Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
C'est la première fois que j'ai le plaisir de m'adresser à vous à l'occasion de votre assemblée générale.
J'ai déjà réuni à plusieurs reprises depuis mon entrée en fonctions les préfets, mais ce rendez-vous annuel est naturellement l'occasion d'un échange d'une autre nature avec votre association qui représente le corps préfectoral dans toutes ses composantes et l'ensemble des hauts fonctionnaires de ce ministère.
Je vous remercie, Monsieur le Président, de vos propos qui s'inscrivent bien dans le cadre des enjeux que nous avons à maîtriser ensemble au sein de ce ministère. Au cours de nos premières rencontres, j'ai apprécié votre engagement et votre clairvoyance au service de l'Etat pour conduire à bien les grands chantiers que j'ai placés au cur de mon action ; j'ai apprécié aussi la pertinence des propositions de votre association. Tout ceci augure bien de la qualité de nos relations. Je sais que le positionnement à l'égard du Gouvernement d'une association composée de ceux qui ont pour métier de le représenter n'est pas toujours facile. Mais les talents que vous démontrez chaque jour dans vos fonctions pour concilier jusqu'aux inconciliables me conduisent à penser que vous sauriez surmonter d'éventuelles difficultés.
L'année du bicentenaire du corps préfectoral s'achèvera bientôt : elle aura été particulièrement fournie en manifestations très diverses et le plus souvent très enrichissantes et bien reçues du public. Je suis certain qu'elles auront donné l'occasion de mieux faire connaître l'institution préfectorale mais aussi les préfectures auxquelles nos concitoyens restent très attachés.
Je dois d'ailleurs constater avec satisfaction l'attention portée au corps préfectoral et aux préfectures dans la période récente. C'est ainsi que le Premier ministre, recevant les préfets le 9 novembre dernier, a rendu un hommage tout particulier à l'institution préfectorale en soulignant en même temps sa vitalité et les exigences que la fonction impose à ses membres.
J'ai ensuite présenté en Conseil des ministres du 22 novembre une communication sur les préfectures et la réforme de l'Etat : elle a été l'occasion pour moi de rappeler qu'elles sont aujourd'hui et doivent être demain le pivot de l'administration territoriale de l'Etat et véritablement la première ligne de l'Etat de proximité au service des usagers. C'était, je crois que cela mérite d'être souligné, la première fois qu'un tel sujet était à l'ordre du jour du Conseil des ministres et je me réjouis de l'intérêt qu'il a suscité à cette occasion.
Je veux également mentionner le rapport établi par M. DOSIERE, rapporteur pour avis de la commission des lois de l'Assemblée nationale du projet de loi de finances, qui comporte une part très significative consacrée au corps préfectoral et au fonctionnement des préfectures et témoigne ainsi de l'intérêt du Parlement pour la fonction préfectorale.
L'ensemble de ces marques de considération témoigne que l'image du corps préfectoral n'est pas archaïque mais au contraire que vous savez être en lien avec le fort besoin de modernisation de l'Etat et être des acteurs de l'évolution de la société.
Je voudrais ce soir souligner devant vous les enjeux de ce mouvement de réforme de l'Etat, et vous faire part de ma volonté d'engager une démarche ambitieuse de rénovation des préfectures, que je viens de présenter à l'occasion des assises de Lyon.
1°/ Ces Assises nationales des préfectures qui ont réuni quelque 1 000 agents de tous grades et de toutes fonctions jeudi 23 novembre à Lyon ont été un succès.
C'était une démarche novatrice et même audacieuse, mais j'ai senti une adhésion très forte de l'ensemble des participants à l'ambition que j'y ai présentée pour les préfectures, et qui se traduira dans un plan pluriannuel dont j'ai annoncé les principales orientations.
Il est vrai que ces assises ont été marquées par des signes d'attentes fortes des personnels :
- que ce soit pour une organisation plus adaptée des préfectures et des sous-préfectures, je pense à cet égard que toutes les sous-préfectures doivent être maintenues avec des missions précisées et adaptées ;
- que ce soit en matière de clarification des missions et d'allégement des tâches ; j'ai donc engagé une démarche permanente de simplifications au sein du ministère de l'intérieur et j'ai demandé à l'ensemble des directions de travailler dans ce sens ;
- que ce soit en matière de gestion des moyens et de rénovation des relations sociales.
Je dois ici souligner l'attente toute particulière des personnels des préfectures d'un dialogue social rénové et approfondi. La fonction préfectorale est certes historiquement fondée sur une conception hiérarchique très pyramidale. Elle a beaucoup évolué aussi à ce point de vue, mais peut-être pas encore suffisamment.
Nous devons satisfaire une demande de dialogue social plus profond, plus permanent, plus substantiel et sans doute moins formel encore si nous voulons moderniser le fonctionnement de l'Etat territorial et des préfectures.
