Déclaration de Mme Marie-George Buffet, secrétaire nationale du PCF, présentant les 12 objectifs du PCF en matière de politique fiscale, économique, sociale de lutte pour l'emploi, la justice sociale, les libertés, les droits des femmes, l'éducation et la culture, la défense des services publics et contre la mondialisation libéral, à Paris le 22 octobre 2005.

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Texte intégral

Je propose d'aller chercher l'argent là où il est et de le rendre utile.
Il faut pour cela mettre en place une réforme de la fiscalité. L'impôt sur le revenu ne
représente plus que 17 % des recettes de l'Etat. On nous assène le dogme de la baisse des
impôts. Cela n'a qu'un seul objectif : déposséder l'Etat de ses capacités d'intervention. A
chaque fois, c'est toujours moins d'impôts pour les plus riches et moins d'argent
redistribué équitablement. Mais il y a besoin d'argent pour satisfaire les besoins humains
et pour faire vivre une économie utile. Et bien, je propose d'augmenter le nombre de
tranches pour toucher les grandes fortunes, en baissant les impôts des plus pauvres : la TVA
ne peut être l'instrument d'une politique fiscale juste ! Et la TIPP non plus ! Il faut un
impôt juste, et cela ne passe certainement pas par la réduction ou la suppression de l'impôt
sur la fortune ! Concernant l'impôt sur les sociétés, nous proposons d'en faire un impôt
intelligent, modulable en fonction de la politique de l'entreprise, de son investissement
dans les outils de production, de ses choix en termes de formation, de la qualité de ses
emplois, du niveau de ses salaires. Nous proposons un impôt qui s'attaque aux produits
financiers et aux mouvements de capitaux.
Il y en a assez des exonérations fiscales et sociales, des passe-droits, des exceptions qui
cassent les règles... On nous dit que c'est pour le bien de l'emploi et cela ne sert qu'à
organiser les licenciements.
Je propose aussi pour accentuer les ressources des collectivités territoriales et
responsabiliser les grandes entreprises de soumettre leur actifs financier ainsi que celui
des banques à la taxe professionnelle. Enfin, et ce n'est pas le moindre des problèmes, il
faut impulser une nouvelle politique monétaire et une nouvelle politique du crédit pour un
autre type de croissance. Un crédit qui encourage tout ce qui respecte l'humain, tout ce qui
produit du développement, tout ce qui prend soin de la planète. Un crédit qui donne les
moyens nécessaires à celles et ceux qui prennent en compte l'intérêt général. La plupart des
investissement aujourd'hui sont financés par le crédit, il faut donc le rendre socialement
et économiquement efficace.
Cette politique devra être favorisée par la constitution d'un pôle bancaire public. Pour
cela, il faut réorienter fondamentalement la politique de la Banque Centrale Européenne, il
faut abroger le pacte de stabilité qui constitue un verrou ! Il y a une bataille européenne
à mener !
Il faut faire de même pour toutes les institutions financières internationales.
Deuxièmement, la casse du code du travail, les nouvelles pratiques patronales, le poids de
la communauté financière internationale (comme s'appellent eux-mêmes ces gens-là), les
nouveaux défis d'un co-développement mondial imposent d'écrire de nouvelles pages du code du
travail. Quand je regarde ce qui se passe dans notre pays, l'ampleur des licenciements en
cours ou programmés : HP, Flextronics, La Samaritaine, Nestlé, StMicro, la répression
syndicale... je me dis qu'il faut vraiment répondre aux problèmes posés, car si on continue
à ce rythme, le sinistre sera quasi-total. J'appelle tous ceux et celles qui sont concernés
par ces situations, à rejoindre le réseau politique, qui vient de se constituer pour agir et
construire l'avenir. Et d'ores et déjà, je formule ces quelques idées. Il faut de nouveaux
droits pour les salariés ! Le droit de contester le bien-fondé des plans de licenciements,
avec un droit de saisine du juge, avec un moratoire déclenché par les salariés eux-mêmes. La
nécessité que les propositions alternatives, et souvent il y en a, s'il y a lieu soient
examinées par des commissions publiques comprenant la direction de l'entreprise, des
représentants du personnel, des élus des différentes collectivités concernées, et tous les
acteurs économiques y compris les représentants des consommateurs. Et à chaque fois, les
grands groupes donneurs d'ordre doivent être interpellés. En somme, une commission de
garantie de l'intérêt général. Mais plus généralement, on ne peut plus laisser sous prétexte
d'un apport de capital, les décisions d'une entreprise entre les seules mains des
actionnaires : les grands choix stratégiques engagent l'intérêt général : emploi,
environnement, développement industriel, réponse aux besoins humains. Il faut donc forger
les outils qui permettent cette sorte d'ingérence légitime, en tout cas d'intervention des
salariés, des élus locaux, des consommateurs... Dans un premier temps, je propose qu'une
commission de garantie de l'intérêt général, puisse se constituer dès qu'une demande est
effectuée pour aller au-devant des problèmes. Ses recommandations devront avoir une valeur
juridique et s'appuyer sur des fonds d'investissements d'un type nouveau.. Pour pouvoir
répondre au défi de l'emploi, il faut traiter du pouvoir d'achat. Monsieur Breton nous
raconte des balivernes sur la croissance car celle-ci ne peut exister que par l'augmentation
des salaires. Le premier acte d'un gouvernement de gauche doit être l'organisation d'un «
Grenelle des salaires ».
