Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, notamment sur les grandes lignes du budget 2007 du ministère, la lutte contre l'insécurité et les contrats de projet Etat-Régions, Paris le 28 septembre 2006.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Réunion des préfets à Paris le 28 septembre 2006

Texte intégral

Mesdames et Messieurs les Préfets,
Dans la continuité des interventions que vous avez entendues, je vous présenterai brièvement les grandes lignes du budget de notre ministère, avant d'évoquer plusieurs sujets d'actualité.
Comme Thierry BRETON et Jean-François COPE vous l'ont dit, le Gouvernement poursuit l'assainissement des finances publiques et la maîtrise de l'endettement. Dans ce contexte, le budget du ministère de l'Intérieur continue toutefois à progresser. L'augmentation de nos crédits de 2,1 % consacre ainsi le caractère prioritaire des actions que nous menons.
Ce résultat nous conforte, mais il nous incite aussi à être encore plus responsables. Je veux d'ailleurs saluer la manière dont les agents se sont investis en 2006 dans la mise en oeuvre de la LOLF. Grâce à eux, notre ministère a commencé de passer d'une culture de moyens à une culture de résultats.
J'entends que cet effort soit poursuivi en 2007, avec une idée simple : chaque centime d'euro que nous recevons doit être utilisé de la façon la plus utile et doit pouvoir être justifié devant les Français.
Je voudrais d'abord insister sur un résultat qui n'est malheureusement pas si fréquent : la loi de programmation pour la sécurité intérieure, que le Parlement a votée sur mon projet à l'été 2002, a été intégralement respectée au cinquième et dernier budget qu'elle cadrait. L'engagement pris devant les Français de donner aux forces de sécurité les moyens dont elles avaient besoin a été tenu.
En 5 ans, 6 200 fonctionnaires de police ont été recrutés. Avec la consolidation des effectifs surnuméraires, les effectifs de la Police nationale auront augmenté de plus de 9 000 fonctionnaires entre le 1er janvier 2002 et le 1er janvier 2008. Pour la première fois, l'effectif total dépassera 150 000 fonctionnaires et agents l'an prochain.
Les grands programmes d'équipement de la LOPSI seront parachevés en 2007 : les armes, les tenues, et surtout les grands systèmes d'information et de communication, avec l'achèvement de la couverture du territoire par ACROPOL, la création de 25 centres d'information et de commandement et la montée en puissance des fichiers d'identification. Enfin, les ambitions d'équipement immobilier de la LOPSI sont concrétisées : en 2007 comme en 2005 et 2006, nous mettrons en service 100 000 m².
La réalisation de la LOPSI montre que l'État peut mener dans la durée un programme ambitieux. Il montre que l'engagement politique ne se périme pas au bout de six mois et que les citoyens peuvent prendre confiance en la parole ministérielle lorsqu'elle s'appuie sur des chiffres vérifiables et des objectifs précis.
Pour parler plus précisément des nouveautés de 2007, les crédits du programme Police nationale augmentent de 2,3 % pour atteindre 8,2 milliards d'euros.
Il y aura 1 000 recrutements supplémentaires, dont 850 gardiens de la paix, et les crédits hors masse salariale augmenteront de 3,2 % pour atteindre 1,14 milliards d'euros. Concrètement, cela signifie de nouveaux centres de rétention administrative, à Nîmes, Orly ou Hendaye, le nouveau pôle du renseignement à Levallois-Perret, le pôle logistique national à Limoges et plusieurs nouveaux hôtels de police.
Pour conclure sur la police, je vous rappelle que les budgets de la LOLF ne fixent pas que des moyens, ils donnent des objectifs de performance. Dans le domaine de la sécurité, ce ministère a la chance d'avoir des objectifs particulièrement pertinents et compréhensibles par les citoyens. Je souhaite donc que mon successeur puisse annoncer qu'ils seront tenus. 28 000 reconduites exécutées, un taux d'élucidation de 33,5 %, une baisse de 1 à 2 % de la criminalité en zone police et de 2 à 5 % du nombre de tués sur la route. Cela parle à tous les Français.