Je serai très attentif à ce que ces évolutions se concrétisent car elles permettront d'accompagner la réforme de l'Etat engagée par le Gouvernement.
2°/ Le Gouvernement s'est engagé depuis 1997 dans une politique de réforme de l'Etat.
Le choix a été fait d'entreprendre des mesures de fond, et non des mesures spectaculaires mais sans lendemain. Le premier volet de cette politique, annoncé lors du comité interministériel de la réforme de l'Etat du 13 juillet 1999, était largement consacré à l'administration territoriale avec le lancement des projets territoriaux de l'Etat et des systèmes d'information territoriaux ainsi que la préparation des décrets du 20 octobre 1999 confiant au préfet le pouvoir d'organisation des services déconcentrés de l'Etat.
Mettre en uvre la déconcentration, c'est aussi mieux faire coexister les différents niveaux d'administration territoriale de l'Etat, en clarifiant leurs rôles et leurs compétences. C'est notamment le cas en matière de gestion des politiques publiques entre l'échelon départemental et l'échelon régional : une circulaire du Premier ministre viendra ainsi prochainement préciser les missions et le fonctionnement des secrétariats généraux pour les affaires régionales (SGAR). C'est aussi le cas en matière de sécurité et de gestion des situations de crise : un projet de décret a été élaboré en étroite liaison avec les différents ministères concernés et est sur le point d'être transmis au cabinet du Premier ministre. Ce projet clarifie et renforce le rôle de l'échelon zonal notamment en matière de coordination de l'information et de répartition de moyens, tirant ainsi les leçons des différentes crises que notre pays a hélas connues en fin d'année dernière et cette année.
Un second volet était à l'ordre du jour du comité interministériel de la réforme de l'Etat du 12 octobre dernier qui a confirmé la priorité donnée à la déconcentration en créant les conditions d'une nouvelle dynamique locale.
J'en citerai certains aspects les plus significatifs :
- la mise en uvre des projets territoriaux dès le début de l'année 2001, dont vous êtes les maîtres d'uvre et qui traduisent la stratégie d'action de l'Etat ;
- le développement des délégations inter-services, notamment avec la mutualisation à venir de leur financement interministériel qui pouvait constituer jusqu'alors un obstacle à leur mise en uvre ;
- le développement du dialogue social interministériel local : je viens de signer avec mon collègue de la Fonction publique une circulaire aux préfets leur demandant d'installer une commission locale interministérielle de coordination qui permettra d'asseoir le principe du dialogue social déconcentré.
Je voudrais plus particulièrement insister sur la réforme de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 relative aux lois de finances, parce qu'elle est porteuse de bouleversements profonds dans le fonctionnement de l'Etat dont le corps préfectoral ne peut que se réjouir.
Je vois pour ma part dans cette réforme la confirmation de l'expérimentation engagée en matière de globalisation des budgets des préfectures.
D'une façon générale, cette réforme ne pourra produire son plein effet que si les préfets et les responsables territoriaux des services de l'Etat s'y investissent et en développent toutes les potentialités. Dans ce but, je sais pouvoir compter sur vous qui avez toujours été présents aux grands rendez-vous de la réforme de l'Etat.
3°/ L'autre grande réforme appelée à modifier l'environnement de votre action est la relance de la décentralisation dans le cadre tracé par le rapport élaboré par la commission présidée par Pierre MAUROY.
Je dois à cet égard relever les termes particulièrement éloquents avec lesquels ce rapport souligne que le renforcement de la déconcentration est indispensable à l'approfondissement de la décentralisation, et donc que la modernisation de l'organisation déconcentrée de l'Etat doit accompagner l'évolution des institutions locales. Mais le rapport de Pierre MAUROY indique aussi que cette nouvelle étape doit se faire en confirmant et en renforçant le rôle du préfet comme principal interlocuteur pour l'Etat des élus locaux. Voilà qui témoigne de la façon exemplaire dont, depuis 1982, le corps préfectoral a su accompagner et faire vivre la décentralisation, contribuer à sa réussite et non la subir.
Le Gouvernement a donc fait le choix d'engager une nouvelle étape de la décentralisation, dans l'unité de la République, avec comme objectifs essentiels de renforcer les liens entre les élus et les citoyens et de clarifier la place et le rôle de chaque niveau de collectivité locale. Ainsi la décentralisation ne se fera-t-elle pas contre l'Etat.
L'ambition que poursuit le Gouvernement, c'est d'abord de mettre en uvre une décentralisation respectueuse de l'attachement des Français à leur organisation institutionnelle.
