Interview de M. Bernard Accoyer, président du groupe parlementaire UMP à l'Assemblée nationale, à RTL le 2 mai 2006, sur l'affaire Clearstream, la majorité et le climat politique, et le projet de loi sur l'immigration.

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Texte intégral

Q- L'affaire Clearstream inquiète-t-elle les députés UMP ?
R- C'est une affaire qui est particulièrement préoccupante pour tout le pays. Et c'est en ce sens qu'il faut laisser la justice aller à son terme, faire son travail, comme elle le fait, dans un pays de droit comme la France.
Q- Ça peut durer longtemps, la justice...
R- Justement. Le Gouvernement travaille, il a déjà conduit beaucoup d'actions, il a des résultats. Certes, nous avons rencontré des difficultés, il a rencontré de grosses difficultés avec le contrat "première embauche" mais la loi sur l'égalité des chances a été promulguée. Elle apporte de vraies réponses aux problèmes graves des banlieues qui avaient été mis en exergue en novembre dernier. Sur le chômage, pour la première fois, les résultats sont là : 185.000 demandeurs d'emplois de moins, en moins d'un an, des résultats que l'on n'avait pas vus depuis très longtemps ; les indicateurs économiques sont favorables. Il faut, bien entendu, aller de l'avant, et ne pas se laisser immobiliser par une affaire qui apparaît comme une gigantesque manipulation.
Q- Manipulation ? Mais de qui ?
R- Chacun reconnaît, à l'évidence, que Clearstream est une manipulation, qu'il y a, à l'origine de tout cela, des personnes anonymes qui se sont exprimées à la manière d'un corbeau. Et, à partir de là, on met en responsabilité, on accuse des personnes, des personnalités. Laissons donc la justice conduire son action.
Q- Mais enfin, si on se parle franchement, ce matin : gouverner dans de tels désordres, c'est très difficile, tout de même !
R- Bien sûr que c'est difficile, mais il ne faut jamais céder, justement, aux difficultés, et il faut continuer à avancer. Encore une fois, les résultats sont ici. Ils ont été acquis par des réformes qui ont été adoptées par la majorité, et il faut donc continuer à aller de l'avant, pendant que la justice fait son travail.
Q- Les Français n'ont pas l'air de remarquer qu'il y a des résultats : sondage LH2 pour Libération, ce matin : onze mois après son arrivée à l'Hôtel Matignon, D. de Villepin atteint tout juste 20 % d'opinions positives. On est très près du record d'impopularité de la Vème République détenu par E. Cresson.
R- Mais c'est vrai que la situation est difficile, c'est vrai que les Français sont particulièrement préoccupés par ce qui se passe, par l'image de la France que, encore une fois, cette vaste opération de manipulation donne dans le monde. Mais, pour autant, quand on réforme en France, on est dans la difficulté. Les résultats dans les sondages reflètent cette action car à chaque fois qu'il y a des gouvernements qui réforment, ils ont des résultats dans les sondages qui ne sont pas immédiatement favorables. Encore une fois, il faut continuer.
Q- On voit, devant l'opinion publique, la crise de confiance qui existe aujourd'hui entre D. de Villepin, Premier ministre, et N. Sarkozy, ministre de l'intérieur. N'est-ce pas une difficulté à résoudre rapidement ?
R- Mais encore une fois, la majorité est unie derrière le Gouvernement. Il y a des difficultés que personne ne nie. Le pays de droit qu'est la France peut continuer et doit continuer à agir sur les problèmes concrets, les priorités des Français, c'est-à-dire l'emploi, l'avenir de nos régimes sociaux - parce qu'il y a une économie qui marche -, la sécurité, l'immigration que nous allons aborder cet après-midi.
Q- Je vous parle du conflit, visible par tous les Français, qui existe entre D. de Villepin et N. Sarkozy. Il est là, devant nous, incontournable. Comment résout-on ce problème ?
R- La vie politique, évidemment, rassemble des hommes et des femmes qui ne sont pas d'accord sur tout, et qui peuvent avoir des différends. Mais, pour autant, ils savent se rassembler et ils savent oeuvrer pour le pays. C'est ce qui se passe dans l'action gouvernementale.
Q- Sérieusement ? Le croyez-vous ?
