeu fondamental à l'heure où nous nous engageons à réduire notre consommation de pétrole. C'est aussi une contribution à la lutte contre l'effet de serre.
C'est pourquoi j'ai décidé d'avancer le développement des biocarburants, en portant leur consommation à 5,75% du total dès 2008. En 2010, nous devrons atteindre 7 %, et en 2015 10 % d'incorporation. Un appel d'offre de 1.800.000 tonnes de biocarburants sera lancé avant la fin de cette année : soit un doublement du volume de biocarburants par rapport à l'appel d'offre initialement prévu.
Pour sécuriser la filière et pérenniser les contrats d'approvisionnement qui seront signés entre les agriculteurs et les usines, l'Etat s'engage sur des révisions de la fiscalité. Tout en tenant compte de l'évolution du prix du pétrole et des gains de productivité, nous devons conserver un avantage incitatif à la filière biocarburants et garantir la continuité des investissements dans ce domaine.
Ce sont de formidables perspectives qui s'ouvrent à l'agriculture française sur des terres aujourd'hui en friche ou qui peinent à trouver des débouchés pour leur production. C'est aussi le moyen le plus efficace de lutter contre les émissions de CO2 et le réchauffement climatique, puisque ces carburants sont d'abord de l'énergie renouvelable.
Pour gagner ce pari, nous devons conjuguer les efforts : agriculteurs, industriels et pétroliers doivent s'unir dans une relation stable et de confiance.
Nous devons plus généralement encourager la valorisation de la biomasse.
Dès maintenant, je demande au ministre de l'Industrie de lancer un appel d'offres pour la production de 300 mégawatts d'électricité renouvelable à partir de biomasse, c'est-à-dire de bois ou de déchets agricoles. 300 mégawatts, c'est un tiers de la production d'électricité d'une centrale nucléaire et c'est plus que la totalité des installations de ce type aujourd'hui en fonctionnement.
Enfin, je vais désigner dans les tous prochains jours un coordonnateur interministériel pour la valorisation de la biomasse.
Enfin, préparer l'avenir, c'est permettre aux agriculteurs et aux industriels d'investir dans leurs outils de production et de transformation.
Pour l'agriculture, et plus particulièrement les bâtiments d'élevage :
Je confirme la montée en puissance du plan de modernisation des bâtiments d'élevage et demande son inscription au prochain programme européen de " développement rural ", 2007-2013. Les montants que je propose d'y consacrer sont de 120 millions d'euros par an. Ils seront cofinancés par la Commission européenne.
La mise aux normes des bâtiments d'élevage est un enjeu majeur pour l'avenir de la filière. Or nous avons une échéance européenne au 31 décembre 2006. La mobilisation doit être sans faille.
J'ai entendu vos inquiétudes concernant le financement des dossiers déjà déposés. Je veux vous assurer que les crédits seront au rendez-vous.
Pour l'agro-alimentaire, je souhaite que nous tirions les conséquences de l'importance croissante des produits transformés dans l'économie agricole. Pour y répondre, nous devons renforcer les liens entre l'agriculture et l'industrie agroalimentaire.
La France a fait le choix du patriotisme économique, elle a fait le choix d'une politique industrielle ambitieuse.
Ce choix nous devons le faire aussi pour soutenir la première de ses activités : l'agroalimentaire, en l'aidant à s'adapter et lorsque c'est nécessaire à se restructurer. Pour cela je demande à Dominique Bussereau, en lien avec François Loos, ministre de l'industrie, de créer une mission de suivi des industries agroalimentaires. Elle comprendra naturellement des professionnels de l'agriculture. Ses travaux seront portés à la connaissance du Comité interministériel à la compétitivité des territoires.
Vous le voyez, Monsieur le Président, ce que je suis venu dire aux éleveurs et aux agriculteurs que vous avez réunis ici, dans ce salon, c'est un message de fierté de la part de la France, un message de foi en l'avenir. Car la détermination qui est la mienne, celle du Gouvernement tout entier, celle du président de la République et bien sûr celle de Dominique Bussereau votre Ministre, c'est de soutenir l'agriculture et de l'aider dans cette période de transformations intenses.
Oui, l'agriculture est un enjeu déterminant pour l'avenir économique de la France. Oui, l'agriculture est un vrai défi de modernité. Oui, l'agriculture française est un atout dans le monde.