L'année prochaine sera une année de grande actualité pour les collectivités locales : année d'élections municipales et cantonales bien sûr, mais aussi année d'approfondissement de la décentralisation. Les principaux rendez-vous du calendrier en seront les suivants :
- en janvier, se tiendra un grand débat d'orientation au Parlement sur la décentralisation ;
- puis, je déposerai un projet de loi portant notamment sur le renforcement de la démocratie locale ;
- la sécurité civile et l'organisation des services départementaux d'incendie et de secours en vue de garantir une meilleure maîtrise des participations des communes et une plus grande équité des contributions seront également au programme législatif ;
- parallèlement, j'engagerai avec mes collègues des finances les travaux nécessaires à l'élaboration du rapport sur les ressources des collectivités locales qui sera remis au Parlement d'ici la fin de l'année. Mais nous aurons l'occasion, Monsieur le Président, comme nous en sommes convenus lors de notre dernière rencontre, d'évoquer ces différents aspects avec votre association.
Je voudrais à ce stade également évoquer devant vous un autre chantier législatif très important dont le Premier ministre m'a confié la responsabilité : je veux parler de la Corse, sujet qui vous intéresse tous parce qu'il s'agit d'une question posée depuis longtemps, non pas à telle administration, non pas seulement au Gouvernement ou au Parlement, mais parce qu'il s'agit d'une question posée à notre République.
Le Gouvernement a engagé avec les représentants élus de la Corse une réflexion sur l'avenir de l'île dont l'enjeu est important : il s'agit d'enraciner durablement la Corse dans la République en l'accompagnant sur la voie d'un développement maîtrisé, respectueux de sa spécificité et de son identité tout en assurant la vitalité des principes républicains en Corse. Dans une démarche transparente, fondée sur un dialogue mené dans la clarté avec les élus du suffrage universel, le Gouvernement s'est saisi d'un problème spécifique, de nature politique, qui distingue la Corse des régions du continent.
Les discussions, qui ont lieu depuis le 13 décembre 1999, ont permis d'effectuer un examen de l'ensemble des problèmes de l'île qu'il s'agisse des aspects institutionnels ou des questions économiques, culturelles et d'équipement.
Le Gouvernement a présenté, le 20 juillet 2000, un relevé de conclusions qui a été approuvé par l'assemblée de Corse à une très large majorité de ses membres le 28 du même mois.
Le Premier ministre m'a chargé d'élaborer, présenter et soutenir le projet de loi qui mettra en uvre les dispositions de ce relevé de conclusions. Après un travail intense au cours des deux derniers mois, et plusieurs rencontres avec les élus, ce projet vient d'être arrêté par le Premier ministre à l'issue d'une réunion des ministres et adressé à l'Assemblée de Corse, consultée comme le prévoit le statut de la collectivité territoriale.
Ce résultat n'aurait pu être atteint sans la mobilisation des directions du Ministère et tout particulièrement de la Direction Générale des Collectivités Locales, ni sans l'investissement personnel de vos collègues préfets en Corse, auxquels je tiens à rendre un hommage particulier.
Ce processus va bien entendu de pair avec notre détermination de tous les instants et la mobilisation de tous les services compétents pour arrêter tous les auteurs de l'odieux assassinat de votre collègue le Préfet Claude ERIGNAC.
J'évoquerai, enfin, devant vous nos responsabilités particulières concernant la sécurité de nos concitoyens. A ce titre, le Gouvernement met en uvre une politique globale de lutte contre l'insécurité qui repose sur deux outils complémentaires :
- les contrats locaux de sécurité qui favorisent et développent le partenariat entre les différents acteurs devant concourir à la sécurité. Les 447 contrats déjà signés constituent l'instrument adapté d'une véritable coproduction de sécurité ;
- la police de proximité qui rapproche le service public du citoyen et permet de mieux lutter contre la petite et moyenne délinquance.
La police de proximité représente une véritable révolution culturelle au sein de la police nationale dont les modes d'action sont désormais modifiés. Vous en connaissez bien les principes que je ne rappellerai pas ici.
La mise en uvre en est déjà bien avancée puisque 243 circonscriptions dans
80 départements sont ou en voie d'être concernées, qui couvrent plus de 22 millions d'habitants. Une dernière vague sera lancée en septembre 2001 pour être effectivement en place au printemps 2002.
Les résultats de cette politique engagée depuis 1997 sont probants, mais elle nécessite une attention suivie pour répondre toujours mieux aux attentes de nos concitoyens : j'y attache une importance toute particulière et je sais que vous y apportez et continuerez d'y apporter votre contribution, laquelle sera déterminante pour le succès de cette réforme.
4°/ Ayant longuement évoqué vos responsabilités, je ne voudrais pas achever mon propos sans aborder les mesures prises dans la période récente pour prendre en compte les différentes préoccupations relatives à vos situations matérielles et dont votre association se fait légitimement l'écho.
