Déclaration de Mme Nelly Olin, ministre de l'écologie et du développement durable, sur la mise en oeuvre d'une politique pénale de l'environnement et sur le rôle de la gendarmerie dans la lutte contre la délinquance écologique, Paris le 30 mai 2006.

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Intervenant(s) : 
  • Nelly Olin - Ministre de l'écologie et du développement durable

Circonstance : Ouverture du séminaire de la 11ème promotion des élèves officiers de la gendarmerie nationale, à Paris le 30 mai 2006

Texte intégral

Mesdames et Messieurs les Officiers,
Mesdames et Messieurs,

Je me réjouis que la 11ème Promotion de l'Ecole des Officiers de la Gendarmerie Nationale (EOGN) ait retenu comme thème de réflexion pour ce séminaire qui marquera la fin de ses études la préservation de l'environnement.
Et j'ai grand plaisir à l'accueillir dans les locaux du Ministère de l'Ecologie et du Développement durable. J'y vois une illustration de l'excellence des relations entre le Ministère de la défense et le mien, qui se traduit notamment par une convention les liant depuis plusieurs années.
La Gendarmerie nationale joue un rôle majeur dans l'application des polices de l'environnement, à côté et en totale collaboration avec les services relevant de mon Ministère.
La protection de l'environnement nécessite, à côté des mesures de sensibilisation et d'incitation, l'exercice par l'Etat de ses missions régaliennes de police. Cette protection ne prend tout son sens que si l'Etat se donne les moyens de contrôler et de faire appliquer les règles qu'il édicte.
La société, notamment dans le domaine de l'environnement, attend de l'Etat qu'il exerce son pouvoir de contrôle des activités réglementées et réprime effectivement les atteintes à l'environnement.
Les nombreuses réclamations que je reçois, concernant pour la plupart des dossiers très locaux mais touchant nos concitoyens dans leur vie quotidienne, témoignent de la réalité d'une attente sociale pour une politique de l'environnement proche du terrain, efficace, et donc contrôlée.
La mise en oeuvre de la réglementation, le contrôle de son application et la constatation des infractions constituent les missions premières de la police de l'environnement. Elle est constituée de plusieurs polices qui concourent toutes à des objectifs communs : préserver la santé et la sécurité publique, préserver les milieux, les ressources naturelles, les espaces, et sauvegarder la biodiversité.
Huit siècles auront été nécessaires pour prendre en compte ces valeurs fondamentales dans le droit français et créer des services de police chargés de les préserver.
La production législative et réglementaire en faveur de l'environnement n'a cessé de croître ces dernières années sous l'impulsion de l'Union européenne. En effet, plus de 30 directives ont été transposées, par mon ministère, depuis le début de l'année 2003.
Pourtant, le droit de l'environnement est souvent considéré par le citoyen comme trop théorique. Il ne permet pas de mettre un terme aux atteintes à l'environnement qu'il constate au quotidien.
Passer d'une police parfois virtuelle à une politique environnementale ambitieuse et effective suppose une mobilisation de l'ensemble des services de police et la mise en oeuvre d'une politique pénale forte et structurée. Cette mise en oeuvre est en tout état de cause indispensable au respect de nos engagements communautaires.
Les atteintes à l'environnement, quels que soient leur nature, leur origine, leur lieu, qu'elles soient délibérées ou accidentelles, représentent une menace qu'il nous appartient de prévenir et de sanctionner.
Fort de ce constat, le Ministre de la justice a diffusé le 23 mai 2005, auprès des procureurs généraux et des procureurs de la République, une circulaire d'orientations de politique pénale en matière environnementale. Je me réjouis de cette démarche qui va dans le sens d'une meilleure prise en compte de l'écologie par le droit pénal. Comme l'a mis en évidence le rapport interministériel sur les polices de l'environnement, une mobilisation de tous les services de police et d'enquête est nécessaire.
En matière de recherche et de constatation d'infractions, la Gendarmerie nationale s'implique fortement dans le domaine de l'environnement. Quelques chiffres sont nécessaires pour illustrer mon propos et situer l'action que conduit la gendarmerie pour la protection de l'environnement et le développement durable.
En 2004, les gendarmes ont dressé 15 000 procès-verbaux liés à des atteintes à l'environnement, soit près de 40 % des procès-verbaux.
S'agissant des contraventions, près de la moitié des procès-verbaux porte sur les questions de publicité et d'enseignes.
Vous intervenez également beaucoup dans le domaine des nuisances sonores, première nuisance perçue par les usagers. La circulaire du 23 mai 2005 relative à la mise en oeuvre du plan national d'action contre le bruit a rappelé l'importance de ce sujet et préconisé un renforcement des contrôles dans ce domaine.
Cette circulaire faisait suite à une circulaire du Garde des sceaux du 16 octobre 2003, qui rappelait les objectifs du programme gouvernemental et exposait la politique pénale en matière de lutte contre les bruits de voisinage.
Dans les domaines de la chasse et de la pêche, les procès verbaux dressés par les gendarmes représentent environ 20 % des constats réalisés.
Au niveau local, j'observe que les relations qui s'établissent entre les brigades de gendarmerie et les brigades de l'Office nationale de la chasse et de la faune sauvage et du Conseil supérieur de la pêche sont étroites.
La gendarmerie vient notamment en appui aux agents de l'environnement lors d'opérations difficiles et délicates de répression du braconnage.
J'encourage cette collaboration où chacun apporte ses compétences particulières.
Certaines polices de l'environnement, je pense à l'eau ou à la protection de la faune et de la flore, nécessitent des connaissances particulièrement pointues, pour déterminer certaines pollutions ou pour reconnaître certaines espèces d'animaux sauvages.