Je suis venu aussi vous apporter des réponses à des problèmes immédiats qui touchent vos professions. Mais le plus important, ce sont les perspectives qu'ensemble, nous allons tracer pour définir un cadre moderne et durable pour l'agriculture française de demain.
Je vous remercie.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 14 septembre 2005)
Monsieur le Président du Conseil régional,
Messieurs les Présidents de Conseils généraux,
Mesdames, Messieurs les Parlementaires,
Mesdames, Messieurs les Présidents des organisations professionnelles agricoles,
Mesdames, Messieurs,
Je voudrais d'abord remercier le Président LEMÉTAYER, qui m'a invité à inaugurer ce salon, et le féliciter pour la qualité exceptionnelle des productions qui y sont présentées. J'ai vu aujourd'hui au Salon des productions animales de Rennes une agriculture moderne, une agriculture dynamique qui fait la fierté des Bretons et de tous les Français. Ici on comprend pourquoi notre agriculture est l'une des premières du monde, l'une des plus diversifiées, l'une des meilleures en termes de qualité et de sécurité.
Je connais vos difficultés. Comme l'a dit le président Lemétayer, il suffisait de parcourir les allées pour en entendre l'écho, les préoccupations, mais en même temps le désir d'avancer et de relever le défi.
Vous êtes confrontés à une concurrence internationale croissante, à des crises conjoncturelles et à la nécessité de restructurer certains secteurs comme celui du lait.
Je sais aussi que vous vous interrogez sur l'avenir de vos exploitations, l'avenir de vos enfants et l'avenir de l'agriculture dans notre pays.
Face à ces difficultés, vous savez l'engagement du Président de la République, fidèle à un choix de plusieurs décennies, de maintenir la capacité agricole de la France. En clôturant ce matin le Conseil des Ministres, il m'a demandé de vous transmettre à chacun et à chacune son estime, son amitié et sa confiance. Cette volonté est plus que jamais d'actualité. C'est un choix historique, c'est aussi un choix d'avenir.
Aujourd'hui, je suis venu vous dire deux choses.
D'abord, la France a besoin de vous.
Parce que vous êtes une part essentielle de l'identité de notre pays. Nos paysages ont été marqués pendant des siècles par le travail de la terre. Vous incarnez des repères et des valeurs fondamentales. Ces repères, ces valeurs, nous en avons besoin pour avancer dans la modernité.
Parce que vous êtes un moteur de notre dynamisme économique.
Avec l'industrie agro-alimentaire, vous nous avez apporté un excédent de 8 milliards d'euros l'année dernière. C'est considérable.
Vous créez des emplois : 1 million d'emplois agricoles, 1,5 millions d'emplois dans l'agro-industrie : c'est plus de 10 %, près de 15%, de l'emploi dans notre pays.
Parce que vous êtes indispensables dans nos territoires. L'agriculture constitue la principale activité économique du monde rural.
Quand on parle des agriculteurs et des paysans, il faut bien préciser les choses et les ordres de grandeur pour que chacun de nos compatriotes comprenne l'importance des enjeux. Il y a cinquante ans, c'est-à-dire hier, nous étions un pays importateur de produits agricoles. Aujourd'hui, la France est le premier pays exportateur de produits agricoles transformés avec tout ce que cela représente en termes d'emploi dans l'industrie agroalimentaire. La France est également le deuxième pays exportateur de produits agricoles brut dans le monde. C'est une véritable révolution et c'est un acquis formidable pour l'économie nationale.
Et à qui le doit-on ? Aux agriculteurs, aux paysans qui sont certainement la partie de la population qui a évolué au cours des dernières décennies le plus rapidement et avec le plus d'efficacité. Cela nous confère un devoir de solidarité nationale vis-à-vis de tous ceux qui ont participé à cet effort.
Face aux difficultés d'aujourd'hui, nous devons collectivement penser à ce travail accompli par le monde paysan, travail qui fait de la France une grande puissance agricole et alimentaire mondiale. Je veux saluer ici ce travail au moment où la démographie de la planète souligne les besoins croissants de notre monde. Les Américains, si attachés à défendre le pouvoir vert, l'ont bien compris. C'est pourquoi l'agriculture doit être considérée comme un atout puissant, un atout moderne de notre économie. Et à ce titre, elle doit être respectée et défendue.
Défendue, car cette agriculture est un enjeu stratégique pour demain.