J'évoquerai, tout d'abord, la carrière des sous-préfets en rappelant que l'année 2000 a débuté par une nouvelle modification de leur statut se traduisant par une ouverture aux chefs de services déconcentrés de l'accès au corps des sous-préfets par détachement, ce qui illustre bien l'attractivité de vos fonctions. Cette modification statutaire s'est également traduite par l'ajout d'un nouvel échelon au sommet de la hors-classe qui porte ainsi la fin de carrière des sous-préfets à la hors échelle B, à l'égal des administrateurs civils qui en bénéficient depuis novembre 1999.
Je viens, par ailleurs, de signer le projet de décret portant promotion de classe des sous-préfets pour 2000. Grâce aux transformations d'emplois obtenues en loi de finances, le taux de promotion à la hors-classe demeurera ainsi, en dépit d'une démographie du corps particulièrement défavorable, aussi élevé que l'année dernière.
Par ailleurs, la nécessité de revaloriser la situation matérielle des cadres supérieurs de l'Etat s'est également traduite par plusieurs mesures d'importance : l'amélioration du régime indemnitaire des administrateurs civils dans les budgets 2000 et 2001, l'autorisation de déplafonnement de 30 % du régime indemnitaire des emplois de direction dont la mise en uvre a débuté dès cette année, enfin la nouvelle bonification indiciaire en faveur des cadres les plus élevés du ministère en administration centrale (directeurs et sous-directeurs) et territoriale (préfets et sous-préfets de 1ère catégorie) dont le décret et l'arrêté qui l'instituent viennent d'être publiés au Journal officiel.
Il s'agit là de mesures légitimement attendues, et très significatives et qui devront naturellement pour l'avenir être complétées par d'autres.
Les secrétaires généraux pour les affaires régionales feront prochainement l'objet d'un statut d'emploi spécifique comparable à celui des sous-directeurs, sur lequel seront détachés les fonctionnaires nommés sur ces postes. Ils bénéficieront également de la nouvelle bonification indiciaire.
Précisément, l'obtention de la nouvelle bonification indiciaire (N.B.I.) - qui est par nature sélective- traduit la reconnaissance des efforts de professionnalisation du management des carrières entrepris par le Ministère de l'intérieur au début des années 1990. Le classement des postes de territoriale et de centrale, qui sert de colonne vertébrale à la NBI, est ainsi un exercice aujourd'hui demandé à l'ensemble des ministères. De même, les modalités d'évaluation au ministère de l'intérieur ont également largement alimenté la réflexion interministérielle sur l'évolution nécessaire de l'évaluation de l'encadrement supérieur de l'Etat.
Notre ministère est donc aujourd'hui non seulement très engagé dans le processus de réforme de l'Etat mais, en bien des domaines, il est aussi l'un des pionniers de la rénovation des services publics.
Ce mouvement que traduisent les nombreux chantiers de modernisation qui sont ouverts doit désormais être organisé et prolongé autour de quelques grands axes qui orienteront l'action sur plusieurs années. J'ai déjà cité la réforme des préfectures.
Je voudrais aussi citer notre administration centrale pour laquelle il faut réfléchir à une démarche de même nature.
Il ne s'agit pas de s'interroger sur les missions ou les structures, mais plutôt de réfléchir aux méthodes de travail et à la modernisation de la gestion des ressources humaines.
Ainsi les relations des administrations centrales entre elles et surtout les relations nouées entre les préfectures et les services du ministère devront continuer à se transformer. Il s'agit de favoriser l'information réciproque, de développer les études d'impact permettant de mesurer l'effet sur les services territoriaux des décisions prises à Paris, de tirer parti des nouvelles techniques en encourageant l'administration en réseau, de favoriser une gestion de carrière, notamment pour les sous-préfets, à la fois prévisionnelle et personnalisée.
J'ai demandé à la direction générale de l'administration de réfléchir à ces perspectives d'évolution et de le faire avec votre participation.
Mesdames et Messieurs, vous servez l'Etat avec passion et efficacité.
Servir l'Etat est toujours une exigence. C'est aujourd'hui plus que jamais celle de tout mettre en uvre pour réussir sa réforme en la plaçant dans l'objectif de toujours offrir un meilleur service public, c'est à dire un meilleur service au public.
La modernisation n'est pas une fin en soi, c'est un moyen indispensable pour concilier, comme le veulent nos concitoyens, à la fois la permanence de l'Etat et le mouvement de la société.
Vous exercez une tâche exaltante et difficile, avec ce sens de l'Etat qui est au cur de la fonction préfectorale et auquel je tiens, en cette fin d'année du bicentenaire, à rendre un hommage particulièrement appuyé.
Je vous remercie.