Troisièmement, nous ne pouvons pas nous contenter de bien accompagner les hommes et les
femmes qui se trouvent sans emploi. Il y en a assez du chômage, de la précarité, de
l'incertitude sociale deux ans à l'essai qui empêche de faire des projets, de vivre
dignement. Nous devons nous fixer l'objectif d'éradiquer le chômage. Oui, il arrive on
change d'emploi au cours d'une vie, oui, il faut permettre à chacune et chacun d'accroître
ses compétences et sa qualification. Nous proposons de mettre en place une véritable
sécurité d'emploi et de formation, qui permette à chacune et chacun de ne pas connaître la
précarité mais d'avoir les moyens de changer d'emploi, sans se retrouver démuni, si
nécessaire en se formant durant sa vie active. Ce que nous avons fait en 1945 avec la
sécurité sociale, il faut le faire aujourd'hui contre le fléau du chômage ! Dans la lignée
de cette proposition, nous proposons de créer une allocation d'autonomie pour les jeunes,
qui leur permettre de bien vivre cette période importante de leur vie !
Quatrièmement, nous proposons la reconquête et la conquête de grands services publics,
démocratisés, étendus, efficaces. Transports, énergie, eau, logement, petite enfance... nous
voulons donner les moyens à la collectivité de satisfaire les besoins fondamentaux de
chacune et de chacun. Le marché organise les inégalités, nous voulons organiser l'égalité
d'accès aux biens communs de l'humanité. Nous ne laisserons pas la droite brader EDF après
avoir bradé GDF et la SNCM ! Les conséquences de ces choix sont trop graves pour la vie
quotidienne, mais aussi pour l'avenir de la planète. Déjà, partout en France, des comités de
défense d'EDF ont été mis en place par les élus communistes et républicains. Le gouvernement
veut passer en force, la décision va peut être être prise dans les heures qui viennent. Hier
la fédération de l'énergie s'est adressée à toutes les forces politiques. Dès lundi,
j'adresse un courrier à toutes les forces de gauche : organisons ensemble un zénith pour la
défense d'EDF. Il y a un débat en ce moment pour savoir s'il faudra abroger ou pas les
mesures de la droite. Bien sûr qu'il faudra abroger ! Les mesures libérales de la droite,
mais aussi celles prises sous emprises libérales par la gauche ! Je le dis à ceux qui se
préparent à investir dans ces privatisations parce qu'ils y voient un nouveau moyen de
s'enrichir : ne vous précipitez pas, la gauche que nous voulons rendra dès que possible au
peuple les biens qui lui appartiennent ! Et nous irons bien au-delà, parce que tout le monde
constate que l'existant n'est pas suffisant. Nous proposons de changer la composition des
conseils d'administration des entreprises publiques pour en faire des propriétés
véritablement populaires, avec une gestion véritablement démocratique. Nous allons
travailler à des coopérations européennes et internationales pour développer ces services
publics, et mieux relever les défis de façon mondiale. Il y a là un combat politique que
personne n'a jamais mené ! Nous allons le mener !
Cinquièmement, nous proposons de reconstruire un système de protection sociale de haut
niveau, et de mettre fin à cette destruction méthodique d'un acquis de civilisation ! Cela
veut dire, là aussi, évidemment, qu'il faut abroger les lois iniques et cyniques qui ont été
votées par la droite ! Cela veut dire la retraite à 60 ans avec 37 annuités et demi,
première mesure d'urgence à prendre, avant d'évaluer le cap que l'on peut se fixer. Cela
veut dire aller vers la généralisation de la prise en charge à 100 % des soins pour tous.