Les agents de l'ONCFS et du CSP sont formés pour ce type d'approche. La gendarmerie leur apporte ses compétences dans les domaines plus spécifiquement liés aux missions de police.
Vous permettez ainsi de lutter plus efficacement contre les incursions que nous observons, du banditisme vers la délinquance écologique.
S'agissant des délits, on note une forte mobilisation de la gendarmerie en matière de déchets. Je vous invite à renforcer encore votre mobilisation dans ce domaine sensible.
Je souhaite plus particulièrement attirer votre attention sur les éventuels risques attachés à la circulation et à l'exportation des déchets dangereux.
Ils font peser des dangers particuliers pour la santé et l'environnement s'ils sont mal gérés ou abandonnés, notamment par la dispersion de substances polluantes.
Le producteur de déchets est tenu d'en assurer ou d'en faire assurer l'élimination.
La bonne élimination du déchet relève de la responsabilité de son producteur ; il convient de garder à l'esprit ce principe de base en cas de problème ou d'abandon afin de mener les investigations pour identifier ce producteur. La réglementation vient d'être rénovée afin d'assurer une bonne traçabilité de ces déchets tout au long de la chaîne : de leur production jusqu'au traitement final, en passant par le transport et éventuellement les opérations intermédiaires.
Par ailleurs, une de mes priorités en matière de déchets est la fermeture des décharges non autorisées. L'action de l'Etat est renforcée sur ce sujet depuis 2004. Néanmoins, la situation reste inacceptable, avec aujourd'hui un peu moins de 500 sites de ce type.
L'objectif est que l'ensemble de ces sites soit fermé en mars 2007. Je vous invite à la plus grande vigilance dans ce domaine.
En matière de circulation des véhicules à moteur hors des voies ouvertes à la circulation publique, j'ai invité les préfets à mieux coordonner l'action des services afin de rendre plus effectifs les principes d'interdictions de la loi de 1991. A la veille des grands départs estivaux, je tenais à vous rappeler aujourd'hui l'importance de ces questions.
Je tiens à profiter de l'occasion pour saluer la forte et efficace mobilisation de la gendarmerie auprès du préfet de massif des Pyrénées sur les récentes opérations de lâchers d'ours. Grâce à l'efficacité et à la compétence de la gendarmerie, ces opérations ont pu se dérouler avec toute la sécurité requise.
On le voit bien, la Gendarmerie nationale a un rôle déterminant à jouer en matière de prévention et de répression des infractions.
Les questions d'environnement sont importantes. Elles engagent durablement l'avenir de notre planète ; elles sont à l'origine d'une délinquance, la délinquance écologique, qui fait parfois appel aux méthodes du grand banditisme : le trafic d'espèces protégées, l'orpaillage clandestin, le braconnage tel que celui de la civelle dans les grands estuaires, le trafic des déchets.
L'apport des services de la gendarmerie dans ces opérations délicates est essentiel. Je pense notamment à l'Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique (OCLAESP). Créé en 2004, il est rattaché à la direction générale de la Gendarmerie nationale, pour animer et coordonner les investigations de police judiciaire portant sur l'environnement et la santé publique, et centraliser l'information relative à cette délinquance. Il constitue un point central dans les échanges internationaux et entretient des liaisons opérationnelles avec les services spécialisés des Etats et des organismes internationaux. L'Office participe ainsi au projet de coopération européen IMPEL sur les échanges transfrontaliers de déchets.
Des relations étroites entre nos différents services sont nécessaires et j'encourage vivement les contacts, tant au niveau central que local. Au sein de mon ministère, un nouveau bureau du droit pénal de l'environnement a été créé au sein de la direction générale de l'administration.
Ce bureau est notamment chargé de faire le lien entre l'OCLAESP, les unités de gendarmerie et les directions techniques du Ministère de l'écologie. Il est indispensable que l'OCLAESP ait une connaissance rapide et complète des infractions à la convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction, dite CITES, et j'attends de ce travail de recensement toute proposition d'amélioration de la lutte contre la fraude.
Au niveau local, la collaboration passe par les « formateurs relais enquêteurs environnement » dont dispose chaque groupement de gendarmerie. Ces agents, qui suivent une formation spécialisée, sont chargés dans les départements d'une mission d'appui auprès des brigades territoriales. Leur rôle est déterminant et me semble devoir être renforcé.
Ces personnels peuvent désormais bénéficier des formations dispensées par l'institut de formation de l'environnement, l'IFORE, et améliorent ainsi leurs compétences dans ce domaine.
Afin de favoriser la coopération et la conduite d'opérations coordonnées, et comme le prévoyait le protocole Environnement - Défense signé en 2003, je souhaiterais qu'un officier référent puisse être rapidement désigné au sein de chaque groupement. Son rôle me paraît essentiel pour l'élaboration et la mise en oeuvre d'une politique pénale de l'environnement telle qu'elle résulte de la circulaire du Garde des sceaux que je viens d'évoquer.
Depuis plus de dix ans, la gendarmerie a renforcé la qualification professionnelle de ses militaires dans le domaine de l'environnement et leur fournit des moyens matériels pour exercer leur mission. La réunion d'aujourd'hui témoigne de l'intérêt grandissant que porte la Gendarmerie nationale à l'environnement.
Je me réjouis de cet engagement fort qui s'inscrit étroitement dans la stratégie nationale de développement durable que nous conduisons.
J'espère que les travaux que vous mènerez aujourd'hui seront particulièrement fructueux. Je vous souhaite bon courage et suis de tout coeur avec vous !
Je vous remercie.

Source http://www.ecologie.gouv.fr, le 31 mai 2006