Il est aussi important d'atteindre des objectifs plus techniques mais essentiels, par exemple un taux d'efficacité des procédures de violences urbaines de 60 %. Je vous demande de lire le projet annuel de performances des programmes de ce ministère et d'en faire votre feuille de route.
Quelques mots sur la mission sécurité civile : elle est dotée de 429 millions d'euros en 2007. Cet exercice marquera l'achèvement de la réforme engagée en 2003, avec trois priorités :
? moderniser les moyens aériens, avec l'acquisition d'un douzième Canadair et de trois EC 145 ;
? moderniser les moyens d'intervention contre les risques naturels et le terrorisme, avec notamment deux nouvelles embarcations pour l'intervention sur les navires et l'acquisition de dix équipements de camions-citernes feux de forêts ;
? enfin et surtout, le système de communication ANTARES entrera en oeuvre en 2007 et substituera à des réseaux locaux incompatibles entre eux une infrastructure mutualisée au niveau national. C'est une avancée majeure dans la coordination des actions de sécurité civile.
S'agissant de l'administration générale et territoriale, le budget nous donne les moyens d'aller plus loin dans la réforme de l'Etat.
Les Français attendent une administration plus efficace et plus juste, capable de garantir leur liberté et leur sécurité. Le ministère de l'Intérieur doit prendre la tête de ce mouvement, comme il l'a fait pour la LOLF.
Cela passe d'abord par l'accélération des grands projets structurants et innovants.
La sécurisation des titres est désormais réalisée pour les passeports et bien engagée pour les cartes d'identité et les titres de séjour. D'autres titres seront modernisés, avec le nouveau système d'immatriculation des véhicules, qui entrera en vigueur en 2008 et la refonte des permis de conduire.
Les titres que nous délivrons seront ainsi mieux protégés contre la fraude, plus faciles à produire et offriront des services plus performants à leurs détenteurs. Cela permettra aussi de libérer les préfectures de tâches purement matérielles au profit de missions plus qualitatives et personnalisées.
La production des titres sécurisés, notamment celle des passeports, sera prochainement confiée à un établissement public administratif, sous tutelle du ministre de l'intérieur et financé par les recettes provenant de la délivrance des titres.
Ce projet renforce la qualité des prestations assurées par l'Etat, en regroupant des compétences dispersées, y compris entre plusieurs ministères, et en identifiant des ressources budgétaires pérennes.
Pour les personnels, les mesures nouvelles atteignent 20,4 Meuros, à comparer aux 11 millions obtenus l'année dernière et aux 6,9 millions de 2005.
Cela permettra de valoriser le travail des agents territoriaux et d'administration centrale en accélérant le rattrapage indemnitaire.
L'objectif est de mettre un terme aux écarts de rémunération avec les autres ministères et de supprimer les disparités entre les filières. 11,5 Meuros y seront consacrés, soit deux fois plus qu'en 2006. Le cadre national des préfectures et les agents des systèmes d'information et de communication bénéficieront ainsi d'une augmentation de 7,3 %.
Au total, le régime indemnitaire, toutes filières et catégories confondues, aura progressé de 50 % depuis 2002.
Il est aussi grand temps que la rémunération constitue un véritable élément de motivation et de prise en compte de la performance pour les personnels et les équipes de travail. C'est une des missions que j'ai confiées à Bernadette MALGORN.
Il faut aussi renforcer nos compétences pour offrir un meilleur service aux Français.
Dans les années qui viennent, le ministère de l'intérieur va devoir relever deux défis : Un doublement des départs en retraite d'ici 2010-2015 et des missions exigeant des agents plus qualifiés, qu'il s'agisse de sécurité, de développement durable ou de conseil aux collectivités.
Pour y faire face, le plan de requalification sera accéléré et concernera près de 1 100 postes en 2007. Cet effort s'accompagnera du non-remplacement de 400 départs, dont 315 en préfectures. Enfin, le budget de formation progressera de plus de 12 % pour atteindre 1,5 % de la masse salariale, contre 1,2 % en 2006.
Au final, cela signifie moins d'activité de guichet, mais plus de cadres, mieux payés et mieux formés, avec de meilleures perspectives de carrière.
