Déclaration de M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire, sur le développement industriel et l'innovation technologique, l'organisation des systèmes productifs locaux (SPL) et les pôles de compétitivité, Bordeaux le 11 septembre 2006.

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Circonstance : Universités d'été du Club des Districts industriels français sur "Les systèmes productifs locaux (SPL) et leur positionnement face aux clusters et aux pôles de compétitivité, à Bordeaux du 11 au 13 septembre 2006

Texte intégral

Monsieur le président du club des districts industriels français Jean-Marie ROUILLIER,
Mesdames et messieurs les élus,
Mesdames messieurs,
C'est pour moi un grand plaisir d'ouvrir cette université d'été qui se tient à l'initiative du club des districts industriels français. Je tiens en premier lieu à remercier le président Jean-Marie ROUILLIER et son équipe d'organiser cette manifestation de trois journées consacrées aux systèmes productifs locaux et à leur positionnement face aux clusters et aux pôles de compétitivité. Je sais que ce sujet mobilise l'ensemble des acteurs économiques des petites et moyennes entreprises. L'action du club des districts industriels français, qui fédère plus de 50 SPL en termes de réflexion et d'actions, est déterminante sur un thème qui me tient particulièrement à coeur : la compétitivité industrielle de la France, de tous les territoires de France.
Organiser une université d'été sur les systèmes productifs locaux, les clusters et les pôles de compétitivité prouve déjà une chose : ces systèmes dédiés à l'innovation et la recherche associant les entreprises, qu'elles soient PME ou grands groupes industriels, à des universités et des centres de recherche, dans une mixité de compétence au service du développement industriel, existent et produisent des résultats. C'est donc un bilan positif mais pourtant, je ne m'en contente pas. Cette politique industrielle ne doit pas être figée, ni statique, bien au contraire. Le monde économique est en constante évolution.
Il convient donc de suivre ce mouvement pour sans cesse mesurer, amender, réformer si besoin et cela a déjà été mené. Mais j'irai encore plus loin dans cette exigence : tirer les enseignements d'une évolution est bien. Anticiper cette évolution est mieux. C'est donc une politique offensive à laquelle je vous invite à répondre.
Et c'est ce message que je tenais à vous délivrer au moment où les travaux que vous allez engager durant ces trois jours vont déboucher sur des propositions concrètes que je m'engage à étudier avec grande attention. Je suis pour une France qui se bat, qui a des idées et qui sait les mettre en oeuvre.
Votre université d'été va traiter de ces formes de regroupements d'entreprise qui, pour les SPL, existent depuis 7 années. Comme je le disais au président ROUILLIER en juin dernier lorsque je l'ai reçu, il est temps d'établir un bilan des SPL qui sont plus d'une centaine, et de leur donner une nouvelle ambition. Pour cela j'ai besoin de votre réflexion.
L'avenir des SPL est une donnée fondamentale et je compte bien engager une stratégie de dynamisation dès cette année. Pour cela, nous devons répondre à deux questions simples : quelle évolution pour les SPL ? Quelle place les SPL doivent avoir face aux pôles de compétitivité ?
Sans aucune idée fixée à l'avance, je me permettrai aujourd'hui de vous faire part de quelques pistes à creuser.
La mise en place des SPL remonte à 1998-1999. L'idée était de favoriser les regroupements d'entreprises d'un même champ de spécialisation économique, liées par des objectifs communs, et caractérisant l'identité d'un territoire déterminé. Les premiers enseignements que l'on peut tirer de ces SPL sont positifs. Une centaine est active dans des secteurs industriels très différents.
Les actions de mutualisation sont le moyen, quand un SPL naît sur un territoire où il n'existe aucune tradition d'action collective, de construire pas à pas des rapports de confiance entre les acteurs économiques du territoire. Ces champs de coopération permettent aux entreprises de mieux connaître leurs champs d'activité respectifs et de partager une identité commune, dans un contexte toujours marqué par l'individualisme persistant des entreprises.
Cette coopération entre PME a permis bien sur de favoriser l'émergence de véritables pôles de compétence dotée d'une force industrielle décuplée. Les SPL ont donc permis de faire naître un véritable dialogue entre entrepreneurs, et dans certains cas avec des entités de recherche, débouchant sur des actions concrètes en termes d'accès à de nouveaux marchés, de création de nouveaux produits ou de mise en place de nouveaux process...
Les axes d'évolution possible des SPL sont envisageables sur deux thématiques : L'une est liée aux critères de définition des SPL, l'autre est plus stratégique et concerne le champ que l'on veut donner aux SPL.