Comment expliquer qu'aujourd'hui, des hommes et des femmes n'aient pas les moyens de se
faire soigner les dents ou de se procurer des lunettes ! Qu'y a-t-il de plus précieux que la
santé et donc que la vie. Vivre longtemps et en bonne santé, c'est l'essentiel. Notre
société a les capacités de garantir cela pour tous, oui, cela a un coût, mais elle doit en
prendre les moyens. Cela veut dire aussi de véritables droits dont le droit au travail pour
les personnes handicapées, des allocations décentes. Cela veut dire la fin de la chasse aux
chômeurs et de véritables moyens pour leur accompagnement, des indemnités dignes et durables
si besoin. Nous proposons la prise en charge d'un cinquième risque, le risque dépendance
avec création d'un service public pour favoriser le maintien à domicile des personnes
dépendantes, pour une vie digne à l'heure de la vieillesse. Nous proposons de remettre tout
ce système de protection sociale, qui a été étatisé puis dépouillé, entre les mains des
salariés et tous ceux et celles qui en sont les propriétaires, en replaçant la démocratie
sociale au c?ur de son fonctionnement. Oui, nous voulons de nouveau voter pour élire nos
représentants à la Sécurité sociale.
Sixièmement, nous proposons une politique résolue contre la misère. Chaque année, les
chiffres augmentent en France et dans le monde. Deux millions d'enfants pauvres, c'est
intolérable ! Il faut agir de façon résolue contre la misère ! Créons un service public
national du logement qui investisse partout dans du logement social pour que chacun et
chacune puisse avoir un toit. Interdisons les coupures d'eau et d'électricité, les
expulsions ! Supprimons tous ces contrats précaires, le temps partiel imposé aux femmes, qui
fabriquent des travailleurs pauvres ! Portons le montant des allocations de solidarité et
d'insertion au-delà du seuil de pauvreté défini par l'Insee ! Travaillons à renforcer les
structures de réinsertion en redéfinissant leur objectifs et leurs moyens ! On ne peut pas
se contenter de gérer la misère !
Septièmement, nous proposons de tenir des conférences à tous les échelons, du local au
global pour des prix rémunérateurs pour les agriculteurs. Il faut mettre en ?uvre un
commerce équitable à l'échelle de la planète et encourager à la souveraineté alimentaire.
Nous voulons ?uvrer à l'épanouissement des exploitations familiales respectueuses des
territoires, de la qualité de l'agriculture, de la vie humaine, contre le développement des
multinationales dont on a vu l'esprit d'irresponsabilité à l'occasion de la crise de la
vache folle ! Il est nécessaire d'impulser une agriculture de qualité, comme y aspirent les
agriculteurs et les consommateurs eux-mêmes. Pour cela, il faut débattre d'objectifs à tous
les échelons. Les essais d'OGM en plein champ doivent être proscrits et les multinationales
de la semence doivent être soumises à des règles de droit qui permettent aux agriculteurs
d'opérer de véritables choix. Enfin, il est plus qu'urgent de penser la protection de
l'environnement à un tout autre niveau que par le passé. Pour cela, il est nécessaire
d'investir dans la recherche. Mais il faut également, fixer des objectifs publics de progrès
en matière de respect de l'environnement. Sans contraintes, le marché ne fait pas les
efforts nécessaires. Il faut prendre le problème à la source ! J'ajoute à cela les efforts à
déployer pour appliquer les traités internationaux et avancer encore dans les décisions
communes. Ne laissons pas la loi de l'argent nous détruire la planète !
Huitièmement, nous voulons développer les libertés individuelles et publiques et non pas les
réduire comme le fait la droite, avec Sarkozy. La seule liberté qu'ils connaissent, c'est la
liberté pour eux d'entreprendre. Et j'allais oublier la liberté pour les autres de se taire
et de subir ! Cette société autoritaire et sécuritaire, basée sur la violence des rapports
humains et des rapports sociaux, n'est pas vivable ! Il y en a assez de cette surenchère de
la répression ! Il faut autre chose que des opérations coup de poing, caméra au poing, pour
régler les problèmes de nos cités. Il faut autre chose que des kärchers ! Oui, il faut de
l'emploi, de la reconnaissance. Et il faut une véritable police de proximité et une justice
qui a les moyens de travailler ! Nous ne voulons pas d'une justice à deux vitesses, nous
tenons à la présomption d'innocence, qui a été mise à mal par la droite. Une justice
indépendante, plus forte, plus collégiale.