Ces mesures s'inscrivent dans le champ plus large des réformes statutaires, notamment la fusion des corps
A partir du 1er janvier, 40 000 agents d'administration centrale, des préfectures, de la police et de l'outre-mer seront progressivement regroupés en 3 corps (attaché, secrétaire administratif, adjoint administratif), au lieu de 16 aujourd'hui. Ces réformes vont offrir aux agents des possibilités nouvelles de mobilité et une gestion des ressources humaines plus cohérente.
S'agissant du dossier immobilier, l'installation du pôle Renseignements à Levallois permettra de regrouper des services dans les espaces libérés sur les sites de Beauvau et de Nélaton.
Le programme national d'équipement des préfectures (PNE) verra ses moyens maintenus au niveau de 2006. En deux ans, 100 Meuros auront été ainsi investis dans les préfectures, niveau jamais atteint par le passé. J'ajoute que des moyens exceptionnels seront dégagés pour mettre aux normes d'accessibilité les préfectures et sous-préfectures.
Le budget 2007 augmente donc nos moyens d'agir et consacre l'importance de l'action que nous menons. Je veux saluer devant vous le professionnalisme et l'implication des agents du ministère, en préfectures comme en administration centrale. Je pense spécialement aux services des étrangers, qui ont été mis à l'épreuve ces derniers mois. Je vous demande de leur transmettre mes remerciements.
Vous savez par ailleurs l'intérêt que nous attachons, avec Brice HORTEFEUX et Christian ESTROSI aux équilibres des collectivités locales et des territoires.
Vous devez le faire savoir à vos interlocuteurs : l'Etat a respecté les engagements qu'il avait pris lors de la mise en oeuvre de l'acte II de la décentralisation, en compensant loyalement et équitablement les transferts de compétences.
Il est même allé au-delà en accordant un surcroît de compensation de 157 Meuros en 2007. S'y ajoutent les 500 Meuros que le Gouvernement versera chaque année pendant 3 ans au titre du RMI, en plus des 4,9 milliards de compensation légale.
Pour 2007, le contrat de croissance et de solidarité a été reconduit assurant ainsi aux collectivités locales une progression des concours de l'Etat de 986 Meuros et de 957 Meuros pour la DGF.
Je souligne aussi la poursuite de l'effort de solidarité en faveur des collectivités, notamment à travers la progression de 13 % que la DSU enregistrera en 2007 pour atteindre presque 1 milliard, contre moins de 600 millions en 2002.
J'évoquerai à présent plusieurs sujets d'actualité qui doivent vous mobiliser, à commencer par la maîtrise de l'immigration.
Cet objectif est indissociable d'une vraie coopération avec les pays d'émigration. C'est le sens de l'accord que j'ai signé samedi dernier avec le Sénégal. Des négociations avec d'autres pays sont en cours. A court terme, vos efforts doivent être redoublés.
Premièrement, la circulaire du 13 juin est une parenthèse refermée.
Son application s'est déroulée dans de bonnes conditions grâce à votre mobilisation et celle de vos services. Nous avons reçu 33 538 demandes, examinées au cas par cas. 6 924 adultes ont reçu une carte de séjour.
Nous avons donc refusé de régulariser 26 614 personnes. Près de la moitié n'entrait pas dans le champ de la circulaire. Beaucoup relevaient du regroupement familial. Il vous appartient, depuis la rentrée scolaire, de revenir au "droit commun" : l'application de la loi, avec discernement.
Les personnes qui n'ont pas été régularisées au titre de la circulaire et qui ne relèvent pas d'autres procédures, par définition, n'ont pas vocation à rester dans notre pays.
Deuxième point : l'effort d'éloignement doit être accentué.
Je vous ai fixé un objectif de 25 000 éloignements cette année. Je constate que, lors des huit premiers mois, 14 304 étrangers ont été reconduits dans leur pays, auxquels s'ajoutent 650 retours volontaires aidés. C'est insuffisant puisque, à ce rythme, nous n'atteindrons pas les objectifs.
Je ne sous-estime pas vos difficultés mais on voit bien que les résultats sont très variables d'un département à l'autre. Il est impératif que vous mobilisiez plus encore vos services. Claude Guéant réunira cet après-midi ceux d'entre vous dont les résultats ne sont pas suffisants.
