Texte intégral
BENOIT DUQUESNE - Voilà pour cette enquête de Claude Ardid et de Guillaume Viart. Nous sommes ici maintenant dans ce grand salon du Ministère de la Justice, avec vous Pascal Clément, merci de nous recevoir chez vous, si je puis dire.
Ce sujet, ce reportage, vous l'avez suivi avec attention. Il vous irritait même quelquefois. Vous disiez « Pourquoi Nimes en plus parce que ce n'est pas le Tribunal qui a la meilleure réputation en France ou en tout cas qui a peut-être un peu de souci en ce moment ? ». Mais quand même, on se dit : « Mais qu'est ce qui se passe dans cette Justice-là quand même, sur les délais ? »
PASCAL CLEMENT - Le problème de Nîmes ? et grâce au Ciel c'est une bonne nouvelle que je vais vous donner?
BENOIT DUQUESNE - Ce n'est pas seulement Nîmes?
PASCAL CLEMENT - Non mais vous avez raison. Le problème de Nîmes ça tient à un manque de magistrats et un manque de greffiers. La bonne nouvelle c'est qu'en 2006 nous aurons et des magistrats? 6 magistrats ont été nommés depuis 2002 à Nîmes, et nous allons avoir 3 magistrats à nouveau qui vont être nommés et nous allons avoir des greffiers. Il y a deux promotions pour l'ensemble de la France, pour les greffiers il y en a 600 qui vont sortir en deux promotions sur l'année 2006. Inutile de vous dire que les trois greffiers demandés par le Tribunal de Nîmes, ils les auront. Pour autant, globalement?
BENOIT DUQUESNE - Justement globalement, quelques petits chiffres si vous le voulez bien sur ce budget de la Justice et les effectifs parce que quand même ces histoires de moyens et de budgets et de difficultés d'effectif c'est quand même quelque chose qu'on entend depuis que je suis journaliste, c'est vous dire si ça fait très longtemps. Alors sur ce budget du Ministère de la Justice, vous me dites si je dis des bêtises, si j'ai bien lu c'est 5,46 milliards d'euros ?
PASCAL CLEMENT - 5,9
BENOIT DUQUESNE - 5,9 milliards d'euros. 72 400 agents dont c'est 7 782 magistrats. 7 716 juges d'instruction parce qu'on le sait assez peu mais il y a assez peu de juges d'instruction tout simplement parce que la plupart des affaires ne passent pas par l'instruction ? c'est grosso modo 6 % des affaires. Encore deux chiffres intéressants 60 900 détenus dans les prisons françaises pour?
PASCAL CLEMENT - 69 000 ?
BENOIT DUQUESNE - 60 900.
PASCAL CLEMENT - Oui c'est ça pardon.
BENOIT DUQUESNE - 60 900 détenus dans les prisons françaises pour 51 300 places.
PASCAL CLEMENT - Un petit peu plus mais c'est vrai.
BENOIT DUQUESNE - Quand on voit ça, on se dit « Bon alors qu'est ce qu'il faut changer pour que ça aille mieux ? »
PASCAL CLEMENT - Eh bien il faut des moyens. Voyez-vous là où je suis « un Ministre heureux » c'est que le Président de la République avait décidé que pendant son mandat il y aurait un effort particulier pour la Justice. Nous représentions, nous le Ministère de la Justice, 1,8 % du budget de la France en 2002, aujourd'hui nous voilà à 2,1, c'est vous dire?
BENOIT DUQUESNE - Et ça va continuer à monter ?
PASCAL CLEMENT - Et ça va continuer à monter pendant toute la loi de programme qui dure cinq ans, c'est à la fois la durée du mandat du Président de la République et la durée de la mandature des députés, donc ça fait quand même?
BENOIT DUQUESNE - Donc ça devrait s'améliorer, on devrait désengorger petit à petit les tribunaux. L'autre point dont on parle beaucoup c'est évidemment le rôle d'un juge, le juge d'instruction dont on a beaucoup parlé, notamment avec ce juge Burgaud. Quel était son rôle ? Quel est son pouvoir exact ? Qu'est ce qu'il faut changer ? Est-ce qu'il faut passer sur un autre système ? Etc?
Là aussi vous avez des idées, vous parlez de collégialité. On voyait avec Monsieur Badinter tout à l'heure que lui il l'avait proposée en 1985, la collégialité.
