Texte intégral
Mesdames, Messieurs,
Je suis heureux d'être parmi vous. Au cours de ces entretiens, devenus traditionnels, vous avez abordé des débats d'avenir. Anticiper les défis, prendre la mesure des attentes à propos des missions, structures, métiers de l'assurance, c'est votre démarche. Au service du développement du pays, à l'écoute des préoccupations de nos concitoyens, vous jouez un rôle majeur pour la protection des biens et des personnes, pour la sécurisation des comportements sociaux, pour la mutualisation des risques économiques. En créant de la stabilité, de la solidité, des sécurités, vous favorisez donc la croissance et l'emploi.
Plus généralement, l'assurance, activité millénaire dans son esprit, multiséculaire dans son organisation, est un élément essentiel aux sociétés modernes. Nul ne veut plus remettre au hasard ou à la providence le soin de répondre à ce vaste danger qu'on appelle la vie. Tempête, transport aérien, sécurité alimentaire, santé, circulation des bateaux, il n'y a pas de risque zéro. Nous savons aussi que l'Etat garant, l'Etat gendarme quand il le faut, doit animer des cellules d'alerte scientifique, des dispositifs de veille technologique pour prévenir et, si nécessaire, pour mobiliser les moyens utiles, enclencher les mécanismes pertinents, prendre les décisions adaptées afin de guérir et de réparer les dégâts que l'homme a subis ou causés. L'exemple récent des farines animales ou celui des catastrophes maritimes est symbolique de cette transformation du besoin d'Etat. Les pouvoirs publics savent qu'il leur faut prévoir et arbitrer, pas seulement gérer et ordonner. Nous sommes évidemment partenaires. Au cours de vos échanges, un grand mot a été lâché, celui de " régulation ". Avec ceux de prudence et de précaution, ils sont au cur de notre action. C'est à cet impératif que je souhaite consacrer mon court propos. Les forces du marché ne peuvent en effet entraîner des effets bénéfiques pour la société que si les règles qui le régissent ont été collégialement élaborées, sont réellement appliquées et protègent durablement l'assuré. C'est le rôle de la puissance publique d'aider à la définition ce mode d'emploi et d'en garantir les règles. C'est l'intérêt des assureurs que ce climat de transparence et de confiance soit installé.
La régulation de l'assurance, et par l'assurance, c'est d'abord une concertation étroite entre tous les acteurs concernés. Pour ce qui est des rapports avec l'administration, ce souci du dialogue m'a amené à proposer la création d'un " Conseil national des assurances, du crédit et du titre ", et d'un " comité consultatif de la législation et de la réglementation financière " afin que nous examinions ensemble les textes qui vous concernent, depuis les arrêtés jusqu'aux textes d'origine communautaire. Ce dispositif sera instauré à la faveur du projet de loi portant réforme des autorités financières au début de l'année prochaine. Nous serons d'accord, j'espère, pour considérer qu'en fait de transparence et de simplification, la marge est encore grande. L'attention toujours plus grande portée par les professionnels comme par les pouvoirs publics aux préoccupations des clients doit être relayée à l'échelle européenne. Ceci vaut pour les relations entre assurés et assureurs. Les frontières qui disparaissent entre les Etats s'estompent également entre les métiers. Souci d'une plus grande lisibilité des règles, résolution amiable des conflits, utilisation des nouvelles technologies de l'information et de la communication, ces préoccupations sont communes à l'ensemble du secteur financier. De fait, les problèmes rencontrés par les consommateurs dans la banque, l'assurance, les autres services sont souvent liés, voire analogues. Il en va ainsi notamment des questions soulevées par le développement du commerce électronique ou du crédit auquel est le plus souvent attaché un contrat d'assurance.
Puisque les préoccupations sont voisines, mieux vaut donner une prime à la simplification, rapprocher des instances ou des législations, même si les métiers resteront toujours différents et les secteurs autonomes. C'est ce que nous faisons.