S'agissant de la prévention de la délinquance, le projet de loi a été adopté au Sénat, en 1ère lecture. Il en ressort conforté.
Les Sénateurs ont adopté les dispositions qui affirment le rôle du maire pour animer et coordonner la politique de prévention sans, pour autant, le transformer en « shérif. »
Le pouvoir qui lui est reconnu est d'abord un pouvoir de « relais » : en direction du président du Conseil général, du directeur de la CAF, du juge des enfants, du Procureur. Il n'y aura ici ni mélange des genres, ni confusion des responsabilités.
Comme je le souhaitais, les Sénateurs ont aussi renforcé le dispositif de lutte contre les violences conjugales issu de la loi du 4 avril 2006, en imposant un suivi socio-judiciaire obligatoire aux auteurs, dès lors que ces faits ont un caractère habituel.
Ils ont enfin validé nos propositions sur des sujets particulièrement sensibles :

- La nouvelle procédure d'hospitalisation d'office sera ainsi nettement distincte de l'hospitalisation sur demande d'un tiers, avec plus de garanties pour les maires, pour vous, mais aussi pour les patients grâce à une période d'observation de 72 heures.
- La loi de 1970 sur les stupéfiants est modifiée afin d'établir à tous les stades de la procédure pénale des sanctions qui soient adaptées aux pratiques d'aujourd'hui.
- L'ordonnance de 1945 sur la délinquance des mineurs est aussi adaptée, pour donner une réponse individualisée à chaque acte répréhensible. Cette réponse doit être rapide, graduée, proportionnée et adaptée au parcours du mineur délinquant.
J'insiste sur le fait que la réforme ne porte pas atteinte aux trois principes de l'ordonnance que sont la primauté de l'éducation sur la répression, la spécialisation des juridictions et l'excuse de minorité.
Contrairement à ce qu'on nous reproche, il ne s'agit ni de créer ni de renforcer les mesures répressives et rien ne vient faciliter ou renforcer l'incarcération. En revanche le jugement sera plus rapide et la sanction sera plus certaine. Les mineurs ne doivent pas avoir le sentiment de bénéficier d'une véritable immunité.
Le Sénat a aussi complété le projet du Gouvernement, par deux dispositions dont vous mesurerez toute l'utilité.
La première modifie les procédures contre le stationnement illicite des gens du voyage : en cas de menace pour l'ordre public, vous pourrez, après une mise en demeure assortie d'un délai d'au moins 24 heures, faire procéder à l'évacuation des caravanes. Le constat d'huissier ne sera plus nécessaire. Ce sera aux fauteurs de trouble de saisir le tribunal administratif, désormais compétent et qui devra statuer dans un délai de 72 heures.
Cela s'ajoute aux directives que vous avez reçues début août pour simplifier la réalisation des aires d'accueil. Il faut en finir avec les réalisations de prestige à vocation paysagère, pour coller aux besoins de ces populations, dans des conditions dignes.
La seconde concerne les chiens dangereux : vous pourrez ordonner le placement dans un dépôt adapté de tout chien présentant un danger grave et imminent, et si besoin faire procéder à son euthanasie. Le tout, bien sûr, aux frais du propriétaire.
Cela m'amène à la lutte contre l'insécurité.
Entre 1998 et 2002, la délinquance avait augmenté de 14,5 %. Depuis quatre ans, elle a baissé de 8,8 %, ce qui représente plus d'1 million de victimes épargnées. La chute de la délinquance de voie publique est encore plus forte, avec moins 23,5 % en quatre ans, contre plus 10 % entre 1998 et 2002.
La priorité porte plus que jamais sur les violences aux personnes. Une circulaire en ce sens vous sera prochainement adressée, mais vous avez ici un devoir d'initiative tant en ce qui concerne la prévention que la répression. Ceux d'entre vous qui enregistrent des résultats insuffisants ont été réunis ce matin.
Je vous demande aussi d'accroître vos efforts en matière de lutte contre l'alcoolisme en utilisant toutes vos prérogatives, y compris pour ordonner des fermetures administratives.
Je vous invite enfin à vous rapprocher des magistrats de votre département pour établir un diagnostic partagé et préciser les orientations. La baisse de la délinquance ne sera durable que si la justice pénale donne des suites au travail de la police.