(source http://www.interieur.gouv.fr, le 30 novembre 2000)
Mesdames, Messieurs,
C'est la première fois que j'ai le plaisir de m'adresser à vous à l'occasion de votre assemblée générale.
J'ai déjà réuni à plusieurs reprises depuis mon entrée en fonctions les préfets, mais ce rendez-vous annuel est naturellement l'occasion d'un échange d'une autre nature avec votre association qui représente le corps préfectoral dans toutes ses composantes et l'ensemble des hauts fonctionnaires de ce ministère.
Je vous remercie, Monsieur le Président, de vos propos qui s'inscrivent bien dans le cadre des enjeux que nous avons à maîtriser ensemble au sein de ce ministère. Au cours de nos premières rencontres, j'ai apprécié votre engagement et votre clairvoyance au service de l'Etat pour conduire à bien les grands chantiers que j'ai placés au cur de mon action ; j'ai apprécié aussi la pertinence des propositions de votre association. Tout ceci augure bien de la qualité de nos relations. Je sais que le positionnement à l'égard du Gouvernement d'une association composée de ceux qui ont pour métier de le représenter n'est pas toujours facile. Mais les talents que vous démontrez chaque jour dans vos fonctions pour concilier jusqu'aux inconciliables me conduisent à penser que vous sauriez surmonter d'éventuelles difficultés.
L'année du bicentenaire du corps préfectoral s'achèvera bientôt : elle aura été particulièrement fournie en manifestations très diverses et le plus souvent très enrichissantes et bien reçues du public. Je suis certain qu'elles auront donné l'occasion de mieux faire connaître l'institution préfectorale mais aussi les préfectures auxquelles nos concitoyens restent très attachés.
Je dois d'ailleurs constater avec satisfaction l'attention portée au corps préfectoral et aux préfectures dans la période récente. C'est ainsi que le Premier ministre, recevant les préfets le 9 novembre dernier, a rendu un hommage tout particulier à l'institution préfectorale en soulignant en même temps sa vitalité et les exigences que la fonction impose à ses membres.
J'ai ensuite présenté en Conseil des ministres du 22 novembre une communication sur les préfectures et la réforme de l'Etat : elle a été l'occasion pour moi de rappeler qu'elles sont aujourd'hui et doivent être demain le pivot de l'administration territoriale de l'Etat et véritablement la première ligne de l'Etat de proximité au service des usagers. C'était, je crois que cela mérite d'être souligné, la première fois qu'un tel sujet était à l'ordre du jour du Conseil des ministres et je me réjouis de l'intérêt qu'il a suscité à cette occasion.
Je veux également mentionner le rapport établi par M. DOSIERE, rapporteur pour avis de la commission des lois de l'Assemblée nationale du projet de loi de finances, qui comporte une part très significative consacrée au corps préfectoral et au fonctionnement des préfectures et témoigne ainsi de l'intérêt du Parlement pour la fonction préfectorale.
L'ensemble de ces marques de considération témoigne que l'image du corps préfectoral n'est pas archaïque mais au contraire que vous savez être en lien avec le fort besoin de modernisation de l'Etat et être des acteurs de l'évolution de la société.
Je voudrais ce soir souligner devant vous les enjeux de ce mouvement de réforme de l'Etat, et vous faire part de ma volonté d'engager une démarche ambitieuse de rénovation des préfectures, que je viens de présenter à l'occasion des assises de Lyon.
1°/ Ces Assises nationales des préfectures qui ont réuni quelque 1 000 agents de tous grades et de toutes fonctions jeudi 23 novembre à Lyon ont été un succès.
C'était une démarche novatrice et même audacieuse, mais j'ai senti une adhésion très forte de l'ensemble des participants à l'ambition que j'y ai présentée pour les préfectures, et qui se traduira dans un plan pluriannuel dont j'ai annoncé les principales orientations.
Il est vrai que ces assises ont été marquées par des signes d'attentes fortes des personnels :
- que ce soit pour une organisation plus adaptée des préfectures et des sous-préfectures, je pense à cet égard que toutes les sous-préfectures doivent être maintenues avec des missions précisées et adaptées ;
- que ce soit en matière de clarification des missions et d'allégement des tâches ; j'ai donc engagé une démarche permanente de simplifications au sein du ministère de l'intérieur et j'ai demandé à l'ensemble des directions de travailler dans ce sens ;
- que ce soit en matière de gestion des moyens et de rénovation des relations sociales.
Je dois ici souligner l'attente toute particulière des personnels des préfectures d'un dialogue social rénové et approfondi. La fonction préfectorale est certes historiquement fondée sur une conception hiérarchique très pyramidale. Elle a beaucoup évolué aussi à ce point de vue, mais peut-être pas encore suffisamment.
Nous devons satisfaire une demande de dialogue social plus profond, plus permanent, plus substantiel et sans doute moins formel encore si nous voulons moderniser le fonctionnement de l'Etat territorial et des préfectures.