Un autre rapprochement me paraît indispensable. Celui des acteurs et du public. Plusieurs dossiers illustrent la nécessité d'associer davantage les consommateurs et les professionnels afin, que prenant en compte les grandes évolutions en cours, il soit mieux répondu aux attentes et aux besoins des uns et des autres. C'est vrai pour l'assurabilité des personnes dites à risques aggravés. Sur ce sujet difficile, je suis heureux de la qualité des travaux menés par le comité présidé par M. Jean-Michel Belorgey. Au sein de cette instance, le dialogue entre la profession de l'assurance et de la banque, d'une part, les associations de personnes malades d'autre part, a été renoué, après plusieurs années de confrontation. C'était une nécessité. La douleur des personnes concernées aurait sans doute dû, dès le début du processus, mobiliser les volontés afin de trouver des solutions équitables et rapides. La rédaction d'un projet de convention destiné à concrétiser ces travaux est désormais engagée. A cette occasion, votre profession a démontré sa capacité à entendre les souffrances et les attentes de personnes éprouvées en n'hésitant pas à rénover ses pratiques. Loin d'ajouter au malheur, il faut faire la part, dans chaque affaire, pour chaque dossier, de la détresse et du désarroi des victimes. Il ne s'agit là pas de charité, mais de simple respect, d'humanité. Il faut maintenant que cet état d'esprit s'inscrive rapidement dans les faits.
Autre évolution : les NTIC, pour lesquelles la profession de l'assurance s'est avec intelligence fortement mobilisée. Certes, la vente à distance de contrats d'assurance est encore peu développée. En partie, parce que rien ne remplace le contact humain avec l'assureur ou l'intermédiaire d'assurance. Mais il nous appartient, pouvoirs publics et professionnels, de créer les conditions qui permettront aux entreprises, comme aux consommateurs s'ils le souhaitent, de profiter demain des opportunités qu'offre Internet en termes de développement commercial et de liberté de choix. La principale de ces conditions est la confiance. Elle naîtra de notre capacité à construire ensemble, au niveau européen, un cadre juridique unique, offrant aux consommateurs un haut degré de protection et aux entreprises des règles du jeu claires et équitables. Cette priorité de la présidence française pourrait déboucher dès l'année prochaine sur l'adoption de la directive dite " services financiers à distance ". Les maîtres-mots en sont sécurité et confidentialité.
Pour certains marchés assurantiels, les risques sont difficiles à maîtriser. C'est le cas de l'assurance construction. Un long travail de concertation avec toutes les parties concernées devrait aboutir prochainement à la clarification législative du champ et des modalités de cette assurance obligatoire. La responsabilité environnementale constitue un autre chantier complexe, dans lequel l'assurance devrait être appelée à jouer un rôle déterminant et novateur. Chaque jour en fait une exigence plus grande. En concertation avec vous et dans le contexte de la future directive européenne sur la responsabilité environnementale, nous devons créer les conditions juridiques et économiques nécessaires au développement de ce marché. Je connais le livre blanc sur l'assurance de responsabilité civile que la FFSA a récemment adopté. Il y contribuera fortement.
Un second axe de régulation concerne la prévention par une plus grande efficacité du contrôle des entreprises d'assurance. Ce souci va se traduire d'abord dans la loi réformant et rassemblant les autorités financières par la création d'un "comité des entreprises d'assurance" qui sera chargé d'autoriser les transferts de portefeuille et de délivrer l'agrément indispensable à l'exercice de votre art. L'ensemble de la profession sera représenté dans ce comité. Nous y gagnerons en efficacité et visibilité. Parallèlement, des moyens juridiques supplémentaires seront octroyés à la commission de contrôle des assurances. Ainsi pourra-t-elle recommander à une entreprise de prendre des mesures de redressement avant même que les ratios prudentiels soient altérés. Elle disposera d'informations fréquentes et régulières sur la gestion des risques liés au bilan des sociétés notamment sur la qualité de leur rapport actif/passif.