C'est un enjeu stratégique parce que la démographie ne cesse d'augmenter et que les besoins alimentaires de la planète sont de plus en plus importants. Nous voulons subvenir à ces nouveaux besoins alimentaires tout en respectant le besoin et le droit des pays en développement à travailler leur propre agriculture. Cette responsabilité, notre pays entend l'assumer pleinement.
L'agriculture devient également un enjeu de premier plan pour garantir la sécurité sanitaire à laquelle nos concitoyens sont particulièrement attachés. Les épisodes de la vache folle, la crise de la dioxine ou la fièvre aphteuse ont montré l'importance de cette exigence.
L'agriculture, c'est donc un enjeu majeur pour la France comme pour l'Europe. Vous pouvez être fiers de ce que vous êtes. Vous devez savoir que nous sommes conscients de l'importance de ce que nous défendons. Les denrées agricoles ne sont pas des marchandises comme les autres.
C'est pourquoi je souhaite qu'ensemble nous puissions tracer un chemin nouveau pour l'agriculture française.
1. Le développement de notre agriculture se joue d'abord en Europe.
Il y a quarante ans, nous avons fait un choix stratégique : le choix de la Politique agricole commune (PAC). Ce choix, nous avons eu raison de le faire.
La PAC s'est bâtie sur des principes qui restent d'actualité : l'unicité des marchés au sein de l'Union, la préférence communautaire et la solidarité financière entre pays.
Elle a permis à la France de moderniser son agriculture. Elle a accompagné son développement technique, scientifique et commercial.
Surtout, nous avons fait le choix de la PAC pour assurer l'autosuffisance alimentaire de l'Europe. C'était essentiel dans un continent épuisé par la guerre. Cela reste essentiel dans l'Europe d'aujourd'hui.
Pour défendre ce choix, nous avons mis en oeuvre une véritable dynamique de négociation.
Le Président de la République a obtenu à Bruxelles en 2002 un accord historique et unanime de nos partenaires pour préserver le budget de la PAC jusqu'en 2013. Cela représente pour la France un retour financier annuel de près de 10 milliards d'euros. Cet accord et celui de Luxembourg de juin 2003 concernant la réforme de la PAC forment un ensemble indissociable.
Je connais les limites de cette réforme, notamment le " découplage " des aides directes par rapport à la production. Mais nous devons également être lucides sur les avancées qu'elle a permises.
Elle a reconnu la multifonctionnalité de l'agriculture. Elle a aussi montré aux Européens que sur les questions de sécurité sanitaire des aliments, d'environnement ou de bien-être animal, nous étions au premier rang dans le monde.
Sur la question du découplage, je tiens à rappeler deux choses :
D'abord, que la France a fait le choix du maintien du couplage partiel ou total d'un grand nombre d'aides directes, notamment dans le secteur de l'élevage ;
Ensuite, que le découplage n'est pas la négation du travail des agriculteurs. C'est ce travail qui est seul à même de dégager les revenus nécessaires à l'exploitation.
Enfin, parce qu'elle modifie les caractéristiques des aides agricoles internes de l'Europe, cette réforme nous permet désormais d'aborder les négociations à l'OMC dans une position plus forte.
Dans ces négociations, il y a des lignes rouges qui ne devront pas être franchies. J'ai reçu le commissaire Mandelson pour les lui rappeler.
L'Europe ne renoncera à ses aides à l'exportation que si les autres pays font de même et nous en apportent la preuve.
Nous veillerons au strict respect du mandat de la Commission sur les questions de l'accès au marché et des produits sensibles.
Tout cela est d'ailleurs parfaitement compatible avec une exigence qui est au cur de notre politique agricole européenne : l'aide au développement.
En dix ans, nous avons divisé par trois le montant de nos restitutions à l'exportation ;
Nous sommes de loin le premier importateur mondial de produits agricoles en provenance des pays les moins avancés.
Nous devons d'ores et déjà développer une stratégie d'initiative qui s'inscrit dans une vision pour après 2013. Il est très important d'avoir cette vision à long terme.
Je sais que les agriculteurs ont besoin de ces perspectives pour défendre leurs exploitations. J'ai demandé au ministre de l'Agriculture, Dominique BUSSEREAU, de rédiger un mémorandum en respectant deux objectifs.
Premier objectif : remettre la préférence européenne au cur de la Politique agricole commune.
Cela veut dire que nous défendons une production de qualité, reconnue dans le monde entier et à laquelle nos compatriotes, mais aussi tous les Européens, sont légitimement attachés.
