Conseil des ministres du 25 septembre 2002. La réforme des procédures d'asile.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Auteur(s) moral(aux) : Secrétariat général du Gouvernement

Texte intégral

Le ministre des affaires étrangères a présenté une communication sur la réforme des procédures d'asile.
1. Le dispositif d'asile français doit être réformé.
La France est devenue aujourd'hui l'un des premiers pays d'accueil des demandeurs d'asile en Europe. Surtout, la demande a triplé en trois ans et se situe à des niveaux comparables à ceux de l'Allemagne et de la Grande-Bretagne, soit près de 80 000 demandeurs en 2001, sans compter les mineurs : 48 000 étrangers ont demandé le statut de réfugié à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), 31.000 ont demandé l'asile territorial en préfecture. Cette tendance à la hausse se confirme en 2002.
Les délais moyens de traitement des dossiers atteignent aujourd'hui deux ans. Le cumul de procédures distinctes pour l'asile conventionnel, (accordé en application de la convention de Genève) et pour l'asile territorial (qui concerne les personnes alléguant des risques pour leur vie ou leur liberté en cas de retour dans leur pays d'origine) mobilise inutilement les services préfectoraux et contribue trop souvent à faire de l'asile un moyen utilisé pour séjourner en France et un vecteur d'immigration irrégulière. Ces dérives sont amplifiées par le fait que les déboutés restent très souvent sur le territoire. Dans le même temps, les personnes qui ont réellement besoin d'une protection sont laissées trop longtemps dans l'attente d'une réponse de l'administration.
Notre système d'asile est devenu enfin très onéreux, tant en raison du coût du traitement administratif des demandes, qu'en raison d'un coût social croissant.
2. L'accroissement des moyens mis en oeuvre et une réforme globale du dispositif sont indispensables.
L'objectif essentiel est de raccourcir les délais d'instruction des demandes d'asile, dans un premier temps à une moyenne de deux mois, puis, à terme, à un mois, dans l'esprit des dispositifs déjà adoptés par la plupart de nos partenaires européens (notamment l'Allemagne, le Royaume-Uni et les Pays-Bas).
Les principales innovations sont les suivantes :
- instituer un guichet unique : seul l'OFPRA sera désormais compétent en matière non seulement d'asile conventionnel, mais aussi d'asile territorial, pour l'instruction des demandes et pour la prise de décision. L'asile territorial, qui relève aujourd'hui du ministre de l'intérieur, après consultation du ministre des affaires étrangères, sera donc transféré à l'OFPRA. Les préfectures restent compétentes pour recevoir les demandes d'asile et délivrer des autorisations de séjour aux demandeurs. Le recours juridictionnel sera également unifié, la Commission des recours des réfugiés se voyant confier l'ensemble du contentieux de l'asile. Après évaluation du coût de la mesure, il sera mis un terme aux disparités de prise en charge sociale des demandeurs d'asile.
- améliorer le niveau de protection accordé aux personnes persécutées. Très attachée à la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, la France envisage d'en élargir le champ en abandonnant le critère - jurisprudentiel - de l'origine étatique des persécutions, en cohérence avec la pratique de nos partenaires européens. Le statut de réfugié pourra dorénavant être accordé même si les menaces de persécutions proviennent d'acteurs non étatiques.
Cela ne conduira pas pour autant à supprimer l'asile territorial - qui prendrait l'appellation internationalement reconnue de "protection subsidiaire" - car il faut prévoir une forme subsidiaire de protection pour les personnes ne répondant pas aux critères d'octroi du statut de réfugié mais établissant que leur vie, ou leur liberté, est menacée dans leur pays d'origine ou qu'elles y sont exposées à des risques de traitements inhumains ou dégradants, contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
- déconcentrer l'OFPRA dans les principales régions d'accueil des demandeurs d'asile. Des plates-formes associant l'Office et les différentes administrations concernées seront créées dans les zones géographiques qui regroupent un nombre important de demandeurs, à Marseille et à Lyon dans un premier temps. Un dispositif ad hoc sera défini pour les DOM-TOM.
Ce projet de réforme s'inscrit dans un cadre européen. Il s'inspire des propositions de directives actuellement discutées en matière d'asile, dont l'adoption devrait intervenir avant la fin 2003. La directive sur les procédures d'asile, en particulier, prévoit une série de garanties pour les demandeurs dont l'introduction en France est d'ores et déjà envisagée : audition systématique des demandeurs, présence d'un avocat, etc.
Cette réforme suppose une modification de la loi du 25 juillet 1952 relative à l'asile et de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers. Le Gouvernement s'est fixé l'objectif du 1er janvier 2004 pour l'entrée en vigueur complète de la réforme.
3. Dans l'intervalle, la situation sera assainie, tant à l'OFPRA que dans les préfectures, afin de traiter les demandes. Des moyens humains et matériels seront dégagés afin de préparer dans les meilleures conditions les changements envisagés dans l'intérêt même des demandeurs d'asile.
4. La reconduction effective dans leur pays d'origine des étrangers déboutés du droit d'asile sera le corollaire de la mise en oeuvre de cette réforme de l'asile.