Défendre les libertés, c'est aussi lutter contre toutes les formes d'exploitation, de
réduction des droits. Il faut développer le corps des inspecteurs du travail et leur donner
plus de pouvoirs d'intervention. Il faut également créer un corps d'inspection contre toutes
les discriminations qui lutte contre le racisme, l'homophobie... Nous voulons que le droit
d'asile soit respecté, que l'on arrête la stigmatisation des jeunes, des gens du voyage, des
immigrés ! Jeudi soir, Sarkozy sur France 2 a de nouveau eu un discours menaçant que
d'autres à sa droite ne renieraient pas.
Neuvièmement, des femmes dans notre pays connaissent toujours une double exploitation. Il
faut engager une action véritable pour l'égalité salariale. Pour cela, il y a besoin de
moyens pour faire appliquer dans les faits cette égalité professionnelle bafouée. Il faut
également mener la bataille en Europe pour que soit reconnu partout le droit à l'avortement.
La contraception doit être remboursée à 100 % pour permettre à toutes les femmes la maîtrise
de leur corps ! Dans notre pays, la santé des femmes doit être une priorité, alors qu'on
laisse à l'abandon la prévention et l'accompagnement personnel. La lutte contre les
violences faite aux femmes et contre la marchandisation des corps doit être une priorité.
Nous proposons également de poursuivre l'effort entamé pour la parité réelle en politique.
Dixièmement, nous proposons d'investir dans l'éducation et la culture. Ce ne sont pas des
suppléments d'âme facultatifs mais des denrées essentielles pour chaque être humain et pour
toute l'humanité. Il faut développer les missions de l'école pour tous, lui permettre de les
mener à bien, ne pas en rabattre sur les objectifs, agir pour la gratuité totale de
l'enseignement. Nous proposons que des personnels qualifiés soient intégrés dans les équipes
éducatives pour soutenir le travail effectué par les enseignants, améliorer le suivi des
élèves, développer des activités... Recrutons des enseignants, il y en a besoin ! Pour cela,
il faut porter à 7 % du PIB le budget de l'éducation nationale ! Il faut également donner
toute sa place à l'éducation populaire, que l'Etat est en train d'asphyxier en réduisant
comme jamais les aides publiques. Il faut développer la pratique populaire du sport et des
arts. La création elle-même doit être considérée comme un domaine protégé et encouragée. Il
est également urgent de reconstituer un pôle public de la recherche, capable de produire des
avancées scientifiques importantes. La recherche ne peut être laissée dans les mains de ceux
qui n'ont qu'une obsession : le profit.
Onzièmement, il faut produire, pour que tout cela se réalise, une avancée démocratique
majeure. Nous proposons de poser les bases d'une sixième République, où le Président n'a
plus pour fonction que de garantir le bon fonctionnement des institutions. Où la
proportionnelle permet une juste représentation des opinions. Où la parité est un fait
respecté. Où les hommes et les femmes sont associés à l'élaboration des décisions. Où
l'initiative des lois est rééquilibrée en faveur de l'assemblée nationale. Où les citoyennes
et citoyens peuvent soumettre une proposition au débat par le biais d'une pétition. Où les
étrangers résidents ont le droit de vote aux élections locales au bout de trois ans et à
toutes les élections au bout de dix.
Douzièmement, il faut faire face aux défis de la mondialisation et du développement de
l'humanité dans son entier. La globalisation, les délocalisations, l'accroissement des
inégalités et de la misère imposent de prendre des mesures à la hauteur. Au plan européen,
d'abord, je le redis ici : il faut respecter le résultat du 29 mai. Notre pétition a déjà
recueilli deux cent mille signatures ! Notre peuple ne veut pas d'une Europe libérale, il ne
veut pas de la directive Bolkestein qu'on est en train de nous resservir en douce, il ne
veut plus de ces libéralisations jettent les besoins essentiels de l'humanité en pâture à la
finance. C'est ce qu'on dit les 200 000 signatures de la pétition « pour que votre vote soit
respecté ». Il veut une autre Europe, qui agit pour le progrès social et démocratique, pour
la paix dans le monde. Qu'on arrête de tirer sur les migrants qui frappent à notre porte,
qu'on stoppe enfin ces expulsions inhumaines. Il faut régulariser, il faut respecter leurs
droits. Il n'y a aucune solution dans cette direction. Il n'y a de solution pour l'humanité
que dans la recherche du vivre ensemble et d'un développement solidaire.Source http://www.forum-alternative.fr, le 26 décembre 2005