Cela veut dire également que nous voulons garantir la sécurité alimentaire et sanitaire des Européens : la mobilisation de tous les Etats membres et celle des éleveurs face au risque de propagation de la grippe aviaire a montré que nous savons nous préparer collectivement à gérer les risques et à prendre des mesures responsables.
Cela veut dire enfin et surtout que nous conservons des protections douanières permettant un développement équilibré de nos productions.
Deuxième objectif : garantir une meilleure capacité à organiser nos marchés.
Face aux aléas climatiques que l'Europe a connu ces dernières année - je pense aux inondations récentes dans le sud de l'Allemagne ou à la sécheresse dans l'Ouest de la France cet été -, face aux variations brutales de prix sur les marchés, nous devons mieux protéger les agriculteurs en remettant en place des outils de gestion des risques et des dispositifs d'assurance performants.
Le ministre y travaille, il sera assisté par deux parlementaires en vue de prendre les décisions nécessaires.
2. A l'échelle nationale, cette stratégie d'initiative doit nous permettre de construire une agriculture plus efficace et plus performante
L'Etat prendra toutes ses responsabilités pour vous aider à définir un cadre mieux adapté à votre activité. Pour cela, nous aurons un instrument à notre disposition : la loi d'orientation agricole, que j'ai décidé de soumettre au Parlement au tout début du mois d'octobre pour avancer dans quatre directions.
La première direction, c'est la simplification administrative.
Simplification des aides, d'abord : une agence de paiement unique des aides du premier pilier vous permettra d'avoir un seul interlocuteur et de gagner du temps.
Pour gagner le combat contre la sur-administration, tout ne relève pas de la loi.
La mise en place d'un dispositif d'auto-certification de l'exploitation permettra de simplifier les contrôles.
Je souhaite par ailleurs que Dominique BUSSEREAU me propose, avant la fin de cette année, la suppression d'une dizaine de procédures qui compliquent la vie des agriculteurs.
De manière générale, nous devons faire en sorte que la réglementation française n'ajoute pas de handicaps de compétitivité à nos entreprises agricoles.
Nous devons étudier les distorsions de concurrence au sein de l'Union et voir dans quelle mesure notre propre réglementation doit être adaptée, ou bien comment faire évoluer certaines pratiques à l'échelon européen.
Je demande à Dominique Bussereau de piloter une étude détaillée sur ce sujet et de me remettre un pré-rapport au 31 décembre 2005.
La deuxième direction, c'est la modernisation du statut des exploitations.
Nous devons promouvoir une démarche d'entreprise et soutenir les initiatives dans le monde agricole :
Pour cela, le modèle sociétaire sera encouragé. A ce titre, j'ai décidé la suppression de la cotisation de solidarité pour les associés non exploitants.
Un fonds agricole sera créé. Comme c'est le cas pour le fonds de commerce, il permettra de mieux reconnaître la valeur du travail agricole.
Nous devons également faciliter la transmission des exploitations et éviter leur éclatement. C'est essentiel, à l'heure où une nouvelle génération d'agriculteurs commence à prendre la relève. C'est pourquoi nous avons décidé de mettre en place un bail cessible et un crédit d'impôt pour faciliter l'installation progressive.
La troisième direction, c'est la garantie du revenu des agriculteurs.
Sécuriser le revenu, cela passe d'abord par un allègement des charges qui pèsent sur vos exploitations.
La réforme fiscale que j'ai annoncée le 1er septembre, concerne tous les Français, et bien sûr les agriculteurs. Les jeunes agriculteurs qui démarrent leurs exploitations, ou ceux qui connaissent des difficultés conjoncturelles bénéficieront directement du plafonnement des impôts.
La diminution de la taxe sur le foncier non bâti, annoncée par le Président de la République à Murat, sera mise en oeuvre dès 2006. J'ai décidé d'une baisse de 20% de cette taxe pour les terres agricoles. Cette baisse de 140 millions d'euros sera compensée aux communes par l'Etat. Elle profitera directement aux exploitants agricoles.
Enfin, la hausse des carburants pénalise les exploitations agricoles qui ne peuvent pas toujours répercuter ce surcoût sur l'aval. Nous devons les aider.