Concernant les critères de définition, je ne citerai pas ici les cinq éléments caractérisant un SPL. En public averti vous les connaissez tous. Je ne rappellerai que celui ayant trait à l'accès à un ensemble de services marchand et non-marchand. Cette composante non marchande doit être prise dans toute son acception, incluant des coopérations en matière de recherche et développement et l'instauration de passerelles entre les PME et les universités et les centres de recherche. Je sais que des initiatives ont été prises, j'y reviendrai tout à l'heure, mais au sein de l'Union Européenne, la France souffre encore de la faiblesse des PME en recherche et développement. Nous devons donc mener ensemble une réflexion pour remédier à ce handicap
Concernant le champ d'application des SPL, il nous faut prendre en compte la création et désormais la montée en puissance des pôles de compétitivité. Vous le savez, les pôles de compétitivité ont été créés en 2005 pour améliorer les synergies entre les mondes de la recherche, de la formation et de l'industrie. Leur vocation première est de développer des projets coopératifs de recherche afin de stimuler les innovations technologiques susceptibles de développer la compétitivité des entreprises sur les marchés internationaux.
Certes, les SPL ont une finalité plus large que celle des pôles de compétitivité car ils ont vocation à englober toutes les fonctions des PME et non pas la seule R&D. Mais on ne peut nier l'effet multiplicateur d'activité d'une innovation bien menée. Je suis convaincu que des synergies sont à développer entre SPL et pôles de compétitivité. D'ailleurs, je constate que près d'un quart des SPL ont été labellisés pôles ou se sont intégrés à un pôle.
Est-ce à dire que les SPL n'ont plus d'avenir que dans les pôles ? Je réponds catégoriquement non à cette question. Le SPL a pour mérite de tisser des liens de confiance entre dirigeants de PME et d'amorcer des actions dont le retour sur investissement peut être rapide. Pour une PME, cet effet de dynamisation du chiffre d'affaires est un paramètre stratégique important de la conduite de l'entreprise. De son côté, le pôle, centré sur la R&D, nécessite un minimum de reconnaissance des capacités et des besoins identifiés des entreprises partenaires, et produit des effets moins immédiats en termes économiques.
SPL et pôle s'inscrivent donc dans un mouvement de continuité et de maturation de la coopération interentreprises. Leur fongibilité ou leur opposition n'a pas de sens actuellement. Il n'y a donc pas un système réservé aux PME et un autre aux grands groupes industriels. Chacun y a sa place et doit jouer pleinement son rôle et tenir pleinement sa place.
Est-ce à dire que les SPL doivent devenir des pôles secondaires ou de moindre importance ? Là encore je réponds du même non catégorique. Le constat est suffisamment démonstratif. On dénombre aujourd'hui 40% de PME impliqués dans les projets des pôles et les PME sont leader dans un projet sur trois. A ce titre, je considère que ce brassage de culture entrepreneuriale différente est l'un des atouts des pôles.
C'est donc conscient de l'intérêt des SPL et de leur rôle fondamental dans l'attractivité et le développement des territoires que je compte leur insuffler une nouvelle dynamique. Ainsi des SPL "plus" pourraient naître de cette évolution et coexister avec les SPL actuels. La répartition entre ces deux systèmes se ferait sur l'ambition affirmée d'un SPL sur un projet de développement. Je compte demander lors du prochain CIACT des mesures de soutien spécifiques pour ces SPL plus notamment par une aide donnée au recrutement d'hommes ressources en R&D copartagés entre PME. Ainsi, les besoins de ces entreprises pourraient être clairement identifiés, puis relayés auprès des institutions en charge de la recherche.
D'ores et déjà, je peux vous indiquer qu'en 2007 c'est au moins un million d'euros qui pourra être mobilisé pour les SPL.
Les pôles de compétitivité font également partie de votre programme. Vous connaissez bien mon engagement aux côtés de Nicolas SARKOZY sur ce sujet.
La France avait en ce domaine quelque retard par rapport à d'autres grandes nations industrielles comme les Etats-Unis, l'Allemagne, l'Italie, qui ont entrepris depuis des années une politique de soutien à la constitution de clusters. La science économique a étudié de près la contribution de ces clusters à l'émergence d'un nouveau type d'économie, l'économie de la connaissance, et la démultiplication de croissance que ces clusters apportent du fait même de la concentration territoriale des industries, des centres de recherches et des établissements d'enseignement supérieur. La France avait du retard. Il fallait le rattraper. Je m'y suis employé.
La politique des pôles de compétitivité a pour objectif de stimuler l'innovation et d'améliorer la compétitivité de l'industrie française. Elle participe de ce fait à la lutte contre les délocalisations. Elle est aussi la manifestation visible et volontariste que la France a toujours un avenir industriel même si les industries d'aujourd'hui et de demain ne sont plus les mêmes que celles d'hier, même si leur développement passe dorénavant plus par la maîtrise de la connaissance et de l'innovation qu'auparavant.