Quelques mots à ce stade sur l'excitation médiatique de la semaine dernière. Nous le savons tous, il existe une crise de confiance entre les Français et la Justice et je considère qu'il est de ma responsabilité de porter une appréciation sur le fonctionnement de ce service public.
Face à une insécurité qui se nourrit de l'impunité, la question de l'efficacité de la réponse pénale à la délinquance se pose chaque jour et partout. Se taire, c'est aussi entretenir le sentiment de peur dans lequel vivent une partie de nos concitoyens.
Il ne s'agit nullement pour moi de porter atteinte en quoi que ce soit à l'indépendance de la Justice, ni au fonctionnement de l'autorité judiciaire. Il s'agit simplement d'affronter la réalité en face.
Un autre chantier vous attend d'ici la fin de l'année : la conclusion des contrats de projets État-régions.
Vous avez reçu en juillet des mandats de négociation, qui ont fourni une base de départ à la réflexion de vos partenaires. Comme tous les mandats de négociation, ils pourront évoluer, dans certaines limites.
Il faudra en particulier tenir compte du fort appétit pour les priorités autour desquelles nous avons voulu resserrer les contrats : les transports alternatifs à la route et la société de la connaissance à travers l'enseignement supérieur et la recherche.
L'État a pris ses responsabilités, en fonction de ses possibilités financières, en mettant cette première proposition sur la table. Ce n'est pas à lui de proposer à nouveau. Ce sont nos partenaires, spécialement les conseils régionaux, qui doivent maintenant formuler leurs projets, et assumer eux aussi que leurs capacités financières ne sont pas infinies.
Je crois que 4 mois sont un délai suffisant pour le faire, d'autant que le calendrier a été annoncé dès le CIACT du mois de mars. Début novembre, si vous n'avez pas de réponse précise du conseil régional, je vous demande de continuer la discussion avec les autres partenaires, sur les champs de compétence qui sont les leurs : les villes, agglomérations et conseils généraux ont des compétences qui se prêtent à la contractualisation et ne doivent pas être pénalisés par l'éventuelle inertie d'autres partenaires.
Je vous demande enfin d'intégrer une approche de développement durable, dans la négociation et l'application de ces contrats. J'ai voulu que pour la première fois ils contiennent un bilan carbone, projet par projet. Ce paramètre de changement climatique doit être pour vous une préoccupation majeure et les contrats 2007-2013 doivent marquer une nouvelle approche, où la programmation des infrastructures publiques intègre le souci de la lutte contre l'effet de serre.
Je vais montrer la voie en présentant d'ici la fin de l'année une véritable stratégie ministérielle du développement durable, qui s'appliquera autant aux préfectures et aux forces de police qu'en centrale.
De multiples initiatives concrètes ont déjà été prises et des résultats tangibles ont été obtenus. Mais ces démarches sont dispersées et trop peu valorisées. En outre, certains restent en retrait de ce mouvement.
Mon objectif est non seulement de fédérer ces initiatives et de mobiliser les agents autour du développement durable, mais aussi de tracer de nouveaux axes d'action, par exemple en termes de dotations aux collectivités locales.
Je veux des mesures extrêmement pragmatiques et immédiatement visibles, comme l'usage des bio-carburants, les économies de papier ou le recyclage des déchets, qui donnent lieu à un gaspillage invraisemblable.
L'attention portée au développement durable constituera l'un des critères d'évaluation des membres du corps préfectoral et l'une des priorités de notre politique de formation.
Je veux, pour conclure, vous entretenir du rôle qui doit être le vôtre au sein de l'Etat, comme je le ferai le 3 octobre prochain devant les sous-préfets réunis en séminaire.
En ces temps où le débat public est marqué par une certaine confusion, le moment me semble venu de rappeler quelques vérités simples et trop vite oubliées.
L'Etat, ce ne peut plus être l'Etat Providence tel que nous l'avons connu dans ses traits les plus caricaturaux, tel que nous le connaissons encore, souvent, lorsque de très haut et de très loin il prétend se mêler de tout et se substituer abusivement à l'initiative individuelle.