Quelques mots, à ce stade, sur le contrôle des conglomérats, et plus généralement sur les groupes financiers diversifiés dans lequel réside l'une des motivations du rapprochement du contrôle des assurances et des banques. Une directive européenne verra le jour d'ici peu et le projet de loi de réforme des autorités financières, examiné dans les prochains jours par le Conseil d'Etat, offriront un bon cadre pour accentuer la coopération entre les 2 contrôles tout en respectant la spécificité des 2 secteurs. Cette coopération renforcée devra être mise à profit pour partager les " meilleures pratiques " du contrôle de chacune des institutions financières, par exemple sur les systèmes internes de suivi de gestion des risques ou sur le contrôle de l'utilisation des produits dérivés. La solidité des entreprises d'assurance dépend aussi de celle des entreprises de réassurance. Outre la sécurisation des créances des assureurs sur leurs réassureurs, cette solidité exige un contrôle direct complet et adapté aux spécificités de ce métier à part entière. C'est pourquoi j'ai souhaité que les réassureurs français soient désormais soumis à une véritable procédure d'agrément et au respect d'exigences prudentielles strictes, notamment en matière de fonds propres. Tout ceci sera bientôt concrétisé par la loi. La commission de contrôle se verra ouvrir la perspective d'une action renforcée sur le fondement de nouvelles normes européennes de solvabilité. Celles-ci vont être améliorées sur la base des récentes propositions de la commission, première étape d'un processus plus vaste. Afin que la France prépare dans les meilleures conditions ce débat communautaire, il paraît indispensable que les services de l'Etat et la profession nouent sans attendre un dialogue précis sur ce point. Ces avancées seront pour tous un réel progrès.
En dernier lieu, la régulation passe par la protection et la réparation des conséquences des défaillances d'entreprises. Des exemples récents nous ont montré que cette préoccupation ne se limite pas à une réflexion théorique, ni à un débat pour spécialistes. Il faut en ce domaine réconcilier plusieurs objectifs parfois antagonistes. Eviter que des mauvais gestionnaires ou des assurés opportunistes se sentent protégés par l'attention que les pouvoirs publics accordent forcément à des situations dramatiques ; la création de fonds de garantie conduirait alors à la déresponsabilisation, à la déloyauté, ou à la malhonnêteté ! Par ailleurs, nous devons rendre crédible un contrôle efficace. Des dispositifs de réparation performants permettent au régulateur de prononcer avec moins de scrupules des sanctions de retraits d'agrément, car l'assuré n'a pas à en supporter les conséquences. Enfin, -c'est la confiance que le client accorde à la profession d'assurance qui est ici en jeu- il faut protéger les assurés, notamment les particuliers, qui ne sauraient être tenus pour responsables, par asymétrie d'informations, de la mauvaise gestion de leur assureur. Ces objectifs ont été conciliés dans le domaine bancaire par la création du fonds de garantie des dépôts. Dans les assurances, le bilan du " fonds de garantie des assurances de personnes ", créé à l'été 1999, montre, je crois, qu'il répond aux objectifs qui lui avaient été assignés. Dans une récente affaire de défaillance d'entreprise, qui n'est d'ailleurs pas terminée, il a joué son rôle dans la recherche d'une solution concertée en vue de garantir les droits des assurés grâce au transfert des portefeuilles. Parce que c'est utile, parce que cela fonctionne, nous considérons qu'il faut compléter ces dispositifs dans le domaine des assurances non-vie par la création d'un fonds dommage, qui serait le pendant de celui du fonds vie. Il n'est bien entendu pas question d'introduire un mécanisme qui ne serait pas cohérent financièrement. Pas question non plus là-encore de déresponsabiliser les clients "avertis", notamment les entreprises, dans le choix de leur assureur. Le fonds dommage sera donc limité dans son champ géographique et dans ses montants d'intervention comme cela est le cas pour les fonds de garantie existant chez nos partenaires. Une avancée donc, mais une avancée maîtrisée !
Mesdames et Messieurs, la régulation n'est pas un choix de conjoncture. Au contraire de la règle qui serait arbitraire, elle doit être le pivot d'une démocratie économique réelle, efficace, partenariale, conciliant création de richesse et solidarité durable, réconciliant les divers acteurs. Mais la régulation n'est pas du seul ressort de l'Etat. Dans cette nouvelle géographie économique, le secteur de l'assurance constitue un territoire important. Il est pour le Gouvernement un précieux interlocuteur et pour moi un partenaire de confiance et de travail.
(source http://www.finances.gouv.fr, le 13 décembre 2000)