Je serai très attentif à ce que ces évolutions se concrétisent car elles permettront d'accompagner la réforme de l'Etat engagée par le Gouvernement.
2°/ Le Gouvernement s'est engagé depuis 1997 dans une politique de réforme de l'Etat.
Le choix a été fait d'entreprendre des mesures de fond, et non des mesures spectaculaires mais sans lendemain. Le premier volet de cette politique, annoncé lors du comité interministériel de la réforme de l'Etat du 13 juillet 1999, était largement consacré à l'administration territoriale avec le lancement des projets territoriaux de l'Etat et des systèmes d'information territoriaux ainsi que la préparation des décrets du 20 octobre 1999 confiant au préfet le pouvoir d'organisation des services déconcentrés de l'Etat.
Mettre en uvre la déconcentration, c'est aussi mieux faire coexister les différents niveaux d'administration territoriale de l'Etat, en clarifiant leurs rôles et leurs compétences. C'est notamment le cas en matière de gestion des politiques publiques entre l'échelon départemental et l'échelon régional : une circulaire du Premier ministre viendra ainsi prochainement préciser les missions et le fonctionnement des secrétariats généraux pour les affaires régionales (SGAR). C'est aussi le cas en matière de sécurité et de gestion des situations de crise : un projet de décret a été élaboré en étroite liaison avec les différents ministères concernés et est sur le point d'être transmis au cabinet du Premier ministre. Ce projet clarifie et renforce le rôle de l'échelon zonal notamment en matière de coordination de l'information et de répartition de moyens, tirant ainsi les leçons des différentes crises que notre pays a hélas connues en fin d'année dernière et cette année.
Un second volet était à l'ordre du jour du comité interministériel de la réforme de l'Etat du 12 octobre dernier qui a confirmé la priorité donnée à la déconcentration en créant les conditions d'une nouvelle dynamique locale.
J'en citerai certains aspects les plus significatifs :
- la mise en uvre des projets territoriaux dès le début de l'année 2001, dont vous êtes les maîtres d'uvre et qui traduisent la stratégie d'action de l'Etat ;
- le développement des délégations inter-services, notamment avec la mutualisation à venir de leur financement interministériel qui pouvait constituer jusqu'alors un obstacle à leur mise en uvre ;
- le développement du dialogue social interministériel local : je viens de signer avec mon collègue de la Fonction publique une circulaire aux préfets leur demandant d'installer une commission locale interministérielle de coordination qui permettra d'asseoir le principe du dialogue social déconcentré.
Je voudrais plus particulièrement insister sur la réforme de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 relative aux lois de finances, parce qu'elle est porteuse de bouleversements profonds dans le fonctionnement de l'Etat dont le corps préfectoral ne peut que se réjouir.
Je vois pour ma part dans cette réforme la confirmation de l'expérimentation engagée en matière de globalisation des budgets des préfectures.
D'une façon générale, cette réforme ne pourra produire son plein effet que si les préfets et les responsables territoriaux des services de l'Etat s'y investissent et en développent toutes les potentialités. Dans ce but, je sais pouvoir compter sur vous qui avez toujours été présents aux grands rendez-vous de la réforme de l'Etat.
3°/ L'autre grande réforme appelée à modifier l'environnement de votre action est la relance de la décentralisation dans le cadre tracé par le rapport élaboré par la commission présidée par Pierre MAUROY.
Je dois à cet égard relever les termes particulièrement éloquents avec lesquels ce rapport souligne que le renforcement de la déconcentration est indispensable à l'approfondissement de la décentralisation, et donc que la modernisation de l'organisation déconcentrée de l'Etat doit accompagner l'évolution des institutions locales. Mais le rapport de Pierre MAUROY indique aussi que cette nouvelle étape doit se faire en confirmant et en renforçant le rôle du préfet comme principal interlocuteur pour l'Etat des élus locaux. Voilà qui témoigne de la façon exemplaire dont, depuis 1982, le corps préfectoral a su accompagner et faire vivre la décentralisation, contribuer à sa réussite et non la subir.
Le Gouvernement a donc fait le choix d'engager une nouvelle étape de la décentralisation, dans l'unité de la République, avec comme objectifs essentiels de renforcer les liens entre les élus et les citoyens et de clarifier la place et le rôle de chaque niveau de collectivité locale. Ainsi la décentralisation ne se fera-t-elle pas contre l'Etat.
L'ambition que poursuit le Gouvernement, c'est d'abord de mettre en uvre une décentralisation respectueuse de l'attachement des Français à leur organisation institutionnelle.