L'Etat, c'est tout simple : c'est vous, au premier chef, c'est l'ensemble des hommes et des femmes qui ont pour tâche de défendre l'intérêt général, et de l'imposer contre les excès des corporatismes, contre ces petites tyrannies innombrables qui finissent par étouffer la liberté de tous pour le plus grand profit de quelques-uns.
Ce qui est en cause, c'est d'abord l'application de la loi. Car un pays où les lois votées au nom du peuple sont bafouées ou ignorées n'est pas un pays libre. J'ai souvent eu l'occasion de le rappeler devant vous, notamment au sujet de la politique migratoire. Cela ne dépend pas que de vous, mais vous êtes en première ligne.
Défendre l'intérêt général, c'est aussi agir, agir sans cesse, prendre des initiatives pour que le pays dans toutes ses composantes tire le bénéfice de cette énergie collective qui fait son unité et sa raison d'être. Pour toutes ces raisons, les gouvernements ont besoin d'une bonne administration, qui ait elle-même de l'énergie et du ressort.
C'est pour cela qu'a été créé le corps préfectoral. C'est pour cela que la République a mis en place, autour du préfet, l'administration territoriale.
Mais les choses ont changé. Si l'administration territoriale a toujours vocation à veiller à l'application des lois, et surtout à transmettre l'impulsion gouvernementale, l'action publique est désormais le fruit d'une multitude d'acteurs - collectivités de tout niveau, structures intercommunales, établissements publics.
Cette révolution est en cours, et l'un des défis majeurs que l'Etat doit relever, c'est précisément de l'accompagner, d'en stimuler les éléments les plus positifs, d'en combattre les effets pervers, pour éviter que l'avènement de la démocratie locale ne se traduise par l'atomisation de notre énergie collective.
Ma conviction est que les Français veulent rester - peut-être même redevenir...- une nation gouvernée. Avec des valeurs communes, avec les mêmes ambitions mais aussi les mêmes garanties pour tous.
Il faut donc agir. Selon des modalités différentes, mais agir, et encore agir, et agir toujours. Et l'outil, nous l'avons. C'est l'administration territoriale. Dans cette mesure aussi, sa vocation est loin d'être périmée.
Mais si nous en sommes bien convaincus ici au ministère de l'Intérieur, combien de citadelles ministérielles sont-elles prêtes à l'admettre ? A la faveur de la décentralisation, à la faveur surtout de tel ou tel dispositif technocratique mis en place par telle ou telle administration soucieuse de ses prérogatives, l'Etat, localement, se fragmente alors qu'il devrait se regrouper. Au lieu de se mettre en ordre de bataille, de resserrer ses dispositifs, il se dilue, se dédouble, se superpose.
Si on ne réagit pas, l'Etat finir par s'effacer, au profit d'administrations éparses, redondantes, sans énergie...
Vous m'avez compris, je crois profondément à l'importance et à l'utilité de l'Etat territorial, dans toute sa dimension interministérielle. Je crois qu'il ne peut accomplir ses missions que dans la cohérence : cohérence entre les administrations qu'il met en oeuvre ; cohérence entre les différents niveaux de son intervention ; cohérence dans ses objectifs.
L'heure est venue, pour notre réseau territorial, de faire la preuve de son dynamisme, de sa capacité à se réformer pour mieux fédérer l'énergie collective portée par l'Etat sur chaque partie de notre territoire. Bref, de se mettre en ordre de bataille autour d'objectifs communs : défense de l'intérêt général, impulsion de l'action publique, maintien des grands équilibres du territoire - mais avec ces exigences singulières qui sont plus fortes qu'elles ne l'ont jamais été : assurer, partout et en tout lieu, la sécurité de nos concitoyens ; faire respecter, sans faiblesse, la loi voulue par le peuple et votée par ses représentants ; développer sans relâche l'égalité des chances ; promouvoir, sans jamais faiblir, l'intégration de tous.
On le voit bien dans les situations de crise : chacun se tourne vers l'Etat, parce qu'il est le seul à pouvoir agir et coordonner. Or les crises ne sont que l'exacerbation d'une exigence permanente, qui est celle de l'intérêt général. Il y a là pour vous un rôle décisif à jouer. C'est la condition de votre légitimité.Source http://www.interieur.gouv.fr, le 2 octobre 2006