En accompagnant les initiatives des acteurs économiques et scientifiques, les pôles de compétitivité permettent d'accroître la compétitivité de l'économie française et de renforcer l'attractivité du territoire national, contribuant à y développer et à y maintenir des activités au service de la création d'emplois.
Pour cela, le Gouvernement a labellisé 66 pôles, pour leur qualité en termes de stratégies et d'ambitions pour l'emploi et les territoires qui les accueillent. Ces pôles de compétitivité répondent à quatre caractéristiques principales :
. Ils sont créateurs de richesses nouvelles à forte valeur ajoutée et d'emplois qualifiés.
. Ils se positionnent sur des marchés mondiaux et des activités bénéficiant d'un fort potentiel de croissance.
. Ils proposent de réels partenariats entre les acteurs, ainsi qu'un mode de gouvernance de qualité.
. Ils présentent une stratégie claire de développement économique et de recherche.
Ces pôles, qui ont chacun leurs spécificités, ne doivent pas être comparés entre eux mais appréhendés au regard des enjeux de développement qu'ils représentent pour la France et les territoires où ils se situent.
Pour financer l'ensemble des projets finalement retenus, nous avons mis des moyens à la hauteur. Le Premier ministre a décidé de doubler les moyens d'accompagnement de l'Etat initialement prévus en consacrant au minimum 1,5 milliards d'euros : 400 Meuros de crédits d'intervention directe des ministères, 300 Meuros d'exonérations fiscales et de charges sociales sur les projets de R&D, 800 Meuros de financements provenant de différentes agences et établissements publics comme l'Agence nationale pour la recherche (ANR), l'Agence pour l'innovation industrielle (AII), Oséo-Anvar et la Caisse des Dépôts et Consignations.
2006 est l'année de mise en oeuvre opérationnelle de cette politique.
Je me suis rendu dans une cinquantaine de départements français. Cela m'a permis de visiter la moitié des pôles de compétitivité. Evidemment, j'ai entendu les critiques sur la mise en place de cette politique, des critiques parfois rapides, mais le plus souvent pertinentes. J'y ai été attentif.
C'est ainsi que des réformes en matières de simplification des procédures par la création d'un guichet unique de financement regroupant les crédits des ministères, ou encore de simplification de la gouvernance en veillant à laisser une grande liberté d'organisation aux acteurs locaux ont été décidées dès mars 2006.
Sur les financements l'Etat respecte sa parole mais de surcroit accroit ses financements. Il ne faut pas oublier que ces crédits de l'Etat constituent un formidable effet de levier entraînant des participations des grandes agences (Agence pour l'innovation industrielle, Agence nationale pour la recherche), des grands organismes publics (comme OSEO - ANVAR ou la Caisse des dépôts) et des collectivités locales, au premier rang desquels les Conseils Régionaux. J'en profite pour saluer, à sa juste mesure, l'engagement des collectivités territoriales pour soutenir cette politique industrielle nouvelle initiée par le Gouvernement.
Le bilan est suffisamment parlant : depuis que nous avons lancé les pôles en 2005, 165 projets de recherche représentant 1,5 milliards d'investissement de R§ D ont été soutenus à hauteur de 500 millions d'euros sur crédits publics, dont 230 de l'Etat. En termes d'emplois, cela représente 4000 chercheurs.
Pourtant, Nicolas SARKOZY et moi-même souhaitons prolonger et amplifier encore la politique des pôles pour réellement "coller" aux besoins des entreprises. C'est dans cet esprit que je travaille, en lien étroit avec François LOOS, mon collègue de l'Industrie à plusieurs mesures :
- la simplification du mécanisme des exonérations de charges sociales par leur transformation en bonification des aides accordées à la R&D par l'Etat et OSEO dans le zonage pôle;le dispositif actuel qui prévoit toute une cascade d'agréments et, disons le mot, de paperasses n'est pas adapté aux attentes des chefs d'entreprise. Il est lourd, il est long, bref il est tout ce que vous détestez et moi aussi !
- deuxième mesure importante, la transformation d'une partie des avances remboursables d'OSEO à hauteur de 30 % en aides de soutien directes.
-Enfin le versement, au profit des PME, d'une bonification des aides accordées par l'Etat aux pôles via le fonds interministériel.
Du travail reste à accomplir mais je suis déterminé à le mener à son terme.
Laissez-moi terminer sur les liens étroits que je perçois entre les pôles de compétitivité et l'aménagement du territoire.