PASCAL CLEMENT- C'est tout à fait exact que Monsieur Badinter avait fait cette proposition qui avait réuni l'unanimité sauf que personne n'avait dans les années qui ont suivi, les moyens de mettre en place la réforme car il ne suffit pas de faire des réformes, il faut les financer. Ça c'est la grande difficulté sinon on se moque un peu des gens. Et dans cette affaire, nous n'avions pas les magistrats, le budget qui nous auraient permis d'instaurer, comme il l'avait souhaité, la collégialité du juge d'instruction. Alors qu'est ce que je propose ? Je propose de faire des pôles départementaux. Par exemple dans mon département, la Loire, j'ai trois Tribunaux de Grande Instance. J'ai Saint Etienne, Roanne et Montbrison.
BENOIT DUQUESNE - C'est quoi ? C'est regroupé les forces ?
PASCAL CLEMENT - C'est garder ces trois tribunaux de grande Instance, sinon ce serait effectivement une grande révolte des élus et des justiciables mais l'instruction comme vous l'avez justement dit, c'est 6 % des affaires, ce sont des affaires complexes, ce sont des affaires difficiles.
A ce moment-là le pôle de l'instruction serait au principal Tribunal de Grande Instance du département, donc la Préfecture. Un Vice-Président de l'instruction serait responsable de ce pôle. Les plus anciens pourraient aider les plus jeunes, nous n'aurions pas le problème du juge débutant puisqu'il serait plus épaulé et ?
BENOIT DUQUESNE - Donc les dossiers les plus importants convergeraient vers ces pôles ?
PASCAL CLEMENT - Oui par définition et la possibilité d'avoir des binômes même si le juge ne le souhaite pas car aujourd'hui le juge peut refuser le binôme, là demain la loi ferait qu'il ne pourrait pas le refuser.
BENOIT DUQUESNE - Oui c'est ce que je disais : le juge Burgaud et sa jeunesse? Les gens se disent que c'est très jeune pour prendre des responsabilités pareilles.
PASCAL CLEMENT - Vous savez la compétence ne tient pas à l'âge. Il y a certes un problème d'expérience, c'est pour ça qu'un environnement dans un pôle de l'instruction serait sûrement un avantage, il n'y a pas que la jeunesse qui peut faire problème, on peut être incompétent à tout âge, n'est-ce pas ?
BENOIT DUQUESNE - Bon le Juge Burgaud il est incompétent ?
PASCAL CLEMENT - Ah ce n'est sûrement pas à moi d'avoir le moindre avis sur cette question-là. J'ai demandé à l'Inspection des Services judiciaires, précisément d'enquêter pour ça?
BENOIT DUQUESNE - Et vous attendez la réponse ?
PASCAL CLEMENT - Et j'attends la réponse
BENOIT DUQUESNE - Mais humainement ?
PASCAL CLEMENT - Mais je me défends d'avoir la moindre idée sur cette question.
BENOIT DUQUESNE - Humainement, il aurait dû s'excuser ?
PASCAL CLEMENT - Humainement, je trouve tellement douloureux de voir que nous cherchons dans cette affaire, certains cherchent un bouc émissaire, je serai le dernier à planter une banderille.
BENOIT DUQUESNE - Bon, il n'aurait pas du s'excuser par exemple ?
PASCAL CLEMENT - J'ai déjà dit que sur ce point précis je ne partageais pas son point de vue mais pour le reste laissons cet homme dans la liberté d'exercer quand même son devoir, et son droit de réponse et arrêtons de l'accabler.
BENOIT DUQUESNE - Merci. Merci en tout cas de nous avoir accueillis ici, Monsieur le Garde des Sceaux et d'avoir répondu à nos questions. Pour le reste on verra donc le 8 février si le Juge Burgaud s'excuse, pourquoi pas, devant la Commission d'enquête parlementaire ou en tout cas comment il explique le résultat de cette instruction à Outreau.
Voilà j'espère que cette émission vous aura permis de mieux comprendre comment fonctionne la Justice avec ses grandeurs mais aussi avec ses faiblesses puisqu'il est important et urgent effectivement que les français retrouvent confiance en cette institution et on sait qu'ils ne demandent que ça puisqu'ils se sont rendus compte avec l'affaire d'Outreau qu'ils auraient pu se retrouver et nous aurions pu tous nous retrouver à la place des accusés d'Outreau.
Je voudrais remercier le Palais de Justice de Paris, de Reims et de Nîmes qui nous ont accueillis pour ces reportages ou pour les tournages, Philippe Pécoul, Jean Bernard Schmidt qui ont aidé à préparer l'émission, Philippe Lallemant qui l'a réalisée, TV5 monde et tous les gens qui nous regardent sur TV5 parce que vous êtes de plus en plus nombreux à le faire, vous dire que vous pouvez faire part de vos remarques, de vos suggestions sur le site internet de « Complément d'enquête », que la semaine prochaine ce sera Yves Calvi et « Mots croisés » et que nous, dans 15 jours, on va parler de la musique, du téléchargement et de tous les problèmes que ça pose. Voilà.