R- Oui, c'est ce qui se passe concrètement dans les résultats qui sont obtenus, sans nier les divergences et les différences et les ambitions des uns et des autres, qui sont légitimes.
Q- D. de Villepin peut-il rester à Matignon ?
R- Vous voyez, à partir d'un problème qui est un problème de dénonciation calomnieuse anonyme, vous en arrivez, vous, J.- M. Aphatie, à poser la question de la légitimité d'un Premier ministre.
Q- Vous ne vous la posez pas ?
R- Non. Ne croyez-vous pas qu'il y a un emballement dans de telles perspectives ? Encore une fois, dans un État de droit, laissons la justice au travail. Elle le fait en toute indépendance. Elle est même allée perquisitionner dans des ministères ; on voit bien que les juges sont au travail.
Q- Vous avez eu une drôle de mimique, tout à l'heure, en écoutant A. Duhamel, quand il a parlé de "l'affaiblissement théâtral de D. deVillepin". Je n'ai pas su comment l'interpréter...
R- C'est vous qui avez pensé que j'avais une mimique. J'écoutais attentivement, comme tous les matins, A. Duhamel.
Q- Je vous assure que vous aviez une mimique mais comme je ne suis pas capable de l'interpréter, on va passer à autre chose. Projet de loi sur l'immigration : beaucoup de gens sont contre. Beaucoup d'associations, les Églises et bien sûr l'opposition. Alors, à nouveau seul contre tous pour ce projet de loi sur l'immigration ?
R- J'ai passé, comme toutes les semaines, samedi et dimanche sur le terrain, en Haute-Savoie, et hier. Je peux vous dire que la question de l'immigration est une question qui préoccupe tous les Français. Alors, c'est normal, certains ont des positions qui sont plus ou moins réservées, d'autres, plus ou moins en avant. Mais ce texte que nous allons examiner à partir de cet après-midi, à l'Assemblée, qui est un texte qui a une finalité d'intégration des immigrés en France, est un texte très important, et qui a l'intention, l'ambition de placer notre pays dans la même situation que toutes les grandes démocraties du monde, qui ne laissent pas l'immigration passive se développer mais qui, d'une part, la maîtrisent et, ensuite, essaient d'apporter, dans un but d'intégration - ce qui est très défaillant, en France - à ces immigrés, travail, insertion. Des conditions de vie qui soient humainement tout à fait satisfaisantes. Ce qui n'est pas, reconnaissons-le, actuellement le cas.
Q- Les Églises chrétiennes n'ont pas l'air de comprendre le sens de ce projet de loi. Elles s'y opposent assez fermement. C'est embêtant, pour une majorité comme la vôtre, de constater l'opposition des Églises ?
R- Mais c'est leur rôle de rappeler un certain nombre d'éléments qui constituent le coeur de la charité chrétienne et l'accueil. Mais nos civilisations très organisées, qui vivent maintenant dans des contextes économiques extrêmement serrés, avec de multiples difficultés qui peuvent déboucher sur d'authentiques réactions de xénophobie et de racisme, nos sociétés sont conduites à regarder les choses avec réalisme et à accueillir ceux, parmi les étrangers, qui peuvent s'intégrer et, ainsi, participer à l'équilibre et au bien-être de la collectivité nationale.
Q- C'est peut-être leur rôle, mais c'est assez rare, quand même, qu'elles s'opposent, comme cela, à un projet de loi ? C'est assez rare, non ?
R- Non. A chaque fois qu'il y a des textes sur l'immigration, on entend un certain nombre de protestations. Mais je voudrais ajouter, s'agissant de l'Église catholique, qu'un certain nombre de ses demandes ont été entendues, que le ministre de l'intérieur, N. Sarkozy, a déjà intégré ses demandes, et qu'en commission, les amendements - qui avaient été demandés par l'Église catholique -ont été acceptés.
Q- Il y a une procédure d'urgence sur ce texte ?
R- Je crois qu'il y en aura une, parce que c'est un texte qui extrêmement long et lourd et pour des raisons techniques, ce sera probablement nécessaire.
Cela va toujours très vite, alors... Procédure d'urgence ! B.
Accoyer, président du groupe UMP, qui fait toujours confiance à D.
de Villepin, était l'invité de RTL.Source: premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 2 mai 2006