Pour le fioul domestique, j'ai décidé de porter l'actuelle prise en charge de la TIPP par l'Etat de 4 à 5 centimes d'euros par litre. Cet effort s'accompagnera d'une augmentation du remboursement partiel de la taxe intérieure sur la consommation de gaz naturel. Il était de 60 %, il sera désormais de 80%. Enfin, une mesure de défiscalisation du fioul lourd à hauteur de 50 % de la TIPP sera introduite. Ce dispositif d'allègement des charges représente un soutien de l'ordre de 30 millions d'euros supplémentaire de la part de l'Etat. Ces mesures prennent effet à partir du 1er septembre.
Je souhaite que l'on puisse également progresser vers une plus grande autonomie énergétique des exploitations agricoles. Je demande à Dominique Bussereau d'explorer, en collaboration avec vous, les différentes pistes qui existent, et qui pour certaines, comme l'utilisation des huiles végétales ou du bois énergie, figurent déjà dans la loi d'orientation agricole.
Enfin, d'autres secteurs sont touchés par la hausse du prix des carburants. C'est le cas ici, en Bretagne, des marins pêcheurs, avec lesquels Dominique Bussereau tiendra une table ronde le 3 octobre à Nantes.
La sécurisation du revenu repose également sur le développement des outils de gestion de crise.
Dominique Bussereau a pris des mesures pour faire face aux conséquences de la sécheresse : une première enveloppe de crédits d'indemnisation, d'un montant de 40 millions d'euros, a été attribuée aux 17 premiers départements reconnus comme sinistrés. Les zones d'élevage plusieurs fois sinistrées par la sécheresse au cours de ces dernières années verront les taux d'indemnisation majorés. Je demande un déblocage rapide des premières aides. Naturellement, les dotations seront ajustées pour tenir compte des critères d'indemnisation.
L'assurance récolte a donné d'excellents résultats cette année puisque 55.000 exploitations se sont assurées. Il nous faut poursuivre dans cette direction responsable. Il appartient au ministre de l'Agriculture en partenariat avec les organisations professionnelles et les assureurs de faire des propositions en ce sens. La faisabilité d'une assurance revenu devra être étudiée.
Je suis particulièrement attentif face aux crises qui ont frappé successivement un certain nombre de productions. Des mesures de soutien doivent être mises en oeuvre. Je pense aux mesures de distillation de crise pour le vin, ou plus généralement aux aides AGRIDIFF pour lesquelles 5 millions d'euros seront débloqués, notamment pour les producteurs de fruits et légumes qui ont connu un été particulièrement difficile. Ces moyens seront ajustés en fonction des urgences.
Enfin, l'Etat assure sa mission de médiateur quand au sein même d'une interprofession, le point d'équilibre n'est pas trouvé. La filière laitière française a traversé ces derniers mois une période d'incertitude. L'accord sur le prix du lait est une des composantes vitales de cette interprofession. Sans cet accord, la restructuration nécessaire des entreprises et des coopératives ne pourra se faire. C'est pourquoi je me félicite que les industriels, les coopératives et les producteurs aient pu parvenir aujourd'hui à trouver un accord. De son côté, l'Etat est engagé au côté des producteurs de lait. Grâce aux 63 millions d'euros versés ces jours-ci, 320 millions de litres de lait ont été libérés en France pour conforter les exploitations laitières, avant la mise en oeuvre de la réforme de la PAC.
Mais vous le voyez bien, ce qui ressort de ces crises, c'est la difficulté de faire face aux déséquilibres de marché, faute d'une véritable organisation structurée et solidaire des filières.
Nous devons donc, et c'est la quatrième direction, renforcer l'organisation économique du monde agricole.
Cette démarche implique néanmoins de convaincre les instances européennes que cette solidarité interprofessionnelle ne porte pas atteinte à la concurrence. Le Gouvernement expliquera cette démarche à la Commission. En attendant l'engagement des discussions avec nos partenaires européens, nous avons utilisé toutes les marges de manoeuvre dont nous disposions :
Les missions des interprofessions seront étendues, afin de leur permettre d'intervenir dans la gestion des crises conjoncturelles ou encore de trouver de nouveaux débouchés.
Une meilleure organisation des filières et le développement de relations commerciales contractualisées sont les conditions nécessaires d'une relation plus équilibrée entre l'amont et l'aval.
La modernisation de la coopération agricole et sa restructuration, qui est nécessaire, seront engagées. Car l'outil coopératif demeure un outil moderne. Il a un rôle privilégié à jouer dans l'équilibre des filières agricoles.