Fin.Source http://www.justice.gouv.fr, le 20 février 2006
Ce sujet, ce reportage, vous l'avez suivi avec attention. Il vous irritait même quelquefois. Vous disiez « Pourquoi Nimes en plus parce que ce n'est pas le Tribunal qui a la meilleure réputation en France ou en tout cas qui a peut-être un peu de souci en ce moment ? ». Mais quand même, on se dit : « Mais qu'est ce qui se passe dans cette Justice-là quand même, sur les délais ? »
PASCAL CLEMENT - Le problème de Nîmes ? et grâce au Ciel c'est une bonne nouvelle que je vais vous donner?
BENOIT DUQUESNE - Ce n'est pas seulement Nîmes?
PASCAL CLEMENT - Non mais vous avez raison. Le problème de Nîmes ça tient à un manque de magistrats et un manque de greffiers. La bonne nouvelle c'est qu'en 2006 nous aurons et des magistrats? 6 magistrats ont été nommés depuis 2002 à Nîmes, et nous allons avoir 3 magistrats à nouveau qui vont être nommés et nous allons avoir des greffiers. Il y a deux promotions pour l'ensemble de la France, pour les greffiers il y en a 600 qui vont sortir en deux promotions sur l'année 2006. Inutile de vous dire que les trois greffiers demandés par le Tribunal de Nîmes, ils les auront. Pour autant, globalement?
BENOIT DUQUESNE - Justement globalement, quelques petits chiffres si vous le voulez bien sur ce budget de la Justice et les effectifs parce que quand même ces histoires de moyens et de budgets et de difficultés d'effectif c'est quand même quelque chose qu'on entend depuis que je suis journaliste, c'est vous dire si ça fait très longtemps. Alors sur ce budget du Ministère de la Justice, vous me dites si je dis des bêtises, si j'ai bien lu c'est 5,46 milliards d'euros ?
PASCAL CLEMENT - 5,9
BENOIT DUQUESNE - 5,9 milliards d'euros. 72 400 agents dont c'est 7 782 magistrats. 7 716 juges d'instruction parce qu'on le sait assez peu mais il y a assez peu de juges d'instruction tout simplement parce que la plupart des affaires ne passent pas par l'instruction ? c'est grosso modo 6 % des affaires. Encore deux chiffres intéressants 60 900 détenus dans les prisons françaises pour?
PASCAL CLEMENT - 69 000 ?
BENOIT DUQUESNE - 60 900.
PASCAL CLEMENT - Oui c'est ça pardon.
BENOIT DUQUESNE - 60 900 détenus dans les prisons françaises pour 51 300 places.
PASCAL CLEMENT - Un petit peu plus mais c'est vrai.
BENOIT DUQUESNE - Quand on voit ça, on se dit « Bon alors qu'est ce qu'il faut changer pour que ça aille mieux ? »
PASCAL CLEMENT - Eh bien il faut des moyens. Voyez-vous là où je suis « un Ministre heureux » c'est que le Président de la République avait décidé que pendant son mandat il y aurait un effort particulier pour la Justice. Nous représentions, nous le Ministère de la Justice, 1,8 % du budget de la France en 2002, aujourd'hui nous voilà à 2,1, c'est vous dire?
BENOIT DUQUESNE - Et ça va continuer à monter ?
PASCAL CLEMENT - Et ça va continuer à monter pendant toute la loi de programme qui dure cinq ans, c'est à la fois la durée du mandat du Président de la République et la durée de la mandature des députés, donc ça fait quand même?
BENOIT DUQUESNE - Donc ça devrait s'améliorer, on devrait désengorger petit à petit les tribunaux. L'autre point dont on parle beaucoup c'est évidemment le rôle d'un juge, le juge d'instruction dont on a beaucoup parlé, notamment avec ce juge Burgaud. Quel était son rôle ? Quel est son pouvoir exact ? Qu'est ce qu'il faut changer ? Est-ce qu'il faut passer sur un autre système ? Etc?
Là aussi vous avez des idées, vous parlez de collégialité. On voyait avec Monsieur Badinter tout à l'heure que lui il l'avait proposée en 1985, la collégialité.
PASCAL CLEMENT- C'est tout à fait exact que Monsieur Badinter avait fait cette proposition qui avait réuni l'unanimité sauf que personne n'avait dans les années qui ont suivi, les moyens de mettre en place la réforme car il ne suffit pas de faire des réformes, il faut les financer. Ça c'est la grande difficulté sinon on se moque un peu des gens. Et dans cette affaire, nous n'avions pas les magistrats, le budget qui nous auraient permis d'instaurer, comme il l'avait souhaité, la collégialité du juge d'instruction. Alors qu'est ce que je propose ? Je propose de faire des pôles départementaux. Par exemple dans mon département, la Loire, j'ai trois Tribunaux de Grande Instance. J'ai Saint Etienne, Roanne et Montbrison.