L'année prochaine sera une année de grande actualité pour les collectivités locales : année d'élections municipales et cantonales bien sûr, mais aussi année d'approfondissement de la décentralisation. Les principaux rendez-vous du calendrier en seront les suivants :
- en janvier, se tiendra un grand débat d'orientation au Parlement sur la décentralisation ;
- puis, je déposerai un projet de loi portant notamment sur le renforcement de la démocratie locale ;
- la sécurité civile et l'organisation des services départementaux d'incendie et de secours en vue de garantir une meilleure maîtrise des participations des communes et une plus grande équité des contributions seront également au programme législatif ;
- parallèlement, j'engagerai avec mes collègues des finances les travaux nécessaires à l'élaboration du rapport sur les ressources des collectivités locales qui sera remis au Parlement d'ici la fin de l'année. Mais nous aurons l'occasion, Monsieur le Président, comme nous en sommes convenus lors de notre dernière rencontre, d'évoquer ces différents aspects avec votre association.
Je voudrais à ce stade également évoquer devant vous un autre chantier législatif très important dont le Premier ministre m'a confié la responsabilité : je veux parler de la Corse, sujet qui vous intéresse tous parce qu'il s'agit d'une question posée depuis longtemps, non pas à telle administration, non pas seulement au Gouvernement ou au Parlement, mais parce qu'il s'agit d'une question posée à notre République.
Le Gouvernement a engagé avec les représentants élus de la Corse une réflexion sur l'avenir de l'île dont l'enjeu est important : il s'agit d'enraciner durablement la Corse dans la République en l'accompagnant sur la voie d'un développement maîtrisé, respectueux de sa spécificité et de son identité tout en assurant la vitalité des principes républicains en Corse. Dans une démarche transparente, fondée sur un dialogue mené dans la clarté avec les élus du suffrage universel, le Gouvernement s'est saisi d'un problème spécifique, de nature politique, qui distingue la Corse des régions du continent.
Les discussions, qui ont lieu depuis le 13 décembre 1999, ont permis d'effectuer un examen de l'ensemble des problèmes de l'île qu'il s'agisse des aspects institutionnels ou des questions économiques, culturelles et d'équipement.
Le Gouvernement a présenté, le 20 juillet 2000, un relevé de conclusions qui a été approuvé par l'assemblée de Corse à une très large majorité de ses membres le 28 du même mois.
Le Premier ministre m'a chargé d'élaborer, présenter et soutenir le projet de loi qui mettra en uvre les dispositions de ce relevé de conclusions. Après un travail intense au cours des deux derniers mois, et plusieurs rencontres avec les élus, ce projet vient d'être arrêté par le Premier ministre à l'issue d'une réunion des ministres et adressé à l'Assemblée de Corse, consultée comme le prévoit le statut de la collectivité territoriale.
Ce résultat n'aurait pu être atteint sans la mobilisation des directions du Ministère et tout particulièrement de la Direction Générale des Collectivités Locales, ni sans l'investissement personnel de vos collègues préfets en Corse, auxquels je tiens à rendre un hommage particulier.
Ce processus va bien entendu de pair avec notre détermination de tous les instants et la mobilisation de tous les services compétents pour arrêter tous les auteurs de l'odieux assassinat de votre collègue le Préfet Claude ERIGNAC.
J'évoquerai, enfin, devant vous nos responsabilités particulières concernant la sécurité de nos concitoyens. A ce titre, le Gouvernement met en uvre une politique globale de lutte contre l'insécurité qui repose sur deux outils complémentaires :
- les contrats locaux de sécurité qui favorisent et développent le partenariat entre les différents acteurs devant concourir à la sécurité. Les 447 contrats déjà signés constituent l'instrument adapté d'une véritable coproduction de sécurité ;
- la police de proximité qui rapproche le service public du citoyen et permet de mieux lutter contre la petite et moyenne délinquance.
La police de proximité représente une véritable révolution culturelle au sein de la police nationale dont les modes d'action sont désormais modifiés. Vous en connaissez bien les principes que je ne rappellerai pas ici.
La mise en uvre en est déjà bien avancée puisque 243 circonscriptions dans
80 départements sont ou en voie d'être concernées, qui couvrent plus de 22 millions d'habitants. Une dernière vague sera lancée en septembre 2001 pour être effectivement en place au printemps 2002.
Les résultats de cette politique engagée depuis 1997 sont probants, mais elle nécessite une attention suivie pour répondre toujours mieux aux attentes de nos concitoyens : j'y attache une importance toute particulière et je sais que vous y apportez et continuerez d'y apporter votre contribution, laquelle sera déterminante pour le succès de cette réforme.
4°/ Ayant longuement évoqué vos responsabilités, je ne voudrais pas achever mon propos sans aborder les mesures prises dans la période récente pour prendre en compte les différentes préoccupations relatives à vos situations matérielles et dont votre association se fait légitimement l'écho.