Avant que le Gouvernement auquel j'appartiens ne se mette en place, la tendance était plutôt de retenir une quinzaine de pôles, peut-être une vingtaine, tout au plus. La logique était avant tout industrielle, centrée autour de grands pôles à vocation mondiale, la plupart d'entre eux situés dans les grandes métropoles de notre nation : Paris, Lille, Toulouse, Bordeaux, Marseille, Grenoble, Nice... D'ailleurs, à franchement parler, ces pôles étaient de facto déjà constitués.
Et puis, l'appel à projets lancé par le Gouvernement a révélé une mobilisation sans précédent au sein des territoires français. Ce n'est pas quinze projets de pôles, ni trente, ni quarante, qui sont remontés à Paris, mais 105. Partout en France, des acteurs qui n'avaient pas l'habitude de se parler, des industriels, des chercheurs, des universitaires, ont commencé à se rencontrer, à se réunir, à se parler, à échanger. Fallait-il briser cet élan? Je ne le crois pas.
On me cite souvent l'exemple des Etats-Unis. C'est vrai qu'aux Etats-Unis, vous avez des clusters sur la Côte Est, sur la Côte Ouest, et presque rien au milieu, un désert. Ce n'est pas ma conception du développement économique et industriel de notre pays. Ce n'est pas ma conception de l'aménagement du territoire. Car, pour en revenir à des définitions simples, l'aménagement du territoire c'est la recherche d'un développement harmonieux et équilibré des territoires, de tous nos territoires. Tous les territoires ont un droit à la compétitivité, un droit à l'excellence.
Le parti pris alors par le Gouvernement - Nicolas SARKOZY et moi-même avons poussé en ce sens - a été de retenir 66 pôles qui méritaient d'être retenus. Ils forment un maillage extraordinaire de notre territoire.
Quand je visite les pôles, je suis toujours étonné de leur extrême capillarité. Ils innervent réellement les territoires, y compris des villes moyennes ou des territoires ruraux.
Mon argument est que la France s'est dotée d'une nouvelle politique industrielle, une politique volontariste, une politique qui ne sombre pas dans le défaitisme, une politique qui pense que tous les territoires ont un droit à la compétitivité. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si la délégation à l'aménagement du territoire - la DATAR - a laissé la place au 1er janvier 2006 à la délégation à l'aménagement et à la compétitivité des territoires. Les mots ont un sens. Il n'est plus possible de concevoir une politique uniforme, à partir de Paris, et qui ne prendrait pas en compte la diversité et la richesse de nos territoires.
Trop longtemps, l'aménagement du territoire a été perçu comme le "pompier" des territoires. Il fallait éteindre les incendies qui s'allumaient suite aux restructurations industrielles douloureuses que traversaient notre pays : les mines, la sidérurgie, les industries traditionnelles... Ce rôle demeure. Mais, aujourd'hui, nous inversons la tendance. Nous reprenons l'initiative dans nos territoires. Les décisions que prendra prochainement le Gouvernement, tant sur les futurs contrats de projets que sur les fonds européens, vont être frappées de ce principe simple : l'emploi est notre bataille majeure, et pour gagner cette bataille, il faut restaurer, soutenir et amplifier la compétitivité et l'attractivité de nos territoires, de tous nos territoires.
Le sujet des systèmes productifs locaux et des pôles de compétitivité, vous l'avez perçu, me passionne. J'aurais pu vous parler de nombreux autres sujets liés à ces regroupements. Vous êtes bien placés pour savoir l'importance du décloisonnement, du partage d'informations, du travail en réseau. Tout cela a été réussi au niveau local. Il faut continuer à agir au plan national.
En guise de conclusion, laissez-moi vous faire partager une conviction simple : notre pays est un "grand" pays. Il recèle une énergie formidable, une volonté de créer, une volonté d'avancer. Il faut juste libérer cette énergie, accompagner cette volonté. Et les résultats seront là. La France n'est pas irrémédiablement promise à voir partir ses entreprises et ses industries à l'étranger.
L'aménagement du territoire, pour moi, représente cette lutte contre l'irrémédiable, ce désir ardent d'aller contre le courant, contre ce que tous les autres vous présentent comme inéluctable.
Au risque de choquer les mathématiciens cartésiens ou les physiciens quantiques je dirai qu'au sein de ces systèmes, la somme des différences est égale à la multiplication des talents. C'est bien là l'enjeu primordial majeur de ces regroupements d'entreprises qu'ils soient SPL ou pôles de compétitivité : mener des actions collectives profitables à tous.
Telles sont les pistes de réflexion que je tenais à vous livrer ce jour. Bien entendu, je rappelle que votre contribution au travers de votre université d'été sera pour moi un précieux appui.Source http://www.interieur.gouv.fr, le 13 septembre 2006