Ces réformes sont destinées à construire une agriculture forte, une agriculture qui crée des emplois. Vous le savez, l'emploi est la priorité de mon Gouvernement. L'entreprise agricole offre de nouvelles perspectives de création d'emplois salariés.
Des mesures seront prises dans la loi d'orientation agricole pour favoriser l'emploi permanent au sein des groupements d'employeurs.
Un nouveau dispositif offrira aux exploitants agricoles des possibilités de reconversion professionnelle.
Tous les instruments de souplesse et de dynamisation du marché du travail que le Gouvernement a mis en place avec le plan d'urgence pour l'emploi doivent aussi profiter à l'agriculture, notamment pour revaloriser le travail et passer de l'assistance à l'emploi.
Pour encourager l'emploi dans le monde rural, nous devons valoriser l'enseignement agricole. J'ai demandé à Dominique Bussereau en lien avec Gilles de Robien, Ministre de l'Education, de lancer une réflexion sur le thème " éducation et monde rural ".
3. Ensemble, nous devons également relever les défis de l'avenir.
Préparer l'avenir, c'est tout d'abord promouvoir une agriculture respectueuse de l'environnement.
Je suis convaincu qu'il est dans votre intérêt de mieux vous approprier les questions environnementales et de valoriser cet aspect de la production.
Je connais les efforts importants que vous avez faits dans ce domaine, je connais aussi les difficultés qu'il vous faut surmonter.
Mais ce sont des attentes très fortes et très légitimes de nos concitoyens, notamment en matière de gestion de l'eau, avec lesquelles nous ne pouvons pas transiger.
Nous n'avons pas encore réglé, en Bretagne, le contentieux avec Bruxelles, même si des efforts considérables ont été faits. Nous devons poursuivre notre mobilisation. Les services de l'Etat et l'Agence de l'eau Loire-Bretagne seront à vos côtés et aux côtés des élus pour relever ce défi.
Sur le plan de la gestion quantitative de l'eau, je voudrais saluer le comportement responsable des producteurs de maïs qui ont veillé à limiter sa mise en culture. Il nous faudra être encore plus attentifs aux économies d'eau par la généralisation de bonnes pratiques en matière d'irrigation. Là aussi, je sais que les agriculteurs de France y sont prêts.
J'ai également décidé un plan de modernisation environnementale des équipements dans le secteur végétal. Les agriculteurs seront encouragés à acquérir des matériels facilitant des pratiques raisonnées, notamment en matière de phytosanitaires, d'engrais ou d'irrigation. 20 millions d'euros y seront consacrés dès 2006.
Préparer l'avenir c'est aussi renforcer les liens entre l'agriculture et la recherche.
Notre agriculture est une agriculture de pointe. Nous le voyons ici au Salon des productions animales. Je souhaite que l'agriculture puisse bénéficier des réformes que nous avons menées dans le domaine de l'innovation, avec la création de l'Agence de l'innovation industrielle, l'Agence Nationale de la Recherche, et surtout avec les pôles de compétitivité. Ainsi, 15 de ces nouveaux pôles concernent l'agriculture. Je tiens tout particulièrement à saluer l'excellent travail réalisé par la Bretagne pour proposer un pôle dénommé " Aliments demain ".
Par ailleurs, nous devons apporter des réponses claires à la question des OGM.
Nous resterons fidèles au principe de précaution. C'est un principe fondamental que le Président de la République a voulu faire figurer dans la Constitution. Notre première préoccupation doit être la santé humaine et la protection de l'environnement. A cet égard, nous devons éviter toute dissémination incontrôlée des OGM et toute contamination des autres productions.
Pour autant, nous ne pouvons pas nous priver des apports du progrès scientifique pour l'agronomie et pour l'alimentation de la planète. Il faut que nos centres de recherche travaillent à mieux connaître les OGM et à maîtriser leur développement, dans le respect de la réglementation. Le principe qui doit prévaloir à l'égard du consommateur, c'est la transparence grâce à l'étiquetage.
Préparer l'avenir, c'est aussi développer de nouveaux débouchés pour l'agriculture.
Les biocarburants sont un enjeu fondamental à l'heure où nous nous engageons à réduire notre consommation de pétrole. C'est aussi une contribution à la lutte contre l'effet de serre.