J'évoquerai, tout d'abord, la carrière des sous-préfets en rappelant que l'année 2000 a débuté par une nouvelle modification de leur statut se traduisant par une ouverture aux chefs de services déconcentrés de l'accès au corps des sous-préfets par détachement, ce qui illustre bien l'attractivité de vos fonctions. Cette modification statutaire s'est également traduite par l'ajout d'un nouvel échelon au sommet de la hors-classe qui porte ainsi la fin de carrière des sous-préfets à la hors échelle B, à l'égal des administrateurs civils qui en bénéficient depuis novembre 1999.
Je viens, par ailleurs, de signer le projet de décret portant promotion de classe des sous-préfets pour 2000. Grâce aux transformations d'emplois obtenues en loi de finances, le taux de promotion à la hors-classe demeurera ainsi, en dépit d'une démographie du corps particulièrement défavorable, aussi élevé que l'année dernière.
Par ailleurs, la nécessité de revaloriser la situation matérielle des cadres supérieurs de l'Etat s'est également traduite par plusieurs mesures d'importance : l'amélioration du régime indemnitaire des administrateurs civils dans les budgets 2000 et 2001, l'autorisation de déplafonnement de 30 % du régime indemnitaire des emplois de direction dont la mise en uvre a débuté dès cette année, enfin la nouvelle bonification indiciaire en faveur des cadres les plus élevés du ministère en administration centrale (directeurs et sous-directeurs) et territoriale (préfets et sous-préfets de 1ère catégorie) dont le décret et l'arrêté qui l'instituent viennent d'être publiés au Journal officiel.
Il s'agit là de mesures légitimement attendues, et très significatives et qui devront naturellement pour l'avenir être complétées par d'autres.
Les secrétaires généraux pour les affaires régionales feront prochainement l'objet d'un statut d'emploi spécifique comparable à celui des sous-directeurs, sur lequel seront détachés les fonctionnaires nommés sur ces postes. Ils bénéficieront également de la nouvelle bonification indiciaire.
Précisément, l'obtention de la nouvelle bonification indiciaire (N.B.I.) - qui est par nature sélective- traduit la reconnaissance des efforts de professionnalisation du management des carrières entrepris par le Ministère de l'intérieur au début des années 1990. Le classement des postes de territoriale et de centrale, qui sert de colonne vertébrale à la NBI, est ainsi un exercice aujourd'hui demandé à l'ensemble des ministères. De même, les modalités d'évaluation au ministère de l'intérieur ont également largement alimenté la réflexion interministérielle sur l'évolution nécessaire de l'évaluation de l'encadrement supérieur de l'Etat.
Notre ministère est donc aujourd'hui non seulement très engagé dans le processus de réforme de l'Etat mais, en bien des domaines, il est aussi l'un des pionniers de la rénovation des services publics.
Ce mouvement que traduisent les nombreux chantiers de modernisation qui sont ouverts doit désormais être organisé et prolongé autour de quelques grands axes qui orienteront l'action sur plusieurs années. J'ai déjà cité la réforme des préfectures.
Je voudrais aussi citer notre administration centrale pour laquelle il faut réfléchir à une démarche de même nature.
Il ne s'agit pas de s'interroger sur les missions ou les structures, mais plutôt de réfléchir aux méthodes de travail et à la modernisation de la gestion des ressources humaines.
Ainsi les relations des administrations centrales entre elles et surtout les relations nouées entre les préfectures et les services du ministère devront continuer à se transformer. Il s'agit de favoriser l'information réciproque, de développer les études d'impact permettant de mesurer l'effet sur les services territoriaux des décisions prises à Paris, de tirer parti des nouvelles techniques en encourageant l'administration en réseau, de favoriser une gestion de carrière, notamment pour les sous-préfets, à la fois prévisionnelle et personnalisée.
J'ai demandé à la direction générale de l'administration de réfléchir à ces perspectives d'évolution et de le faire avec votre participation.
Mesdames et Messieurs, vous servez l'Etat avec passion et efficacité.
Servir l'Etat est toujours une exigence. C'est aujourd'hui plus que jamais celle de tout mettre en uvre pour réussir sa réforme en la plaçant dans l'objectif de toujours offrir un meilleur service public, c'est à dire un meilleur service au public.
La modernisation n'est pas une fin en soi, c'est un moyen indispensable pour concilier, comme le veulent nos concitoyens, à la fois la permanence de l'Etat et le mouvement de la société.
Vous exercez une tâche exaltante et difficile, avec ce sens de l'Etat qui est au cur de la fonction préfectorale et auquel je tiens, en cette fin d'année du bicentenaire, à rendre un hommage particulièrement appuyé.
Je vous remercie.
(source http://www.interieur.gouv.fr, le 30 novembre 2000)