BENOIT DUQUESNE - C'est quoi ? C'est regroupé les forces ?
PASCAL CLEMENT - C'est garder ces trois tribunaux de grande Instance, sinon ce serait effectivement une grande révolte des élus et des justiciables mais l'instruction comme vous l'avez justement dit, c'est 6 % des affaires, ce sont des affaires complexes, ce sont des affaires difficiles.
A ce moment-là le pôle de l'instruction serait au principal Tribunal de Grande Instance du département, donc la Préfecture. Un Vice-Président de l'instruction serait responsable de ce pôle. Les plus anciens pourraient aider les plus jeunes, nous n'aurions pas le problème du juge débutant puisqu'il serait plus épaulé et ?
BENOIT DUQUESNE - Donc les dossiers les plus importants convergeraient vers ces pôles ?
PASCAL CLEMENT - Oui par définition et la possibilité d'avoir des binômes même si le juge ne le souhaite pas car aujourd'hui le juge peut refuser le binôme, là demain la loi ferait qu'il ne pourrait pas le refuser.
BENOIT DUQUESNE - Oui c'est ce que je disais : le juge Burgaud et sa jeunesse? Les gens se disent que c'est très jeune pour prendre des responsabilités pareilles.
PASCAL CLEMENT - Vous savez la compétence ne tient pas à l'âge. Il y a certes un problème d'expérience, c'est pour ça qu'un environnement dans un pôle de l'instruction serait sûrement un avantage, il n'y a pas que la jeunesse qui peut faire problème, on peut être incompétent à tout âge, n'est-ce pas ?
BENOIT DUQUESNE - Bon le Juge Burgaud il est incompétent ?
PASCAL CLEMENT - Ah ce n'est sûrement pas à moi d'avoir le moindre avis sur cette question-là. J'ai demandé à l'Inspection des Services judiciaires, précisément d'enquêter pour ça?
BENOIT DUQUESNE - Et vous attendez la réponse ?
PASCAL CLEMENT - Et j'attends la réponse
BENOIT DUQUESNE - Mais humainement ?
PASCAL CLEMENT - Mais je me défends d'avoir la moindre idée sur cette question.
BENOIT DUQUESNE - Humainement, il aurait dû s'excuser ?
PASCAL CLEMENT - Humainement, je trouve tellement douloureux de voir que nous cherchons dans cette affaire, certains cherchent un bouc émissaire, je serai le dernier à planter une banderille.
BENOIT DUQUESNE - Bon, il n'aurait pas du s'excuser par exemple ?
PASCAL CLEMENT - J'ai déjà dit que sur ce point précis je ne partageais pas son point de vue mais pour le reste laissons cet homme dans la liberté d'exercer quand même son devoir, et son droit de réponse et arrêtons de l'accabler.
BENOIT DUQUESNE - Merci. Merci en tout cas de nous avoir accueillis ici, Monsieur le Garde des Sceaux et d'avoir répondu à nos questions. Pour le reste on verra donc le 8 février si le Juge Burgaud s'excuse, pourquoi pas, devant la Commission d'enquête parlementaire ou en tout cas comment il explique le résultat de cette instruction à Outreau.
Voilà j'espère que cette émission vous aura permis de mieux comprendre comment fonctionne la Justice avec ses grandeurs mais aussi avec ses faiblesses puisqu'il est important et urgent effectivement que les français retrouvent confiance en cette institution et on sait qu'ils ne demandent que ça puisqu'ils se sont rendus compte avec l'affaire d'Outreau qu'ils auraient pu se retrouver et nous aurions pu tous nous retrouver à la place des accusés d'Outreau.
Je voudrais remercier le Palais de Justice de Paris, de Reims et de Nîmes qui nous ont accueillis pour ces reportages ou pour les tournages, Philippe Pécoul, Jean Bernard Schmidt qui ont aidé à préparer l'émission, Philippe Lallemant qui l'a réalisée, TV5 monde et tous les gens qui nous regardent sur TV5 parce que vous êtes de plus en plus nombreux à le faire, vous dire que vous pouvez faire part de vos remarques, de vos suggestions sur le site internet de « Complément d'enquête », que la semaine prochaine ce sera Yves Calvi et « Mots croisés » et que nous, dans 15 jours, on va parler de la musique, du téléchargement et de tous les problèmes que ça pose. Voilà.
Fin.Source http://www.justice.gouv.fr, le 20 février 2006