C'est pourquoi j'ai décidé d'avancer le développement des biocarburants, en portant leur consommation à 5,75% du total dès 2008. En 2010, nous devrons atteindre 7 %, et en 2015 10 % d'incorporation. Un appel d'offre de 1.800.000 tonnes de biocarburants sera lancé avant la fin de cette année : soit un doublement du volume de biocarburants par rapport à l'appel d'offre initialement prévu.
Pour sécuriser la filière et pérenniser les contrats d'approvisionnement qui seront signés entre les agriculteurs et les usines, l'Etat s'engage sur des révisions de la fiscalité. Tout en tenant compte de l'évolution du prix du pétrole et des gains de productivité, nous devons conserver un avantage incitatif à la filière biocarburants et garantir la continuité des investissements dans ce domaine.
Ce sont de formidables perspectives qui s'ouvrent à l'agriculture française sur des terres aujourd'hui en friche ou qui peinent à trouver des débouchés pour leur production. C'est aussi le moyen le plus efficace de lutter contre les émissions de CO2 et le réchauffement climatique, puisque ces carburants sont d'abord de l'énergie renouvelable.
Pour gagner ce pari, nous devons conjuguer les efforts : agriculteurs, industriels et pétroliers doivent s'unir dans une relation stable et de confiance.
Nous devons plus généralement encourager la valorisation de la biomasse.
Dès maintenant, je demande au ministre de l'Industrie de lancer un appel d'offres pour la production de 300 mégawatts d'électricité renouvelable à partir de biomasse, c'est-à-dire de bois ou de déchets agricoles. 300 mégawatts, c'est un tiers de la production d'électricité d'une centrale nucléaire et c'est plus que la totalité des installations de ce type aujourd'hui en fonctionnement.
Enfin, je vais désigner dans les tous prochains jours un coordonnateur interministériel pour la valorisation de la biomasse.
Enfin, préparer l'avenir, c'est permettre aux agriculteurs et aux industriels d'investir dans leurs outils de production et de transformation.
Pour l'agriculture, et plus particulièrement les bâtiments d'élevage :
Je confirme la montée en puissance du plan de modernisation des bâtiments d'élevage et demande son inscription au prochain programme européen de " développement rural ", 2007-2013. Les montants que je propose d'y consacrer sont de 120 millions d'euros par an. Ils seront cofinancés par la Commission européenne.
La mise aux normes des bâtiments d'élevage est un enjeu majeur pour l'avenir de la filière. Or nous avons une échéance européenne au 31 décembre 2006. La mobilisation doit être sans faille.
J'ai entendu vos inquiétudes concernant le financement des dossiers déjà déposés. Je veux vous assurer que les crédits seront au rendez-vous.
Pour l'agro-alimentaire, je souhaite que nous tirions les conséquences de l'importance croissante des produits transformés dans l'économie agricole. Pour y répondre, nous devons renforcer les liens entre l'agriculture et l'industrie agroalimentaire.
La France a fait le choix du patriotisme économique, elle a fait le choix d'une politique industrielle ambitieuse.
Ce choix nous devons le faire aussi pour soutenir la première de ses activités : l'agroalimentaire, en l'aidant à s'adapter et lorsque c'est nécessaire à se restructurer. Pour cela je demande à Dominique Bussereau, en lien avec François Loos, ministre de l'industrie, de créer une mission de suivi des industries agroalimentaires. Elle comprendra naturellement des professionnels de l'agriculture. Ses travaux seront portés à la connaissance du Comité interministériel à la compétitivité des territoires.
Vous le voyez, Monsieur le Président, ce que je suis venu dire aux éleveurs et aux agriculteurs que vous avez réunis ici, dans ce salon, c'est un message de fierté de la part de la France, un message de foi en l'avenir. Car la détermination qui est la mienne, celle du Gouvernement tout entier, celle du président de la République et bien sûr celle de Dominique Bussereau votre Ministre, c'est de soutenir l'agriculture et de l'aider dans cette période de transformations intenses.
Oui, l'agriculture est un enjeu déterminant pour l'avenir économique de la France. Oui, l'agriculture est un vrai défi de modernité. Oui, l'agriculture française est un atout dans le monde.
Je suis venu aussi vous apporter des réponses à des problèmes immédiats qui touchent vos professions. Mais le plus important, ce sont les perspectives qu'ensemble, nous allons tracer pour définir un cadre moderne et durable pour l'agriculture française de demain.
Je vous remercie.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 14 septembre 2005)